[Poésie, Manuscrit] Cadette des 7 (#épisode 49)

non dit-elle

dedans box silence

comprendre cadette des 7

dit inverse à police

j’étais dans un état psychologique

président comprendre

réel normal mobile

relit pv

plus garder de suite bébés

processus enclenché de suite

plus maître

dedans pv

noir sur blanc

président comprendre

réel normal mobile

dedans box pleurs

cadette des 7

dans un état psychologique

regard perdu

cadette des 7

dire indicible

jusqu’ blanc

mari perdu

dedans tête

loupé vie rien vu rien fait vie loupée

semi-remorque en pleine poire

dedans tête

pas vu pas su

bébé vit

poumon respire

bébé crie

procureur comprendre

elle a donc entendu les cris des bébés forcément

président comprendre

réel normal mobile

relit pv

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Bing à Ebbing

Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, Martin McDonagh, 2017

index

« Cela me plaisait que le titre soit long, excentrique. Et le fait qu’il soit tellement particulier le rend aussi mémorable. » déclare le réalisateur anglo-irlandais McDonagh. La traduction française de son troisième film est toujours aussi ridicule, il va falloir y remédier un jour, 3 billboards – Les Panneaux de la vengeance. La loi 101 n’est, pour une fois, pas heureuse : Trois Affiches Tout Près d’Ebbing, Missouri au Québec. L’amateur de The Clash, de Ne vous retournez pas de Nicholas Roeg (Don’t Look Now, 1973), où un couple éprouve la disparition brutale de leur jeune fille, et de Paris, Texas (Wim Wenders, 1984), nous décrit au scalpel un patelin perdu dans le trou du cul du Midwest, Missouri, mi-péquenauds, dans la Bible Belt, même si le lieu de tournage est plutôt dans l’ouest de la Caroline du Nord, une bourgade montagnarde. Consciencieux, McDo a visionné ses deux autres films : dans 7 psychopates (Seven psychopaths, 2012), « il manquait une connexion humaine. Dans In Bruges, j’étais avec le personnage de Colin Farrell et laissais de l’espace pour la part triste de l’histoire à travers les silences, les regards. Ce n’était pas simplement drôle, burlesque. ». Mais caution, Lemy, pour ce polar qui n’en est pas un : « Il ne s’agit pas pour autant d’une réaction directe à la situation en Amérique ces dernières années ». Quelques séquences à la Tarantino sont efficaces pour ce film d’1h55 : un passage à tabac avec défenestration, dans un bar pour la bonne cause, le retour de fraise du dentiste qui venge Dustin Hoffman en Babe (Marathon man, John Schlesinger, 1976) ; la peau de vache qui, dans ce rape and revenge mais pas que, balance des cocktails Molotov et cogne des lycéens impertinents devant son fils médusé. Ambiance.

*

Humains, trop humains

Mère ___rage

Outre un humour noir à la Coen, même si McDo s’en défend, et des dialogues à la serpe trempée dans l’acide (« Tu sais ce qu’ils font des tafiottes à Cuba ? Ils les tuent ! – Tu es sûr que ce n’est pas plutôt dans le Wyoming ? »; McDo s’inspirant de Pinter, Shepard, ses personnages forts en gueule et loosers magnifiques, et Mamet a écrit The Leanane Trilogy et The Aran Islands Trilogy, récompensés en 1996 du London Critics Circle Theatre Awards; dès 2003, son univers théâtral se teinte d’humour noir avec The Pillowman, A Behanding in Spokane créé à Broadway en 2010 avec en tête de gondole Christopher Walken; à noter que McDo trouve fort justement que MilkShakespeare est ennuyeux), les personnages sont complexes, évoluent en sondant leur part d’ombre mais aussi leur beauté puisque, selon le metteur en scène, il s’agit d’un film … optimiste ! « Le plus terrible dans ce monde, c’est que chacun a ses raisons. » Renoir l’avait déjà mentionné.

Et voilà que débarque Frances McDormand, déjà auréolée d’un oscar pour son rôle de flic humaine, teigneuse et enceinte jusqu’au cou (Fargo, 1997, Frères Coen dont l’un est marié à Frances qui joua Abby, une femme prise dans un triangle amoureux entre patron de bar texan, barman et tueur à gages au rire sardonique dans Sang pour sang, Blood simple, 1984, dans Arizona Junior, Raising Arizona, 1987, Miller’s Crossing, 1990, The Barber, 2002, Burn After Reading, 2008 où elle a incarné l’employée loufoque d’une salle de gym, collègue de Brad Pitt, rêvant de chirurgie esthétique, Ave, César !, 2016 en passant par l’ami du clan, Sam Raimi, Darkman, 1990, ou encore Ken Loach pour Secret Defense, Hidden Agenda, 1990, John Boorman, Rangoon, Beyond Rangoon, 1995, le thriller Mississippi Burning d’Alan Parker, 1988 où elle est nommée pour l’oscar du meilleur second rôle tout comme dans Presque célèbre, Almost Famous de Cameron Crowe, 2000 où elle est la mère, Père et flic, City by the Sea, Michael Caton-Jones, 2002 où elle dialogue avec Robert de Niro, ou encore la femme de Sean Penn, un rocker gothique vieillissant chasseur de nazi dans This Must Be the Place de Paolo Sorrentino, 2011, Moonrise Kingdom de Wes Anderson, 2012 avec Edward Norton et Bill Murray, le blockbuster de Michael Bay Transformers 3 : La Face cachée de la Lune, Transformers : Dark of the Moon,  2011;  au théâtre, elle incarna un rôle dans Un tramway nommé désir, A Streetcar Named Desire de Tennessee Williams ou encore Lady Macbeth dans la pièce de Shakespeare), en white trash travaillant dans une boutique de souvenirs kitschs avec son bandana en hommage à Walken dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter, Michael Cimino, 1978), son visage figé, la mâchoire serrée à la Calamity Jane avec son bleu de travail. L’un des deux flashbacks indique que les rapports avec son ado, la mal nommée Angela, une sorte de MacGuffin à la Laura Palmer, n’étaient pas simple : elle lui a interdit fermement d’emprunter la voiture le soir fatidique. Balancer des céréales sur la tronche du jeune fiston (celui qui était dans Manchester by the Sea, Kenneth Lonergan, 2016 traite ici sa mère de « vieille pute ». Mildred s’insurge : « Pourquoi vieille ? Je ne suis pas vieille ! ») n’est pas d’une élégance folle bien qu’il soit drôle de se retrouver dans une scène à la Laurel et Hardy dont bien des parents rêvent. « Elle est arrivée avec cette idée de western, et d’une figure de ce type. Sans apprécier John Wayne outre mesure, j’ai trouvé judicieux le choix d’une icône américaine pour qui le job doit être exécuté. Mais du coup, le film a sans doute un peu plus penché du côté du western que je ne l’imaginais au départ. Et Carter Burwell, le compositeur, a dû s’en rendre compte lui aussi, parce que sa partition a apporté des touches de western-spaghetti. Après coup, j’ai dû me rendre à l’évidence : les éléments de western, avec une personne débarquant en ville pour aller débusquer les méchants, sont bel et bien présents, même si je n’avais pas envisagé Three Billboards comme tel au moment de l’écriture. » Western oui, dans la lignée entre autres de Trois enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada, Tommy Lee Jones, 2005) et Comancheria (Hell or High Water, David McKenzie, 2016) mais pas seulement.  Il y a aussi du Spencer Tracy errant dans la bourgade d’Un homme est passé de John Sturges (Bad Day at Black Rock, 1955), à la recherche d’un nippon lynché par les autochtones durant la deuxième guerre mondiale. Cette go and get it, qui pourrait être une Mildred Pierce (Le roman de Mildred Pierce, Michael Curtiz, 1945) n’a pas sa langue dans sa poche, en bravant le code Hayes, en recadrant un prêtre sur le thème de la pédophilie, en remplaçant ces foutus babillards énormes, qui se voient de loin sur une route abandonnée, autour desquels le film est un peu trop axé en plans larges et en perspective : « Agonisante et violée »; sur le deuxième, « Et toujours pas d’arrestation ? »; « Pourquoi, chef Willoughby ? » sur le troisième en lettres noires sur fond carmin. « Ma fille, Angela, s’est fait enlever, violer et assassiner, il y a sept mois le long de cette route. Et apparemment, les policiers de la région sont trop occupés à torturer les Blacks pour avoir le temps de faire leur boulot et d’aller arrêter les vrais criminels. Je me suis dit que ces panneaux les feraient peut-être réfléchir… En fait, je ne sais pas ce qu’ils font. Ce que je sais, c’est que le corps brûlé de ma fille repose six pieds sous terre. Et eux, ils s’enfilent des beignets toute la journée et arrêtent des gosses parce qu’ils font du skate sur les parkings… » Nous pourrions nous passer des photos du corps calciné. C’est pendant un de ces voyages que Martin McDonagh, entre Alabama, Georgie et Floride, a aperçu à travers la vitre du bus qui traversait une ville du sud des Etats-Unis, trois panneaux publicitaires qui reprochaient à la police locale de ne pas avoir élucidé un meurtre. « J’y ai lu de la colère, de la douleur et du courage » souligne McDonagh.

Grillé, le poulet

     Bref échange entre l’incompétent chef de la police, qui se révèle proche des gens, un bon manager rempli de bonté et de philosophie, un père et un époux admirable, à lire sa touchante lettre d’amour, et la mère tant éplorée au point que si on la secoue, elle est pleine de larmes : « Vous saviez que j’étais malade, mais vous avez quand même mis mon nom sur cette affiche ? » demande, incrédule, le robuste flic à Stetson. « Pour que ce soit efficace, il fallait bien le faire avant que vous claquiez, non ? ». Le chief Woody Harrelson était déjà présent dans la série True Detective, Tueurs nés (Natural Born Killers, Oliver Stone, 1994), No Country for Old Men (avec le Stetson de Wells, Frères Cohen, 2007), Insaisissables (Now You See Me, Louis Leterrier, 2013) avec sa stature, sa tronche de traviole qui bouffe ses mots pour en sortir des perles.

     Les flics n’ont pas la part belle. « Tu sais, si on devait dégager tous les flics racistes, il n’en resterait que trois. Et ces trois-là détesteraient les pédés » (Woody Harrelson à Frances McDormand). Dixon cumule : redneck plus ultra fort bas de plafond (pléonasme), raciste (il cogne les noirs mais n’aime pas qu’on les traite de « nègres » car ce sont des « gens de couleur » qu’il tabasse ! « So how’s it all going in the nigger-torturing business, Dixon? -It’s « Persons of color » – torturing business, these days, if you want to know … »), homophobe, fainéant à mettre les talons sur le coin du bureau (avec Abba en fond), alcoolique, fils à maman elle-même alcoolique et autoritaire. « Dans un premier montage, il y avait plus de numéros de Sam Rockwell faisant l’idiot par exemple. C’étaient de super scènes mais cela nous éloignait de la tragédie. » Rockwell prend son pied en adjoint Dixon et nous aussi : « Je suppose qu’il y a une part de dégoût de soi, dont souffrent beaucoup de racistes. Je pense que c’est d’abord cela. Il y a aussi sa relation étrange avec sa mère. » affirme l’acteur qui a travaillé avec un suprématiste blanc repenti. S’il a patrouillé avec de la flicaille pour s’imprégner, il s’inspire également de la série Cops. « Coal Miner’s Daughter est un super film sur la culture hillbilly, Tender Mercies avec son regard sur la country, Lonesome Dove est excellent, d’autres westerns aussi ou même The Right Stuff, qui en a la philosophie. » L’incroyable Rockwell, véritable character actor interpréta des rôles dans le cinéma indépendant new-yorkais (Last Exit to Brooklyn d’Uli Edel, 1989, Basquiat de Julian Schnabel, 1996, Box of Moonlight de Tom DiCillo, 1996) et aussi dans Celebrity de Woody Allen (1998), Galaxy Quest de Dean Parisot (1999), dans La ligne verte (The Green Mile, 1999) de Frank Darabont en psychopate marquant, Confessions d’un homme dangereux (Confessions of a Dangerous Mind, le premier film de Georges Clooney où Rockwell obtint le prix d’interprétation à Berlin en 2002) où il est Chuck Barris l’animateur de tv, Les associés (Matchstick Men, Ridley Scott, 2003), L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (The Assassination of Jesse James, Andrew Dominik, 2007), dans Frost/Nixon, l’heure de vérité (Frost/Nixon, Ron Howard, 2008), Moon (2009) de Duncan Jones, le fils de Bowie, où il est Sam Bell l’astronaute, Iron Man 2 (Jon Favreau, 2010), Cet été-là (The Way, Way Back, Nat Faxon et Jim Rash, 2013), dans The Best of Enemies (Robin Bissell, en cours de tournage) comme membre du Ku Klux Klan. Il ne partage pas que le même goût pour le cinéma indépendant américain des années 70 (Bob Rafelson, Martin Scorsese, Peter Bogdanovich, Terrence Malick, etc.) avec McDo, il a participé à sa pièce A behanding in Spokane et à son deuxième film, 7 Psychopathes (2012). « Sam [Rockwell] et moi, nous apprécions les films avec Robert De Niro jeune, Marlon Brando, James Dean ou Montgomery Clift. Et en écrivant, j’ai réalisé qu’ils n’avaient pas vraiment d’équivalent féminin : les jeunes filles n’ont pas de Travis Bickle [le personnage joué par Robert De Niro dans Taxi Driver, M. Scorsese, 1976] ou de Marlon Brando, quelqu’un pouvant influer sur la façon dont vous allez marcher ou vous tenir, adolescent. » Baste, le poulet cédera à la rédemption, thème américain en diable, grâce à l’un des redoutables et imparables effets de scénario, des arcs, qui nous font tomber dans le panneau.

Željko Ivanek, figure familière des génériques télé et ciné, est également un sergent Rantanplan.

Des seconds rôles pas si seconds

     Les acteurs-trices sont au même niveau. Peter Dinklage, nain viril sorti de Freaks – La monstrueuse parade (Freaks, Tod Browning, 1932), Fellini, Les nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen, Werner Herzog, 1970), également Tyron Lannister dans Game of Thrones, est touchant dans une étrange scène de drague. Le flic, ex-mari de Mildred, Hawkes en Charlie, se tape une jeunette écervelée en short de … 19 ans qui arrive à sortir, à la lecture d’un marque-page, que « La haine attise la haine ». La belle gueule Caleb Landry Jones (Red Welby), aux chemises incroyables, a été vu dans The social Network (David Fincher, 2010) et dans Queen and country (Boorman, 2014), Twin Peaks (David Lynch, 2017), Get Out (Jordan Peele, 2017) et The Florida Project (Sean Baker, 2017). Il a débuté dans No Country for Old Men – Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (No Country for Old Men, Frères Cohen, 2007). Un directeur d’agence de pub qui lit Flannery O’Connor n’est pas fondamentalement mauvais ! Enfin, celui qui remet les pendules à l’heure au commissariat, Clarke Peters, dégage une véritable classe et laisse songer à une réincarnation de Morgan Freeman.

*

     La fin, un road-movie vers l’Idhao, est ouverte et ingénieuse. Par contre, maigres réserves, certains plans avec du flou en second plan font bondir, de même qu’une surexposition aveuglante dans deux scènes. Enfin, l’omniprésente musique de l’habitué des Cohen, Carter Burwell, ponctuée de standards folk ou country pour renforcer l’americana (Townes Van Zandt, Joan Baez, etc.), indispose parfois tant la scène est surlignée. Un bon film bien ficelé.

Bingo pour ce film à 15 millions de dollars financé par la filiale « art et essai » du studio Fox : prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2017; people’s Choice Award au Festival international du film de Toronto 2017 (TIFF); prix du public au festival international du film de La Roche-sur-Yon et à Vesoul (2017); quatre golden globes (meilleure actrice, meilleur film dramatique, meilleur second rôle pour Sam Rockwell, et meilleur scénario) antichambre des oscars pour McDo & McDo, SAG awards, syndicat hollywoodien des acteurs (meilleure actrice pour Frances McDormand, du meilleur second rôle et de la meilleure distribution), Critics choice awards et ce n’est certainement pas fini. Mérité.

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 (#épisode 48)

dires du box

impossible décrire

accouchement rien

images brèves

dire indicible

dedans box

pour police aveux

garde à vue

pleurs enfant

déchirer cordon

étrangler d’une main

dedans pv

noir sur blanc

selon légiste

461 462 morts

par manque d’

comprendre

incompréhensible

dedans box

cadette des 7

impossible décrire

accouchement rien

images brèves

dires du box

blanc sur noir

dit décider tuer

dès enceinte ?

non dit-elle

dedans box silence

comprendre cadette des 7

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit, poésie] Cadette des 7 [#épisode 47]

CV BAC + DEUG

mère au foyer

MGMT

en boucle

que faire ?

trouver boulot

dedans bureau

se réveiller

matin pour

heure pointe ?

cadette des 7

mère de 2 drôles

président comprendre

incompréhensible

dire indicible

noir sur blanc

cadette des 7

dedans box

traits tirés -nul

corps ai-je –

comme ses cheveux

  • nulle descr –

tirer trait

sur comprendre

incompréhensible

dire indicible

relater découverte

461 462

jamais vus

dedans tête

mari perdu

1er tiroir

2e tiroir

3e tiroir

4e tiroir

bac main sac

461 jamais vu

5e tiroir

462 dedans tête

à aucun moment dans votre vie ?

jamais vus

mari perdu

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Superbe film d’esthète

Le portrait interdit, Charles de Meaux, 2016, 1h34

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Enfin un film délicat et qui dure moins de deux heures !

De Meaux, choisissons le moindre

          Loin de l’évêque meldois aux sermons charpentés, De Meaux semble une personne intéressante : d’abord jockey, non seulement il crée des œuvres d’art plastique exposées au Guggenheim de New York ou à Beaubourg mais il monte aussi en 1997 sa société de prod., Anna Sanders films, avec, entre autres, les plasticiens Philippe Parreno, Pierre Huyghe ou Dominique Gonzales-Foerster. Coproducteur des films du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), Loong Boonmee raleuk chat, Palme d’or, Festival de Cannes 2010), proche de l’installation d’art contemporain, il réalise des films, essentiellement en Asie : au Pamir (Le Pont du trieur, 2000), au Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Kazakhstan (Shimkent hôtel, Shimkent Hotel, 2003 où Melvil Poupaud joua lors d’un tournage éprouvant), à Macao (Stretch, 2011, qui défraya la chronique à cause de la mort de David Carradine, où la star, l’actrice, chanteuse, égérie de marques de luxe et productrice Fan Bingbing apparaissait déjà ; l’ancienne colonie portugaise a nourri la fiction, l’imaginaire populaire chez Ian Fleming, Joseph Kessel, Ernest Hemingway, Antoine Volodine et son post-exotisme entre autres en passant par l’enfer du jeu de toc dans les studios hollywoodiens). Le point commun chez De Meaux ? Les récits énigmatiques, hantés par la perte, l’angoisse de la disparition.

Tribulations d’un tournage

          De Meaux plante l’ambiance : « Chaque jour, il [le tournage] aurait pu s’interrompre définitivement. Les difficultés de dialogue avec les techniciens, une incompréhension dans mes attentes sur le décor, les tracasseries administratives. Nous avons échappé de justesse à la catastrophe à de nombreuses reprises ! Sur le plateau, presque personne ne parlait anglais… » Le chef-opérateur chinois se fâche régulièrement avec le réalisateur, la tension monte ; un technicien français est pris en otage. La chaleur estivale, 38°, n’arrange rien. Bingbing est une telle star (après Buddha Mountain, Guan yin shan, Yu Li, 2010, Far Away : les soldats de l’espoir, Mai wei, Je-kyu Kang, 2011 elle devient, en succédant à Gong Li, la chinoise d’Hollywood avec X-Men, Days of the Future Past, Bryan Singer, 2014) que, dans une petite ville du Nord de la Chine à la frontière de la Mongolie, des milliers de fans de Fan débarquent, les acteurs sont obligés de se réfugier dans une cabane de jardinier, l’équipe s’occupe de faire circuler des faux bruits pour les éloigner, l’armée s’en mêle pour assurer la sécurité des artistes (le chanteur de hip-hop Huang Jue interprète le rôle de l’empereur ; la suivante de gnagna l’impératrice est connue à la télé ; le grand intendant est une star du théâtre de Taïwan). Dans son carnet de tournage, Voyage à Film City chez Pauvert, Melvil Poupaud relate les décors, dans l’immense studio où les bâtiments et les cantines poussent comme des champignons, de la Cité interdite pas terminés à Pékin, les costumes d’époque en soie brodés à la main bloqués à l’atelier, une route qui s’effondre, empêchant l’acheminement du matériel de tournage. Suite à de récurrents problèmes de visa, Melvil doit rebrousser chemin sur le tarmac pour la septième fois suite à un courriel sec des producteurs chinois qui lui ordonne de rester chez lui. Son propre doublage en mandarin générant chez lui des suées d’angoisse, après l’utilisation de codes couleurs pour le parler phonétique, n’est pas simple : « J’ai usé trois coachs, on a refait le film entièrement une dizaine de fois, une torture… » Le supplice chinois. Gageons pour les chinois, puisque le film sort début 2018 dans l’empire du milieu, qu’il soit meilleur que le japonais Eiji Okada pour les français dans Hiroshima mon amour (Resnais/Duras, 1959).

          Et la censure dans cette co-production franco-chinoise ? Le film devait finir sur une scène muette, le jésuite peignant le visage de l’impératrice dans une ambiance érotique. Baste la scène onirique d’amour fantasmée avec Fan Bingbing. Un casse-tête chinois pour le jésuite en proie aux démons de la chaire, pas celle des sermons. Ceci dit, le contournement, avec un nu de dos, avec effets de vitesse et de flouté est des plus intéressants sur le plan artistique : la censure sert, une fois de plus, l’érotisme qui monte depuis les regards troublés entre le peintre et son modèle. La robe de l’impératrice pose problème car les couleurs ne seraient pas les bonnes selon les chinois. Pas le droit non plus de filmer un curé en prière.

          La Cité interdite ? « Mais la façon de représenter aujourd’hui la Cité interdite obéit à des codes, qui veulent que ça soit le plus grand et le plus fastueux possible, sans recherche historique précise, avec tout un imaginaire national en partie créé par les habitudes des décorateurs. Ce qui m’intéressait, c’était la réalité de cet espace, d’après les sources que j’ai consultées : au milieu d’une ville qui était alors déjà très grande et active, cet énorme rectangle de vide, abstrait et symétrique. C’est construit pour être vu du ciel ! On a travaillé dans ce sens sur les décors, mais aussi sur les espaces sonores. L’endroit était baigné dans le silence pour ne pas déranger les pensées de l’empereur. On a donc cherché des ambiances extérieures très dures et réverbérées, et à l’intérieur, le silence confiné de ces petites pièces, conçues pour être chauffées. C’est une ville où il peut faire très froid… » Les plans larges avec grands angles (« une partie de la Cité Interdite construite pour le film de Bertolucci, puis transformée en sorte de parc à thème pour les touristes, et aussi utilisée pour des séries télé chinoises ») laissent songer à Epouse et concubines de Zhang Yimou (Da hong deng long gao gao gua, Raise the Red Lantern, 1991) où l’héroïne affirmait également sa personnalité, son moi, même, contre les traditions. De Meaux ajoute : « C’est étonnant de découvrir leur vision de la Cité interdite : elle est là, sous leurs yeux, mais à l’écran, ils ne la rattachent pas à la réalité historique. Ils l’imaginent et la construisent comme une sorte de vaisseau spatial pour heroic fantasy. » Même si le conservateur du Musée de la Cité interdite l’a traité de fou, le metteur en scène a bénéficié de sa précieuse aide. En effet, l’« histoire connectée » précise que le règne de l’empereur Qianlong équivalait celui de Catherine II en Russie (L’impératrice rouge, Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich, 1934) ou de Frédéric II en Prusse (Le Grand Roi, Der große König, Veit Harlan, 1942) : il a constitué une cour brillante et cosmopolite où le jésuite Giuseppe Castiglione, peintre et architecte, exerça son aura de courtisan cosmopolite. Loin de l’amidonné Ivory, nous nous approchons, bien que l’angle soit plus singulier ici, de The Assassin d’Hou Hsiao-Hsien (Nie Yinniang, 2015 qui évoquait le IXe siècle sous la dynastie Tang). A l’époque où officient Vigée Le Brun, Bouchet et Fragonard en France, les toilettes chinoises de soie brodée dont les robes, non droites à la Tintin dans Le lotus bleu pour l’export, évasées, lourdes, ornées de broderies onéreuses, les meubles sculptés, les vases nous émerveillent. Le softpower chinois est à son comble mais, contrairement à l’ancien publicitaire Jean-Jacques Annaud, ici l’artistique est plus que présent.

A chacun son Dole

De Meaux est attiré en 2012 par hasard par un tableau énigmatique, tel Vertigo d’Hitchcock (Sueurs froides, 1958). « Lors d’une discussion animée, des amis chinois producteurs soutenaient que leur pays n’avait pas besoin des artistes étrangers. Je leur ai rappelé que leurs toiles les plus célèbres, celles qui sont vendues en cartes postales, ont été peintes par des Italiens et des Français. ‘D’ailleurs, je connais une petite ville en France où il y a un tableau chinois’, ai-je ajouté. Ils étaient scotchés. De là est née l’idée que l’on pourrait raconter l’histoire du tableau. » Le portrait d’une concubine, la « Joconde asiatique », avait rejoint, par préemption suite à une vente chez Drouot pour 100 000 euros environ, les collections du musée des beaux-arts dolois (Jura) en 2001. Le tableau attribué au jésuite Jean-Denis Attiret (né à Dole en 1702 ; mort à Pékin, en Chine, en 1768 ; il provenait d’une famille d’artisans, de menuisiers, de sculpteurs, de peintres, il a été envoyé par un mécène à Rome, il intégra ensuite la Compagnie de Jésus puis ira, sur le sillage de Ricci, en Chine pour exercer son prosélytisme somme toute limité ; il a envoyé en Europe un livre de dessins sur le jardin à la chinoise, avec succès non en France mais en Angleterre, le jardin anglais pouvait, grâce à lui, exister, comme en témoigne le réalisateur et plasticien Peter Greenaway dans Meurtre dans un jardin anglais, The Draughtsman’s Contract, 1982) est aujourd’hui le plus précieux du musée.

« C’est une peinture à l’huile sur papier, et elle est frappante par le relief très fort d’un visage occidental, l’effet hypnotique d’un regard à la Joconde, au milieu d’une peinture chinoise sans perspective, complètement à plat. » Peignant son modèle en volume, grâce à l’émergence de la perspective depuis la Renaissance, Attiret a peint un discret point blanc dans les pupilles bien que les yeux soient sans reflet dans les portraits chinois. Le réalisateur ajoute : « le principe de l’art chinois de cette époque serait de représenter l’essence des choses, alors que l’art occidental travaille l’illusion. Si on prend tel objet, le peintre chinois montre toutes ses dimensions en une, y compris sa fonction, son usage, sa place dans l’ordre des choses, alors que le peintre européen va chercher la façon dont il nous apparaît d’un certain point de vue, en une image qui laisse ses autres côtés dans l’ombre, en clair-obscur. On peut penser que l’art chinois, avec son côté absolu ou intégral, est plus proche de l’art conceptuel, si on pense par exemple à la fameuse chaise de Joseph Kosuth [One and Three Chairs, 1965], qui tient ensemble l’image, le mot et l’objet. ». Platon est loin du Tao. Le calligraphe et académicien François Cheng apporte son expertise : il s’agit d’« Un personnage hiératique, un peu impersonnel puisque le portrait sert à montrer la dignité impériale. Dans la tradition picturale chinoise, le personnage est un genre, comme le paysage, les fleurs, les oiseaux, qui ne suppose aucun réalisme. A partir du XIIIe siècle, apparaissent des portraits d’ancêtres ou de sages. Mais on ne représente pas la personne physique. On peint l’essence morale et spirituelle du personnage. […] Le pinceau et l’encre chinois ne permettent pas les ombres. La peinture à l’huile, en jouant de l’ombre crée le relief, et par là la ressemblance. »

De Meaux synthétise : « La tension entre l’incarnation très forte de cette femme qui dit « je » et l’objectivation extrême de la peinture chinoise m’a fait voyager. C’est ce voyage que propose le film. » Le travail plastique est présent dès la scène d’intro : suite à l’accord signé avec Louis XV, les dessins au fusain de scènes de batailles d’Attiret pour représenter les scènes de bataille s’animent devant nous. L’une des dernières scènes montre la promenade lumineuse et cruelle dans un jardin au milieu d’enfants, dont le sien qui le rejette. La fin est d’un gothique que Tim Burton ne renierait pas : se couper les cheveux, par jalousie envers l’impératrice précédente souvent incarnée en figure fantomatique et par dépit amoureux alors qu’une autre concubine lui est préférée, est un suicide social. La vérité historique est terrible : elle sera répudiée, ses enfants retirés ; elle sera exilée dans une province lointaine et finira pauvre et mourra, entourée de deux servantes, le … 14 juillet 1766. Si l’écriture des génériques est peu lisible à cause d’un bleu électrique sur noir, la fin ne peut être appréhendée à cause d’un défilé rapide quasi bureautique mais envoûte par le sombre et hypnotique The Eternal de Joy Division (« Played by the gate at the foot of the garden / My view stretches out from the fence to the wall / No words could explain, no actions determine / Just watching the trees and the leaves as they fall »).

Le passionnant Melvil

La mère de Poupaud était attachée de presse de Marguerite Duras, Serge Daney, le parrain de Melvil dans le monde du ciné, Jacques Lacan, Hervé Guibert, etc. Fan de Moby Dick, elle lui donne le prénom connu de l’auteur. A 9 ans, il joue dans La Ville des pirates du surréel réalisateur-cerveau franco-chilien Raoul Ruiz (1983) avec qui il en tournera une flopée. Il aime la prise de risque et creuse un sillon singulier dans le cinéma d’auteur, d’art et d’essai : Victoria de Justine Triet (2016), en passant par La fille de 15 ans de Jacques Doillon (1989), Conte d’été d’Eric Rohmer (1996), Eros thérapie de Danièle Dubroux (Je suis votre homme, 2004), un homme qui se transforme et on y croit, dans Laurence Anyways de Xavier Dolan (2012). Mais aussi Jacquot, Desplechiant, Ozon, etc. Nous sentons l’investissement de l’acteur, dans la lignée du durassien Michael Lonsdale, d’autant que, suite à une révélation, l’acteur, qui se réfère souvent à L’évangile selon Saint Matthieu de Pasolini (Il Vangelo secondo Matteo, 1964), transporte toujours une petite bible de voyage en plastique bleu offerte par son ex-femme Georgina lors des préparations de leur mariage il y a une vingtaine d’années. De Meaux l’a recruté de nouveau pour son « charme, sans en faire non plus un Rambo avec une croix. Melvil a une finesse de jeu qui est toujours en interrogation et non en affirmation, il a également un rapport vrai au mysticisme et à la religion, ce qui était primordial pour que le personnage soit habité. »

Ce qui ne l’empêche pour autant d’apparaître sur fond vert chez les frères/sœurs Wachowski (Speed Racer, 2008) après avoir été repéré pour ses vidéos low fi. Il gratte la basse pour Benjamin Biolay ou le groupe Black Minou avec le frérot Yarol. Il dessine des vanités et des têtes de mort au stylo Bic façon Jan Fabre; il expose ses dessins dans une galerie. Un artiste complet.

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Rares sont les films réussis sur le rapport peinture et cinéma, même Minelli (La vie passionnée de Vincent van Gogh, Lust for Life, 1956 un biopic avec Kirk malheureusement trop académique dans le rouleau compresseur hollywoodien pour un « suicidé de la société ») et Kurosawa (le raté film à sketchs Rêves, Dreams, Yume, 1990) s’y sont cassés les dents. Le portrait interdit, semble rejoindre Van Gogh du réalisateur et peintre Pialat (1991), La belle noiseuse de Rivette (1991) pour la relation complexe entre le peintre et son modèle, Barry Lyndon de Kubrick (s’inspirant de Gainsborough, Zoffany, Reynolds ou Constable, d’après le roman de Thackeray) pour l’ambiance d’époque sans faire restitution, sans égaler pour autant Le mystère Picasso (1956) du génial Clouzot, à l’actualité florissante, l’un des rares films à capter le créateur dans son geste même si l’appréhension de l’acte en suivant la main de l’artiste est illusoire – le postulat est faux et les feutres américains n’y feront rien. Ici, Silence (M. Scorsese, 2016 d’après le roman de Shusaku Endo) est d’or : la beauté, emprunte de spiritualité, se passe de l’exhibition complaisante de la violence.

https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-20-decembre-2017

https://www.francemusique.fr/emissions/la-chronique-cine/la-chronique-cine-du-mercredi-20-decembre-2017-38795

http://www.nova.fr/melvil-poupaud-lui-se-pense-saint-desprit-mais-est-tous-dingues

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-nuit-revee-de-melvil-poupaud-entretien-33

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/carnet-de-voyage-de-melvil-poupaud

https://www.franceculture.fr/emissions/projection-privee/projection-privee-melvil-poupaud