[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (#épisode 63)

en procès

écriture au

fil de la

pas à pas

noir sur blanc

audition

cadette des 7

assises

dedans box

comprendre ses blancs

à force

président dit

pas faire

impasse instruction

réel normal mobile

président dit

personne a

retiré faculté raison

cadette des 7

dedans box

bien consciente que ce que je dis est souvent absurde

pleurs

dedans box

président dit

amour haine

pour enfants ?

j’aime mes enfants tous les deux

chacun a sa personnalité différente

je les aime

silence

comprendre ses blancs

m’écouter

écouter mon corps

parler à soi

silence

si j’avais pu

en parler

j’aurais pu

ne pas les tuer

pas de lien créé

pas allers-retours

tête corps

pour moi

il n’y avait pas de bébé

président comprendre

réel normal mobile

enfant de moi

tous les droits

en garde à vue

plus garder

de suite bébés

processus enclenché

de suite

dedans  pv

noir sur blanc

comprendre ses blancs

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Huis clos pour un grand huit psy

The Guilty, Den skyldige, Gustav Möller, 1h25, Danemark.

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Chef d’œuvre

     Attention, voici un diamant noir, épuré, minimaliste comme du design danois à la Georg Jensen et froid, sans être formaliste, fluide et clinique, comme le climat du pays scandinave. Ce premier film, comme Jusqu’à la garde (Xavier Legrand, 2017), est déjà un classique qui sera enseigné, comme Reservoir dogs (Quentin Tarentino, 1992) – mais sûrement pas le raté Les huit salopards (The Hateful Eight, Quentin Tarantino, 2015) bien inférieur à La chevauchée des bannis (Day of the Outlaw, André de Toth, 1959) – dans les écoles de cinéma, n’eût été à terme le vieillissement voire l’obsolescence des appareils technologiques (suspense de la sonnerie, urgence de la numérotation rapide, drame du répondeur, téléphone portable comme moyen de court-circuiter les canaux officiels, écrans de contrôles, ordinateurs avec jeux d’écrans dans l’écran comme chez Brian de Palma, GPS permettant l’affichage sur l’écran de l’identité et du numéro de mobile du correspondant sur fond de carte géographique des environs, etc.) sauf dans 2001, l’odyssée de l’espace (2001 : The Space Odyssey, Stanley Kubrick, qui bénéficia de l’expertise de la Nasa, 1968). Il s’agit, comme La corde (Rope, 1948) d’Alfred Hitchcock, qui rêvait de tourner intégralement un film dans une cabine téléphonique, d’un opus à contraintes ou à dispositifs (« Je suis intimement convaincu que les contraintes stimulent la créativité. C’est une tradition que j’ai en grande partie héritée de mes années à l’École de cinéma du Danemark. Je pense que c’est une chose avec laquelle il faut travailler, quel que soit le budget du film. Les contraintes rendent plus créatif – du moins elles me rendent plus créatif. Là, la prémisse du film elle-même requiert de se restreindre. Le film ne fonctionnerait tout simplement pas si on avait choisi de quitter le personnage. » expose Möller) filmé chronologiquement sur treize jours, après six mois de préparation, avec trois caméras : unité de lieu (tout se déroule dans le centre d’appel d’urgence de la police entre deux pièces contiguës équipées de bureaux, de postes téléphoniques et d’ordinateurs: l’une, open space aux néons crus et impersonnels, avec collègues flous ou non ; l’autre, isolée avec stores vénitiens intérieurs et demi-obscurité zébrée du halo rouge de la lampe d’alerte fixe comme une installation d’art contemporain dans les films du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul et non comme chez Clouzeau, Le corbeau, 1943 film imprégné d’expressionnisme de la UFA; ici les angles hollandais sont exclus car la sobriété est de mise), d’action et de temps (le récit se déroulant quasiment en temps réel sans aucun flash-back ; « nous avons tourné en live, même avec les acteurs faisant les voix. Et l’équipe de production, le réalisateur se connaissent depuis l’école de cinéma » déclare l’acteur Jakob Cedergren).

     La vertu du film est aussi qu’il ne dure que 85 mn soit 1h25, bien loin de ces œuvres de plus de 2h qui deviennent la norme où le spectateur, dont le billet est certes rentabilisé, sort lessivé.

L’action (course-poursuite sur l’autoroute, perquisition informelle, intervention des policiers au domicile de la victime, etc.) est hors-champ selon l’essentielle leçon de Jacques Tourneur (La féline, Cat People, 1942) : « J’ai compris que chaque personne écoutant cet enregistrement verrait des images différentes. Je crois que les images les plus fortes d’un film sont celles que l’on ne voit pas. » affirme Möller, sorti de l’École nationale de cinéma du Danemark où règnent les spectres paralysants de C. T. Dreyer et Lars von Trier). Le hors-champ génère la peur, fait travailler le spectateur, actif, par l’imagination ou cosa mentale, supprime le mouvement en construisant progressivement un polar de l’impuissance. Le spectateur est réduit au statut d’auditeur, catégorie à laquelle appartient, également, le policier lui-même. Sous l’influence du séminal Conversation secrète (The Conversation, Francis Ford Coppola, 1974), le son structure l’espace grâce au design sonore fin et immersif d’Oskar Skriver (les sons, craquements d’un parquet, frottement des roues sur l’asphalte, bruit de moteur, du vent, souffle, voix lointaines, chuchotées, exigeantes, interrogatives, suppliantes, implorantes d’où le choix de « Jessica Dinnage parce qu’elle avait de la souffrance dans la voix, un timbre rauque, un peu brisé, très spécifique » presque enfantine, sonnerie dans le vide se prolongeant trop longtemps, ont été enregistrés sur les lieux de l’action, à l’intérieur d’une voiture de police ou dehors, sur une autoroute, sur un pont : « c’est comme si on avait fait la moitié du travail sur les décors et l’image dans la salle du montage son » ; « Le bruit de la pluie est l’un des meilleurs sons qui soient pour créer une sensation. Il suffit de l’entendre pour avoir l’impression d’y être. Nous avons différents types de pluie dans le film. Au début elle est agressive, avec une pluie qui frappe fort et des essuie-glaces » précise Möller). Les sens sont convoqués, vue, ouïe, les dimensions essentielles du cinématographe depuis l’avènement du parlant.

La force du film, outre d’habiles intrications de scénarios ou arc narratif personnel, suggérées par une alliance au majeur, un doigt cassé, quelques cicatrices sur les mains, entre la vie privée mouvementée et la vie professionnelle accidentée du policier, d’une triste actualité, d’où sourd l’inévitable besoin de rédemption, est que le spectateur est au même niveau de connaissance, tâtonnements, changements de sens avec retournements ou switches, que le personnage principal, augmentant ainsi le principe d’identification et le suspense, grande leçon hitchcockienne encore une fois, où l’enlèvement est ici le MacGuffin, le sparadrap au doigt, un gimmick comme celui sur le nez de Jack Nicholson dans Chinatown (R. Polanski, 1974) : « Nous voulions donner au public la même perspective sur le monde que celle qu’a notre héros et ce faisant, le faire parvenir aux mêmes conclusions ».

 

Contexte

     Le film s’inscrit dans un genre : le huis clos. Soit Les Maudits (René Clément, 1947), Répulsion (Repulsion, R. Polanski, 1965), Out Of Order (Abwärts, Carl Schenkel, 1984) où quatre personnes sous tension sont coincées dans un ascenseur, Conversations nocturnes (Talk Radio, Oliver Stone, 1988) où un cynique animateur de radio converse avec ses auditeurs,  Cube (Vincenzo Natali, 1997) où cinq inconnus prisonniers d’une pièce cubique flottent dans l’espace intersidéral, Panic Room (David Fincher, 2002), Phone Game (Phone Booth, Joel Schumacher, 2002) où Colin Farrell, coincé dans une cabine téléphonique, est menacé par un sniper fou avec qui il est obligé de dialoguer sous peine de prendre une balle, Buried (Rodrigo Cortés, 2010, récompensé dans plusieurs festivals à sa sortie) où le spectateur passe 90 minutes dans un cercueil, Locke (Steven Knight, 2013), Tunnel (Teo-neol, Seong-hun Kim, 2016), Wheelman (Jeremy Rush, 2017) mais aussi, références explicitées par le jeune réalisateur Möller, 12 Hommes en colère (12 Angry Men, 1957) et Un après-midi de chien (Dog Day Afternoon, 1975) de Sidney Lumet qui venait de la tv. Les films à téléphone sont légion : Raccrochez, c’est une erreur (Sorry, Wrong Number, Anatole Litvak, 1948), The Call (Brad Anderson, 2013 avec Halle Berry), Her (Spike Jonze, 2013), la série Calls de Timothée Hochet diffusée sur Canal + focalisée sur un écran noir avec quelques lumières clignotantes.

     « C’est basé sur les recherches, sur des histoires d’officiers de police passés par des histoires traumatisantes et qui en ont été profondément affectés » selon l’acteur principal. Le cinéaste a co-écrit le scénario avec Emil Nygaard Albertsen avec qui il avait également créé son court-métrage I Mørke (In Darkness, 2015, prix Next Nordic Generation). Tout est parti en regardant une vidéo réelle, sur YouTube, où une américaine victime d’un enlèvement parle à un urgentiste de la veille 911, l’équivalent de notre 17 aux USA, le 112 au Danemark. Möller a été intéressé par « Le fait que chaque personne, en écoutant le même clip, puisse voir des images différentes ». C’est le premier film de cinéma inspiré par un documentaire radio, un podcast américain Serial diffusé en feuilletons hebdomadaires, délivrant une vérité complexe. L’immersion est dans le film quasi documentaire : le flic, au piquet, rongé par la culpabilité – ce qui ne l’empêche pas de déroger à la procédure en prenant des initiatives personnelles -, répond avec un peu d’ironie à un drogué en pleine crise d’angoisse, à un homme cadenassé dans sa voiture après avoir été agressé et volé par une prostituée dans un quartier chaud de la capitale, à une fille qui a fait une chute à vélo et c’est fait mal au genou, à un gars au milieu d’une bagarre à la sortie d’une boîte de nuit (« Vous n’avez pas idée du nombre de coups de téléphone étranges qu’ils reçoivent. » souligne l’acteur en immersion). Ecouter, tout en conseillant, être empathique, rassurer, consoler, hiérarchiser les priorités, poser des questions, fermées ou non, repérer l’endroit où se trouve la voiture, agir avec le secteur Nord. Bref, qui est le coupable dans l’histoire ?

 

L’acteur

     Tout repose sur Jakob Cedergren,  acteur suédois vivant au Danemark, révélé dans la mini-série danoise The Spider (Edderkoppen, 2000), Meurtres à Sandhamn, (Morden i Sandhamn, 2010-2018 diffusée sur Arte), Traque En Série (Den som dræber, 2011) et des films comme Les Bouchers Verts (De grønne slagtere, Anders Thomas Jensen, 2003 aux côtés de Mads Mikkelsen), Frygtelig lykkelig (Terribly Happy, Henrik Ruben Genz, 2008), Rage (Sally Potter, 2009), Submarino (Thomas Vinterberg, 2010), Antigang du français Benjamin Rocher (2015). Il est filmé sous toutes les coutures : gros plans en plein format 2:39 avec casque-téléphone ou non, souvent fixes, cadrés impeccablement, parfois à la caméra à l’épaule lors de scènes de dramatisations, de profil, de face, en plans-séquences, dont un de 35 minutes, les doigts qui tapotent de nervosité, la tension du film perceptible sur son visage (bonne volonté, doute, rage, confusion, remords, pardon) et dans les diverses intonations de sa voix, un découpage avec une échelle de plans, des angles de prise de vue travaillés quoique classiques, un cadre large du lieu de travail du début se resserrant dans l’autre bureau isolé dans lequel Asger s’enferme. La caméra de Jasper J. Spanning suit le moindre mouvement d’Asger / Jakob « Ce sont ses yeux qui m’ont convaincu qu’il était parfait pour le rôle, explique le metteur en scène. C’est comme s’il vous cachait un secret, mais en même temps on peut lire tellement de choses à travers son regard ! ». Les yeux clairs, expressifs, une échancrure à l’œil droit qui pourrait suggérer, parfois, une larme. Selon Möller, l’acteur principal « a pu contribuer à l’écriture du scénario en apportant ses propres idées ».

*

     Un film justement récompensé : prix de la critique au Festival du Film Policier de Beaune, pour sa 10e édition, prix du Public à Sundance, Rotterdam et au Festival international du film de Transylvanie, prix RTBF et Prix BeTV au BRIFF ou Festival international du film de Bruxelles. Pas mal pour un film qui a vu le jour grâce à un programme de développement de jeunes talents ! « Je travaille sur un long métrage qui, comme The Guilty, se déguise en film de genre pour aborder un sujet très complexe. »

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (épisode #62)

allers-retours

experts

psy5 psy6

à la barre

cadette des 7

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psy5 dit

rouages défense

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type clivage

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sphère histrionique

prédomine pour

psy5 psy6

cadette des 7

responsable pas

coupable

distorsions rapports

réel allers-retours

peut-être

contrôle actes

cadette des 7

responsable

pas coupable

procureur comprendre

je patauge moi

abîmes abysses abymes

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

La bise de la Mère Brazier

   En cette journée de grève de la Sncf (CGT et Sud puisque les syndicats patronaux ont lâché l’affaire), je me précipite derrière l’opéra, celle qui a perdu sa 9e muse, réhaussé par Jean Nouvel qui nous a gratifiés de sièges design noirs nous donnant mal au cul, rue Royale, rue du petit mais charmant L’ourson qui boit, autre resto tenu par des japonais enrichissant la cuisine française comme l’excellent Arai rue du Bœuf avec son 14 février ou, vers Foch, Taka qui travailla avec Le Bec, dans la fameuse rue Grôlée, désormais expatrié en Chine, selon les uns pour malversations comptables, selon d’autres à cause de manipulations politiques, d’un resto moyen mais amusant, tenu par un croate, rue adjacente à la petite librairie d’occas’ joyeusement foutraque de Fabrice Sivignon. 12 rue Royale, précisément, là où la pâtissière chez qui la Brazier va se fournir en quenelles lui conseilla une épicerie-comptoir à vendre en 1921 dans le quartier des soyeux, entre l’hôtel de ville et la demeure de ce maire bon vivant d’Ed. Herriot qui abandonna Vettard place Bellecour pour en faire ici son salon privé. – Tous y sont passés, des Milliat-fabriquants-de-pâtes, où Eugénie fut cuisinière, à Agnelli, l’épuré Balenciaga, de Givenchy, Rikiel, le génial Courrèges, en passant par les banquiers du Crédit lyonnais, soit quelque milliers d’euros par tête de pipe depuis leurs malversations, les patrons de la Fabrique tels que les Biancarini-Férier, les Brochier, les Colcombet, les Baboin, les Porcher, les Guérand Hermès, les Proverbio, les Perrin, les Berliet -. Ma ponctualité ne fut pas royale, retenu par l’émission estivale Blockbuster (France inter) sur La petite maison dans la prairie (9 saisons !), qui est l’objet de dénonciation actuelle, politiquement correcte, de racisme, où l’on apprend que la série est libertarienne, que le charmant Michael Landon / Charles P. Ingalls, une célébrité venue du mythique Bonanza, ruiné par l’alcoolisme, a eu une enfance malheureuse. Fi du quart d’heure lyonnais, 12h35, mon hôte, robe noire – sur lequel pend un collier discret et contemporain -, masquant un petit ventre augurant d’un bel évènement, m’attend. Pas vu depuis 2 ans : Roure, deux étoiles également au compteur du Michelin, rue Cuvier, début août puis Parc de la Tête d’or. Aller plus profond qu’un saucisson chaud sur le pouce avec le poète Claude Yvroud.

Décor

   Les faïences, le parquet et les baies vitrées des années 30 sont agrémentés, notamment à l’étage (rideaux en velours, tables Knoll et rayures noires et blanches à la Buren), de la déco des géniaux Vavro. 60 couverts en tout, peu de monde aujourd’hui. Des photos de ladite mère, fille-mère de paysans pauvres, et tôt orpheline de mère, chassée par son père, dont celle de Lucien Rey qui démontre que la forte en gueule avait de la gouaille et ne s’en laissait pas compter. Nous mangeons au petit salon du rez-de-chaussée à côté de nombreux asiatiques dont les limitrophes émerveillés par le poulet de Bresse en demi-deuil (c’est-à-dire champignons sous la peau, la truffe notamment, lors de la saison adéquate; accompagnement original de petits pois à la française, sauce suprême à l’estragon pour 2 personnes en 2 services) d’abord présenté en entier puis découpé devant les convives ébaubis devant le mort volatile et les lourdes saucières en argent. Un œillet blanc discret sur la table en résonance avec un bouquet frais blanc. Un petit abat-jour de table Starck, designer largement  présent chez Pic, à l’armature de verre lourde cache une menue bougie coquette qui attend la fête des lumières du 8 décembre pour rejoindre son lumignon; des chaises rouges années 70. J’ai la vue sur les vitraux translucides, donc sans couleurs contrairement à ceux du Docteur Antonin Poncet, dont seules les armatures sont conservées, observables depuis la rue. Les gars en blouse et toque blanches fument sur le trottoir en plein cagnard.

Commencer

   Amusons-nous la gueule avec du pâté de volailles de Bresse venant de la maison Miéral en croûte, sacré champion du monde en 2012, avec cerise (pointe extrême-orientale ; avec noyau, nous est-il précisé) au vinaigre. En apéro, un jus de fruit rafraîchissant à la pomme-reinette et fruit rouge (fraises) en cette canicule modérée par une climatisation pour une fois discrète. Jamais deux sans trois, Jérôme Desbois, maître d’hôtel, vient prendre la commande. Nous optons pour le menu classique, où Math Viannay, revisite les classiques de la mère Eugénie Brazier, femme qui fait l’objet d’une nombreuse littérature depuis ses double trois étoiles au Michelin depuis 1933, remarquée par Prévert, toujours à l’affût, jusqu’aux éditions Wespieser et un hommage google en 2018. J’avoue que la pomme de ris de veau rôtie, croustillant de riz soufflé, jus à l’anguille fumée m’a tout de suite tapée dans l’œil. Sur table, un beurre doux et demi-sel avec un beau B comme Bordier de Saint-Malo, une huile d’olive délicieuse venue soit du moulin de Tunisie (vers Sfax) soit de Tolède (Espagne), dont je me repais le long du repas comme souvenir de ma vie dans le Sud, avec du pain au levain, du pyrénéen franco-espagnol Alexis Muñoz, installé à Lyon, fournisseur de Pic, Têtedoie, Savoy entre autres – mais pourquoi pas une huile drômoise comme Nyons ou provençale comme celle de La Fare-les-Oliviers, mystère ?

Parti sur un Pinot noir d’Alsace, j’opte, sur le fondement d’un lourd bottin noir et avec l’aide de Sieur Verneau, directeur de salle et chef sommelier, pour un Côte de Nuits 2015 au verre qui a eu un coup de chaud, tanique à l’odeur, à laisser décanter donc, mais jeune au goût, servi dans un verre translucide Riedel. Non je ne ferai pas la blague de François Jaubert / Gérard Philipe dans Le diable au corps (Autant-Lara, 1947) au Grand Véfour sur le côté pseudo bouchonné pour en boire plus. Une eau pétillante Orizza (Corse) et plate (Evian).

Nous squizzons l’artichaut et foie gras n°12, un classique de la mère, pas envie de foie, outre la méthode d’obtention et le sort de la bête qui choque de plus en plus ; les artichauts à l’italienne, accommodés de mille manières, notamment croustillants à la juive à Rome au Ghetto (Dal Pompiere, via Santa Maria dei Calderari, 38) sont tellement succulents qu’il est difficile de les égaler. La fourchette est dignement posée à la française : nous sommes à une grande table, s’il était permis d’en douter.

Arrive un plat rouge vert, comme un gaspacho après le feu d’artifesse du 14 juillet, de tomates, mozarella, pesto et huile d’olive et, touche d’originalité, du cecina, du bœuf séché espagnol – j’avais découvert le lard de Colonnata, près des carrières de Carrare où piochait Michel Ange entre autres sculpteurs, chez Pic -, dans une assiette creuse blanche. C’est bon, même si ce n’est pas transcendant ; c’est frais. Un pain rouge original, betteraves-cranberries, cuit maison.

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Plats simples et élégants

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   Singapour, Australie, Hawaï, Amsterdam, Londres. Arrive le pain de brochet croustillant, sensation très agréable, aux écrevisses bien alignées sauce Nantua avec une pointe de vin jaune, une petite émulsion sur le dessus, une carotte et un poireau des maisons Barnas, Bail et des Halles Trottemant, façon nouvelle cuisine déjà ancienne. Voilà qui revisite en effet un plat traditionnel, brochet sauce Nantua tout en évitant la quenelle, remplacée par un pain qui offre une texture intéressante et qui est plus rapide à cuisiner, qu’il est possible de trouver partout à Lyon et en Bresse, Bourg notamment. – A noter que, chez Giraudet, la sauce existe également aux écrevisses en période de fête, outre de délicieuses quenelles à la truffe -. J’aurais bien vu une touche jaune, déjà fort présente, de polenta, revenue en grâce dans la gastronomie et permettant de faire une double nique à la cantoche d’école d’antan, Marcon m’ayant rabiboché avec le salsifis de fort mauvais souvenir. A manger de la main gauche puisque Ravel vint se sustenter ici.

Une drôle de petite pointe dans le fond d’assiette pour monter le pain de brochet. Un opinel original avec un manche en bois avec stries marron claires et sombres, du plus bel effet, ma foi.

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     Dans un accord terre/mer bien différent du HTV (Homard Tête de Veau) de chez Têtedoie pour lequel le gouvernement de l’autre Philippe sous Macron s’est déplacé à l’invitation de l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, voici la fameuse pomme de ris de veau rôtie, fourni par la boucherie Giroud Perrier ou J.A. Gastronomie, toute unifiée de façon intelligente, croustillante de riz soufflé, j’en ris, porte des Lilas, sur un lit de petits pois à la française, qui changent de mon séjour londonien, le génial jus à l’anguille fumée de chez Vianey, de la Croix-Rousse, devenu MOF, souvenir des Salins de Giraud en Camargue ou plutôt de la mère Guy à la Mulatière. La sensation de croustillant du ris est tout à fait incroyable, on s’attend presque à goûter des amandes grillées. Très fin. Une étonnante assiette Jars (Anneyron) en céramique à imitation couleur bois. Le souvenir de ce ris de veau aux deux truffes (blanche et noire) de chez Marcon à Saint Bonnet-le-froid, entre Velay et Vivarais, dans un nid d’aigle écolo hqe  et ntic avec vue sur le Mont Blanc par beau temps est indétrônable.

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Le trou normand, calvados manquant à l’appel, est, comme chez Roure, une petite madeleine encore chaude digne de Blé sucré de Fabrice le Bourdat, un nantais d’origine qui a officié au Bristol et au Plaza Athénée (Paris) ainsi qu’au Martinez (Cannes) en face du square Trousseau dans le 12e arrondissement de Paris près de l’inratable marché d’Aligre, avec une boule de glace à la vanille à manger grâce à une magnifique cuillère en nacre dans une petite assiette noire. Dire que le pain grillé précéda la madeleine dans les paperoles de Proust présentes à la fondation Bodmer (Genève) !

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Au pays des fromages

   Une faisselle d’un côté ; un plateau achalandé par Renée Richard, Didier Lassagne, qui a également ouvert avenue Lumière où il est possible de trouver une petite boule dure du Rove du Vaucluse mais non du crémeux et frais chèvre du Rove comme au Petit Nice de Marseille chez Passéda (cf. la regrettée émission de Kruger sur France culture, On ne parle pas la bouche pleine : https://www.franceculture.fr/emissions/ne-parle-pas-la-bouche-pleine/ah-quelle-est-belle-la-chevre-du-rove-et-comme-sa-brousse-est-delicieuse), Jean-Yves Bordier, Bernard Mure-Ravaud et la Ferme du Puy, toujours avec le Côte de Nuits 2015, avec Beaufort, le fameux Saint-Marcellin de la mère Richard, une rigotte qui me remémore ma période savoyarde (et période obsession Saint-Marcellin, pavé d’Affinois, etc.), un picodon sec d’Ardèche, un fromage caprin persillé de Tignes, un camembert de Normandie qui serait menacé par la législation européenne, etc.

Desserts esthétiques

   Les desserts : un chou praliné comme un Paris-Brest beau comme un personnage du Ballet triadique du bauhaus Oskar Schlemmer et ses traces de pas laissant songer au Joan Miró dernière période ;

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bien que tenté par un soufflé au divin Grand-Marnier, je me reporte, été oblige, sur les framboises au gingembre et coriandre, épices ma foi superbes, glace à l’huile d’olive (Ladurée faisait bien de délicieux macarons au basilic et à l’huile d’olive), eau de citron et pain de Gênes, hommage au pesto précédent, protégé par une petite toiture comestible à la Shigeru Ban (Pompidou Metz), qui supporte de fragiles cerceaux parallèles rouges à la Richard Serra. Délicieux et rafraîchissant mais pas aussi surprenant que, chez Roure, la petite tarte au citron meringuée déstructurée, cul par-dessus tête, mise sous cloche en esthétique manga Akira ou igloo de Mario Merz en arte povera, selon sa culture, avec du citron glacé rafraîchissant en un tube fin éloigné qui se mire dans un miroir intégré avant de se briser de façon exquise sous la dent à vous déclencher une injection de dopamine ou de sérotonine.

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     J’enfile en dijo une eau de vie fraîche d’alisier Decorse de Haute-Marne à l’arôme d’amandes fraîches rappelant la frangipane. Des petites pâtisseries : un petit café avec son grain, je n’en raffole pas mais la sensation en bouche ravit par le craquant et la montée du goût en bouche, et un admirable parfait de framboise, pour rester dans le ton, avec … de la roquette. Ce dernier est le plus marquant par son inventivité.

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Nous sont offerts à la fin des guimauves de fraise et vanille, sous cloche comme une touche d’enfance, un paléor de chez Bernachon, un caramel, un peu fondu par la chaleur mais qui ne colle pas aux dents, un nougat.

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Mon hôte m’offre gentiment le repas en m’apportant en outre du divin et onctueux miel de sapin des Vosges (le rucher de Raybois, Le Puid ; merci les pucerons de la ligne bleue), du miel de fleurs et de la liqueur d’eau de vie de miel de Salm (Senones, Vosges), du thé noir TWG de Singapour.

16h passées. Un homme part, c’est le chef Math Viannay, MOF 2004, à peine reconnaissable avec sa barbe mais toujours aussi classieux. Il me signe, tout comme Têtedoie et Roure, mon catalogue d’expo Privat-Savigny, Maria-Anne. Gourmandises ! : histoire de la gastronomie à Lyon : [exposition, du 18 novembre 2011 au 29 avril 2012, Gadagne musées]. Milano : Silvana ed. ; [Morangis] : [diff. Vilo], impr. 2011. 175 p., avec un petit dessin, une toque, avec la légende « Et toc ! » afin de prendre toute la place par rapport aux autres confrères ! Gentil, non ?

     Article rédigé par hasard pendant la rediffusion de « Les mères lyonnaises : Histoire de la gastronomie » dans La fabrique de l’histoire sur France culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-fabrique-de-lhistoire-les-meres-lyonnaises-histoire-de-la-gastronomie-1ere-diffusion-23112010-0

Photo : Marie-Caroline Raboldt

[Manuscrit; poésie] Cadette des 7 (épisode #61)

comprendre incompréhensible

écrire indicible

comprendre ses blancs

allers-retours

sachants psy3 psy4

à la barre

rencontrée expertisée

cadette des 7

psy3 dit

sans doute

pas état second

psy4 dit

pas déni grossesse

cadette des 7

psy4 approuve psy3

dit pas alteration discern

ment peut-être

pris plaisir à

mais pas jouir

psy3 psy4

sans doute

se savait enceinte

psy4 dit

clivage objet

enfant dés

humanisé

jeté comme caca

pas clivage moi

avocat géné

ral comprendre

déni ? silence dénégation ?

psy4 psy3

sans doute

peut-être

savait-elle

bonne mère

moments altération

conscience

pas voulu mais

savait mal finir

mère bonne

voir exprès

bébés dans congélo

au pays du mur

avocat géné

ral comprendre

je patauge moi

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Musique; White; concert; Fourvière, Lyon] L’étrange concert de Monsieur Jack

[Jack White aux Nuits de Fourvière, dim. 08/07/18]

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Hasards

J’avais raté Jack au Transbo en 2012 après son projet avec la belle Alison Mosshart, venue tout droit de The Kills pour créer avec Jack The Dead Weather. Fait inédit ici : après désistement, les Nuits de Fourvière me téléphonent pour me dire qu’étant sur liste d’attente, la place est en vente. Bien m’en a pris puisqu’un billet de Massive Attack (20 ans de Mezzanine déjà, très belle poésie visuelle sur chiffres binaires et jeux sur extraits d’actualité en français mal traduit avec des fautes d’orthographe projetés sur écrans, une belle voix chaude d’une black enveloppée faisant passer Jessie Norman pour une anorexique, remémorant un tube culte des années rave réactualisé sauce migrant.e.s ou réfugié.e.s mais squizzant malheureusement l’excellent Teardrop – sans Lize Fraser des Cocteau Twins, il est vrai alors qu’un jamaïcain aux dreadlocks blanchis révèrbe de voix comme H. Andy) a été également mis en vente au dernier moment. Notons que le « comité d’entreprise » du service public n’a pas fonctionné cette année : aucune ristourne même si les 45€ de White surprennent en bien au regard des 58 € de Massive (Nick Cave, c’était au moins 65€, encore plus pour Radiohead), certes avec un jeu de scène plus évolué. Beau temps, contrairement à l’excellent et entraînant, entêtant LCD soundsystem, un synthé impressionnant digne de l’Eniac avec une musicienne déguisée en groom de luxe tel Mercury s’inspirant de Metropolis dans Radio Gaga, avec attente et concert sous la pluie battante, le pire concert en 10 ans du point de vue météo.

Attendre

Eclaté par une nuit du regretté P. Bellemare, et ses belles heures radiophoniques sur Europe 1, à France cul où Léautaud s’exposait avec verve et onomatopées en face de Clavel (celui de « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »), avant les entretiens de Mallet donc, et où un Mardi du cinéma est consacré à Les enfants du paradis (M. Carné, 1945 ; avec un témoignage d’Arletty de l’INA et le passionnant Trauner) alors que le mistral souffle frais en pleine canicule avec la lune en premier quartier cuivré. Maintenu en éveil grâce à un merveilleux Yun Feng n°1, un thé vert chinois du Zheijiang, un primeur de printemps du 10 avril acheté au Cha Yuan dans une théière translucide de chez Harrods. 28 tasses de thé soit 2 litres, pisser tout l’après-midi et envie d’uriner, sans urgence, lors du concert mais la déshydratation est loin. Après avoir enfilé un tee-shirt Laspid blanc en coton bio fabriqué au Portugal avec, en noir, Des glaneuses de Millet sur fond de centrales nucléaires comme au Buget près de la rivière le Longevent vers Pérouges remémorant une photographie impressionnante du taiwanais Yuan Goang Ming, mélange de Gursky et Parr réussi, exposée lors de la biennale d’art contemporain de Lyon 2015, je quitte la maison sur France cul causant du tour de France alors que Froom est justement hué.

2h30 en avance à la Nuit de Fourvière. Grandes heures : une dame fouille en premier filtre. Attente habituelle en 3 files ; une jolie grande femme seule, sexy, peau bien bronzée, celle qui a vu péter le loup, basculant vers la deuxième période de vie mais qui a encore de nombreuses ressources, avec du monde au balcon et des chaussures d’été kitsch flashy : une fan de la première heure qui a envie de jouer les vestales pour Jack et ses prises. Est-ce elle qui donnera un cadeau sur scène enrobé en papier kraft avec une étiquette « all my love » en caractères noirs sur fond blanc, via une jolie jeune rousse aux cheveux longs qui en jouera en headbanging comme si elle était dans un concert de métal ? Pas de soleil brûlant dans la file. Lire L’automne à Pékin de Vian en Pléiade et Positif, juin (le singe au ciné) et août-septembre (les criminels) revue née à Lyon, offerte pendant un an avec l’abonnement Club de l’Institut Lumière. Se précipiter sur le chemin de pierre chaude, comme d’hab’. Attendre encore. Go : suis premier en fosse, non au centre mais légèrement à gauche contre la barrière métallique noire des grands jours – crainte des lumières aveuglantes qui me mirent en souffrance lors des concerts d’LCD soundsystem et Massive Attack. Sexe et sueur. Attente assise sur fond de rap vintage 80’s ; à Détroit, le ghetto-blaster, Kurtis Blow et LL Cool J. balançait leur flow. Je cause avec un italien qui est venu spécialement de Gêne pour voir White qu’il avait déjà observé vers 2010 en Italie. Laurent, un habitué quadra de l’Institut Lumière, calé en ciné et nerveux, accompagné de sa maman, se lève de la pierre chaude en hauteur et me fait signe.

Ah Rico !

      En première partie, Benicio del Toro s’est réincarné en un carnassier They call me Rico, loin du style de A guy called Gerald, un type, Frédéric Pellerin à l’accent canadien, qui joue seul guitare, batterie voire harmonica comme Dylan, homme-orchestre donc, avec un micro à l’ancienne, digne d’Elvis. Plein d’énergie et chantant à pleines dents en articulant en anglais comme s’il allait être opéré par un dentiste après quelques cours de théâtre, il entraîne le public, en le faisant participer, en 30 mn, sur du rock / blues / folk. La pèche ! Il arrive – luxe – à chanter sans micro avec sa guitare sèche amplifiée et emporte la mise tant c’est inédit. Incroyable et couillu. Pas novateur mais impressionnant. Quatre photographes immortalisent l’instant. Il arrive même à reprendre Led Zep, pour clore (« Je vous laisse avec Jack »), de façon originale en se centrant sur le riff principal. Des instruments faciles à bouger pour laisser la place à White. Peu d’attente, soit 30 minutes.

Jack experience

      Ensemble classique à gauche : basse et sa grande bière sous coiffure rétro rock voire rockabilly avec veste en jean ; batterie sur escaliers sur roue.

Un jeu de percus sera éclairé mais inutilisé – suspense : musicien malade, viré par le tempétueux White ?

A droite : une dizaine (cinq / cinq) de synthés aux formes futuristes, un Moog sur un Hammond, au son toujours chaleureux d’œuf cuit au jaune coagulé sur le plat, et recherché, joué parfois façon Manzarek de The Doors. Ils seront utilisés par deux jeunes afro-américains venus du hip-hop, débarqués, retour vers le futur, des années 80, l’un coiffé teinté blond de mauvais goût comme un joueur de foot avec anneau noir dans le lobe tombant d’oreille à la Corto Maltese, l’autre en Stevie qui s’échine sur un Yamaha pour faire son de piano ou sur piano droit, parfois inaudible notamment lors d’une chanson mélangeant avec changements de rythmes rapides et audacieux, jazz, funky et rap, un vrai gloubi-boulga. Les types sont des virtuoses. Parfois, les nappes de synthés sont aussi légères qu’un gros gâteau à la crème ou un mauvais film des années 80 qui devrait faire les choux gras de Rockyrama voire de Schnock. White vise l’opératique mais comme pour W. A. à son époque, il serait possible de dire : « trop de notes », comme le parfois fatiguant Prince dont White s’inspire pour le décalage beat froid, électronique et voix animale à l’étendue moins développée que le défunt de Minneapolis ! White arrive même à dialoguer, guitare/clavier, sur d’anciens morceaux, voire se confondent en imitation (Over and over and over) – ce que je n’aime pas (pour un morceau, devenu un tube, la voix imite la guitare et réciproquement). White est complice avec la gauchère batteuse pas gauche. Il échange plusieurs fois quelques mots avec le bassiste et une fois avec l’un des joueurs de claviers pas tempérés. Un roadie, veste noire classe et cravate, à la barbe hipster ZZ Top nettoie les touches au pinceau large à ripoliner puis passe un coup de serviette. Il la passe touches par touches sur le piano droit vintage, mais va-t-il jusqu’à distinguer les noires des blanches ? L’incontrôlable et control freak, digne de Stanley, White semble plus obsessionnel que Gainsbourg, au point de donner la consigne de ne pas arborer de téléphone portable, enfermé à l’entrée dans un étui d’une start up californienne, pour filmer, communiquer ou autre, un agent de sécurité en profitera pour le signaler. Que le public vive le concert. Ce qui n’empêche pas un photographe accrédité de filmer une partie du live sur son téléphone, l’égalitarisme français en prend encore un coup. Du coup, aucune tablette numérique, élevée à bouts de bras, ne vient gâcher la vue. Dans son trip, où il est arrivé qu’il arrête un concert en voyant un quidam plié sur son portable, il ne semble pas être au niveau du caractère de Keith Jarrett même si sa réputation le poursuit, blase obligatoire pour sexe, drogue et rock n’ roll. C’est qu’il ne faut pas le titiller, le Jack.

Au milieu, 6 guitares, 2 provenant de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Who Framed Roger Rabbit, R. Zemeckis, 1988), notamment pour les « vieux morceaux » de The White Stripes, une guitare acoustique blanche, grande et kitsch à la Elvis dernière période ou showbizz tout court avec un G et des flèches dorées, une espèce de zodiac ésotérique (pas l’assassin mais l’astrologie) avec des ailes d’ange également dorées, utilisée pour des morceaux joués en solitaire, les musiciens seront même congédiés d’un revers de main pour jouer un country basique – un briquet sera allumé à l’ancienne, un vigile intervient, symptôme d’une époque ; une drôle de guitare vintage éraflée, abîmée en bois clair pour le dernier morceau – de bravoure, Seven nation army, que le public entonne, impatient, comme dans les stades, alors que la coupe du monde sévit avant France(bleus)/Belgique(diables rouges) au pays d’un Poutine triomphant, la Russie étant arrivée à un niveau inédit, en attendant que White rapplique. Deux amplis, dont un Fender vintage, avec micros devant. Un double jeu de pédales d’effets impressionnantes. L’une sera remplacée entre deux morceaux. Un roadie mince avec un sacré tarin et un chapeau noir de cake sur cravate rose emmitouflée dans veste noire passe un temps infini à tester les diverses guitares, y compris pendant le concert, les nettoyant parfois avec une serviette et les réaccordant ; plusieurs fois, il déroulera le fil reliant la guitare de Jack à l’ampli ; une fois Jack a failli tout de même se prendre les pieds dans le tapis. 3 micros sur pied – même les bonnettes sont essuyées avec une serviette ! –  dont l’un pour des effets de voix atroce confinant au laid auto-tune dominant, pire que le vocoder, en tout cas transformée par ordi ou synthé, ce n’est pas une réussite, notamment des cris dignes des Cochons dans l’espace dans The Muppet Show dans un rap aussi raté dans son flow que Spite & Malice (Black Market Music, 2000) de Placebo. La voix de celui qui est devenu quadra n’est pas exceptionnelle mais il arrive, assez facilement, à certains aigus. Un décompte ; White y fait deux fois une apparition rigolote en HD. Air décontracté.

Power

21h30. Tel un fauve qui n’a pas sucé que des glaçons, White in black (pantalon noir, banal ; un polo noir simple qui laisse entrevoir des bras travaillés par une muscul intensive confinant à la gonflette et deviner un petit bidon tendance dad bod’ – la terreur a l’air d’un sacré bon vivant; des chaussures neuves, atroces, noires et montantes sur semelles blanches à l’air de boxeur, ce qui est utile pour atteindre les pédales d’effets, qu’il utilise parfois avec retard au cours du jeu de guitare, qu’il relace entre deux morceaux sur la plus basse des marches de la scène), fonce électrisé sur son territoire, qu’il parcourt pour le délimiter, et chausse derechef sa guitare. Son visage, aux bonnes joues voire joufflu mais tellement pâle qu’il semble maquillé comme dans un trip goth’ genre Edward aux mains d’argent, (Edward Scissorhands, Tim Burton, 1990 ; une manière pour Gillis de devenir White) est masqué par des cheveux gras noirs mi-longs à la Bob Smith. Il enchaîne ce Zappa aux petits pieds, avec attaque à la Led Zep, refrain en un Queen maladroit, qu’est Over and Over and Over, que le public reprend en refrain (« Over and Over ») en levant le poing droit, puis Dead Leaves and the Dirty Ground du dernier déroutant album, Boarding House Reach, écrit chez lui sur son magnéto 4 pistes en posant sa mélodie chantée selon la méthode de M. Jackson, chez lui à Nashville puis 3 jours à chaque fois à NY & LA avec quatre musiciens virtuoses qui ne se connaissaient pas et Jack mélange le tout sur ordi (Pro Tools), et s’impose derechef : nous sommes cloués. La messe est dite. Il n’est pas là pour faire tapisserie, si on se réfère à son premier métier alors qu’il abandonna la calotte dont il a gardé le charisme. Le problème est que les nouveaux  morceaux sont foutraques voire imbitables mais ne le clamait-on pas pour l’excellent Earthling de Bowie (1997) qui se renouvelait totalement après avoir inventé, dans le premier volet du diptyque, un nouveau personnage, Nathan Adler, dans 1. Outside (avec B. Eno pour travailler à un triptyque abandonné), grâce à la jungle alors dans le vent ? Au troisième morceau, White se retourne déjà pour passer une serviette noire sur la tronche ; il fera de même pour picoler … de l’eau en bouteille.

La laide et légendaire batteuse – faisant passer PJ Harvey pour une top modèle -, fine, aux bruns cheveux sales avec fleur orange sur le côté, qu’elle enlèvera quand elle reviendra, montre des plateforme-boots, sortes de ballerines noires sur d’énormes semelles compensées en liège – goût de chiotte, mais chacun les siens, peut-être fonctionnel pour jouer. Elle est juste devant moi puisque je suis dans le premier rang en fosse. En tout cas, elle envoie du bois grave. Ce n’est pas Max Roach mais elle respecte le jeu de Meg – qui savait autant jouer de la batterie que moi de la flûte de Pan -, la simplicité efficace, un côté brut. Elle apporte plus de subtilité sur d’autres morceaux, y’a pas de mal. Un côté Mitch Mitchell avec un nouveau Jimi, le duo fonctionne à merveille : sensation d’être à Monterey ou à l’île de … Wight. Elle se prendra un coussin Voisin vert qui désorientera un micro qui sera remis dans la bonne direction. La composition de la batterie est simple ; elle abuse des pads sur les indications de White – mauvaise voie.

Je ne suis pas cette direction Moonraker (Lewis Gilbert, 1979 un 007 raté où même l’excellent Lonsdale fait rire) des horribles années 80 comme ZZ Top (Afterburner, 1985) où Prince via Georges Clinton Parliament funkadelic avec une pincée d’Afrika Bambaataa ou de Bootsy Collins – alors que la basse, qui a peu de latitude mais arrive parfois à s’envoler – n’est pas Flea des Red Hot, Entwistle, Pastorius qui veut -, est somme toute assez classique rock – laissant songer au jazz fusion peu convainquant de Tutu de Miles (White en adopte la posture en jouant le chef d’orchestre d’un doigt de dieu, en se retournant ou en s’éclatant en egotrip sur la baffle Fender ; entre les morceaux, il laisse la guitare sur la Fender pour maintenir le larsen, un côté cracra qui est une marque d’authenticité dans une set list bien huilée, parfois enchaînée brut sans transition ; une fois, il n’oublie pas d’éteindre la pédale d’effet mais le souffle de la baffle reste), expérimentateur mais pas le plus heureux, Quincy et Herbie Hancock (Rockit dans Future Shock, 1983) en background. Il manque parfois une mélodie accrocheuse, un riff simple dans le dernier album peu convainquant mais à l’expérimentation intéressante ; les solos de guitares sont toujours présents.

Les images spatiales sont banales et aseptisées, sans recherche. Le coup de la batteuse qui joue aux fléchettes en noir et blanc sur la tête de Trump sur l’écran est facile mais le manque d’anti-Trump aurait déçu. Un extrait de comédie musicale non identifiée en noir et blanc avec un acteur qui ressemble au début à Max Linder. Une quasi solarisation des musiciens en trait pour trait réussie. Les images n’apportent pas grand-chose. Pas d’éclairage exceptionnel mais il aurait fallu du recul – n’étant pas ubiquitaire – pour en juger.

Sans transition

White conclut la première partie avec l’hymne des The Raconters, Steady as she goes. Le rappel replonge dans les The White Stripes avec I’m Slowly Turning Into You, le single, et néanmoins tube du dernier et troisième album solo de White, Connected by Love, au chant proche de l’esprit d’Otis Redding et à la mélodie à la U2, inspirée de John Lennon période Plastic Ono Band, puis le déjanté et psyché Ice Station Zebra pour finir en apothéose avec l’inévitable classique Seven National Army.

Public

   Le public est plus calme que prévu, pas de pogo. Nous sautillons sur certains morceaux, les anciens surtout, où nous retrouvons nos petits en un rock renouvelé aux racines confirmées. Une dizaine de gens, mûrs puis plus jeunes, surnagent, portés par la foule, et échapperont aux agents de sécurité, bredouilles, qui se baissent sur leurs genoux comme des atlas ou des chiens limiers pour chasse ayant humé leur proie pour les récupérer et les virer comme ils le firent en masse en 2016 pour The Offspring. White tente de faire chanter le public mais n’y arrive pas, sauf sur le désormais classique riff de Seven nation army, car ces paroles défilent à rallonge (s’il est bavard, sa « poésie » n’atteint pas celle de Dylan dont le Nobel est toutefois abusif) ; il s’excuse de ne pas parler français. Le seul mot sera « Lyon » répété deux fois au début. Il dira de longues phrases en anglais que personne ne capte sauf les anglophones aguerris. Il a fait son taf sur 1h40 denses mais il n’est pas encore à l’aise pour dialoguer avec le public, ce n’est pas son propos. Il salue comme s’il était au théâtre, l’entrepreneur (à la tête de Third man Records, il produit, des rappeurs dernièrement tels que Black Milk, Insane Clown Posse ou Shirt, crée une usine de pressage de vinyles dans un quartier défavorisé de sa ville natale Detroit, envoie un disque sur platine dans l’espace grâce au Projet Icare, décore des battes de base ball, etc.) a l’esprit d’équipe. Il manquait tout de même Fell in Love with a Girl qu’il a pourtant joué en rappel au concert à l’Olympia puisque Jack n’a opté que pour trois lieux en France et 4 dates. Je mets mon sac à dos sur la tête pour éviter ces foutus coussins qui font mal, une tradition rock ‘n roll des Nuits de Fourvière à laquelle a dérogé Björk. Une fille me fait toc-toc pour me dire que je gênais en me protégeant ; je lui explique que le concert est fini. Les lumières s’allument ; les roadies, dont une femme, se réactivent. Le public de fosse pue la sueur, une infection.

 

Setlist :

Over and Over and Over

Dead Leaves and the Dirty Ground (The White Stripes)

Corporation

Why Walk a Dog ?

High Ball Stepper

I Think I Smell a Rat (The White Stripes)

Hotel Yorba (The White Stripes)

Hypocritical Kiss

Broken Boy Soldier (The Raconteurs)

What’s Done Is Done

Freedom at 21

I Cut Like a Buffalo (The Dead Weather)

Hello Operator (The White Stripes)

Ball and Biscuit (The White Stripes)

Get in the Mind Shaft

Respect Commander

That Black Bat Licorice

Just One Drink

We’re Going to Be Friends (The White Stripes)

You’ve Got Her in Your Pocket (The White Stripes)

Steady, as She Goes (The Raconteurs)

I’m Slowly Turning Into You (The White Stripes)

Connected by Love

Ice Station Zebra

Seven Nation Army (The White Stripes)

 

Photo : David James Swanson

 

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (#épisode 60)

gynéco

à la barre

déni grossesse

fréquent qui

s’accroupit pour

est hors l’humain

silence organes

dedans corps

utérus =

autres organes

président comprendre

hors l’humain

enfant n’existe que

si mère a mots

ici bug

dit gynéco

bébés s’étouffent

indigne d’être aimée

étouffe

cadette des 7

dedans box

assise

mes proches pleuraient pour moi

pleurs

dedans box

rien que pour moi

amour autour

pas vu

tombé dessus

tonnes de plomb

dit cadette des 7

pleure

abîmes abysses abymes

aller flashs

crépitent

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction