Osage, etc.

Le 27e long-métrage de Scorsese est bon mais long. Il s’agit, à partir de l’enquête de David Grann (La note américaine, Globe, 2018), cet auteur de The lost city of Z, adapté lourdement par J. Gray (2016), d’une traditionnelle, voire classique, fresque historique américaine – dont j’ai nettement préféré Le temps de l’innocence (The Age of Innocence, 1993, d’après le roman d’E. Warthon, prix Pulitzer) -, un génocide, comme La porte du paradis (Heaven’s Gate, M. Cimino, 1980) mais aussi bien d’autres westerns où les indiens massacrés ont été souvent joués par des acteurs, souvent blancs, ridiculement grimés. Il s’agit de crimes commis entre 1918 et 1931 sur la communauté Osage du Grand Cheval en Oklahoma, assise, pour son malheur, sur du pétrole – j’ai préféré There will be blood (P. T. Anderson, 2007, ce membre du néo-Hollywood de C. Eastwood à J. Gray) quoique parfois artificiel. Pas de prohibition, pour éliminer les indiens à l’alcool ! Nous retrouvons une relation triangulaire, fondement de la tragédie : un vétéran débile interprété lourdement par Di Carpaccio, avec force prothèses à la Brando, le rapprochant d’Aviator (2004) et de reds necks, De Niro, à la tronche plissée, tout chafouin, et Mollie, jouée par l’éclatante Lily Gladstone (Certaines femmes, Certain Women, 2016 et First cow, 2019 de Kelly Reichardt), une interprétation qui sera retenue, laissant songer à la Mollie de l’Ulysse de Joyce. C’est un des plus beaux portraits de femmes depuis Bertha Boxcar (1974), Alice n’est plus ici (Alice Doesn’t Live Here Anymore, 1974), Le temps de l’innocence (The Age of Innocence, 1993) et Casino (1995). J’ai beaucoup ri en voyant les trognes plissées de Di Carpaccio, co-producteur, et De Niro cabotinant, j’avais l’impression d’assister à une caricature de théâtre japoniais, de la Commedia dell’arte à fond les potards, surtout quand les deux sont en gros plans. Etait-il nécessaire de se fader beaucoup de meurtres avec une complaisance dans l’horreur, vraiment gore, à l’autopsie ? La création du FBI, par cette ordure d’Hoover, sujet central du livre, aurait pu être développée. Jesse Plemons apporte sa touche d’étrangeté.

      Outre une caméra virtuose dans les plongées et, parfois, dans les contre-plongées expressionnistes, je retiens deux scènes. La scène de la punition chez les franc-maçons avec plafond bas à la Welles – dont nous notons ici les fausses images d’archives comme dans Citizen Kane (1941) – avec un cadrage hallucinant, englobant tout, en angle hollandais. La scène de l’incendie, laissant songer à Les moissons du ciel (Days of Heaven, T. Malick, 1978), ne s’exonère point d’une charge christique, comme une passion et une montée en croix – Scorsese n’a pu s’empêcher. La scène est graphiquement belle. J’aurais aimé plus appréhender la mode de vie des Osage, en plus de trois heures, cela aurait été possible. Reste, à la fin, à se rassasier de ce kaléidoscope humain lors d’une cérémonie Osage pour un western décalé, mâtiné de polar. La trop longue scène finale, juste un peu avant, est un moment de compassion – le cinéma filme la radio – où Scorsese, contrit et ressemblant de plus en plus à Woody Allen avec ses sourcils en circonflexe, émeut. Hommage est rendu au musicien de The Band, qui fit la musique avant de décéder peu après.

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