[ciné] Festival Lumière Jour 6 Ça arrache !

Le Masque arraché, Sudden fear, David Miller, 1952, noir et blanc, 1h50, 1:37, numérique, Institut Lumière, Hangar

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Magie de la traduction : Le Masque arraché n’apparaît pas comme tel au générique, même en traduction ; Sudden fear, titre original, est plus juste. Une sacrée découverte : après une passionnante installation de personnages, le scénario vire et vous prend littéralement. Un hommage à la poésie sonore avec Palance / Blaine ?

L’ambassadrice Delphine Gleize (Carnage, 2002 avec Chiara Mastroianni ; L’homme qui rêvait d’un enfant, 2006 ; La permission de minuit, 2011 avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos) présente.

Miller’s crossing

David Miller (1909, le Paterson de W. C. Williams, New Jersey ; 1992, Hollywood, Los Angeles, Californie), réalisateur, producteur de cinéma et scénariste américain, vient du documentaire. Solide technicien, il a été assistant sur la série de propagande (Pourquoi nous combattons, 1941-1944, Capra, Litvak, Ford, etc.). Montrant les prémisses de la seconde guerre mondiale, coté Pacifique, il tournera Les tigres volants (Flying Tigers 1942) avec John Wayne et Le défilé de la mort (China, John Farrow, 1943 avec Loretta Young et Alan Ladd). Il y eut aussi le film de guerre Le Combat du Capitaine Newman (Captain Newman M.D., 1963) avec Gregory Peck, Tony Curtis, Angie Dickinson et Robert Duvall.

Bertrand Tavernier défend Saturday’s Hero (1951). Le Réfractaire (Billy the Kid, 1941) ne reste pas dans les annales tant le film a vieilli, à cause d’un Robert Taylor qui ne correspondait pas au rôle. David Miller se montre à l’aise dans tous les genres, de la comédie burlesque comme le navrant La pêche au trésor (Love happy, 1949), un pastiche de film policier, l’un des derniers films des Marx brothers, et pour la première fois à l’écran Marilyn Monroe, le thriller dispensable en couleurs avec Doris Day et Rex Harrison qui reprend le thème de Sudden fear, Piège à minuit (Midnight lace, 1960), le film historique avec Diane de Poitiers incarnée de façon très glamour par Lana Turner ou le film de politique-fiction comme Executive action (1973), inspiré de l’assassinat du président Kennedy avec Burt Lancaster et Robert Ryan.

David Miller était apprécié du scénariste blacklisté Dalton Trumbo. Après avoir écrit Seuls sont les indomptés (Lonely are the brave, 1962, avec Walter Matthau, Gena Rowlands, Michael Kane, Georges Kennedy), Dalton exigea qu’il fut chargé de la mise en scène d’un autre de ses scénarios, Complot à Dallas (Executive action, 1973) avec Burt Lancaster. En outre, pour rassurer les assurances durant le tournage de Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny got his gun, 1971), Trumbo nomma Miller comme la personne chargée de terminer le film en cas de problèmes.

Elle a les Craw, Joan

Si Miller fut le metteur en scène du western crépusculaire à succès Seuls sont les indomptés (Lonely are the brave, 1962), où il fut éclipsé par le producteur et acteur principal du film, Kirk Douglas, tel n’est pas le cas ici, alors que c’est le premier film de Joan, comme productrice s’entend, en tant qu’indépendante après avoir pris congé de la Warner, en osmose avec David. Elle a personnellement engagé Lenore J. Coffee comme scénariste du film, suggéré Elmer Bernstein, dont c’est l’une des premières compositions, reprise en partie dans Robot monster (Phil Tucker, 1953), en tant que musicien. Elle a insisté pour que Charles Lang soit embauché comme directeur de la photographie du film et a demandé à jouer avec Jack Palance, même si Clark Gable fut un premier choix puis Marlon Brando, et Gloria Grahame, deuxième choix après Jean Rogers.

Pour Antoine Sire, « Joan Crawford eut au moins cinq carrières : vamp des Années folles, femme du peuple au parcours sulfureux de l’ère pré-Code, vedette flamboyante de l’avant-guerre, héroïne de films noirs et de mélodrames dans l’après-guerre, monstre vieillissant pour thrillers grand-guignolesques dans les années 1960. Ses yeux immenses sont la constante de son physique à toutes ces époques. Ils sont des fenêtres ouvertes sur le tréfonds d’une âme féminine, souvent noircie par des scénarios misogynes. » (Sire, Antoine. Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €).

Lucille LeSueur dite Joan Crawford (1907, Texas ; 1977, New York) a été très tôt attirée par la scène car son beau-père était propriétaire d’un théâtre à Lawton (Oklahoma). A l’âge de treize ans, elle remporte un premier concours de danse puis œuvrera à Broadway. Repérée par la MGM, c’est l’une des stars les plus représentatives de l’âge d’or d’Hollywood. Elle débute en 1925 dans le muet, dans de petits rôles de figurantes (Les feux de la rampe, Pretty ladies, Monta Bell). Les studios s’intéressent surtout à son physique de pin-up : visage carré, grande bouche, yeux immenses. Elle cumule les rôles de petite amie du caïd dans des films de gangsters. Après d’être battue, elle arrache son premier rôle important dans Old clothes (Edward F. Cline, 1925). Elle interprète Diane dans Les nouvelles vierges (Our dancing daughters, Harry Beaumont, 1928).

Elle incarne la jeunesse américaine des années 1930, insouciante et assoiffée de vie comme chez F. S. Fitzgerald, et fait rêver une génération de midinettes. Jusqu’en 1943, elle reste fidèle à la MGM, pour laquelle elle tourne une trentaine de films, dont Mannequin (1937) de Frank Borzage.

     Elle démarre une deuxième carrière après la Seconde Guerre mondiale où tous types d’interprétations lui sont confiées : de la femme cynique à l’intrigante, en passant par la femme fatale sophistiquée ou aventureuse. Elle gagne l’oscar de la meilleure interprétation féminine grâce à son personnage de mère meurtrière par amour pour sa fille dans le remarquable Le roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce, Michael Curtiz, 1945). Toutes ses apparitions se soldent alors par un succès commercial. Elle enchaîne les mélodrames dans lesquels elle personnifie la femme qui a vécu seule pendant les années de guerre et qui rêve d’amour.

Joan fut nominée pour l’Oscar face à Bette Davis, leur seul et unique face à face. La majorité des films suivants de Crawford étaient des productions mercantiles sans grand intérêt.

Entre deux âges, elle n’hésite pas ici à se montrer vieillissante. Elle multiplie les expressions : la peur, la trahison, le désespoir, la haine. L’essentiel réside dans sa réaction aux évènements dans le film. Elle joue deux visages, rêve de toute actrice : l’un, rassurant et amoureux, pour son amant Lester quand elle lui fait face, un autre plus cynique dès qu’il a le dos tourné. De vieille fille frustrée, seule, méfiante, sèche et réservée avec ses regards durs et ses mâchoires crispées, elle devient une femme fatale. Elle est omniprésente (seule dans son bureau, en répétition, dans sa chambre ; elle manigance un plan machiavélique ; elle est coincée dans un placard ; elle s’enfuit) et parfois exaspérante avec ses grands yeux et sa bouche qui se tord, comme plus tard Laura Dern (Inland empire, D. Lynch, 2006), remémorant dans certains gros plans, où elle mime l’effroi par exemple (voir les expressions terrifiées dix ans plus tard dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, What ever happened to Baby Jane ?, Robert Aldrich, 1962), Gloria Swanson imitant excellemment le muet dans Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard, Billy Wilder, 1950). Dans le dernier tiers du film, le rôle de Joan est presque entièrement muet. Deux moments forts : quand elle apprend son infortune dans une scène où le son est mis en scène, avec parfois une peur générée par des bruits communs, comme plus tard, Conversation secrète (The Conversation, F. F. Coppola, 1974) ; quand elle va finalement renoncer à son projet. A la fin, les gros plans, qui se reflètent dans un miroir, s’accumulent sur son visage ravagé par la haine à cause des deux amants.

Qui s’en Palance ?

Vladimir Palahnuik (1919, Lattimer, Pennsylvanie ; 2006, Montecito, Californie) dit Palance, second couteau d’Hollywood, fils d’un mineur d’origine ukrainienne, fut un boxeur professionnel dès 13 ans, un cuistot, un réparateur de radios, un vendeur de glaces, un maître-nageur, un garde du corps qui intégra l’Air Force en tant que pilote de bombardier où il hérita de ce visage suite à une opération de chirurgie esthétique à cause de l’incendie de son avion. Il bénéficia d’une bourse et s’inscrivit à l’université où il suivit des cours d’arts dramatiques et décrocha un diplôme en 1947.

C’est la doublure d’Anthony Quinn, qui a repris en tournée le rôle de Stanley Kowalski, créé par Marlon Brando, qui s’entraînait à la boxe en attendant de monter sur scène, dans Un tramway nommé désir (A streetcar named desire), pièce de Tennessee Williams mise en scène par Elia Kazan. C’est ce dernier qui lui donne sa chance au cinéma avec un rôle de méchant dans Panique dans la rue (Panic in the streets, 1950). Grand (1,93 m), mince, cheveux noirs, nez cassé, pommettes saillantes, yeux enfoncés sous des arcades proéminentes, doté d’une voix profonde, il devint l’interprète idéal de personnages de tueurs (L’homme des vallées perdues, Shane, George Stevens, 1953 où, en tant que tueur aux gants noirs au sourire sadique, il donne la réplique à un Alan Ladd monté sur un escabeau ; en 1955, reprise, dans la Peur au ventre, I died a thousand times, Stuart Heisler, 1955, du rôle de Roy Earle qu’avait tenu Bogart dans La grande évasion, High Sierra, Raoul Walsh, 1941; Les Professionnels, The Professionals, Richard Brooks, 1966, où il incarne ce hors-la-loi mexicain qui a enlevé Claudia Cardinale, recherchée par la bande de mercenaires menés par Burt Lancaster), d’indiens (Le sorcier du Rio Grande, Arrowhead, Charles-Marquis Warren, 1953), de tête brûlées (Attaque, Attack, Robert Aldrich, 1956) ou de Mongols (Les Mongols, I mongoli, André de Toth, Leopoldo Savona, Riccardo Freda, 1961).

C’est Robert Aldrich qui lui donne d’autres rôles : l’acteur hagard et survolté dans Le Grand Couteau (The big knife, 1955), d’après une pièce de Clifford Odets (1955), le lieutenant intègre et désespéré dans Attaque ! (Attack, 1956).

Il débuta sa carrière européenne dans Austerlitz (Abel Gance, 1960) et joua, en 1963, Jeremiah Prokosch, un producteur américain brutal et cynique dans Le mépris (Jean-Luc Godard, 1963 qui évoquait « son visage d’oiseau de proie asiatique [qui] s’est légèrement amolli. »).

Après une longue parenthèse, Jack Palance reparut en peintre excentrique dans Bagdad Café (Bagdad Cafe, Percy Adlon, 1987), comédie allemande située aux Etats-Unis qui connaît un succès étonnant. Deux ans plus tard, Tim Burton lui donne le rôle du père du Joker dans Batman (1989). En 1990, il est devenu un homme de l’Ouest parodique dans La vie, l’amour … les vaches (City Slickers, Ron Underwood, Billy Cristal, 1991) où il gagna l’oscar du meilleur second rôle et accomplit ainsi son souhait de réussir dans une comédie.

Palance apparaît ici comme un séducteur crédible, cultivé et raffiné, rôle peu commun vu la carrière de l’acteur conditionnée par son physique, pour devenir un gigolo.

A noter Touch Connors, qui ne se nomme pas encore Mike Connors, celui qui deviendra plus tard, ce n’est pas une marque de capotes, pour la télé le célèbre Mannix (1967).

Gloria

Gloria Grahame incarne un de ses innombrables rôles de femme fatale. Une sacrée garce ! Tout est dans le regard. Une grande actrice. Elle est plus imparfaite physiquement, presque banale car identifiable par rien, plus vulnérable, insiste Gleize qui la préfère largement. Elle crève l’écran, celle qui joua dans Sous le plus grand chapiteau du monde (The greatest show on earth , Cecil B. DeMille, 1952), Les ensorcelés (The bad and the beautiful, Vincente Minelli, 1952), Règlement de compte (The big heat, Fritz Lang, 1953). Elle était mariée au metteur en scène Nicholas Ray, puis à son beau-fils. Elle a eu deux oscars.

Dans une de ses premières critiques, François Truffaut soulignera, pour une fois de façon pertinente : «  Pas un plan dans ce film qui ne soit nécessaire à la progression dramatique. Pas un plan non plus qui ne soit passionnant et ne nous donne à penser qu’il est le clou du film. […] Un scénario ingénieux et d’une belle rigueur, une mise en scène davantage qu’honorable, le visage de Gloria Grahame et cette rue de Frisco dont la pente est si rude, prestiges d’un cinéma qui nous prouve chaque semaine qu’il est le plus grand du monde. » (Cahiers du cinéma n° 21, mars 1953). Le film commence comme une comédie dramatique traditionnelle avec un portrait de Myra.

L’Hollywood classique en son âge d’or offre une galerie de femmes instables mais séduisantes, qui veulent toutes échapper au carcan d’un monde d’hommes, mais n’y arrivent jamais, piégées par leurs doutes et leurs névroses (Secret de femme, A Woman’s secret, 1949, Le Violent, In a lonely place, 1950 de Nicholas Ray ; Règlement de comptes, The big heat, 1953, Désirs humains, Human desire, 1954, Fritz Lang ; Alibi meurtrier, Naked alibi, Jerry Hooper, 1954 ; Le Coup de l’escalier, Odds against tomorrow, Robert Wise, 1959).

Les qualités

Le scénario, plein de rebondissements, écrit par Lenore J. Coffee et Robert Smith, d’après le roman Ils ne m’auront pas (Sudden Fear) d’Edna Sherry, déroule une structure classique en trois actes : l’amour, la méprise, le châtiment. Quelques sommets approchent le suspense hitchcockien avec l’utilisation du hors champ, la séquence notamment de l’emploi du temps qui prépare le spectateur à une version forcément moins fluide des faits à cause du nécessaire grain de sable. Respiration suspendue lorsque le chat, évidemment noir, risque de révéler la présence de Myra, planquée à côté. J’ai éprouvé une peur semblable à celle ressentie lors de la projection de Raccrochez c’est une erreur, Sorry wrong number, Anatole Litvak, 1948 avec l’excellente Barbara Stanwyck et le sourire carnassier de Burt Lancaster, film projeté dans la très prisée section Art of noir avec Eddie Muller de Frisco et Phil Garnier lors du Festival Lumière 2013).

Charles Lang (Les 7 Mercenaires, The magnificent seven, John Sturges, 1960), ainsi que Loyal Griggs, directeur non crédité de la seconde équipe, magnifie le film grâce à sa photographie impeccable notamment pour les éclairages d’intérieurs et pour les magnifiques scènes nocturnes de course folle de la seconde partie du film dans un Frisco offrant ses vues panoramiques et ses perspectives naturelles. Des plans sont répétés où l’aiguille de l’horloge se balance sur le visage entre les deux, ce que les surréalistes, comme Man Ray, ne renieraient point.

Un autre film avec Bette Davis traite des desseins criminels d’une romancière, Jezebel (Another man’s poison, Irving Rapper, 1951).

[Manuscrit] Vers o, épicaresque roème [feuilleton 18]

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

on-craint-degun

grammé pour ena, oint à l’anpe point                      tétine avec pur’ennui             (                      )

     fini état de grâce, les trois, pour huis clos                humeur seiche         colimaçon en régressif

vingt mètres carré d’espé(lucidité citron ; quasi mis’en bière)rance                             – plafond bas     au-delà velux, colonnes de ‘cule       , grand saut ver’horizon (   non événement      )     et l’état quitte               ciel purée de mirages griffé  cadre -brisé- de béton blanc     lucarn’isole

dormir          manger           boire   pleurer gracieuse       couler bronze             :c’est autarcie

se rabattre, avachi, tempes lourdes, sur sa télécommande, pitonner                      comm’ultime pouvoir

:mond’en judas                      miserere pour cathode                         zappe comme béquille

♪ le rose qu’on nous propose   on nous inflige   des désirs qui nous affligent   on nous claudia schiffer   on nous paul-loup sulitzer   on nous

   s’enfoncer en glandouneux                                               surtout ne pas penser sinon

êtr’un chien : aimé simplement                   soliloques                                      osselet du temps

                        en mar(g)elle                                                en blanc de pied

se précipiter mollement        ,tel un toc,     au   lavabo inter innocentes manus meas   s’en laver

les mains du rmi, cette poisse                       remords coupable toujours COUPABLE       dixit eux

            rognures d’ongles )   (   ( aux bords carmins’qu’aux peaux     se purifier     faire éjaculer pousse-mousse       tapis de lidl gris                     prendre douche ( jusqu’aux doigts fumants ) « 2 jours en heures creuses – économiser un max’                     rideau moisi d’angoisses           chasse d’eau récalcitrante, tirée « 3 urinances   cuvette oblique   océan mer (ventre torturé )   aller aux gogues :

bran mont blanc cagade liquide selles disparates chiasse dripping foire résidus

briques étron étalé bronze d’obus lisse raidy-merde maillol étron dégazage fèces

longues d’aspérités excréments troglodytes crottes perlées fécale courte verdo-

yante déjection chiure cactus blanchi de sèche cercle vicieux_moyeu_papier

cul chiffres rouges et noirs : compteur

nous entendons par excrétions ou exhalaisons, ou éjections ou exosmose, tout ce qui sort du corps de l’homme. ainsi en premier lieu, la respiration ou expiration, puis les excréments et vomissements, ou matières fécales, les vents du haut et du bas du corps, la salive, les crachats, la sueur, la morve, les émanations et exhalaisons invisibles de tous genres qui sortent de notre corps, soit à l’état de vie ou de mort, les émissions de l’urine, du sperme, des larmes et autres ; les pertes de sang, d’eaux, de flux ou flueurs, de pus et humeurs, et autres ; la transpiration ou l’exhalation, les évacuations de tout genre ; l’humeur sébacée de la peau, et les acides et graisses qui en suintent ; écoulement, la sanie, la barbe, les cheveux, les poils, les cornes, les ongles, peau morte, ulcères, cal, calus, durillons, indurations, fistules, boutons, abcès, excroissances, monstruosités, syphilides, chancres, bosses, enflures, ampoules, loupes, feux, glandes extérieures, aphtes, tubérosités, bubons, pustules, et les exutoires de tous genres, sanie, eaux fétides ou autres, les expulsions et vidanges qui précèdent ou qui suivent la parturition ; le placenta, les eaux de l’amnios, l’avortement, les monstruosités, les lochies, les pus et venins, vaccins et virus de tous genres ; la transsudation, la perspication, les mucosités ; en un mot toute diaphorèse et tout ce qui sort par tous les orifices du corps, pores et vaisseaux lymphatiques, et même toutes les sécrétions intérieures qui produisent les matières ci-dessus, toute sérosité quelconque, les glaires, la matière des nodus, la boue, les graviers et pierres de la vessie. nous sous-entendons aussi, sous le nom d’excrétions, les mêmes émissions et émanations qui se manifestent chez l’homme telles que nous venons de les décrire, et qui se produisent chez tous les êtres, les corps, les engins de tous genres, les choses et les phénomènes de la nature et des arts. car toute matière organique ou non organique, gazeux, liquide ou solide, morte ou vivante, a ses émanations produites par les courants de calorique ou de magnétisme qui la pénètrent, ou la vivifient, ou la décomposent. toute matière impure est sujette à la fermentation et le globe entier, est dans une fermentation permanente, et l’atmosphère n’est que la sueur excrétionnelle de la terre. et observez bien que c’est cette atmosphère excrétionnelle de la terre, qui, en vertu de la loi 41.111 – l’impureté fait fuir la grâce -, en fait fuir l’hydrogène, ou la grâce, ou l’éther céleste, ou l’agent sublime qui s’en tient éloigné, mais qui néanmoins en vertu de la loi 76.20 – plus un corps a d’analogie avec un autre, ou de ressemblance de matière, moins il a tendance à se combiner avec lui ; c’est-à-dire moins il a d’attraction et d’affinité pour lui – presse la terre de tous côtés, parce qu’il voudrait la vivifier par son amour pour la molécule pure qu’elle contient. voilà ce qui produit la pression atmosphérique. aussi, comme la sueur de la terre est moins sensible de nuit, voilà pourquoi l’agent sublime abonde ou s’abat sur l’hémisphère nocturne, de même qu’il le fait d’une manière si manifeste sur la calotte nocturne des pôles dans les aurores boréales. et si l’éther céleste ne venait pas sans cesse vivifier l’atmosphère, tous les êtres y seraient étouffés ; c’est ce qui arrive dans les enfers, plus impurs que la terre. toutes les graisses de tous genres et l’écume sont très impures, ce sont des excrétions. toutes les émanations de la terre. les excrétions sont plus dangereuses et pestilentielles chez les êtres et les choses vieux que chez les jeunes, parce que la matière y est plus corrompue. les excrétions des gens vierges sont moins corrosives et épidémiques que celles des gens non vierges qui sont tous plus ou moins empestés de syphilis mondaine. les excrétions des lieux bas et humides sont plus mauvaises que celle des lieux élevés et secs. d’après ce qui précède, on voit que tous les poisons et matières impures ou sales du globe sont comprises sous le nom d’excrétions ; telles sont la boue, la terre, l’ordure, la raclure, le rebut, les déchets, les chiffons, les balayures, la poussière, la saleté, la manipulation, l’impureté, les levains, la crasse, la vermine, la crapule, les vieilles maisons, les débris, les remblais, le vieux plâtre, les êtres du bas de l’échelle, la pourriture, la fermentation, la crotte, la lie, la vase, les dépôts, l’écume, la matière verte, les matières colorées, et surtout celles colorées par les impuretés désignées ci-dessus, les acides, toute matière infecte et corrompue, le fumier, les mauvaises compagnies, les impies, les impurs, les hypocrites, les trompeurs, les corrupteurs, les voleurs ou tous ceux qui se rangent sous les drapeaux de satan, c’est-à-dire les charnels, ou sensuels, ou mondains, et qui malheureusement forment les 99 centièmes de l’humanité ; c’est l’écume du monde, comme dit la bible ; le monde entier est soumis à satan, dit-elle encore, la vermoulure, la putréfaction, l’oxydation, la veille, l’air impur, la mollesse, l’insuffisance de mouvement, les péchés vénériens, les mauvaises coutumes, le vêtement impur, les passions. nous répéterons encore ici une grande vérité que nous avons prouvée à maint endroit dans tous nos ouvrages, et spécialement dans les traités 38.38.36.36 / 6.41.19° et dans l’hygiène pure, c’est qu’il faut savoir que les mots suivants : virus rabifique, syphilis, poison, magnétisme, morve, fermentation, feu, calorique, fournaise ardente, écharde de la chair, lion rugissant, férocité, empyreume ; pourriture d’hôpital, peste, épidémies, passions, contagions, typhus, gale, infection, puanteur, azote, acide carbonique, miasmes impurs, noir, foncé, pourriture, jaunisse, électricité impure, levain, vaccin, claveau, ferment virus, venin, poison, ténèbres, mort, gaz, directeur de l’empire de satan, humeurs corrompues, sang impur, mal maladie, excréments, immondices, fumier, satan, démon, diable – ou leurs bras, serpent ancien, ténèbres, chair, chair impure, impureté, saleté, crasse, musc, etc. et mille autres du même genre sont entièrement synonymes, puisqu’ils sont tous des figures ou des représentations, ou des causes, ou des effets, d’une seule et même chose : c’est-à-dire l’agent morbifique plus ou moins corrosif qui ronge l’humanité depuis le premier péché de fornication d’adam, qui produisit ensuite – par le travail ou le manger auquel l’homme fut assujetti pour sa punition – le mélange plus ou moins impur – selon l’hygiène des divers peuples – des excrétions avec les injections, et partant : la fermentation, qui fait fuir le saint-esprit, ou électricité pure, et cause les maux de tous genres, tant au physique qu’au moral, ainsi que le prouve la loi 41.111, qui est fondamentalement de toute la physiologie avec celle 76.20. ces deux lois sont réunies en une seule 73.97 : il y a une purification ou une perfectibilité et une élévation de la matière impure et elle s’opère par le calorique ou mouvement. le soleil est un des satans de l’univers, partant : comme un vrai tartufe, il porte le manteau de dieu. c’est un sépulcre blanchi qui au-dedans est plein d’ossements et de pourriture, satan pour tromper les hommes s’habille en ange de lumière. le soleil est impur, le noyau est excrémentiel, c’est la fosse d’aisances de notre système, mais l’enveloppe est formée par les âmes des damnés des différentes planètes, et ces âmes sont composées de S.E. et de matière impure. elles vivent dans un frottement acrimonieux et terrible, et sont nourries par les exhalaisons du noyau. mais ce mouvement fiévreux semblable aux coussinets d’une machine électrique, attire le S.E. des espaces interstellaires en vertu de la loi 76.20 et cette même attraction produit aussi l’orbe des planètes et des comètes. le S.E. arrivé dans le soleil ne peut pas y demeurer, en vertu de notre loi 41.111 ; il s’empare donc de son épouse, le carbone contenu dans les âmes des condamnés, et en rayonnant de toutes parts, va porter la vie et l’être sur tous les globes de notre système. une ville comme paris, par exemple, est un soleil, car il y a un et demi million de diables, qui s’ébattent sur cinquante mille et plus de fosses d’aisances. les hommes sont de petits soleils ambulants, leur bassin est une fosse d’aisances, la fermentation ou les frottements s’opèrent dans les poumons, dans l’estomac et les intestins, et en vertu de notre loi 41.111 la grâce fuit et monte par la circulation dans le cerveau, qui est le chapiteau de l’alambic ou l’écorce du soleil, et de là s’émane par les sens et se répartit dans tout le corps par le système nerveux. l’hydrogène du sang est le moteur. tels sont lus par l’inénarrable voix de jean topart les extraits d’hygiène pure et nouvelle, ou le miroir de la société ou études et pensées sur le monde spirituel, la nature en général, la société et l’homme en particulier et le traité de la science de dieu ou découverte des causes premières, ouvrage révélant le grand mystère de l’électricité et du magnétisme pour l’émission une vie une œuvre sur france culture consacrée à pierre roux. rémi enfin comprend sa constipation chronique.

 

 

 

 

[ciné] Festival Lumière 2016 La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil : road polar pop

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, The lady in the car with glasses and a gun, 1970, 1h45, couleurs (Eastmancolor), 35mm, 2:35, CNP Terreaux

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La présentation s’est conclue par un échange informel et très bon enfant entre Quentin Tarantino, qui cite les derniers films en 1970 d’H. Hawks (Rio lobo), J. Negulesco (Hello-Goodbye), R. Corman (Le baron rouge, Von Richthofen and Brown), W. Wyler (On n’achète pas le silence, The liberation of L.B. Jones également présent au Festival Lumière cette année), Bertrand Tavernier, traducteur, qui ajoute sa pâte sur le Litvak français. Le film semble démodé, ce qui lui donne un charme certain, tout en y échappant. Le film est similaire à un giallo car on dirait ici un roman de gare. Thierry Frémaux, heureux d’annoncer une copie 35mm en présence du féru Quentin mais très rosée, ce qui va fort bien avec l’ambiance du film, avant probablement de tirer vers le rouge, comme La mort en direct (Tavernier, 1980), par exemple, avant numérisation. Isabelle Hubert, toute petite et emmitouflée dans ses vêtements, est dans la salle car elle tourne au même moment un film à Oullins.

     Si le marseillais Jean-Baptiste Rossi dit Japrisot est l’auteur de scénarios oubliés tels que Adieu l’ami (Jean Herman, 1968 avec Alain Delon et Charles Bronson), La course du lièvre à travers les champs (1972 avec Goodis) et Le passager de la pluie (René Clément, 1970 avec Marlène Jobert et Charles Bronson), Les enfants du marais (Jean Becker, 1999 avec Jacques Villeret, Jacques Gamblin et André Dussollier), il est, avec Simenon, l’auteur le plus adapté au cinéma avec Compartiment tueurs (Costa Gavras, 1965), Piège pour Cendrillon (André Cayatte, 1965 avec Jean Anouilh à l’adaptation), L’Eté meurtrier (Jean Becker, 1983), Un long dimanche de fiançailles (Jean-Pierre Jeunet, 2004) et bien sûr le film franco-américain La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Anatole Litvak, 1970).

C’est le dernier film d’Anatole (1902-1974), réalisateur américain d’origine ukrainienne de 33 films (après la UFA, il tourne Cœur de lilas, 1932 avec Jean Gabin ; Mayerling, 1936 avec Danielle Darrieux et Charles Boyer ; Pourquoi nous combattons, The Nazis strike, Divide and conquer, 1943-1945 films de propagande au côté de Franck Capra ; le mélodrame Un acte d’amour, 1953 ; un excellent thriller Raccrochez, c’est une erreur, Sorry, Wrong Number, 1948 avec Barbara Stanwyck, Burt Lancaster, film projeté dans la très prisée section Art of noir avec Eddie Muller de Frisco et Phil Garnier lors du Festival Lumière 2013 avec remise de prix à Tarantino ; un film sur la folie La Fosse aux serpents, The Snake Pit, 1948, avec Olivia de Havilland ; une délicieuse adaptation de Sagan avec Aimez-vous Brahms ?, Good-bye again, 1961 avec Ingrid Bergman, Yves Montand et Anthony Perkins ; La Nuit des généraux, The night of the generals, 1967 avec Peter O’Toole, Omar Sharif et Donald Pleasence, un film criminel aux ramifications psychologiques et historiques), doué d’un solide savoir-faire s’accommodant des impératifs commerciaux à la réputation d’artisan superficiel, qui a été « surpris et amusé » par le roman. Il faut dire que dans son roman publié en 1966, Sébastien Japrisot s’amusait à détourner les codes du noir. « La seule langue que je comprends, en dehors du français, est celle des images » déclarait Japrisot. Ici, nous vivons la leçon des films d’Hitchcock : plus un humain est innocent, plus les autres le croient coupables, à un point tel que l’individu se met à douter de lui-même et finit par se perdre dans le labyrinthe de la culpabilité qu’on lui attribue.

     Il s’agit, Ford thunderbird automatique bleue à l’appui, d’un road-movie pop voire psyché, peut-être une influence Boileau-Narcejac, sur la fameuse route du soleil, entre Paris et Villefranche-sur-Mer où la Côte d’Azur est fantasmée par un anglo-saxon. Nous voyons et sentons un parler ouvrier, les lieux de vie, les bals populaires du 14 juillet avé Pont d’Avignon. Il faut dire que le directeur de la photographie est Claude Renoir.

     Puisque Tarantino fantasme sur Samantha Eggar (1939-), trop sous-estimée selon lui, allons-y sur la belle. La britannique Victoria Louise Samantha Marie Elizabeth Thérèse, fille d’un père major dans l’armée de la majesté et d’une mère d’origine néerlandaise, sort du couvent. Après avoir joué au théâtre (Cecil Beaton, Shakespeare, Tchekhov), elle se lance dans le cinéma pour éclater dans L’obsédé (The Collector, William Wyler, 1965 cherchant à battre Psychose, Psycho, Hitchcock, sur son propre terrain, avec Golden Globe de la meilleure actrice, un prix d’interprétation féminine au festival de Cannes à la clé) aux côtés de Terence Stamp, un ancien camarade d’école éconduit qui tenait envers Samantha une rancœur tenace. Après une comédie (Rien ne sert de courir, Walk don’t run, Walters, 1966, aux côtés de Cary Grant qui signe ici sa dernière apparition au cinéma), une comédie musicale (L’extravagant Docteur Dolittle, Doctor Dolittle, Fleischer, 1967 avec le cabotin Rex Harrison dans le rôle-titre), elle tourne pour la télévision (6ème épisode de la saison 2 du Saint par exemple) tout en continuant avec Sean Connery et Richard Harris dans Traître sur commande (The Molly Maguires, Ritt, 197) ainsi qu’aux côtés de Kirk Douglas et Yul Brynner dans Le phare du bout du monde (The light at the edge of the world, Billington, 1971), une œuvre adaptée du roman du même nom de Jules Verne. Après quelques films en Italie (le giallo Overtime d’Armando Crispino, 1971), Samantha Eggar se retrouve à nouveau face à Oliver Reed, déjà rencontré dans le Litvak qui nous occupe, dans une œuvre singulière de David Cronenberg : Chromosome 3 (The brood,1979). Elle continuera à la tv dans les 80’s : Falcon Crest, Magnum ou Santa Barbara. La brune Samantha joue ici celle qui était blonde dans le roman où elle se nomme Dany Longo ; la secrétaire est d’origine italienne chez Japrisot.

     Si Stéphane Audran éclate de beauté snob, les seconds rôles sont croquignolets : Bernard Fresson en routier sympa, Marcel Bozzuffi en garagiste, Philippe Nicaud en policier suspicieux de la route à côté de … Jacques Legras, Jacques Fabbri en Docteur, André Oumansky en Bernard Thorr, l’amant maître chanteur et la jeune et jolie Martine Kelly.

La bande-son pop voire funcky de Legrand est, pour une fois, en adéquation avec le film : Je roule (chant : Petula Clark) ; Auxerre ; Mi, sol, mi, mi, re, re, mi ; Auberge Inn à Salieu ; Chalon-sur-blues ; Macon-sur-Marche ; Jerk-les-Avignon ; Le pont du Gard ; On the road (chant : Petula Clark) ; 14 Juillet 1970 ; Un cœur ; Deux piques ; Guatamalteque ; O-No-Ma-To-Pe ; La dame dans l’auto ; Les lunettes ; Le fusil.

Si nous nous doutons rapidement de l’intrigue, la résolution, didactique, est trop longue, comme dans le livre où Japrisot a besoin de soixante pages pour révéler qui a fait quoi quand comment. Cette séance était l’une des meilleures du Festival : intimiste, avec des invités passionnés, une copie 35mm rare, un public intéressé, l’impression d’être privilégié en voyant une rareté.

[Manuscrit] Vers o, épicaresque roème [feuilleton 17]

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

on-craint-degun

encore pérégrin’ / côté belges / arrêt terrasse caravelle / panorama rade  / d’haut : défilé λ / comm’aquarium / le bas de casse / : filles parfois de belle tournure / mod’anorexiques mode semelles compensées (h=f(x)crise) mode lin mode XXL mode mao l’col mode botte mode coiffure ♂ chimio mode roller mode piercing mode pattes d’éph’ mode trottinettes mode espèce de spice mode longue jupe-basquettes®-collant mode ciré faux mode baggy mode jean rayé mode capuche mode justauxmollets mode anasthasia mode doudoune longue mode tatouage maori mode sac choubaka (bandoulière) mode lunettes 70’s mode pantalon corsaire mode chemises bûcheron à carreaux et les autres / que feuilles mortes / qui sont dans le vent / ferry boite relie / tapas : tomates de puglie pichoulines pimentées poivrons provençaux calamars grimaçants / et pique, atout / fond jazz joão / voitures swinguent / klaxon en ut / peu ou proue, don du vent / à quai comme trois mâts / ciel : morsures par nappes / gars fait son bosso / cultureux discutent / lolita d’ongles multicolores drague / trône notre dame / (nuit : comme touristique boule de neige) / deux filles discutent / face à face avec portables

rew : affronter éclairs sur balcon avec histrione belge, cabourde (vite dis ouite :∞)
rew : sax’ live d’elangué sur moleskine vert suranné
rew : vue enviée sur’artifices (not. fêt’nat’)
rew : mafieux transpercé comme passoire
rew : arrivée catamaran the race blédard

prendre d’arcades pouillon / longe plaisance / contemplatif, rémi, content / hôtel de ville / maison diamantée / s’enfonce / rue de la prison / hôtel dieu vide / rire daumier droit / fontaine poiscailles / à st jean église s’embrase / et grimpe / marches d’accoules / acculent rémi / vir’au lenche /  place de ~  / théâtre de ~ / quartier authentique / label bleue / pitchounes épanouis / dam la garde, encore / siroter ici / Σ trognes pittoresques/ (aveu d’un marin / : rital né ici / 70’s fuite ‘cause mafia / émigrés par vagues) / quartier populaire / lingesuspendus / – mairie interdirait – / cohabiter en décrépis / crachats du péquin / (⇒  turberculose) / justin de mars. en entrelacs : / rue des repenties come on comores  rue des belles écuelles pauvres pauvres rue des muettes échos télé raï et percus rue des mauvestis chéchia boubou blédard tarbouche rue puits du denier (sur mur : “ lutte pot-de-terre contre pot-de-vin ”) place des 13 cantons bar des 13 coins chocolats à l’oignon à tomates séchées au poivre rue du bouleau taxiphone rue de l’abadie santonnier d’art rue du refuge (cahiers du ~ ) place du ~  ccas été cinéma plein air rue des pistoles fragrances d’orient place des ~  (regrets grand tag cancelé / petit train touriste / dit promène-couillon / attaqué par artiste / performance art contemporain) et enfin charité, facture puget / = panier  (quartier du ~) d’aisance / entre naples et bab el oued / marseille : pastrami de communautés / nul mélange / beaucoup racismes / bonne intégration maghrébine / intermariages / point obstacle religion / (fin XIXe  massacres / catholiques ritals / aigue-mortes / vêpres marseillaises) / racines rémi tremblent / vers bercail

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 8 ça bande pour « La Momie » !

La Momie, The Mummy, Karl Freund, 1932, 1h13, noir et blanc, 1:37, numérique, Pathé Bellecour, salle 6.

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Universal monsters

Le roboratif Aurélien Ferenczi, ex Le Monde et actuellement Télérama, présente. En 1928, lorsque Carl Laemmle Jr., alors âgé de vingt ans, succède à son père, fondateur d’Universal Pictures, il manifeste une prédilection assumée pour les films de genre produits de façon industrielle mais confectionnés avec une qualité artisanale, une inventivité plastique qui confine au label esthétique sans omettre un côté mercantile avoué. La concurrence faisait rage : la Paramount proposait Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde , Robert Mamoulian , 1931) et L’île du docteur Moreau (Island of Lost Souls, Erle C. Kenton, 1932) ; la MGM employait le terrible personnage du professeur Fu Manchu avec Le masque d’or (The Mask of Fu Manchu, Charles Brabin, celui du Ben-Hur de 1925 et dont plusieurs films, projetés lors du Festival Lumière 2012 et présentés par Phil Garnier, auteur, entre autres, de Passera pas Ben-Hur, vie et oeuvre de Charles Brabin, et Charles Vidor, non crédité, 1932 avec Karloff en rôle titre) ; la RKO produisait Les chasses du comte Zaroff (The most dangerous game, Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, 1932).

Ferenczi insiste sur la 3e série d’Universal monsters : après Dracula, Frankenstein, les studios Universal se lancent dans la série de La Momie (La Main de la momie, The Mummy’s Hand, Christy Cabanne, 1940 ; La Tombe de la Momie, The Mummy’s Tomb, Harold Young, 1942 ; Le Fantôme de la Momie, The Mummy’s Ghost, Reginald LeBorg, 1942 avec J. Carradine ; La Malédiction de la Momie, The Mummy’s Curse, Leslie Goodwins, 1944 avec Lon Chaney Jr), reprise ensuite par le studio anglais Hammer. Si les autres aventures de La Momie, sorties entre 1940 et 1955, ne sont pas du même calibre, elles conservent le charme des serials d’antan. Le film sera tout de même interdit au moins de 16 ans à sa sortie !

Pierce du monstre

Le point commun entre Frankenstein (James Whale, 1931) et La Momie est, entre autres, le chef du département maquillage (1936-1946), Jack Pierce (1889-1968), ancien acteur et cascadeur. C’est l’un des plus grands maquilleurs du cinéma américain des années 30 et 40 : L’Homme invisible (The invisible man, James Whale, 1933), Le Corbeau (The raven, Louis Friedlander aka Lew Landers avec Boris Karloff et Bela Lugosi, 1935), Le Fantôme de l’Opéra (Phantom of the Opera, Arthur Lubin, 1943 avec encore Claude Rains), Le Fils de Dracula (Son of Dracula, Robert Siodmak, 1943 avec Lon Chaney Jr). Il se fait virer car les techniques de maquillage ont évolué, Jack Pierce n’a pas suivi. Selon l’égyptologue Liliane Aït-Kaci, Pierce a réussi dans la composition du masque de Karloff à « sentir l’épaisseur derrière la surface, à restituer parfaitement un aspect parcheminé [à propos de parchemin, le film, du moins dans sa traduction, fait la confusion entre rouleau de papyrus et parchemin] où transparaît néanmoins l’être ». Il existe deux visages de la momie : avec et sans bandelettes. Les préparations demandent ici encore plus de temps que pour Frankestein, soit huit heures, pour un masque basé sur l’apparence de Ramsès III. Outre les morceaux de boue, de multiples tranches de viande en tous genres, des matériaux nocifs étaient utilisés comme le collodion avec de l’éther qui embrumait un peu Boris Karloff. Il avait tant de couches de coton pour obtenir l’effet ridé qu’il était incapable de bouger ses muscles faciaux, même pour parler. Il se nomme Ardath Bey car c’est l’anagramme de Death by Ra (Ra apporte la mort ; Ra est le dieu Egyptien du soleil).

Contexte

Après la crise de 1929, les Etats-Unis plongent dans la Dépression. Les gens aiment se faire peur pour exorciser leurs angoisses d’où la vague de films d’horreur en adéquation avec la demande. Le cinéma d’épouvante dans les années 30 était un genre aussi populaire, a fortiori avec une pointe d’exotisme en pleine égyptomania et égyptophilie déjà ancienne (Cléopâtre, Georges Méliès, 1899 ; The Mummy, William Garwood, 1911), que le sera le film noir dans les années 40. L’égyptologue adhère au « complexe de la momie » d’André Bazin, qui assigne au cinéma le même le rôle que celui des embaumeurs : éterniser la beauté et l’individu.

Le début d’une série originale

La première idée se fonde sur Cagliostro ou Balsamo, un alchimiste immortel et menteur du XVIIIe siècle présent chez Dumas ainsi que chez le romantique Gérard de Nerval et ses illuminés. Le journaliste anglais John L. Balderston, créateur de la pièce de théâtre contant les aventures du célèbre comte Dracula dont Browning s’est inspiré pour son film, se dirige vers une autre idée : en 1922, lord Carnarvon et Howard Carter découvraient le tombeau de Toutânkhamon, onzième pharaon de la XVIIIe dynastie, avec la « malédiction du Pharaon » (une vingtaine de morts liés à l’expédition peut-être due, selon l’hypothèse du docteur Iskander, à des bactéries et des virus ayant survécu aux siècles avec une virulence inconnue ; Lord Carnarvon, pris de fièvres dues à une infection consécutive à une piqure d’insecte, meurt le 5 avril 1923 ; le canari d’Howard Carter est avalé par un cobra) qui s’ensuivit. John L. Balderston était présent en tant que journaliste pour le New York Times lors de la découverte. Agatha Christie, mariée à un archéologue, s’en est inspirée dès 1923 pour son roman L’aventure du tombeau égyptien (The adventure of the Egyptian tomb). Balderston s’inspire d’une histoire retravaillée par Nina Wilcox Putnam et Richard Schayer.

Cagliostro, un égyptien âgé de 3 500 ans, se maintient en vie grâce à des injections de nitrate. Il tue toute femme à l’image de celle qui l’avait trahi. Plusieurs titres sont envisagés : The King of the Dead (Le roi des morts) et Imhotep, du nom du personnage principal d’après l’architecte qui a conçu les pyramides. Dans les crédits du générique de fin, on peut voir le nom de l’acteur Henry Victor dans le rôle du « guerrier saxon », bien qu’aucun personnage de ce genre n’apparaisse dans La Momie. En effet, le guerrier saxon était un personnage inclus dans une longue séquence montrant toutes les vies passées de l’héroïne, de l’Egypte ancienne au monde moderne. Cette séquence n’a pas été gardée lors du montage final.

Le scénario remémore Dracula car Balderston transforme l’histoire initiale en creusant le scénario de Dracula : la puissance hypnotique (gros plan effrayant, le regard de Karloff, l’effet de suggestion), la momie se lève ; l’histoire d’amour entre les deux jeunes suit son cours ; le triangle amoureux avec la momie qui possède une emprise totale sur la jeune femme qu’il tente d’attirer dans ses rets, au détriment de son fiancé actuel ; il veut retrouver celle qui ravit à l’époque son cœur, quitte à braver les interdits des dieux. Les grandes séquences du film sont parallèles scène par scène au Dracula : le symbole ankh d’Isis, l’ancien hiéroglyphe égyptien pour la « vie », correspond au crucifix ou à l’ail anti vampires; le personnage d’Edward Van Sloan, le Dr Muller, est tout à fait analogue au Dr Van Helsing du film de vampire. John P. Fulton, responsables des effets spéciaux sur tous les films du cycle, ainsi que dans Sueurs froides, (Alfred Hitchcock, Vertigo, 1958), gratifie notamment le spectateur de sublimes volutes de fumées, s’évaporant en d’innombrables arabesques, au début du long flash-back au milieu du film. Les critiques à l’époque de la sortie du film de Karl Freund dénonçaient La Momie comme un remake déguisé de Dracula. Balderston puise aussi dans diverses sources : les manuels d’histoire, des nouvelles de Conan Doyle dont L’anneau de Toth (1890), des œuvres cinématographiques de son temps. La vision audacieuse du monstre, dénué de toute substance métaphysique, mène sa vie propre, ne devient monstrueux qu’en regard de la réalité sociale. Nous retrouverons trois acteurs de ce film dans des rôles proches, Edward Van Sloan, Van Helsing ainsi que David Manners, canadien mort en 1999 à l’âge de 98 ans, dans le rôle du jeune homme transi, rival du monstre dans les deux films. Il s’agit d’une histoire originale à partir de faits divers et non une adaptation, ce qui est rare. Le film se déroule lors d’une époque contemporaine au tournage : l’art Déco à la Belle époque est présent lors de la scène de la réception à laquelle participe Helen Grovesnor, en tunique légère et échancrée, sans soutien-gorge et, d’après les témoignages, sans culotte.

L’ami Karl Freund

Il était d’abord question de confier la réalisation à Tod Browning mais celui-ci refusa en craignant d’être accusé de tourner un « Dracula-bis ». Karl Freund, célèbre chef opérateur allemand (Le dernier des hommes, Der letzte mann, F.W. Murnau, 1924; Metropolis, Fritz Lang, 1927 ; Berlin, symphonie d’une grande ville, Berlin: Die Sinfonie der Grosstadt, Walter Ruttman, 1927 projeté au Festival Lumière 2014; Dracula, Tod Browning, 1931 ; Double assassinat dans la rue morgue, Murders in the Rue Morgue, Robert Florey, 1932 ou encore Le Golem, Der Golem, wie er in die Welt kam, Paul Wegener et Carl Boese, 1920 ; Les mains d’Orlac, Mad Love, Karl Freund, 1935, etc.), réalise sept films de 1932 à 1935. La Momie est son premier film en tant que réalisateur, deux ans après son arrivée aux États-Unis. L’expressionnisme est patent dans l’utilisation d’éclairages avec les nombreux clair-obscurs, et ombres savantes, les contre-plongées enténébrées, les suggestions (le réveil d’Imhotep ; un gros plan sur son visage, puis un panoramique vertical nous montre ses yeux s’ouvrir, puis ses bras se libérer lentement de ses bandelettes. Puis une main poussiéreuse s’abat sur le parchemin qui l’a réveillé), le hors-champ (une main émaciée qui apparaît dans un coin de l’image, des bandelettes qui traînent sur le sol, le rire de Norton devenu fou ; le meurtre d’un garde du musée n’est signifié que par sa disparition du cadre puis son cri cinglant), accentuant l’horreur, la scène en flashback où Imhotep fait découvrir sa vie antérieure à travers un bassin d’eau (le réalisateur utilisa pour ce film dans le film de 6mn, où se succèdent des vignette sans paroles, des caméras utilisées à l’époque du muet, avec ce que cela implique d’accélération de l’image, de 24 à 18 images par seconde, et utilisa même des acteurs de cette période, comme James Crane, qui joue ici le pharaon. Le maquillage, l’éclairage, le jeu théâtral, la composition des plans, avec peu de gros plans, beaucoup de plans d’ensemble, des images volontairement coupées pour que le raccord dans le mouvement soit saccadé, rappellent le muet également), les thèmes musicaux.

Qui est Karloff ?

A noter le soin apporté dans la direction d’acteurs. Karloff a été choisi car il est plus malléable, plus modeste que Bela Lugosi qui refusa. Ici, il développe un jeu sobre : peu de paroles ; une stature figée avec un corps et une tête fixes, droits et les bras le long du corps. Il évolue et se spécialise dans le film d’horreur avec force retenue, immobilité, puissance du regard et intensité dramatique. S’il est symbolisé par un point d’interrogation au début, il est crédité au générique de fin, l’effet de surprise passé.

De famille aisée, William Henry Pratt (1887, Camberwell-1969, Midhurst) aka Karloff the Uncanny ou Karloff, étudie à l’université de Londres. Destiné à une carrière dans la diplomatie, il émigre contre toute attente au Canada à l’âge de 22 ans pour devenir fermier. Suivant des cours de comédie, il devient figurant et apparaît à l’écran en 1916 dans The dumb girl of Portici (Lois Weber, Phillips Smalley). Homme de scène, Boris monte régulièrement sur les planches, notamment dans Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace), une pièce de théâtre américaine de Joseph Kesselring, créée à Broadway (New York) en 1941 et adaptée évidemment par Capra (1944 avec Carry Grant et Peter Lorre).

Zita & Manners

Zita Johann, épouse de John Houseman et amie de Welles puisque actrice au Mercury Theater, accentue la dramaturgie. Elle se prend au jeu d’autant qu’elle croit dans l’occultisme et la métempsychose. Cette actrice, née à Temesvar en Autriche-Hongrie (aujourd’hui Timisoara, en Roumanie), fille d’un officier hussard émigré aux Etats-Unis en 1911, monta sur les planches de Broadway pour la première fois en 1924 et fit ses débuts au cinéma en 1931 sous la direction de D.W. Griffith dans L’Assomoir (The struggle). Le problème est qu’elle ne s’entendait pas du tout avec le petit et gros Freund. Parmi les humiliations, Karl Freund a laissé Zita Johann dans une arène avec des lions alors que lui et l’équipage étaient protégés à l’intérieur des cages – la scène a finalement été coupée. Lors d’une intense journée de tournage, Zita Johann s’est évanouie sur le plateau. Dans une interview à Fantastyka, elle a déclaré qu’elle avait fait deux arrêts cardiaques pendant le tournage parce que Freund l’avait forcé à rester debout pendant 48h car il ne voulait pas que sa robe soit froissée. Elle était liée contractuellement puisqu’elle avait signé avec Universal pour participer à Laughing Boy (1934) à partir d’un scénario de John Huston qu’elle admirait. Comme elle avait déjà été payée, elle a accepté de remplir son obligation en tournant dans La Momie. Elle reviendra au théâtre en 1934 après seulement 7 films, scène vue comme moins superficielle.

Poster-ité

La Momie reçut lors de sa sortie un accueil timide, tant de la part du public que de celle de la critique.

Terence Fisher revisitait en couleurs rouges et bleues, sur un scénario de Jimmy Sangster, le mythe original avec La Malédiction des pharaons (The mummy, Terence Fisher, 1959) où jouent les acteurs maisons de la Hammer, compagnie créée en 1934 par William Hinds, un bijoutier qui faisait du théâtre amateur sous le nom de Will Hammer et Enrique Carreras, Peter Cushing, Christopher Lee et en plus Yvonne Furneaux.

Dans les griffes de la momie (The Mummy’s Shroud, 1967), Gilling met en scène une métaphore de la dégénérescence de l’Empire britannique sous la forme de fables fantastiques décrivant l’érosion de la bourgeoisie coloniale par une irrépressible malédiction venue de loin.

Il y eut enfin le blockbuster La Momie (The Mummy, 1999) de Stephen Sommers, également au scénario pour une production Universal Pictures et avec Brendan Fraser.

« John Sayles avait écrit pour moi un remake de La Momie, de Karl Freund. Le patron d’Universal nous a dit : mais pourquoi ne pas en faire un film en costumes, comme l’original ? On lui a répondu que l’original n’était un film en costumes de 1932 que parce qu’il avait été tourné en 1932. Ça n’a pas marché… » déclare, dépité, Joe Dante.

2017 verra le reboot de la franchise La Momie (The Mummy) par Alex Kurtzman avec Tom Cruise.

A part la série des Indiana Jones, les inspirations dépassent le cinéma avec les nombreuses scènes de la bande-dessinée Blake et Mortimer : Le mystère de la Grande Pyramide (1954-1955), les jeux de rôles l’Appel de Cthulhu et Chill et des jeux virtuels.

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 4 Pas vilain, le « Jeux de mains »

Jeux de mains, Hands across the table, Mitchell Leisen, 1935, noir et blanc, 1h19, 35mm, format 1:37, Institut Lumière, Hangar.

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Sire Sire

Antoine Sire, conteur comme son père à la radio, présente de façon passionnante le film à la croisée entre la rétrospective Hollywood, la cité des femmes lors du Festival Lumière et la sortie concomitante du livre du pas triste Sire, Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €.

Who is Leisen ?

Leisen (1898-1972), s’il est célèbre aux Etats-Unis, est peu connu en France. Il fait partie pourtant des grands de la comédie romantique avec une pointe de mélancolie : sa compassion; le rêve américain est dynamité. C’est un cinéaste populaire de la Paramount. C’était un militaire devenu architecte puis dessinateur employé par le théâtre (L’admirable Crichton, 1919, costumes ; Le roi des rois, 1927, décoration ou Le signe de la croix, 1932, costumes et décoration) puis un ancien costumier et décorateur de DeMille entre autres, boosté par Fairbanks, un homosexuel qui était adoré de ses actrices pour sa direction, n’eût été sa sale réputation de « sagouilleur de brillant scénario », colportée par les médisants Wilder et Sturges car Mitch osait les retoucher (les scénarios, voyons !). Il est parfois vu également comme un cinéaste décoratif avec force accessoires, superficiel, trop attaché à enluminer ses arrière-plans et à transformer ses acteurs en gravures de mode. Il s’en tire avec une réputation de vaine « préciosité ». Cinéaste réputé futile et esthétisant, son œuvre fut vite oubliée. Il a pourtant également tourné des mélodrames (Swing High, Swing Low, 1937), Par la porte d’or, Hold back the dawn, 1941 avec Boyer, De Havilland et Goddard ou encore À chacun son destin, To each his own, 1946). Sa carrière déclinant à Hollywood dès 1946, il la termine par une abondante production télévisée. Une sacrée découverte, c’est tout l’intérêt de ce Festival.

Under depression

Nous sommes après la crise de 1929 et l’adoption du Code Hayes à Hollywood. N.T. Binh souligne ailleurs que la figure récurrente de la comédie hollywoodienne post-Grande Dépression est la gold digger, la « chercheuse d’or » qui espère la fortune par le mariage.

Les acteurs

Sax MacMurray

Fred MacMurray, cet ancien saxo et chanteur dont c’est le troisième film et la première comédie, est spontané au téléphone : c’est une scène improvisée. De même celle de son fou rire, irrésistible. Dire que l’excellent Gary Cooper a été le premier choix ! Leisen raconte (Chierichetti, David. Hollywood director : the career of Mitchell Leisen. New York : Curtis Books, 1973. Préface de Dorothy Lamour. 398 p.; Mitchell Leisen : Hollywood director. Los Angeles, Calif. : Photoventures Press, 1995, 343 p. d’après sa thèse) que Lombard faisait littéralement des pieds et des mains (d’où son rôle de manucure, plus drôle que Deneuve dans Répulsions, R. Polanski, 1965 !) pour le faire sortir de sa coquille : « Fred, sois drôle, ou je t’épile complètement les sourcils ! »

Craquante Lombard

Sire est touchant à propos de Carole Lombard, un énième destin brisé d’Hollywood babylon. Elle venait d’Indianapolis. Elle « était une femme d’exception, un extraordinaire mélange de culot et de self-control, de sincérité et d’ambition, de légèreté et de profondeur ». Elle avait compris comment faire rire, même à ses dépens pour une star en concurrence avec d’autres actrices. Elle avait choisi un chemin de traverse, le rire. Ici, elle décide de « tomber amoureuse d’un portefeuille ». Elle adorait les canulars poussés : comme elle tourna avec Hitchcock alors que sa réputation était de traiter les acteurs comme du bétail, déclaration du metteur en scène à l’appui, elle amena des bovins sur le plateau à sa place. Elle est belle, glamour mais était complexée à cause d’un accident de voiture où elle a été blessée au visage, désirant se faire opérer sans anesthésie pour conserver son intégrité physique. En effet, malgré le maquillage, une cicatrice est observable sur la joue gauche. Elle se spécialise dans la screwball comedy, notamment chez Hawks. Puis elle choisissait des films taillés pour elle. Jeux de mains est le premier film, hoquet à l’appui, d’une longue série de rôles similaires que jouera Lombard à la Paramount.

Carol Lombard affine le personnage seulement ébauché par Ben Hecht et Howard Hawks dans Twentieth Century (Train de luxe, 1934) qui culminera dix ans plus tard dans le To be or not to be (1942) de Lubitsch. La cité des femmes : ici l’héroïne se montre entreprenante devant des mâles plus ternes qu’elle. MacMurray doit chercher du travail, alors qu’il ne s’est jamais servi de ses mains. Comment oublier également la copine adepte de numérologie ?

Elle était mariée avec Clarke Gable, un compulsif sexuel qui avait violé Myrna Loy, Loretta Young. S’il refuse de participer à l’effort de guerre, elle s’y plongea généreusement en 1942. C’est lors d’un déplacement vers le plateau de tournage pour tenir son homme donnant la répartie à une belle actrice qu’elle se tua à 33 ans, suite à un accident fatal d’avion. Gable était inconsolable.

Une comédie raffinée

L’histoire est écrite par Norman Krasna, Vincent Lawrence et Herbert Fields. Lubitsch, éphémère chef de production au studio en 1935, supervisa anonymement le film. L’écriture est fine avec des inserts ralentissant la comédie en la complexifiant pour notre plaisir : une très belle enclave nocturne au milieu du film où se joue, en chambre, sous une lumière très contrastée, les tenants du choix de nos deux héros, au milieu de silences, d’allées et venues, d’hésitations et de pleurs; le douloureux sacrifice du troisième tiers, de l’aviateur paralysé qui aimait sincèrement sa petite manucure, et qui cède sa place presque sereinement, acceptant l’enfer de sa solitude comme condition d’existence, devant la santé, la jeunesse et l’intensité d’un désir qui éclate devant lui et ne lui ressemble pas.

En sus

A noter que de nombreux membres de la distribution n’apparaissent pas au générique : Katherine DeMille (Katherine Travis), Nell Craig et Alla Mentone (vendeuses), James Adamson (Porter), John Huettner (cireur de chaussures), Rod Wilson (joueur de piano), Mary MacLaren (femme de chambre), Herman Bing (logeur) et ‘Dutch’ Hendrian (conducteur de taxi) et, peut-être aussi Russell Hopton.

Autre étrangeté, Samuel Goldwyn a initialement acheté l’histoire de ce film auprès de Miriam Hopkins. Cependant, étant occupée sur d’autres projets, la Goldwyn a ensuite vendu l’histoire à la Paramount. Ce film, parmi un catalogue de 700 œuvres a été vendu à MCA / Universal en 1958 pour la diffusion à la télévision.

Le film, enlevé, réjouissant et bien mené, a été projeté au Festival du film américain de Deauville ainsi que lors d’une rétrospective Leisen à la Cinémathèque en 2008. Il a été diffusé par Tavernier, au goût décidément constant, lors de sa rétrospective en 2008 à l’Institut Lumière.

 

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 2 Avant-première : A voir, Tavernier !

Voyage à travers le cinéma français (1930-1970), Bertrand Tavernier, numérique, 2016, 3h10

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Méandres d’un documentaire

Une avant-première à une semaine près comme The Artist (Michel Hazanavicius, 2011) au Festival Lumière 2011. Frémaux pousse ses potes ; il doit tout à Tavernier, il faut dire. Aussi le film, qui bénéficia d’un teaser par le biais de passages d’extraits au Festival Lumière 2014, sera-t-il à Cannes Classics 2016. A noter que suite aux présentations pittoresques de Tavernier, Frémaux lui a instillé l’idée d’un film sur le cinéma français.

C’est vrai que j’avais été gêné un jeudi après-midi par du matériel de tournage pour prendre mon billet : Voyage à travers le cinéma français était en cours de fabrication à l’Institut Lumière. Sont-ce les plans de fin ? En tout cas, il est émouvant de voir ce documentaire dans la maison de son Président, dessiné sur la fresque des lyonnais. « Ce travail enthousiasmant a accéléré ma convalescence de trois mois » affirme le cinéaste cinéphile de 75 ans sorti d’un cancer mais se plaignant de sciatique et d’arthrose. Il est passionné car lorsqu’il n’aime pas, il n’en parle pas : « Je ne vais pas voir La dernière chance [Die letzte chance, Leopold Lindtberg, 1945, un chef d’œuvre bien actuel présenté par le Directeur de la cinémathèque suisse lors du Festival Lumière 2016] car je ne l’aime pas » dit-il à un participant professionnel asiatique.

L’idée du documentaire est née aussi grâce à une proposition de la BBC à Tavernier, relevant de la gageure, consistant à raconter le cinéma français … en moins d’une heure ! Après avoir été jeté par Studio Canal et deux fois par l’avance sur recettes, Frédéric Bourboulon, le tenace producteur, a mis un an pour boucler le budget, Gaumont et Pathé, les Seydoux donc, se sont associés pour la première fois, Canal+ a suivi. « Une production artisanale et biologique » résume Tata. Les autres compagnons sont : Emmanuelle Sterpin, documentaliste et première assistante (« nous devions retrouver tous les héritiers et légataires d’une centaine de films. »), Stéphane Lerouge, conseiller musical (un double CD de BO en produit dérivé; Bruno Coulais, auteur de la musique originale de Benoît Jacquot, Anne Fontaine, Jacques Perrin et tant d’autres, crée une bande son originale), Guy Lecorne, monteur, Jean Ollé-Laprune, critique de cinéma et compagnon de route. Derrière la passion soulignée par un prologue cosigné avec Godard (« Nous sommes les enfants de la libération de la Cinémathèque » avait déclaré le suisse à l’Institut Lumière), la lassitude pointe pour ce qui apparaît comme un film testament : « J’en ai ma claque de mendier pour arriver à faire des films. ».

Coq en stock

« C’est un film qui, à travers tous les metteurs en scène évoqués, parle de la France. Il dit quelque chose de l’amour qu’on peut avoir pour son pays. J’espère que ça vous donnera envie de voir leurs films, parce qu’ils sont vivants, actuels : ça n’existe pas, le vieux cinéma ! » lance Beber. Ce qui me gêne, c’est le côté défense du patrimoine français par celui qui défendait avec véhémence l’exception française : « La civilisation qu’on sent derrière ces films, on sent qu’elle est française : il y a une façon de penser, de ressentir certaines choses, de mettre en valeur tel comportement plutôt que tel autre, qui est très très très française ». En plus de Charlie, la mascotte de Pathé, «  Le coq est le seul animal à chanter les pieds dans la merde » fustigeait Coluche. Pourquoi cette défense comme si nous étions en danger ? Certes, contrairement aux américains et autres étrangers, le cinéma français ne s’est pas arrêté avec la Nouvelle vague, un pseudo mouvement, inventé par un producteur doué et repris par les pisse-copies suiveurs, de metteurs en scènes hétérogènes sur un temps très court et qui n’a pas produit que des chefs d’œuvres.

Bref, six ans de travail, 582 extraits de 94 films choisis, plus de 950 films vus et revus, plus de 700 documents d’actualités visionnés – cédons au quantitatif américain digne d’une bande annonce marketing pour blockbusters – pour arriver à évoquer l’épure, l’acuité, l’attention à la réalité, la justesse des personnages, l’étude précise d’un milieu, d’un métier (« la décence ordinaire ») chez Jean Becker, le rythme à travers le mouvement de Renoir, le sens de la camera, hérité de Duvivier, et l’intérêt pour les dialogues, l’art du déplacement, la virtuosité dans les scènes de colère mais aussi la subtilité de Jean Gabin, sur lequel Tavernier insiste trop, l’acteur n’étant pas inconnu, pour jouer le charme ou la tendresse (« Il est plus qu’un acteur légendaire, explique Tavernier, il est à l’initiative de nombreux films, il achetait des droits, il s’engageait dans la production. Sans lui, la Grande Illusion (J. Renoir, 1937) ne se faisait pas, Quai des Brumes (M. Carné, 1938) non plus… »] Je ne vois aucun acteur aussi actif dans la création. Et j’avais envie de rendre hommage à son héroïsme pendant la guerre. Il a racheté son contrat avec Universal pour s’engager dans les fusiliers marins. Audiard a salué son courage sans vantardise par une réplique merveilleuse. Conversation, souvenirs de guerre : ‘Et toi, où tu étais?’ Réponse laconique de Gabin: ‘Sur les plages…’» Anecdote toujours).

Ego-histoire du cinéma

Tavernier a été un « assistant calamiteux » puis attaché de presse (pour Melville qui prétendait par ailleurs qu’il avait voulu rejoindre les Forces françaises à Londres juste pour voir Le colonel Blimp, The Life and Death of Colonel Blimp, Michael Powell et Emeric Pressburger, 1943), Sautet dont l’excité à la clope au bec, pas si pompidolien pour un ancien communiste désireux d’ « enrober sa noirceur » disait des Choses de la vie, 1970 en répondant à un critique : « ce n’est pas un film sur le Code de la Route, c’est l’histoire d’un homme qui décide de mourir pour ne pas avoir à choisir », Le Mépris, 1963, Pierrot le fou, 1965, J.-L. Godard, etc.) avant de réaliser ses propres films, aux tons assez différents du reste au point de ne pouvoir identifier ou qualifier l’oeuvre de Tavernier, malgré les efforts du bon samaritain Raspiengas, son hagiographe attitré, juste un bon faiseur dont aucun film n’émerge.

Grâce à ses archives, nous avons des images inédites du tabagique et « ressemeleur » Sautet avec Piccoli imitant ses colères comme dans la scène du gigot dans Vincent, François, Paul… et les autres (1964), une scène improbable avec Georges de Beauregard (« C’était formidable de travailler sur les films de Godard. Le producteur Georges de Beauregard me poussait à mentir, à dire aux journalistes que le nouveau Godard suivait un scénario. C’était faux. ») et Chabrol en anarchiste potache pour qui Tavernier a travaillé, du studio rue Jenner (Paris 13e) du dingue Melville, où, pourtant friand d’anecdotes, il omet de dire que l’assistant Volker Schlöndorff (Le Doulos, 1963 ; Léon Morin, prêtre, 1961) a été mis au placard en ne portant que les grues et le matériel car il était costaud. « Quelle leçon j’ai retenu de mon travail d’assistant auprès de Melville ? Comment ne pas se comporter sur un plateau de cinéma ! ». Melville et Sautet ont été ses parrains de cinéma (cinéma et copinages !) jusqu’à tenter de convaincre le revuiste de père, Confluences, tant le cancre Bertrand désespérait ses parents. J’avais essayé d’interroger Tavernier sur la revue mais il m’a renvoyé comme un chien. J’ai eu ensuite confirmation par un chercheur : mon grand-père, qui publia à Lyon à l’Arbalète, a bien édité en 1944 ses Poèmes de circonstances (1939-1941) dans la publication du père de Tavernier. Je n’hésite pas à le dire car il n’arrête pas de répandre partout qu’Aragon aurait composé Il n’y a pas d’amour heureux chez son père en pensant à sa mère pendant la guerre. Ce dont nous nous foutons éperdument. Jamais Bertrand n’est arrivé à la cheville de son père.

Son documentaire subjectif voire autobiographique à force de complaisances (c’est à 6 ans, dans un sanatorium de Saint-Gervais, en Haute-Savoie, car, tel les borgnes d’Hollywood, il a un œil touché par la tuberculose, mal soigné, avec des séquelles au niveau de la rétine, qu’a lieu le premier éblouissement cinématographique, avec la projection de Dernier atout, 1942, une comédie policière enlevée de Jacques Becker – qui n’est quand même pas Kubrick !) est émouvant, n’eût été un immense ego que gâche une nervosité due à une insécurité, non assagie par une sortie de cancer, qui fait trembler ses mains. Il s’agit plus de Mon voyage dans le cinéma français. Et cette voix off condescendante : « ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver ». Ben voyons !

Nerveux ? Je le revois dire au gentil Dominique du Comœdia lors d’une présentation d’un Sautet mineur lors du Festival Lumière 2014 : « Je suis aussi cinéaste ». Ah bon ? Et dans une récente interview, la grandeur s’illustre : « Et quand, au festival Lumière de Lyon, qui réunit 120 000 personnes en une semaine sur du cinéma de patrimoine, on rend hommage à Patrick Brion, l’âme du ‘Cinéma de minuit’, France 3 ne se déplace même pas ». N’était-il pas venu faire une conférence sur Minelli (Vincente Minnelli et le paradoxe de la M.G.M., 2010) à l’Institut Lumière alors qu’il devait en faire une autre auparavant sur Huston ? Jamais Tavernier n’atteint son modèle assumé, le beaucoup plus transversal (thématiques, connaissance exacte des films, analyses fines, connexions enrichissantes) Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A personal journey with Martin Scorsese through american movies, 1995 ainsi que Mon voyage en Italie, My voyage to Italy, Il mio viaggio in Italia, 1999 trop axé sur le néo-réalisme, hors Fellini, au mépris de la comédie italienne et Stephen Frears pour le cinéma britannique, n’en déplaise à Truffaut, avec A personal history of British cinema by Stephen Frears, 1995) même si « le cinéma, pour lui [Scorsese], se limite à Renoir, Melville et la nouvelle vague » dixit Tavernier.

Le principal apport est d’enfin dévoiler au grand public ce que Michel Ciment, Directeur de la revue Positif, née à Lyon grâce à Bernard Chardère, répète depuis des années : Renoir, un metteur en scène surestimé selon moi (comment citer ce film ennuyeux de propagande raté La Marseillaise, 1938 ? « Jean Renoir, très malin, les [idées] acceptait, quitte à oublier, parfois, qui les lui avait inspirées. Pascal Mérigeau, dans son bouquin, rappelle comment Renoir s’est débarrassé du co-scénariste de Toni, qu’il n’a jamais cité… » ajoute Tavernier), était antisémite (résumé de Gabin : « Renoir, comme metteur en scène : un génie. Comme homme : une pute. »). Si nous redécouvrons Jean Becker (et le fabuleux Le trou, 1960, en effet bressonien, projeté en copie restaurée lors du Festival Lumière 2011), nous apprenons l’existence, art de la distinction de Tavernier, du réalisateur Jean Sacha (s’il n’est pas l’égal de Hawks, loin de là, il fut également monteur d’Othello d’Orson Welles, 1951, ce qui n’est pas une ciné cure car c’est l’un des films, tourné de façon fragmentée, qui comporte le plus de plans !) alors que Tavernier dévalorise les franchises genre James Bond mais loue Eddie Constantine / Lemmy Caution, effet de génération, et pour un metteur en scène oublié, Edmond T. Gréville (Tavernier, responsable de l’édition en DVD de son œuvre, aurait sauvé ses pellicules destinées à devenir des peignes; l’Institut Lumière avait publié les mémoires : Gréville, Edmond T. Trente-cinq ans dans la jungle du cinéma. Lyon : Institut Lumière ; Arles : Acte Sud, 1995. Série cinéma. Préface de Bertrand Tavernier et Philippe Roger. 383 p.), il est impossible de laisser passer une imbécillité telle que l’affirmation péremptoire comme quoi il n’y aurait pas de polar valable en France avant la seconde guerre. Et Le dernier tournant, Pierre Chenal, 1939 ? C’est d’autant plus impardonnable qu’il va consacrer un épisode futur à Chenal.

En effet, 8 films de 52 à 55mn soit à peu près 8h sont encore prévus, à partir des extraits non intégrés dans le film pour des raisons de dramaturgie, sur une filiale de Canal + puis sur France 5 : L’épisode n° 1 sera consacré à ses cinéastes de chevet, Jean Grémillon, Max Ophuls et Henri Decoin ; un épisode sera consacré à Pagnol et Guitry, d’un côté; Bresson et Tati, de l’autre. « Si je n’arrive pas à la faire comme je veux, j’arrêterai. J’irai m’établir en Grèce ou aux États-Unis, je quitterai la France ».

Contre-histoire, parfois

C’est également étonnant car il casse les clichés : s’il déteste Les visiteurs du soir (1942; la mauvaise foi pointe : « je n’ai jamais pu encaisser – trop fabriqué, trop prétentieux -, totalement irregardable aujourd’hui. » au point d’être programmé dans la section rétro au Festival Lumière 2016) et dénigre, en novembre 2008 lors de la rétrospective qui lui est consacrée, en se moquant, pire que méchamment, Alain Cuny, il efface l’idée de classicisme/académisme, une énième stupidité de Truffaut, pour Carné (« Le scénario de Prévert a inspiré à Trauner le contraire de ce qu’il a écrit, et la transformation du décor inspire à Carné des idées de cadre inédites. »; « Je pense que l’obsessif travailleur qu’était Carné poussait Prévert, un peu glandeur, à lui donner son meilleur »), René Clément avec Les Maudits (1947), l’excellent Monsieur Ripois (1954) avec un sublime Gérard Philippe, seul film de l’époque à être entièrement tourné en son direct, Jean Delannoy et son audace formelle (le travelling qui part d’Erich von Stroheim pour finir sur les jambes de Mireille Balin dans Macao, l’enfer du jeu, 1942, ou les mouvements de caméra dans Le Garçon sauvage, 1951, avec Madeleine Robinson), « Jean Grémillon était un plus grand artiste, mais il cédait parfois à ses producteurs, ce qui rend ses films souvent hétérogènes ».

Contre & pour

Tavernier est trop sur les anecdotes, c’est fatiguant (peu nous chaut de l’inconnu qui, en pleine séance, a ouvert une boîte de conserve, l’a fait chauffer sur un réchaud et a mangé ses petits pois à la cuillère sans quitter l’écran des yeux ; rien à faire de Macao, le paradis des mauvais garçons, Macao, Josef von Sternberg, Nicholas Ray, 1952 découvert à la Cinémathèque dans une copie doublée en vietnamien, etc.).

Le montage est mauvais parce que brouillon (« le montage des extraits sera intuitif. » : marabout, bout de ficelle, Becker►Signoret ►assistant de Renoir, etc.) malgré les 80 semaines de travail : les mêmes extraits (mille euros la minute soit pas de friendly prize ou tarif préférentiel trois fois inférieur comme pour Scorsese mais est-ce un argument ?) sont réutilisés, peut-être à cause des ayant-droits, pour répéter le propos.

L’analyse de films, moins délirante que chez Douchet, est assez faible (« C’est un film de cinéphile et de cinéaste, pas un film de critique ou d’historien »; « je ne suis pas guide de musée »). Sa fuite devant Henri IV et Sciences Po se fait sentir : à chaque pore, cela sent le complexe de l’autodidacte content de jouer dans la cour des grands.

Par contre, il évite l’écueil des guerres de clans chez les cinéphiles (celui qui fut un éphémère critique à Positif et aux Cahiers du cinéma explicite : « la politique des auteurs, les histoires d’écoles, de chapelles, ne m’intéressent pas. Seuls m’intéressent les combats des metteurs en scène pour faire exister leurs films. ». Ailleurs : « C’est un mal français d’avoir une vision biaisée de certaines œuvres ou de certains cinéastes : souvent, on s’est obligé à aimer des cinéastes contre d’autres. » Ou encore : « ‘le réalisme poétique’, par exemple. Je me suis toujours demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire ») malgré sa participation aux MacMahoniens et au ciné-club Nickelodéon. Le Festival Lumière n’est-il pas devenu un immense ciné club people ? Quitte à accueillir des croulants massacrés par la chirurgie esthétique, pourquoi ne pas avoir invité la plus toute jeune Danièle Darrieux, excellente actrice, moins atone que Deneuve, une vraie page blanche sur lequel écrire, à la filmographie impressionnante (« Prenez une actrice génialissime comme Danielle Darrieux, elle va accepter les rôles qu’on lui donne et tous les transfigurer. Et elle sera toujours incroyablement forte, juste et brillante. » Tavernier) ?

A noter également dans ce documentaire intéressant mais trop long, sans être ennuyeux, un chapitre consacré à la musique autour de Maurice Jaubert, le compositeur de L’Atalante (Jean Vigo; au moins Truffaut aura-t-il servi pour une fois à quelque chose en restaurant la partition originale) et du Jour se lève (Marcel Carné, 1939) ou encore Vladimir Kosma et l’oublié Jean Wiener. Il insiste sur la prééminence d’un instrument (l’harmonica de Touchez pas au grisby, J. Becker, 1954, la trompette de Miles dans Ascenseur pour l’échafaud, 1958, etc.), d’une musique de films français souvent inspirée des harmonies de Mahler, Bruckner et Weil.

People

A l’issue de la projection, le piètre cinéaste Pascal Thomas, très en verve vers les communiquants, n’arrive pas à lâcher le micro dans une salle bondée : « Je pense que ce film a quelque chose de fondateur. On verra le cinéma français autrement. J’ai rarement senti une salle aussi attentive ».

Pour la pub, l’ami Marty, prix Lumière 2015, a écrit, promotion oblige : « Un travail remarquable, fait avec une grande intelligence qui nous éclaire sur le cinéma classique français, sur beaucoup de cinéastes oubliés ou négligés, un travail très précieux. Vous êtes persuadé de connaître tout ça par cœur et arrive Tavernier nous révélant la beauté pure. ».

En fait, plus qu’un exercice d’admiration, comme il veut nous le vendre, il s’agit plus d’un carnet de tournage par une personne self made man, rétive à la pédagogie : dans sa boîte à outil, il y a « Henry Hathaway [qui] m’a appris à avoir toujours une boussole sur moi pendant les repérages et à toujours orienter les décors par rapport au nord pour avoir la meilleure lumière. Et de Jacques Tourneur, j’ai gardé l’habitude d’une dernière répétition, avant chaque prise, où je coupe les éclairages : les acteurs baissent d’un ton, trouvent leur position en fonction des sources de lumière réelles. ». Autodidacte, encore.

« Le film marche bien à Paris et en Province » balance Tavernier, obnubilé par son téléphone portable, à quelqu’un alors que j’étais assis juste derrière lui à l’Institut Lumière.

Tavernier prépare un livre avec Jean-Pierre Coursodon qui paraîtra à l’automne 2017, Cent Ans de cinéma américain.

https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-06-octobre-2016

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 3 Dorothy !

L’obsession de Madame Craig, Craig’s wife, Dorothy Arzner, 1936, 1h13, noir et blanc, 1:37, numérique, Institut Lumière, Hangar

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Tôt le matin, l’habitué et taciturne Philippe Garnier, chaussé d’un chapeau de cake et d’un jean crade noir, attaque l’histoire permanente des femmes cinéastes avec Dorothy Arzner (1897 à Frisco-1979) avec une copie provenant de l’UCLA où elle enseigna (1959-1963). Pour lui, cette serveuse devenue sténodactylo puis script-girl, lectrice de scénario, scénariste, monteuse (assistante puis chef sur Arènes sanglantes, Blood and Sand, Fred Niblo, 1922 avec Rudolf Valentino, Lila Lee et Nita Naldi, d’après Juin Mathis, où elle devait couper à la main beaucoup de scènes, filmer une corrida à partir d’images d’archives) n’est pas une pionnière comme la réalisatrice, dès 1912, scénariste, actrice et productrice Alois Weber (1881-1939) ou encore Wanda Tuchock. Arzner a pourtant inventée le micro perche.

Arzner a effectué une carrière de premier plan et longue d’une vingtaine d’années dans les studios (1927-1943 soit 16 titres en 15 ans). Elle sera la première réalisatrice membre de la Directors guild of America (Académie des cinéastes) ; elle aura sa place dans le Walk of fame. Fille d’un restaurateur d’Hollywood fréquentant nombre d’acteurs, elle s’intéresse finalement au cinéma suite à la visite d’un studio alors qu’elle suit des études de médecine. Alors qu’elle envisage d’intégrer la Columbia en tant que réalisatrice, elle entre en 1919, grâce à William C. DeMille, frère aîné de Cecil B., scénariste dans la boîte, rencontré chez les ambulanciers volontaires de la ville, pour mettre en scène Fashions for women (1927) aux studios Famous Players-Lasky Corporation, futur Paramount. Elle y tournera le premier parlant avec la star du muet Clara Bow et Ben Schulberg, le plus vulgaire des chefs de production de l’époque. Indépendante et riche sauce « fuck your money », elle n’est attachée à aucun studio : elle quittera donc la Paramount. Elle reprenait les films en plan; elle prenait ce qu’on lui donnait. C’était le cas pour Les endiablées (The wild party, 1929) où une lesbienne – Clara Bow et ses copines de fac sont montrées dans la plus simple intimité-, ce qu’elle était tant Garnier insiste là-dessus (« cravate et costume, elle portait le pantalon »; les laconiques Mémoires d’Hepburn, qui ne s’entendait pas avec Arzner lors du tournage de La Phalène d’argent, Christopher Strong, 1933, relatent : « Elle portait des pantalons. Moi aussi. Nous avons passé ensemble de grands moments »; elle ne cachait pas son homosexualité sans l’afficher pour autant et sans mettre en délicatesse les studios), était traitée comme un cas pathologique à guérir d’après le roman dont est tiré le film. Elle pourra, forte de sa position, supprimer ce personnage du scénario. Elle a noué une longue relation avec une auteure qui a écrit pour le cinéma, Mae West notamment, avec la chorégraphe Marion Morgan également, avec quelques-unes de ses actrices.

Le film est adapté d’une pièce de Georges Kelly, prix Pulitzer 1926. Il ne jouera aucun rôle dans la production ; Arzner avait un point de vue tout à fait différent. Elle obtient d’Harry Cohn de la Columbia de pouvoir changer le décor à l’aide de la star du muet et homosexuel détruit par Meyer (MGM), W. Heintz, en le rendant plus théâtral et oppressant. Le script a été protégé contre l’ingérence de Harry Cohn ; Eddie Chodorov était le producteur superviseur. Comme la Phalène d’argent (Christopher strong, 1933 avec l’indépendante et à voile et à vapeur Catherine Hepburn en athlétique à culotte de cheval), le film, le plus connu d’Arzner, est un succès. Elle est retombée dans l’oubli malgré la redécouverte par les féministes dans les années 70 et 80 (Festival des femmes de Créteil; une lecture gender studies avec la théoricienne Claire Johnston. The work of Dorothy Arzner : towards a feminist cinema. London : British Film Institute, 1975. 34 p. voire lesbienne avec Mayne, Judy. Directed by Dorothy Arzner. Bloomington : Indiana University Press, 1994. Women artists in film. 209 p.) dont Jodie Foster qui finança une partie de la restauration, et le soutien de son ancien élève dans les années 60 à l’UCLA (Los Angeles), Francis Ford Coppola.

Le personnage principal, Harriet Craig, plus déprimant à l’origine, permet, malgré une mauvaise relation avec la metteure en scène, à Rosalind Russell, alors inconnue du grand public,  de devenir une star, spécialisée notamment dans les langues de vipère (cf. The women, G. Cukor, homosexuel également, 1939 ou le vrai tournant de carrière selon l’actrice). Arzner lancera également les carrières de Clara Bow, Lucille Ball et bien d’autres. Ici, elle rend les choses plus complexes : la TOC est touchante; tout est généré par un traumatisme d’enfance. Au point que le spectateur peut compatir pour la pathologie d’Harriet. A noter que, pour une fois, nous sommes en empathie avec le mari qui, étonnamment chez Arzner, n’est ni veule ni alcoolique. Les personnages secondaires sont finement travaillés. Les protagonistes évoluent par couple (la mère et la gouvernante ?). Dorothy Parker, déjà scénariste notamment d’Une étoile est née (A star is born, William A. Wellman, 1937)  ainsi que la scénariste attitrée d’Arzner, Mary C. McCall Jr, confrontent les visions féminines du mariage.

Elle a fini par arrêter le cinéma car cela n’allait plus avec la MGM : pneumonie ou mise au placard pour avoir voulu faire tourner un « baiser lesbien » à Merle Oberon à la fin de First comes courage (1943) ? Elle a tourné de la propagande pour l’armée puis, dans les années 50, des publicités pour Coca avec Joan Crawford, mariée avec le big boss de la célèbre marque de soda d’Atlanta. Crawford réincarnera Harriet dans La perfide (Harriet Craig, Vincent Sherman, 1950).

C’est pour moi le meilleur film vu d’Arzner car les personnages, notamment masculins, souvent idiots, inutiles, alcooliques, pathétiques ne sont pas ici caricaturaux. Ses films, tout en se coulant dans le moule des genres et des studios, mettent toujours en scène des personnages féminins qui refusent de jouer le jeu et qui le font, triomphalement ou tragiquement, savoir. Antoine Sire, auteur du récent Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €, ajoute : « Cette réalisatrice ne fait pas l’unanimité car elle s’est souvent retrouvée obligée à faire des films de studio, sans réussir à vraiment les transcender. Mais, et personne le voit en son temps, elle introduit un regard réellement féminin sur les situations. ». Je les trouve en effet assez plats sauf ici. Si Garnier trouve, dans un article de Libé, qu’Arzner est « frustrante comme auteur du film. Il y a toujours quelque chose qui cloche. Son cinéma sent le renfermé », il vire sa cuti lors d’une curieuse autocritique rebirth : alors qu’il fut harangué à l’Institut Lumière par une femme du public (« pourquoi vous ne nous dites pas en quoi ce film est bien ? »), il avoue avoir changé d’avis au cours du festival grâce à divers points de vue.

Un rattrapage de Frémaux au regard des revendications féministes au Festival de Cannes ? L’histoire permanente des femmes cinéastes existe depuis le début du Festival Lumière (Alice Guy, Germaine Dulac, Ida Lupino, Larissa Chepitko). Oui et non répond l’intéressé. Non, « parce que cela donnerait l’impression qu’on se défend d’une accusation que je trouve quand même un peu injuste pour Cannes, le problème devant être posé plus en amont, dans les écoles de cinéma ». Oui, « parce que je trouve bien qu’un débat réel et légitime soit malgré tout posé à travers cette polémique ».

     Dance, girl, dance, 1940   Jour 2, Institut Lumière, Hangar

Dance, girl, dance, 1940, 1h30, noir et blanc, numérique, 1:37

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     Suis un peu flappy après plus de trois heures de documentaires de Tavernier. Le film devait être réalisé par Roy Del Ruth, connu pour ses comédies musicales MGM avec Eleanor Powell dans Born to dance (1936), mais il a abandonné au bout de deux semaines à cause de divergences de vues, notamment sur le scénario, avec le producteur Pommer, l’ancien chef de la célèbre UFA en Allemagne alors en exil à Hollywood. Arzner, à la reprise, modifie le scénario en transformant le professeur de danse Basiloff en Madame Basilova (Maria Ouspenskaïa), une femme forte et masculine, maternelle et attachante. Le script a été écrit par l’auteure Tess Slesinger et son mari, Frank Davis, producteur mais écrivain inexpérimenté. C’est pourtant tiré d’une histoire originale, Grand Hôtel, écrite par Vicki Baum C’est le film de la fin de la participation d’Arzner à la MGM. Elle tente de relancer sa carrière mais elle fait un flop : l’échec critique et commercial se solde par une perte de 400 000$ pour la RKO. Il faut dire que l’expérience d’Arzner dans les comédies musicales était limitée : elle avait seulement co-dirigée Parade (Paramount, 1930). Après avoir terminé le montage sur ce film, Robert Wise a travaillé derechef sur Citizen Kane (Orson Welles, 1941).

Film sur les coulisses du music-hall des années 30, avec rivalités artistiques mais solidarité sur les revendications, le thème ici est un peu tendance flashdance. C’est divertissant. C’est un long amour d’Arzner, Marion Morgan, qui a chorégraphié les séquences de danse. Rien de bien transcendant, avec des passages obligés, formatés. Lucille Ball en Bubbles, à partir de la vraie vie de « Texas » Guinan, et Tiger Lily en fait des tonnes, à cause du scénario et de la direction d’acteurs. Si elles convoitent le même homme dans le film, Lucille Ball, qui fit son trou, et Maureen O’Hara sont devenus des amies inséparables pendant le tournage de ce film et ce, jusqu’à la mort de Lucille en 1989. C’est un croisement entre le triangle amoureux, deux rouquines pour une bagarre, et la réflexion sur la création (pure et divertissement), le talent et la célébrité.

L’intérêt du film est, vers la fin, cette magnifique harangue féministe de l’actrice fordienne Maureen O’Hara (Judy O’Brien), dont c’est le troisième film américain, digne de Mr Smith au Sénat (Mr. Smith goes to Washington, Frank Capra, 1939). Un grand moment d’émancipation saisissant. Une idée ? « Regardez-moi, je n’ai pas honte. Riez, vous en aurez pour votre argent. On ne vous fera pas de mal. Vous voulez que je me déshabille pour que vos 50 cents en valent la peine. 50 cents pour regarder une fille comme votre femme vous le refuse. Et que croyez-vous qu’on pense de vous ? Avec vos sourires narquois dont vos mères auraient honte. Pour le public en tenue de soirée, c’est la mode de rire de nous. On rirait bien en retour mais on nous paye pour que vous rouliez des yeux et que vous lanciez vos propos spirituels. Et pourquoi ? Pour que vous alliez ensuite vous pavaner devant vos épouses et enfants et jouer au sexe fort pendant une minute ? Je suis sûre qu’ils voient clair en vous, tout comme nous. » Les hommes n’ont évidemment pas le beau rôle. Ralph Bellamy en directeur de ballet Steve Adams est un chasseur-dragueur. Louis Hayward, un sud-africain proche de Noel Coward, était le mari d’un autre réalisateur femme, Ida Lupino, qui a été l’objet d’une rétrospective dans la même section au Festival Lumière 2014.

Merrily we go to hell, 1932, Jour 4, Institut Lumière, Hangar

Merrily we go to hell, 1932, 1h18, noir et blanc, numérique, 1:37

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Garnier s’y colle encore et continue son feuilleton passionnant. C’est le dernier film d’Arzner à la Paramount à cause d’un changement de dirigeants et d’une volonté d’indépendance du studio affichée. La Paramount avait peur de la réussite de Merrily we go to hell. C’est son film le moins personnel car ce ne sont pas les scénaristes avec qui elle travaille d’habitude. C’est une adaptation de Justus Mayer de la nouvelle I, Jerry, Take thee, Joan de Cleo Lucas. C’est le seul film d’Arzner avec Sylvia Sidney, une vedette de la Paramount spécialisée dans les rôles de victimes. Des scènes seront coupées dans certains Etats des Etats-Unis. Le titre, signifiant « Joyeusement, nous allons en enfer », et ce, pendant la prohibition, à chaque fois que March / Corbett trinque, sera inquiété par le code Hayes deux ans plus tard. C’est vrai que l’on y boit beaucoup. Le placement de produit est flagrant avec un gros plan d’une bouteille de Brandy Henessey. Avant 1932, la figure de l’alcoolique n’avait que rarement été traitée en tant que telle au cinéma, si ce n’est pour présenter des scènes d’ivresse comique et/ou bagarreuse, et des ressorts dramaturgiques. Ici March incarne un personnage masculin dual à peine un an après avoir tourné dans Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Rouben Mamoulian, 1931): il y a le Jerry sobre, sincère et charmeur et il y a le Jerry alcoolisé, imprévisible et irresponsable. Sydney prône la liberté du couple (« single lives, twin beds and triple bromides in the morning ! », « une vie de célibataire, des lits jumaux et trois aspirines le matin ») où le jeune Cary Grant n’est pas étranger.

Pour Garnier, la dramaturgie, datant de 1932, ne fonctionne pas, ce qui n’est pas faux. Ceci dit Arzner déclare : « Je me suis toujours vu trop de défauts ». Et c’est vrai qu’il y en a. Pour accentuer le côté mélo, la fausse couche n’est pas oubliée mais « my baby » sera là ! Arzner sait arranger les conventions du genre juste ce qu’il faut pour ses propres fins. Il n’en reste pas moins que c’est l’un des plus gros succès de l’année. Le film est plus centré sur les obsessions individuelles et les pulsions destructrices que sur l’alcoolisme.

Anybody’s woman, 1930 Jour 6, Institut Lumière, Hangar

Anybody’s woman, 1930, 1h20, noir et blanc, numérique, 1:20

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Tarantino et Schatzberg sont assis dans la salle. Garnier souligne que c’est un film rare; la copie vient de l’UCLA. Zoé Atkins, l’une des scénaristes attitrée d’Arzner, est une dramaturge, compagne essentielle de Dorothy, lesbienne fortunée aussi; elle écrit également pour Cukor. L’actrice Ruth Chatterton est une vedette de Broadway au sommet de sa carrière versatile. Si elle joue un rôle difficile dans un mélo où elle campe la femme par qui le scandale arrive, la voir dès le premier plan avec les cuisses ouvertes, jarretières dehors, ukulélé bien placé et chaussure qui pendouille au bout du pied droit, très sexy quoique vulgaire, pas d’erreur nous sommes avant l’adoption du Code Hayes. A part cette séquence sidérante, rien de notable : rapports hommes (bourrins) / femmes (complexes); conflits de classes. Paul Lukas joue habituellement des rôles de marins, de personnes d’Europe centrale. Clive Brook joue le bourreau des cœurs à 5000 $.

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 1 Hill, la colline à son sommet.

Driver, The driver, Walter Hill, 1978, 1h31, couleurs, 1:85, numérique, Institut Lumière, Hangar

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Hill, un poids walter ?

Démarrage doux avec rhinopharyngite : 2 films dans la journée. Pour la première fois, le Festival commence le week-end précédent, profitons. Venir voir sans conviction Driver pour un second couteau d’Hollywood, n’eût été sa rétrospective à la Cinémathèque française en décembre 2005, comme Ted Kotcheff l’année dernière au Festival Lumière.

Doux n’est pas le terme au regard du réalisateur à la testostérone Walter Hill au style sec et brutal qui agrémente Driver, un film à l’os (le voyou, la fille, le flic, la voiture et la ville) de deux poursuites en voiture mémorables de plus d’une dizaine de minutes chacune en montage rapide (Robert K. Lambert et Tina Hirsch qui avait déjà monté Death Race 2000, La Course à la mort de l’an 2000, Paul Bartel, 1975 et À plein gaz, Eat My Dust, Charles B. Griffith, 1976), l’une en ouverture afin de plonger le spectateur directement dans l’action, l’autre à la fin sur le thème de la chasse (la scène de cache-cache dans l’entrepôt), tournée de façon fluide à rez de pare-chocs, à l’intérieur de l’habitacle, en plans larges et parfois en caméras subjective pour amplifier le sens de la vitesse et du danger.

Même si le western n’est pas loin puisque le flic (« le plus amusant dans notre métier, c’est la chasse à l’homme ») appelle le chauffeur « cow-boy », qui écoute toujours de la country sur un poste radio portatif, c’est parti pour le stock cars avec modèle vintage de Chevy et Mercedes-Benz orange vif à mille chevaux.

Un cinéaste de genre

Tavernier, sorti de son cancer mais pestant contre son arthrose et sa sciatique, commence la présentation. Pour lui, Hill relance le cinéma de genre (« je suis un cinéaste de genre, or nous sommes dans une période de l’histoire de la critique très favorable aux cinéastes de genre » affirmait Hill en 2005). Il réinvestit le western avec « Geronimo » (Geronimo : an american legend, 1993) et un autre où Calamity devient une pochtronne ; un cadavre est jeté aux porcs, ce qui choqua. C’est un cinéaste anarchiste. Il est à l’origine d’Alien (Ridley Scott, 1978). Il commence à être réhabilité. Il a travaillé avec un grand décorateur, Harry Harner, qui a œuvré dans Rio Grande (John Ford, 1950), Les Arnaqueurs (The Grifters, Stephen Frears, 1990).

Hill, un franc-tireur dans le Nouvel Hollywood finissant

Ajoutons aux propos de Tavernier que Hill est le successeur des réalisateurs hollywoodiens « francs-tireurs » comme Samuel Fuller (logique sociale), Robert Aldrich (logique politique) ou Sam Peckinpah (logique humaniste dans la filiation Charles Dickens / D.W. Griffith / John Ford / Kurosawa où, par exemple le garde du corps est incarné par Toshiro Mifune dont la profession donnait son titre au film Yojimbo, le garde du corps, Yôjinbô, 1961) pour lequel il signera le scénario de Guet-apens (The gateway, 1972 ; avec Steve McQueen et Ali MacGraw, adapté de Jim Thompson ; la tenue qu’arbore le « driver » renvoie au Doc McCoy ; l’épisode du sac rempli de dollars dans une consigne de gare ferroviaire et de la traque dans un train est commun). Hill avait écrit également des scénarios de John Huston (le déjà abstrait Le Piège, The Makintosh man, 1973) ou Stuart Rosenberg (La toile d’araignée, The drowning pool, 1975). Hill s’inscrit précisément dans le Nouvel Hollywood finissant dans la ligne de Tobe Hooper et son Crocodile de la mort (Eaten Alive, 1976).

C’est le 2e film d’Hill, après le Bagarreur (Hard times, 1975 avec un déjà mutique Charles Bronson au côté de James Coburn). Walter Hill n’a pas tout de suite trouvé les financements pour se lancer dans un nouveau film. Soutenu par le même producteur, Lawrence Gordon, il effectue un virage vers le petit écran en créant Dog and cat (1977), une fantaisie policière qui a pour co-vedette une jeune débutante, Kim Basinger. Matt Clark présent dans la série sera un second rôle consistant dans Driver. La série fait un flop, après seulement 6 épisodes.

Dans les années 1970, la société britannique EMI Films, filiale du EMI Group, souhaite produire des films américains, avec l’aide des producteurs Michael Deeley et Barry Spikings. Driver, dont Hill envoya une copie de son premier jet de scénario à Raoul Walsh qui lui donna son approbation, tout comme Voyage au bout de l’enfer (Deer hunter, Michael Cimino, 1978), fait partie de ses films.

Hill : la colline a des yeux

Hill rappelle que le film a été écrit en 1976, tourné en 1977 et sorti en 1978. C’était un désastre critique et commercial. C’est le film actuellement le plus projeté de lui au point de devenir culte. Quentin Tarantino, présent au festival, a adressé de nombreux clins d’œil au détour de Pulp fiction (1994), Kill Bill Vol. 2 (2004) ou Boulevard de la mort (Death proof, 2007). Il a également influencé James Cameron pour Terminator (The Terminator, 1984) avec certains plans de poursuites dans un tunnel, Michael Mann (Le solitaire, Thief, 1981 ; Heat, 1995; Collatéral, Collateral, 2004) ou encore Nicolas Winding Refn (cf. le papier glacé arty Drive, 2011 à la limite, parfois du pastiche : le héros est un chauffeur pour braqueurs, expert en conduite sous haute pression ; la rencontre avec une femme va introduire une complication dans son quotidien méthodique ; l’anti-héros est caractérisé par une attitude renfermée et silencieuse ; le personnage n’est pas nommé ; d’impressionnantes séquences de conduite sont également communes aux deux films).

Abstractions

Il s’est intéressé au conducteur, à l’utilisation du cadre, soigné par le chef opérateur Philip H. Lathrop (La panthère rose, The pink panther, Blake Edwards, 1963 ; On achève bien les chevaux, They shoot horses, don’t they ?, Sydney Pollack, 1969). Il voulait faire un film noir. Mais il trouve la pureté au-delà du geste, de l’épure et du mouvement de genre. L’abstraction, digne du minimalisme de Le samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967 ; le mutisme ; la scène où le conducteur est innocenté au cours d’une identification de suspects par une femme qui l’a pourtant reconnu lors d’un braquage dans un casino ; le rôle féminin de l’intermédiaire) ou encore de Macadam à deux voies (Two-lane blacktop, 1971) de Monte Hellman, correspond à une géométrie de l’espace soulignée par la profondeur de la ville Los Angeles (Downtown Los Angeles, Union Station) devenue un immense terrain de jeu nocturne à ciel ouvert, une cité en partie conçue, comme Barcelone, sur le modèle romain de l’échiquier (urbs), sur les vastes artères éclairées par les innombrables néons présents dans les polars, sur la lumière crépusculaire suggérant une ambiance nocturne hypnotique, sur le sens du rythme (fluidité, montage nerveux, ruptures de rythmes), sur des décors dépouillés (ruelles désertes, parkings désaffectés, ascenseurs, petites chambres banales), sur une économie de moyens tant narratifs confinant à la sécheresse du récit, que visuels, sur une caractérisation sommaire des personnages sans psychologie, ne se définissant que dans l’action par leur fonction (action/ réaction : les personnages sans nom sont driver/cowboy, le flic/shérif et la fille/joueuse), sur la bande-son minimaliste de Michael Small à coups de voitures vrombissantes, de crissements de pneus, de tôles froissées, de sirènes hurlantes, de cris aigus du klaxon. Si le personnage principal, mélancolique, ne s’exprime qu’au bout d’une dizaine de minutes, il prononce seulement 350 mots dans tout le film. Enfin, d’une durée de plus de deux heures, l’œuvre fut brutalement ramenée à 90 minutes pour l’exploitation, coupant ainsi le prologue alternatif plus explicatif sur les relations entre les personnages et leurs motivations. Il ne tournerait plus comme ça désormais : trop esthétisant, affirme-t-il. Maintenant, il est plus sur les bords, de façon plus désordonnée. Peut-être aurait-il plus penché du côté commercial à fort impact d’un John Frankenheimer ou d’un William Friedkin (French connection, The french connection, 1971 ; Le convoi de la peur, Sorcerer, 1977).

Adjani n’a pas ses adjas

Le film a été écrit pour une femme américaine. Les studios désiraient une femme européenne. Hill a cherché une personne mystérieuse. Il se souvenait d’Adjani chez Truffaut (L’histoire d’Adèle H., 1975). Elle était agréable dans le travail. Isabelle Adjani, âgée de 22 ans, se lance ici dans sa première expérience hollywoodienne après avoir refusé un rôle dans De l’autre côté de minuit (The other side of midnight, Charles Jarrott 1977). Contrairement à Catherine Deneuve dans la Cité des dangers (Hustle, Robert Aldrich, 1975) par exemple, Adjani, plus proche ici d’Angie Dickinson chez Howard Hawks et coiffée comme Lauren Bacall, précise : « j’ai accepté ce rôle d’abord parce que ce n’est pas un rôle de française ». Elle est ici fantomatique comme Meiko Kaji et plus belle que jamais, entre Violette et François (Jacques Rouffio, 1977) et Nosferatu, fantôme de la nuit » (Nosferatu : phantom der nacht, Werner Herzog, 1979).

Les acteurs

Curieux de voir Barry Lyndon, Ryan O’Neal (Stanley Kubrick, 1975), échappé de Love Story (Arthur Hiller, 1970), mais il est meilleur avec son visage candide, presque enfantin, qui cache pourtant une dureté et une force de caractère incroyables, que l’inexpressif et surestimé, l’autre Ryan, Gosling.

Bruce Dern, en flic obsessionnel, en fait un des tonnes avec ses regards déments et ses gestes frénétiques.

Bonne série B

Nous sommes dans une bonne série B, à cause du petit budget, comme Bullitt (Peter Yates, 1968). Et pour cause, Hill a travaillé comme assistant sur le film. Steve McQueen a été le premier choix pour jouer le « driver ». Aurait-il été aussi impassible que dans L’affaire Thomas Crown (The Thomas Crown affair, Norman Jewison, 1968) sur lequel Hill a été assistant aux côtés du monteur Hal Ashby ? Vroum, quand mon cœur fait vroum.