[Gastro] Médite la méditerranée avec Passédat

Se lécher les babines et les yeux en voyant la fin du marché de poisson à la criée sur le vieux port. Un bus 83 arrivant enfin, me voici arrivé à Fausse monnaie sur la Corniche Kennedy, passés le vallon des Auffes et la plage de Malmousque. Le quartier d’Endoume, la anse de Maldormé. Passé Passédat, héritier d’une famille d’artistes, ancien élève d’Alain Chapel, des frères Troisgros et de Michel Guérard, me voici au-dessus de plagistes se bronzant en pleine vacance de Toussaint alors que les vagues fouettent les rochers. Un couloir en plein air qui pue la pisse, je tourne en rond, je trouve finalement le 1917 grâce à un taxi sortant du parking. Je passe la magnifique piscine, non utilisée à cet instant, qui préfigure l’architecture du relais et châteaux par Rudi Riciotti (le MuceM). Tout le contraste de la triste et aimée mais aussi détestée Marseille ou Phocée : la grande classe qui surplombe les gens qui, en dessous, n’en ont rien à foutre – et ils ont bien raison – et se grillent au soleil encore égal pour tous, heureusement. La délicieuse dame m’a gardé une place devant les vitres avec double vue : à droite, une île privée, qui a appartenu au bijoutier Morabito, père du designer Ora-ito qui a pignon à la maison du fada, au vallon des Auffes ; plus loin, le Frioul. A gauche, la rade de Marseille, représentée en 3D par du relief de plâtre creux et blanc sur la table. En bas, de belles baigneuses qui se lancent dans l’eau en plein soleil, un 29 octobre ! Les rideaux noués tremblent au vent : impression d’être dans un film – Le Mépris de Godard ? La pièce, spacieuse, qu’agrandit un magnifique grand tableau abstrait du génial peintre Marseillais Traquandi, n’accueille qu’une dizaine de tables loin d’être toutes remplies, des chaises blanches orientables d’un design des années 60-70, un verre-ciboire Stark, un petit promontoire en argent, avec un poisson accolé, pour y poser le couteau à poisson. Un immense Saint-Pierre, le paradis dans l’assiette, est présenté. Choix : pain de campagne ou pain blanc. Penser à Poisson sur une assiette du nabi japonisant Pierre Bonnard au Musée des Beaux-arts de Lyon.

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Une jeune femme, fine et grande, brune aux cheveux décolorés vers le bas avec petit chignon, élégante dans son tailleur, un bracelet discret en or, sert. Le sommelier, un grand méditerranéen, un vieux plutôt jovial mais échaudé que je ne prenne qu’un vin au verre : ouf, il ne me fera pas son numéro à la Raimu, pourtant né à Toulon. Il n’a pas l’air convaincu par ma démonstration que, ne pouvant boire que du vin rouge, un pinot noir d’Alsace ou de Bourgogne, par exemple, pouvait accompagner un poisson. Allons pour Un Beaune Côte de Nuit 2014, le type m’évite un Côte Rotie, mon péché mignon, à la peau des fesses. Je goûte et dis « on ne discute pas ! » tant le vin est incroyable par son côté à la fois fruité, mais pas trop, et tanique marquant le fait qu’il a eu le temps de vieillir en fût ; « on peut toujours discuter ; le vin sert à ça. », rétorque-t-il.

En amuse-gueules, une incroyable longue herbe corse verte, un peu comme du céleri, mais en plus évolué, sur son lit de glace, pour conservation, à plonger dans un humus du cru, il pleut plein de petites fleurs délicieuses à croquer (orange, jaune, etc.) ; un gressin, gratté à l’huile d’olive sicilienne, avec sumac des calanques présenté entier devant nous – rouge, rouge, rouge qui tombera sur la table ; un incroyable bouillon de rouget de roche avec de l’anis étoilé qui éclate en bouche ; une raviole en vitraux de Saint Victor (ah, les navettes de là-bas, dans le croquant, la fleur d’oranger – un hommage aux marins !) avec crudités sur un fond d’artichaut avec, à côté, artichauts crus de Sardaigne.  Un italien, toque en tête, moustache de hipster à la Cardoz, présente une focaccia, un mix de plusieurs régions selon lui, aux incroyables tomates cerises de Provence arrosée d’huile de Toscane. Dès l’entrée en table, deux petits pots blancs bien distincts sont présentés : sont versés dans des petits plats prévus à cet effet, une huile de Toscane donc, très proche de l’incroyable Perdissaca Buža croate (élue meilleure huile du monde 2019) trouvée à Dubrovnik / Ragusa, perle de l’Adriatique), d’une ardance toutefois peu prononcée (la forte ardance, gage de qualité, peut heurter le public) et une huile de Provence, près de Maussane ( à base de picholine donc ?), je crois, plus douce et totalement différente, très intrigante voire mystérieuse car au caractère peu prononcé. Je me gave littéralement de ces deux huiles sur du pain ou en cuillère, quelques gouttes tombent sur la nappe en tissu d’un blanc qui était immaculé. Est-ce de l’huile Alexis Muñoz, celui qui fournit Anne-So Pic, Viannay de la Mère Brazier, Têtedoie, le Savoy, etc. ? J’opte pour le menu Passédat (270 €) au déjeuner. Un mistral insistant calme le soleil en fer blanc : les plats refroidiront très, voire trop, vite malgré les précautions prises (cloches, etc.).

            Deux très belles tentacules onctueuses de poulpe découpées en lamelles. Curieuse infusion d’aubergine, à tendance poivrée, à la menthe fraîche du Maroc, forte à vous réveiller un mort. Passent les 3 poissons, grâce à la pêche de Christian, souvent cuits à basse température. Arrive le plat signature de Passédat, héritée de sa grand-mère cantatrice, photographiée par les frères Lumière : le loup de palangre Lucie Passedat ou pavé épais cuit à la vapeur, décoré de craquants et délicieux rubans colorés de courgette et concombre, avec une teinte de camaïeu de verts sombre et clair sur une base densément parfumée (tomate rouge et verte, citron, basilique, coriandre, fenouil sauvage, huile d’olive, pointe de truffe noire – rappel de ses racines du Quercy) sur lit moelleux à déguster à la cuillère.

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Un discret accord terre/mer qui change du htv (homard tête de veau de Têtedoie). Délicieux mais, méditerranée oblige, l’huile abondante rend le plat trop gras comme en Grèce ou ailleurs, comme un effet de saturation voire d’écoeurement. Accompagné avec une sauce à la truffe noire toujours bienvenue, les frères Marcon ne seront pas jaloux. Problème : à aucun moment le goût de la truffe ne transparaît, seule sa texture reste. La belle serveuse lâche, avec son accent marseillais, que j’ai fait honneur au plat.

Un plat incroyable : la poutargue (au mulet, bien sûr, il en existe d’autres ?!!) est présentée entière puis découpée en lamelles. C’est tellement fort en bouche que le reste, dont, comme Alain Ducasse (Plaza Athénée) ou encore Bernard Pécaud (L’Ambroisie), un magnifique caviar Schrencki d’un lac du nord de la Chine, Qindaoh dit le lac aux milles îles, où il faut attendre une dizaine d’années pour atteindre une bonne qualité d’œufs d’esturgeons – qui va jusqu’à 120 kg ! – à leur deuxième voire troisième ponte. Un magnifique champignon blanc et beau, comme une estampe japonaise, rare mais son goût ne me convient pas – trop aigre, contrapunctique. Le jardin marin est une merveille visuelle avec bouffée d’iode relevée de criste marine au goût vif et puissant de roche. La moule est charnue, l’huître tombe dans la soupe, c’est-à-dire un bouillon de planctons, riches en vitamine c et qui permet de lutter contre le scorbut, qui revient actuellement, présenté dans une conque, et tâche ma chemise pour ma lecture-performance avec un pistolet de capitaine Flam dans l’auguste salon du FID (Festival International du Documentaire) avec stuc rococo, peinture licencieuse XVIIIe en plafond et sièges noirs fort confortables nonobstant une excellente acoustique. Un filet de sardine, normal puisque les Sardes dînent à l’huile. La chair tendre d’un coquillage proche du couteau, du concombre de mer. Pour remonter le palier de l’apnée gastro, un bouillon avec une bizarre texture filandreuse en tube, entre la coquille Saint-Jacques et le salsifis : une mauvaise impression.

            Le trou normand, terme qu’ignoraient les personnes au service, est un verjus, c’est-à-dire des grains de raisin très acides recueillis en juillet, nous est-il expliqué par une jeune acnéique concurrençant un serveur boutonneux, glacé, – mais moins que les autres jusqu’à ramollir comme une bite non d’amarrage mais d’ancêtre, étant le dernier arrivé-, puis râpé, neutralisé avec une sauce plus douce avec bouts de glace, le tout surmonté de gingembre éclatant.

 

            Le frometon est peu surprenant – ce n’est pas la saison de l’excellente et délicate chèvre toute de cornes torsadées en forme de lyre du rove de la Côte bleue servie en tube et affinée au vinaigre car tout le secret est dans le dosage -, avec une tome de tome et une autre tome avec une sauce verte très relevée avec de l’aubergine, un parmesan de 36 mois et une mi-mollette vieille, à part ce chèvre des Arnavaux accompagné de confiture de fruits rouges. Un peu décevant. C’est plus roboratif chez Bocuse mais, ma foi, je me suis ici bourré le bédelet pour un bon pénéquet. Un pain encore chaud avec du raisin.

 

            Le dessert est incroyable, le père de Passedat était boulanger-pâtissier : des mikados en meringue sur une figure en forme de croissant aux multiples saveurs à manger de gauche à droite. Très esthétique. Plaisantes sont les mignardises avec miel de forêt des Pyrénées à plus de mille mètres montré dans son cadre ; sur un plateau façon tea time, une tartelette d’avocat incroyablement travaillée, des raisins secs qui pendouillent comme des couilles de centenaire, une figue noire à la peau légèrement violacée de Solliès, AOC depuis 2006 et AOP depuis 2011, d’une incroyable finesse de chair et de texture, une espèce de mendiant de céréales ou plaque bourrative pour sportif avec crème légère sur le bout, et un nougat avé pistache de Sicile et miel. A côté, un roudoudou, bonbon au grand succès enfantin dans les années 60-70 : lécher la confiserie collée à l’intérieur de la coquille.

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            Un grand et beau voyage dans les divers bords de la méditerranée, beaucoup de bouillons raffinés qui laissent songer au dashi très utilisé par Pic depuis son séjour nippon ; trop d’huile, peut-être, dans les plats mais c’est la touche méditerranéenne qui manque ici singulièrement d’ail. Des saveurs parfois trop fortes – la mer s’impose naturellement – qui écrasent la richesse d’autres senteurs et goûts. Ainsi le goût du poisson n’est pas perceptible, contrairement aux plats à viande, gibiers notamment. Il reste au moins la texture. A part les bouillons, peu de points communs avec les japonais, qui, je trouve, mettent plus en valeur les saveurs marines tout en l’ornant de façon équilibrée : leur culture est totalement différente mais plus en osmose, peut-être grâce au shintoïsme, avec le milieu marin. Je mettrai 2 étoiles et demi, soit plus près de deux étoiles que de trois étoiles ; disons que l’impression ici est d’être dans un deux étoiles qui aspire à la troisième.  Bref, je ne suis pas complètement convaincu, d’autant qu’il y a, heureusement, de rares moments où le goût est détestable du fait de certains produits marins. Il faudrait voir lors du repas du soir, plus fourni, du printemps en général, de la période des oursins, des anémones de mer et du chèvre du Rove (printemps-été). Anne-Sophie Pic est toujours la meilleure (son restaurant à Londres a gagné une étoile de plus), je n’ai, pour l’instant, pas trouvé mieux. Reste à savourer le coucher de soleil aux premières heures d’hiver sur la terrasse de la Caravelle sur le vieux port où l’esprit jazzistique d’Elangué, du coltrainien Imbert et du patron Jean-Louis plane.

La bise de la Mère Brazier

   En cette journée de grève de la Sncf (CGT et Sud puisque les syndicats patronaux ont lâché l’affaire), je me précipite derrière l’opéra, celle qui a perdu sa 9e muse, réhaussé par Jean Nouvel qui nous a gratifiés de sièges design noirs nous donnant mal au cul, rue Royale, rue du petit mais charmant L’ourson qui boit, autre resto tenu par des japonais enrichissant la cuisine française comme l’excellent Arai rue du Bœuf avec son 14 février ou, vers Foch, Taka qui travailla avec Le Bec, dans la fameuse rue Grôlée, désormais expatrié en Chine, selon les uns pour malversations comptables, selon d’autres à cause de manipulations politiques, d’un resto moyen mais amusant, tenu par un croate, rue adjacente à la petite librairie d’occas’ joyeusement foutraque de Fabrice Sivignon. 12 rue Royale, précisément, là où la pâtissière chez qui la Brazier va se fournir en quenelles lui conseilla une épicerie-comptoir à vendre en 1921 dans le quartier des soyeux, entre l’hôtel de ville et la demeure de ce maire bon vivant d’Ed. Herriot qui abandonna Vettard place Bellecour pour en faire ici son salon privé. – Tous y sont passés, des Milliat-fabriquants-de-pâtes, où Eugénie fut cuisinière, à Agnelli, l’épuré Balenciaga, de Givenchy, Rikiel, le génial Courrèges, en passant par les banquiers du Crédit lyonnais, soit quelque milliers d’euros par tête de pipe depuis leurs malversations, les patrons de la Fabrique tels que les Biancarini-Férier, les Brochier, les Colcombet, les Baboin, les Porcher, les Guérand Hermès, les Proverbio, les Perrin, les Berliet -. Ma ponctualité ne fut pas royale, retenu par l’émission estivale Blockbuster (France inter) sur La petite maison dans la prairie (9 saisons !), qui est l’objet de dénonciation actuelle, politiquement correcte, de racisme, où l’on apprend que la série est libertarienne, que le charmant Michael Landon / Charles P. Ingalls, une célébrité venue du mythique Bonanza, ruiné par l’alcoolisme, a eu une enfance malheureuse. Fi du quart d’heure lyonnais, 12h35, mon hôte, robe noire – sur lequel pend un collier discret et contemporain -, masquant un petit ventre augurant d’un bel évènement, m’attend. Pas vu depuis 2 ans : Roure, deux étoiles également au compteur du Michelin, rue Cuvier, début août puis Parc de la Tête d’or. Aller plus profond qu’un saucisson chaud sur le pouce avec le poète Claude Yvroud.

Décor

   Les faïences, le parquet et les baies vitrées des années 30 sont agrémentés, notamment à l’étage (rideaux en velours, tables Knoll et rayures noires et blanches à la Buren), de la déco des géniaux Vavro. 60 couverts en tout, peu de monde aujourd’hui. Des photos de ladite mère, fille-mère de paysans pauvres, et tôt orpheline de mère, chassée par son père, dont celle de Lucien Rey qui démontre que la forte en gueule avait de la gouaille et ne s’en laissait pas compter. Nous mangeons au petit salon du rez-de-chaussée à côté de nombreux asiatiques dont les limitrophes émerveillés par le poulet de Bresse en demi-deuil (c’est-à-dire champignons sous la peau, la truffe notamment, lors de la saison adéquate; accompagnement original de petits pois à la française, sauce suprême à l’estragon pour 2 personnes en 2 services) d’abord présenté en entier puis découpé devant les convives ébaubis devant le mort volatile et les lourdes saucières en argent. Un œillet blanc discret sur la table en résonance avec un bouquet frais blanc. Un petit abat-jour de table Starck, designer largement  présent chez Pic, à l’armature de verre lourde cache une menue bougie coquette qui attend la fête des lumières du 8 décembre pour rejoindre son lumignon; des chaises rouges années 70. J’ai la vue sur les vitraux translucides, donc sans couleurs contrairement à ceux du Docteur Antonin Poncet, dont seules les armatures sont conservées, observables depuis la rue. Les gars en blouse et toque blanches fument sur le trottoir en plein cagnard.

Commencer

   Amusons-nous la gueule avec du pâté de volailles de Bresse venant de la maison Miéral en croûte, sacré champion du monde en 2012, avec cerise (pointe extrême-orientale ; avec noyau, nous est-il précisé) au vinaigre. En apéro, un jus de fruit rafraîchissant à la pomme-reinette et fruit rouge (fraises) en cette canicule modérée par une climatisation pour une fois discrète. Jamais deux sans trois, Jérôme Desbois, maître d’hôtel, vient prendre la commande. Nous optons pour le menu classique, où Math Viannay, revisite les classiques de la mère Eugénie Brazier, femme qui fait l’objet d’une nombreuse littérature depuis ses double trois étoiles au Michelin depuis 1933, remarquée par Prévert, toujours à l’affût, jusqu’aux éditions Wespieser et un hommage google en 2018. J’avoue que la pomme de ris de veau rôtie, croustillant de riz soufflé, jus à l’anguille fumée m’a tout de suite tapée dans l’œil. Sur table, un beurre doux et demi-sel avec un beau B comme Bordier de Saint-Malo, une huile d’olive délicieuse venue soit du moulin de Tunisie (vers Sfax) soit de Tolède (Espagne), dont je me repais le long du repas comme souvenir de ma vie dans le Sud, avec du pain au levain, du pyrénéen franco-espagnol Alexis Muñoz, installé à Lyon, fournisseur de Pic, Têtedoie, Savoy entre autres – mais pourquoi pas une huile drômoise comme Nyons ou provençale comme celle de La Fare-les-Oliviers, mystère ?

Parti sur un Pinot noir d’Alsace, j’opte, sur le fondement d’un lourd bottin noir et avec l’aide de Sieur Verneau, directeur de salle et chef sommelier, pour un Côte de Nuits 2015 au verre qui a eu un coup de chaud, tanique à l’odeur, à laisser décanter donc, mais jeune au goût, servi dans un verre translucide Riedel. Non je ne ferai pas la blague de François Jaubert / Gérard Philipe dans Le diable au corps (Autant-Lara, 1947) au Grand Véfour sur le côté pseudo bouchonné pour en boire plus. Une eau pétillante Orizza (Corse) et plate (Evian).

Nous squizzons l’artichaut et foie gras n°12, un classique de la mère, pas envie de foie, outre la méthode d’obtention et le sort de la bête qui choque de plus en plus ; les artichauts à l’italienne, accommodés de mille manières, notamment croustillants à la juive à Rome au Ghetto (Dal Pompiere, via Santa Maria dei Calderari, 38) sont tellement succulents qu’il est difficile de les égaler. La fourchette est dignement posée à la française : nous sommes à une grande table, s’il était permis d’en douter.

Arrive un plat rouge vert, comme un gaspacho après le feu d’artifesse du 14 juillet, de tomates, mozarella, pesto et huile d’olive et, touche d’originalité, du cecina, du bœuf séché espagnol – j’avais découvert le lard de Colonnata, près des carrières de Carrare où piochait Michel Ange entre autres sculpteurs, chez Pic -, dans une assiette creuse blanche. C’est bon, même si ce n’est pas transcendant ; c’est frais. Un pain rouge original, betteraves-cranberries, cuit maison.

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Plats simples et élégants

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   Singapour, Australie, Hawaï, Amsterdam, Londres. Arrive le pain de brochet croustillant, sensation très agréable, aux écrevisses bien alignées sauce Nantua avec une pointe de vin jaune, une petite émulsion sur le dessus, une carotte et un poireau des maisons Barnas, Bail et des Halles Trottemant, façon nouvelle cuisine déjà ancienne. Voilà qui revisite en effet un plat traditionnel, brochet sauce Nantua tout en évitant la quenelle, remplacée par un pain qui offre une texture intéressante et qui est plus rapide à cuisiner, qu’il est possible de trouver partout à Lyon et en Bresse, Bourg notamment. – A noter que, chez Giraudet, la sauce existe également aux écrevisses en période de fête, outre de délicieuses quenelles à la truffe -. J’aurais bien vu une touche jaune, déjà fort présente, de polenta, revenue en grâce dans la gastronomie et permettant de faire une double nique à la cantoche d’école d’antan, Marcon m’ayant rabiboché avec le salsifis de fort mauvais souvenir. A manger de la main gauche puisque Ravel vint se sustenter ici.

Une drôle de petite pointe dans le fond d’assiette pour monter le pain de brochet. Un opinel original avec un manche en bois avec stries marron claires et sombres, du plus bel effet, ma foi.

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     Dans un accord terre/mer bien différent du HTV (Homard Tête de Veau) de chez Têtedoie pour lequel le gouvernement de l’autre Philippe sous Macron s’est déplacé à l’invitation de l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, voici la fameuse pomme de ris de veau rôtie, fourni par la boucherie Giroud Perrier ou J.A. Gastronomie, toute unifiée de façon intelligente, croustillante de riz soufflé, j’en ris, porte des Lilas, sur un lit de petits pois à la française, qui changent de mon séjour londonien, le génial jus à l’anguille fumée de chez Vianey, de la Croix-Rousse, devenu MOF, souvenir des Salins de Giraud en Camargue ou plutôt de la mère Guy à la Mulatière. La sensation de croustillant du ris est tout à fait incroyable, on s’attend presque à goûter des amandes grillées. Très fin. Une étonnante assiette Jars (Anneyron) en céramique à imitation couleur bois. Le souvenir de ce ris de veau aux deux truffes (blanche et noire) de chez Marcon à Saint Bonnet-le-froid, entre Velay et Vivarais, dans un nid d’aigle écolo hqe  et ntic avec vue sur le Mont Blanc par beau temps est indétrônable.

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Le trou normand, calvados manquant à l’appel, est, comme chez Roure, une petite madeleine encore chaude digne de Blé sucré de Fabrice le Bourdat, un nantais d’origine qui a officié au Bristol et au Plaza Athénée (Paris) ainsi qu’au Martinez (Cannes) en face du square Trousseau dans le 12e arrondissement de Paris près de l’inratable marché d’Aligre, avec une boule de glace à la vanille à manger grâce à une magnifique cuillère en nacre dans une petite assiette noire. Dire que le pain grillé précéda la madeleine dans les paperoles de Proust présentes à la fondation Bodmer (Genève) !

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Au pays des fromages

   Une faisselle d’un côté ; un plateau achalandé par Renée Richard, Didier Lassagne, qui a également ouvert avenue Lumière où il est possible de trouver une petite boule dure du Rove du Vaucluse mais non du crémeux et frais chèvre du Rove comme au Petit Nice de Marseille chez Passéda (cf. la regrettée émission de Kruger sur France culture, On ne parle pas la bouche pleine : https://www.franceculture.fr/emissions/ne-parle-pas-la-bouche-pleine/ah-quelle-est-belle-la-chevre-du-rove-et-comme-sa-brousse-est-delicieuse), Jean-Yves Bordier, Bernard Mure-Ravaud et la Ferme du Puy, toujours avec le Côte de Nuits 2015, avec Beaufort, le fameux Saint-Marcellin de la mère Richard, une rigotte qui me remémore ma période savoyarde (et période obsession Saint-Marcellin, pavé d’Affinois, etc.), un picodon sec d’Ardèche, un fromage caprin persillé de Tignes, un camembert de Normandie qui serait menacé par la législation européenne, etc.

Desserts esthétiques

   Les desserts : un chou praliné comme un Paris-Brest beau comme un personnage du Ballet triadique du bauhaus Oskar Schlemmer et ses traces de pas laissant songer au Joan Miró dernière période ;

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bien que tenté par un soufflé au divin Grand-Marnier, je me reporte, été oblige, sur les framboises au gingembre et coriandre, épices ma foi superbes, glace à l’huile d’olive (Ladurée faisait bien de délicieux macarons au basilic et à l’huile d’olive), eau de citron et pain de Gênes, hommage au pesto précédent, protégé par une petite toiture comestible à la Shigeru Ban (Pompidou Metz), qui supporte de fragiles cerceaux parallèles rouges à la Richard Serra. Délicieux et rafraîchissant mais pas aussi surprenant que, chez Roure, la petite tarte au citron meringuée déstructurée, cul par-dessus tête, mise sous cloche en esthétique manga Akira ou igloo de Mario Merz en arte povera, selon sa culture, avec du citron glacé rafraîchissant en un tube fin éloigné qui se mire dans un miroir intégré avant de se briser de façon exquise sous la dent à vous déclencher une injection de dopamine ou de sérotonine.

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     J’enfile en dijo une eau de vie fraîche d’alisier Decorse de Haute-Marne à l’arôme d’amandes fraîches rappelant la frangipane. Des petites pâtisseries : un petit café avec son grain, je n’en raffole pas mais la sensation en bouche ravit par le craquant et la montée du goût en bouche, et un admirable parfait de framboise, pour rester dans le ton, avec … de la roquette. Ce dernier est le plus marquant par son inventivité.

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Nous sont offerts à la fin des guimauves de fraise et vanille, sous cloche comme une touche d’enfance, un paléor de chez Bernachon, un caramel, un peu fondu par la chaleur mais qui ne colle pas aux dents, un nougat.

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Mon hôte m’offre gentiment le repas en m’apportant en outre du divin et onctueux miel de sapin des Vosges (le rucher de Raybois, Le Puid ; merci les pucerons de la ligne bleue), du miel de fleurs et de la liqueur d’eau de vie de miel de Salm (Senones, Vosges), du thé noir TWG de Singapour.

16h passées. Un homme part, c’est le chef Math Viannay, MOF 2004, à peine reconnaissable avec sa barbe mais toujours aussi classieux. Il me signe, tout comme Têtedoie et Roure, mon catalogue d’expo Privat-Savigny, Maria-Anne. Gourmandises ! : histoire de la gastronomie à Lyon : [exposition, du 18 novembre 2011 au 29 avril 2012, Gadagne musées]. Milano : Silvana ed. ; [Morangis] : [diff. Vilo], impr. 2011. 175 p., avec un petit dessin, une toque, avec la légende « Et toc ! » afin de prendre toute la place par rapport aux autres confrères ! Gentil, non ?

     Article rédigé par hasard pendant la rediffusion de « Les mères lyonnaises : Histoire de la gastronomie » dans La fabrique de l’histoire sur France culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-fabrique-de-lhistoire-les-meres-lyonnaises-histoire-de-la-gastronomie-1ere-diffusion-23112010-0

Photo : Marie-Caroline Raboldt

Salon gastro zéro, Lyon

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Jour gris et froid : aller au salon gastronomique, 1ère édition à Eurexpo à Chassieu au milieu des geeks habillés en Pikachu pour Asian expo et Japon touch. Les publics ne se mélangent pas, sauf par erreur, semble-t-il. 5 EUR l’entrée, comme à l’étique salon de la soie en même temps au Palais de la bourse  où enfin des animations à Gadagne (Chine et soie, rencontre organisée par une délicieuse et dynamique prof à l’ENS, spécialisée sur Shanghai, ancienne attachée culturelle en Chine) sont combinés enfin en même temps. Un verre vide vous est fourni pour dégustation.

      Restauration faible

      Ayant les crocs à 14h, après avoir bu un Pu’er des vieux théiers de mon chouchou Cha Yuan qui a inauguré cette année des thés taiwanais (wulong notamment), je me précipite au restaurant « Artisans restaurateurs » : plus de service, me dit un homme avec force publicité pour un hôtel derrière. Je sillonne : outre une charcuterie artisanale assez banale, des hamburgers avec la viande d’un Gaec où une foule monstre (tout est relatif vu le nombre chiche de visiteurs) fait la queue -non de bœuf, je trouve des escargots de Bourgogne chez un petit producteur, servi rapidement et avec soin (7 EUR pour moins de 10 escargots). Malgré la goutte (fort taux naturel d’urée ou acide urique), je dégote un Viré-Clessé, servi en bonne dose, dans ce qui s’avère être l’un des meilleurs stands de vin. Pour le plat de résistance, il me reste l’espace « Restauration Pavillon International » qui s’avère n’être qu’une pauvre enfilade de vendeurs de … kebabs turcs, puisque la Turquie est invitée d’honneur. Je trouve tout de même un gözlem (pâte, épinards où j’ai payé 4 EUR au lieu de 3 EUR annoncé, ce n’est pas pour un 1 EUR mais pour le principe) fait maison par une dame qui pourrait être notre grande tante avec tenue typique qui ne fait pas costume d’apparat. L’honneur est sauf grâce à ce stand venu du Beaujolais, KCT Turquie. Mais enfin tout ceci ne paye pas de mine. Je m’attable, me coltine une fille de 14 ans des plus disgracieuses avec ses parents puis une bourge pétasse jeune à tête de Lassie avec ses mèches blanches à la mode qui, avec son mec, Ken qui, bien sûr, porte une barbe de hipster, change 3 fois de place, la chieuse intégrale pour qui le monde doit se plier pour princesse. Je discute finalement avec une brune stéphanoise qui est affaiblie par les insomnies depuis la mort de ses parents. Nous discutons de Marcon (pas Macron !), qu’elle a connu avant la construction du bâtiment écolo avec vue sur le Mont Blanc à Saint-Bonnet-le-froid, et gastronomie (Point à Vienne, Trois Gros à Roanne, etc.). Nous partageons notre déception sur ce salon assez indigent. Débuter n’excuse pas tout : la première est ratée.

      Huile et Ardèche

      Le reste est franchement pire que décevant : désolant ! Des papys et mamies vous accueillent en tentant en amateur de fabriquer du pain et autre boulangerie. Pathétique. Les principaux exposants sont concentrés sur la restauration Auvergne – Rhône-Alpes et Saône-et-Loire. Un peu de Bretagne, très discret ; l’Alsace est absente ce qui est hallucinant, les Dom-Tom, on en parle même pas ! Franchement pas très original. Des ravioles de Saint-Jean qu’il est possible de trouver en supermarché. Je trouve tout de même une bonne huile de Nyons du domaine Piallat, où le vendeur à fort accent m’apprend, ce dont je me doutais, que la truffe dans l’huile, ne peut être qu’un produit artificiel (et bam pour le stand d’à côté), avec des Côtes du Rhône moyens goutés avec deux vieux aux joues rougeaudes de la confrérie du tastevin du Brouilly en costumes. Et que ça discute sur la cata du vendredi où pas un chat n’est venu. Et vogue vers Dumarcher, très connu, IGP Ardèche de bonne facture, AOP Côte du Vivarais, ce dernier étant peu à mon goût. La fille de la vigneronne, qui se fout de moi, met son rouge à lèvre. Un vin du Bugey, pas loin.

      Je picore quelques carrés de chocolat (de 64% à 80% noir), pas si extraordinaire au regard de Gimenez, Bernachon, Bouillet et un fabuleux choco au yuzu à Privas goûté il y a quelques années au salon du chocolat de Lyon, cher et décevant, décidément, à la Cité internationale.

Grieco, Domaine La Biscarelle

      Un espace peu fréquenté. Beaucoup de côtes du Rhône, les teneurs de stand sont mécontents et l’ont fait savoir à l’orga. La curiosité m’attire : Châteauneuf du Pape. Je tombe sur la perle : un jeune couple, les Grieco (Domaine de la Biscarelle),  dont  la dame est d’une famille de vignerons depuis … 9 générations (XVIIIe d’après une cousinade). On entame une discussion passionnante : ils fournissent Têtedoie, le Crillon et d’autres restaurants/hôtels prestigieux, où le vin est parfois vendu au verre tellement la bouteille est peu chère et de qualité. Leur chiffre d’affaire, fondé sur 60 000 bouteilles (Beaucoup de Côtes du Rhône, peu de Châteauneuf à leur grand regret eu égard à la taille des parcelles), est établi en majorité à l’export (Etats-Unis, pas tellement la Chine ou l’Amérique latine).  Les anglaises 2014 est une tuerie pour une vingtaine d’euros à consommer entre 4 et 8 ans. Un rapport qualité/prix incroyable. Sacré découverte. J’arrête là pour rester sur une bonne impression, à chercher au plus profond de soi tant le néant règne.

      L’espace prestige est nullissime avec Pralus, déjà connu, où l’on cherche ledit prestige, du moins dans la présentation. Si Marcon et Têtedoie, Trotta et ses cocktails sont passés sur une estrade aseptisée où une vente aux enchères se déroule puis une remise de prix professionnels, l’inintérêt gagne, l’ennui prenant le dessus. Au total : peut nettement mieux faire. Quelques Pikachu, désorientés, cherchent de quoi boire pour tenir. Evidemment aucune référence à la cuisine asiatique, à part un misérable chinois perdu au milieu de nulle part, ce qui est vraiment dommage. Nous sommes loin de la deuxième édition du street food festival (LSFF) aux Subsistances, plus conviviale (musique, ouverture sur le monde gastronomique avec Hong-Kong et l’Amérique latine comme le Mexique et la Colombie, Têtedoie, Viannay, le chef de la Mère Brazier, Viola de Denise et René et surtout le sympathique Régis Marcon qui régalent).

Parce que je le Malleval bien

Je me console en pensant à la fabuleuse dégustation annuelle hier chez Malleval qui fait décidément très fort à chaque coup : Sancerre, Givry premier cru avec assemblage de 4 1er crus, L’empreinte Domaine Joblot 2016 (à son sommet dans 4 ans) où le taux de sulfite semble moindre que d’habitude. Un jeune coupe de vignerons dont une très belle vingtenaire-trentenaire. Des Châteauneuf plutôt décevants malgré le prix dépassant parfois les 200 EUR. Que vois-je, un merveilleux Croze, vin dont je n’en peut plus tellement il est servi en gastronomie de la région avec Saint Joseph (Noël est annulé, le père a avoué) très finement travaillé en fût de chêne et, enfin, un Tokay de folie (5 putunios) accompagné d’un foie gras alsacien d’oie et de canard (dont il existe une variété  au champagne et 4 épices) proposé par un jeune commercial insupportable, gomina dans les cheveux, propos offensifs qui ne s’arrêtent jamais, qui me met le grappin dessus. Je lui laisse, amusé intérieurement, faire son numéro à vide. A cause du gras foie, je suis indisposé le lendemain. Tout ça pour ça. Le Monsieur, sorte de Phileas Fogg, fidèle depuis 4 ans, du cognac XO surprend toujours par la maestria de ses alcools forts très très chers mais très très bons, du haut de gamme. Il s’est instauré comme un jeu entre nous, l’année dernière, il m’avait klaxonné de son break alors qu’il repartait vers Bellecour. Comme quoi 7 exposants dans un petit espace font plus qu’un salon entier.

Je file chez mon chéri De l’autre côté de la rue avec leur cave Banastou & Fourquet : je les aime bien mais le fossé ne joue malheureusement pas en leur faveur. Ce n’est pas parce que c’est bio (d’ailleurs le taux de sulfite, fort, est permis en AB), que le vin doit être infâme voire ignoble. Privilégiez Déméter ou Nature et Progrès (ce Vosne-Romanée trop cher mais divin ou la cuvée Alicia de l’Apremont cévenol à la Cave nature chez Dengis rue Romarin au bon rapport qualité/prix) !

 

[Gastro] Happy Lyon street food festival #2

Must for place to be : en place !

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Parfum de vacances estivales. Il y eut les fines gueules aux Subsistances où je découvris le Gallety, un fameux vin ardéchois, assis sur une botte de foin. Deuxième édition du street food festival (dire LSFF, pour faire hype dans un pays qui adore les acronymes), le premier étant victime de son succès, la rupture de stock arrivant très vite. Colombie, Mexique, avant un ouragan fameux, et Hong Kong, qui n’est pas un grand singe, sont invités. La biennale d’art contemporain va pointer son nez : une hype chasse l’autre mais ne se croise pas forcément même si Vianney fit ses compositions culinaires sur tableaux blancs pour une expo rétrospective Yoko Ono au MAC.

Halte à la Halle des Subs

Chefs oui chefs

Vendredi dans la Halle en temps idyllique avant qu’il ne se gâte. Les chefs et MOF sont là : Régis Marcon, très sympa avec qui on discute de l’Hôtel dieu et sa Cité de la gastronomie, qu’il préside, pendant que le Musée de la médecine des HCL, seul musée de France virtuel car dans des cartons à cause de Collomb et Képénékian, médecin de son état, croupisse dans l’inexistant, du giba, champignon qui vient de changer de nom et de passer comme non comestible alors qu’il fut comestible selon des mycologues et déterminateurs, j’en ai encore mangé cet été ; Têtedoie qui me mate, s’évertue à montrer des photos sur son portable, et nous gratifie de son plat signature, malheureusement dénaturé, le H.T.V. ou homard tête de veau selon l’accord ressassé en gastronomie terre/mer en encornet peu ragoûtants avec morceaux panés et sauce à la coriandre comme si c’était une sauce MacGerbal ; le présent pendant trois jours Viannay de la mère Brazier, toujours dandy à faire de simples grillades de travers de porcs avec une main gantée noire pour ne pas se brûler dans son épicerie – petit joueur ; Joseph Viola de « Denise et René » s’affaire en cochonaille grillée.

La palme revient allégrement à Marcon, qui n’est pas Macron : non seulement le type est sympa et abordable, il plaisante avec Viola, mais son plat se détache allégrement par sa simplicité et sa délicatesse : une brochette d’une simple et délicieuse viande entrecoupée de champis, Marcon ne serait pas Marcon sinon, posée sur une feuille de châtaignier alors que trône à côté un sabayon onctueux de champignon. Sa brochette payait pas de mine et pourtant. Comme quoi il est possible de produire en quantité en créant de la qualité. Marcon n’est présent que ce vendredi, c’est pour cela que je suis venu aujourd’hui. Nous devisons avec un quidam de la cueillette des champignons : Qatarstrophique dans le Jura, très sec malgré une certaine verdeur, mais allègre chez le Chi et Hollande, la Corrèze plutôt que le Zambèze.

HK

Après avoir vu jouer au Mah-Jong, je me hisse au pays de la révolution des parapluies où Lord Mounbaten céda la place, Honk Kong. C’est parti pour un Guabao de poulet dans une pâte presque sucrée, servi par un parfait franco-hongkongais alors que les femmes s’affairent à l’arrière dans une pâte informe brune à base de riz et le cuisinier asiatique se débat avec ses pâtes qui enroberont les mets. Traditionnel avec M . et Mme Cho, le Sieur étant attiré par le chocolat lyonnais, pas de doute on est à Hong Kong avec le souvenir de Kwanlon : nouilles à manger comme chez Johnny To avec beignets de crevettes et baguettes de rigueur sans la célérité digne d’un Woo. Trois Miams (contre 2,5 pour Marcon), la monnaie utilisée pendant la manifestation (1 Miam = 2 €), quand même, même si c’est roboratif ! Je m’assois sans le savoir à côté du notable lyonnais Guy Walter, directeur des Subsistances, maître de cérémonie donc, et de la Villa Gillet (dans cette Halle se déroulent les Assises Internationales du Roman que Pireyre évoque de façon drôle, une histoire de couverture ou plaid, dans sa géniale Féérie générale), dont la mauvaise gestion a été pointée par la Cour des Comptes.

ColMex

Côté Amérique latine, je squizze la typique Liz Galicia, avec de très beaux épis de maïs chauffés et un plat avec des filets d’avocats, très bon pour la santé, pour Piquin et sa quesadilla au huetlacachas ou « truffe mexicaine », c’est-à-dire un champignon qui pousse à proximité des champs de maïs, au goût très fort et pas aussi raffiné qu’une truffe, blanche ou noire ; derechef, j’en réfère au chef Marcon, intéressé.

Foi de Farc, je file côté colombien chez Santiago Torrijos, qui a un resto à Paris mais qui vient de déménager toujours à Paname, et Clément Bidard. Ce sera un incroyable et rafraîchissant ceviche ou filet de dorade crue, marinée, comme quoi il n’y a pas que les japonais. Je vois que le Mexique en propose aussi, Escobar m’aura eu. Pas vu le grand chef Juan Arbelaez quoiqu’un type à tête d’Ho Chi Minh dans un costume bizarre et sans doute traditionnel tape la discute avec le MOF Têtedoie.

Sucré pour note salée

J’ai réussi à placer tout ceci dans mon ventre déjà rempli à midi de taboulé délicieusement persillé, de petites tartes arméniennes et de poulet mariné au citron, le tout entre Arménie, Liban chez Sassoun, une marque valentinoise implantée depuis une dizaine d’années à Villeurbanne et récemment arrivée dans le quartier Lumière, grâce à une paleta au citron chez Unico qui vient de s’installer à Lyon. Le tout glisse grâce à un jus de fruit Milliat d’Orliénas dans le Beaujolais : qu’est-ce que vous voulez, impossible de résister à ce pêche de vigne, le premier que l’agriculteur a mis en bouteille dans les années 90, son meilleur à mon avis. On ne rendra jamais assez hommage à ce maître du jus de fruit. Une belle fille avec robe à petits carreaux bleus engage la conversation, elle s’applique à son métier, le relationnel, la vente ; elle prend l’intérieur de la Halle en photo avec son portable.

Au sugar Hangar, Bouillet ne se foule pas trop avec une barbe à papa ou une gaufre (comment égaler les gaufres nancéennes à la finesse d’une dentelle dans d’anciens moules à gaufres ayant échappés à la collection de Breton ou encore les gaufres belges à tomber par terre comme leur frites, cuites deux fois). Par contre Bernachon est fidèle à sa réputation (alors que plutôt décevant lors du salon au chocolat) : un gâteau au chocolat praliné posé sur une signature calligraphique au chocolat. La grande classe avec simplicité, donc la grande classe. Quelle bonne idée cette nouvelle halle sucrée dans le côté boulangerie des Subs.

Un dj mix une musique latino un peu trop forte mais pas trop envahissante, malheureusement certaines baffles sont défectueuses et crachent un son atroce. Couple de nanas qui cherchent un mec, d’ami-e-s qui s’éclatent entre eux, mecs bons vivants en troupes, de nanas exhibis perchées sur des talons qui leur vont parfois si mal mais il faut être à la hauteur même si on est grande, de familles bobos qui se remplissent la panse dans un esprit vacances, de mecs seuls, qui parfois parlent tout seul.

Cours et atelier

Erudiqueur

Je réussis à m’incruster au dernier moment dans un atelier incroyable : dégustation de liqueurs anciennes par Guillaume Ferroni (de la même famille que Nicole, marseillaise, la comique électrique et soulante ?). Pancrace, hydromel ? Que nenni ! Le type, ancien barman, travaille sur des manuscrits du XVIIIe, développe un anis millésimé ; là, c’est du haut de gamme et de la dégustation de haute volée. Un type de chez Chartreuse s’incruste. Une jeune mariée à la chemise rayée bourge, qui doit bien rougir quand elle fait l’amour, et aux grandes oreilles, quoiqu’aux lèvres fines et sèches et yeux banalement marrons, pas très belle mais avec un charme froid nonobstant, s’adosse à son mec, un bellâtre à pâtes indifférent, à qui elle semble bizarrement accroc tant ils ne se correspondent pas – les feux de la jeunesse où elle croit au prince charmant et tombera de haut. La plupart des liqueurs viennent de médicaments ou de raffinerie de moines. On goûte, après moult explications savantes (les alcools viennent d’Italie, les premiers à distiller depuis la Renaissance, de Hollande, d’Allemagne et enfin des Antilles quand il n’y a pas d’ouragan ; où l’on apprend que whisky vient du gaélique « eau béate » ; la prohibition a permis le développement de bitter ou extrait de gentiane mais d’où vient aussi le coca, dépossédé de l’alcool mais gardant la coco ou coca, conformément au pharmacien-inventeur – vue la canicule, 2017 deuxième été le plus chaud depuis 1900, un coca, même s’il développe l’obésité, n’est pas de trop ; la confrérie des limonadiers proche des pharmaciens), un fernet dont le goût, très fort, est celui d’un infâme expectorant, un sublime ratafia de Marseille (car il existe notamment le bourgogne) à base de fruits rouges (cerises, fraises, etc.) parmi 4 échantillons. Du coup, je file goûter au Carry nation, un bar marseillais qui craint dégun entre le cours Puget et rue Notre-Dame, à la Cocktail factory, un Ferroni Downfall : jus de poire de Milliat, pêche plus quelques alcools développés par Ferroni, goût plutôt étrange, impression de rentrer dans un monde inconnu, passionnant. Quelle bonne idée, cet ajout côté pianocktails. Je m’assieds sur un transat avec des jeunes bons enfants, déjà venus l’année dernière, qui sirotent quelques cocktails de Citrojito.

Cours minute papilles-ons

J’enchaîne sur un cours minute « Sens et papilles », mené par la belle Marie, le tout coordonné par le dynamique poète Emmanuel Campo, qui fait parfois du rap avec Igor Myrtille ou nom, bosse avec des théâtreux, du NTH8 notamment, et invite le flegmatique et cycliste Bernard Deglet, du collectif Les poètes qui vont mourir un jour, pour une conférence pataphysique sur le tango colombien de Hong Kong le dimanche, tout un programme ! Avec des jeunes, on s’attaque au goût mais la coquine a travaillé les liquides avec du colorant alimentaire bio. Le premier est de l’orgeat, le deuxième de la menthe, mais je n’identifie pas la bergamote ; la troisième est piège, un agrume (yuzu ? kombawa ? simple citron vert) mais avec un colorant rouge à base de betterave. La fin en forme de cours de relaxation afin de développer ses sens (sentir le grain de raisin, ressentir sa forme, le rouler dans la bouche et l’éclater lentement) tombe un   peu à plat. On discute de l’umami, je lui offre la référence de Ryoko Sekiguchi. J’échange avec une taiwanaise sur cette fameuse omelette aux moules et sur le thé vert oolong alors que sa copine hongkongaise semble me dire qu’il existe un thé hongkongais planté là-bas, ce dont je doute vu le manque de place. Elle me soutient que le thé le plus important est le japonais, mouais …

Foodtrucks allee

Je passe les foodtrucks, les écossais de Dewars sont ingénieux : ils présentent une infâme boulette … avec un whisky plutôt recherché dans une camionnette à la déco sympathique. Grand succès. Je mange à côté une glace à la figue et à l’huile agrémentée d’une boule à la fleur d’oranger. Ca a beau être bio, c’est insipide. Qui tente rien n’a rien ; ce sera rien. Dommage.

Musique : on the rock

Dans l’odeur de graillon du Floyd’s et du New World Smoke côté BBQ Corner, la chanteuse d’Hilldale s’époumone en un chant plutôt faux, just around the corner, je m’avais entendue en répét’, elle ne s’est pas améliorée en 5 minutes ! Requin chagrin, parfois un peu DX7, s’en sort plutôt bien, musique surf garage parfois péchue, Metallica vient début septembre à la Halle Tony Garnier merde ! et l’amer indien Link Wray rôde au-dessus exactement, et recherchée. Les belges de BRNS, des potes d’Hilldale, envoient du bois grave, le crame même, vu le nom où la voyelle a sauté, avec des synthés rétros qui virent au délire psyché à force d’entremêlements en canons. Le chanteur est souvent le batteur, mis en avant. Trois musiciens sont multiinstrumentistes : 2 guitares, synthés, voix, souvent en anglais, et une fille synthés, clochettes qui sonnent comme un xylophone, jamais vu, son très pur. Un fort potentiel. A noter que Requin chagrin et BRNS appartiennent au label montant creusois, engagé et couillu, La Souterraine. Demain Lescop s’y collera.

Rien à dire : la bouffe est vraiment une religion dans ce pays laïc. C’est vraiment une curiosité plutôt attachante, un art de vivre, même si le peuple est sempiternellement grincheux quoiqu’avalant sans cesse des couleuvres.

Faire Diligence pour l’étoile

th

La Diligence à Montpellier, repris par Jérôme Chaneguier et Cédric Lavergne,  dans un charmant palais XIVe du pote de Jacques Cœur avec une exceptionnelle cave à wiskhy.

Une mise en bouche avec crème de potiron et gressins, un samossa de veau. Un bouillon de bœuf au coriandre. A travailler.

J’en pince pour le homard qui m’a tué avec le jeune d’œuf, iode, concombre, poirot, aneth, céleri et le jeune tatoué Thomas Réa aux fourneaux. Un old Purdney de 10 ans d’âge avec.

Noisette de cerf rôti, digne du kvarnen de Stockholm, et sa croquette de civet, céleri rave, trompettes de la mort de la renommée et coing avec changement de verre pour un fameux Highland Park distilled de … 20 ans d’âge ! Exceptionnel bouquet.

Granité Jean-Louis Denois : champagne et pamplemousse pour trou normand.

Tarte au chocolat fumé au thé du Tigre, un thé noir chinois, du Palais des thés avec un drôle d’arrangement wiskhy, The spice tree (compass box).

Février, le Michelin y décernera son étoile ou pas.

[Gastro] Arte massima : Le neuvième art de Roure

Entrée

       Aux Brotteaux, le rendez-vous – plein soleil estival en fer blanc. Nous nous dirigeons, sous la pesante chaleur, vers la rue Cuvier. Passé ce charmant bar, L’Horloge, dans une petite maison en coin avec grande horloge ronde en enseigne, le restaurant loge à l’angle, rideaux blancs tendus. 2 ans que Christophe Roure, né à Craponne sur Arzon en 1970 et meilleur ouvrier de France 2007, a quitté en juin 2014 Saint-Just-Saint-Rambert dans la Loire, habité pendant 11 ans, au profit de Lyon. La gentille femme de Christophe Roure, maîtresse de céans, nous accueille chez elle dans une petite entrée qui comprend également les discrètes toilettes derrière le mur décoré de panneaux de bois clairs. Une fenêtrette rectangulaire offre la rutilante cuisine au regard pour qui prend la peine : nous pouvons admirer un appareil vert oblong en fonte finement bosselé sur le dessus, une marque américaine achetée à un chef australien, servant à griller au feu de bois, au charbon donc, la viande, dont le bœuf wagyu « blackmore »  (45 mn de préparation), agrémenté de céleri boule en croûte de sel et poudre de menthe (80 €). Une fine sculpture en métal à la Giacometti pour tous, représentant un couple, les Roure, surélevé, avec enfant unique, trône derrière le siège avec sa tige latérale. Touche sentimentale. Sur le comptoir, Les toques lyonnaises 2016 et Les grandes tables du monde 2016 avec coq de Cocteau, démultiplié sur le plat de la carte, en première de couverture que Roure vient de rejoindre cette année.

Pré Salle

       De nombreux exemplaires du livre de Christophe Roure trônent. La salle est petite avec une petite dizaine de tables rondes grand maximum. Peu de monde en ce début de mois d’août : deux jeunes couples dont une grande belle fille brune à robe rouge trop bronzée avec traces disgracieuses de lunettes sur le visage ; trois japonais, dont une élégante femme vêtue de noir, cuisiniers avec col révélateur et force photos à l’aide du portable après avoir visité la cuisine, élèves dont un avec le talentueux maître Tsuyoshi Arai du prometteur 14 février ; un dîner d’affaire rondement mené avec un type à air de caillera, dossier, voire tablette, en main. Le décor est minimal avec sièges verts, comme la couleur de la note, entre design danois des années 70, auquel ma nouvelle chemise Heintze en light blue de chez Bruun & Stengade rend par hasard hommage, et Roche Bobois, centres de table en pierre de Volvic, cube creux opaque recouvert, alternativement avec du fin gazon, abat-jours en papier calque jaune épais suspendus, mes nombreuses miettes qui s’étalent sur le tapis noir, un panneau avec blanches fentes abstraites laissant lointainement songer à Lucio Fontana. Les teintes claires en dégradé sont cosy ou zen, au choix. Le discret point de service est en milieu de salle avec coffret en bois à boissons intégré. Le service est discret mais présent, la discussion épiée. Les couverts Cauzon au design épuré laissent parfois place à un couteau Thiers quand point la viande. Le petit pain tendre parsemé de céréales sur la croûte, rond coupé en 4, est déposé sur un reposoir en liège. Sur un idem plus petit, la part individuelle peut y siéger : jamais le pain ne touche la table, attention rare et délicate.

Les fines gueules s’amusent

tomate

       L’option apéro : un Sanbittèr de San Pellegrino avec une rondelle d’orange et des glaçons. Nous accueille un sablé breton au parmesan surmonté de chèvre avec une fleur d’ail violette. Au-dessus, comme un Calder, la boule blanche de tomate suspendue dans son émulsion, parsemée de pavot, est piquée par le pédoncule d’origine non comestible, est-il précisé.

Une sardine au citron vert est faufilée dans une pâte légère soufflée où le paprika peut rester sur les mains. La note fraîcheur approche avec une soupe rosâtre à la grecque, comme un tsatsiki mais sans concombre, rehaussée de vinaigre balsamique et de coriandre. Suit l’incroyable œuf de caille mollet, au pain de mie avec contours frottés au lard de Colonata, fondant dans la bouche. A manger en une seule bouchée, est-il explicitement mentionné.

       Après un long moment de choix sur le menu vert argenté avec CR en inclusion et filigrane, allongé par la discussion entre bavards, nous optons pour la formule 3 plats (112 €) et apprenons que la dulse (dentelles de Saint-Pierre sur une crème de haddock, dulse et cœur de palmier frais, 47 €) est une algue. Mon hôte opte pour un Croze Hermitage blanc Entrefaux (2014, 12 € au verre). Ayant marre du Croze, bon vin voisin,  ma foi, le blanc favorisant la goutte, ma tendance se porte non sur un pinot noir d’un Sancerre rouge Pré Semelé (2014) mais sur un Bourgogne, un peu jeune, semble-t-il (2014). De l’eau plate Cryo servira à mettre de l’eau dans le vin.

       Entrée (38 €) : hey Judd !

thon

       Foie chaud et fève de tonka au melon anisé avec jus de carotte acide ? Royale de tourteau, râpé de poutargue et pois gourmands ? L’entrée démarre très fort avec un thon rouge grillé (snacké puis refroidi : impression délicieuse de légère chaleur saisie) sur rafraîchi de tomates, dont la cœur de bœuf, avec œufs de homards, qui « m’a tuer » tant ils sont savoureux, fleur de fenouil pour le goût anisé, fleur de coriandre (j’adore !), un bout de pastèque en cube et une demi fraise, le tout sur un étonnant jus de langoustine gélifiée, avec des copeaux de raifort, pas si fort, traversé par un trait d’huile d’olive. La mer est déclinée de façon originale. Difficile de briser cette installation minimaliste à la Donald Judd, surtout pour l’hôte avec une robe Mondrian. Les buildings et gratte-ciels de saveurs et couleurs rouges, où transparaissent des fleurs comme dans la Città ideale (Laurana, Della Francesca) inspirant De Chirico, glissent sous le palais avec le croquant frais de la pastèque, rouge comme une gencive.

       Poisson (47 €)

       Nous aurions pu choisir la grosse langoustine laquée au curcuma, pousses d’épinard à la crème ou les dentelles de Saint-Pierre. Finalement ce sera le ragoût de coquillages (couteau, moule de Bouchot, huître de Gillardeau, etc.) et girolles ainsi que truffes d’été d’Australie, parfumé à la citronnelle et gingembre frais, avec une exquise salicorne, avec sa texture grasse amusante, pas tant iodée, le tout rehaussé d’une hollandaise au siphon. Ainsi font. Les lamelles (truffes, girolles en accord terre/mer) suggèrent les vagues. Présence d’Hokusai revisité par Van Gogh.

       Viande (47 €)

agneau

       Curieuse cette habitude gastronomique à l’égard du pigeon – une viande fine et tendre, il est vrai : pigeon aux betteraves acidulées, la cuisse confite en pastilla, jus de mûr, marmelade d’orange amère. Caltez volailles, notre attention se portera sur l’épaule nord d’agneau allaiton d’Aveyron confite, sise sur l’os, avec chips et fleur d’ail, accompagné de sa sauce marron opaque – qui faillit être l’objet d’incident diplomatique jusqu’à faire sortir un langage peu châtié au serveur blond, qui se ronge les ongles et lance des regards d’aigle sur la descente de plat, tant il a évité de peu de la recevoir par la boutonneuse serveuse aux yeux marrons en amande – et d’une baguette frite ou pain fin sans beurre, avec une caponata d’aubergines (attention, c’est chaud, est-il énoncé avec précaution !), tomates et olives, avec force couleurs vertes-noires, telle une création de sable d’indiens d’Amérique Opi, dans une immense éprouvette. Le petit Colorado d’Apte n’est pas loin. Si l’agneau est délicieux, songeant à celui servi à Aix-en-Provence, il n’arrive pas au niveau de celui fondant, cuit en son foin, servi au Président chinois à Lyon, de Jean-Christophe Ansanay-Alex en sa petite auberge de l’île, héritée de ses parents, de grande qualité.

       Fromage blanc pour elle ; Saint-Marcellin, fromage de Condrieu, Comté, un fromage anglais, entre autres, pour moi. Classique.

Solaire dessert (23 €)

entre desserts

       L’avant-dessert se compose d’une pâte de fruit framboise, d’une arquebuse, figée comme confite, comme un bijou ou cactus avec paillettes de sucre, une pâte feuilletée à la vanille, une tartelette minuscule au citron meringué qui augure de la suite.

dessert chocolat

       C’est ici que nous divergeons. La promenade dans le verger autour de l’abricot et de l’amande est repoussée à plus tard. Mon hôte, qui le regrettera malgré sa détestation de l’agrume et son absence de passion pour le chocolat, se précipitera de dépit sur le palet chocolat et caramel gouleyant « manatée noir de Weiss », rafraîchi d’un sorbet chocolat. Un vrai jeu subtil sur les diverses palettes de chocolat déclinées en différentes textures (glace, liquide, solide).

dessert citron

       Là, l’œuvre incroyable, en notes jaune années 70, arrive : une petite tarte au citron meringuée déstructurée, cul par-dessus tête, mise sous cloche en esthétique manga Akira ou igloo de Mario Merz en arte povera, selon sa culture, avec du citron glacé rafraîchissant en un tube fin éloigné qui se brise de façon exquise sous la dent à vous déclencher une injection de dopamine ou de sérotonine. Le tout est disposé sur un miroir. Une véritable installation d’art contemporain à la Louise Bourgeois où l’enfance se libère sur le canapé du psy à l’aune du soleil de summertime. Un chef d’œuvre de dessert qui m’étonne et me ravit plus que la sculpture chocolatée land art, Richard Serra, d’Anne-Sophie Pic.

bel

       Des madeleines au citron et au fruit rouge attendent d’être saisies dans une panière en fin grillage, digne d’Amfitheatrof  (Alessi). Sur un petit boîtier noir, sont présentées des mignardises avec une légende : pâte de fruit au mara des bois, un caramel au yuzu (le fort et subtil agrume nippon devient à la mode en gastronomie pour notre plus grand plaisir), une tartelette à lunette de framboise qui remémore l’enfance ; puis un partenariat avec le chocolatier Philippe Bel (rue Tupin) est souligné pour la sphère en chocolat avec caramel passion semi-liquide et un chocolat noir ganache VEP.

       Quasi premiers arrivés, derniers partis. Les chefs japonais, enchantés, reçoivent les cadeaux de bonne grâce, le livre de Christophe Roure, et posent avec la maîtresse de céans devant le portable. Le chef, Christophe Roure, qui a également donné des master class au Japon, n’a pu être présent en salle car, malheureusement, en représentation ailleurs.

Ce qui marque, c’est le travail sur les saveurs acides, la trace de la matière première (l’os, le floral, le pédoncule de tomate, etc.), le souci de la nature (les fleurs pour leur goût et leur couleur) et un souci esthétique incontestable qui croise, par intuition, l’art contemporain minimal. Deux étoiles, récupérées cette année, bien méritées.

Nous sirotons menthe à l’eau et jus de fruit devant canards et canetons au bord du lac du Parc de la Tête d’or après avoir rencontré des personnes jouant avec leur portable à Pokemon Go. A cause de ce jeu débile conseillé par la Ministre de la Santé (« manger, bouger »), des gens se sont jetés dans le lac ; l’île aux souvenirs a dû être fermée.