[Ciné] Tout est bon dans le Viggo

    

La vieillesse est un naufrage, à l’artiste d’en faire de l’or. Falling est un film important. Hanté par la mort, Mortensen fait dire au père qui s’adresse tendrement au bébé, « Désolé de t’avoir mis au monde pour que tu meurs » ou Heidegger mis en pratique par un cul terreux de père. Autant dire que ce n’est pas un Harold Lloyd !

Le multilingue Viggo Mortensen est venu de Madrid, où il vit, en voiture pour présenter au Festival Lumière Falling, son premier film avec d’emblée un mérité label Festival de Cannes 2020. Long fut le parcours pour l’acteur, auréolé du prix Donostia du 68e Festival de San Sebastián 2020, qui était régulièrement coupé des scènes de film, chez Woody notamment (La rose pourpre du Caire, The Purple Rose of Cairo, 1985). Mortensen a déjà essayé de faire un film il y a 23 ans mais l’argent manqua. Il écrivait un autre scénario de reconstitution historique avec chevaux depuis 2015 quand sa mère, atteinte de Parkinson, est morte. Tout est remonté, un autre scénario a été écrit rapidement. Les deniers ne poussant pas sous le sabot d’un cheval, Mortensen, également poète, éditeur et photographe, a non seulement dû produire (au début du film, les logos se succèdent comme une grande production asiatique), jouer dans son film mais aussi composer la musique en s’asseyant devant le piano, sans souligner fortement façon Hollywood. Outre une scène comique concernant Picasso, le peintre abstrait Viggo créé une toile avec le flou des lumières sur l’aéroport et les signalisations de l’avion qui décolle. Le tournage a duré 5 semaines, en grande partie au Canada. Il a retenu de son travail avec Farrelly (Green Book, 2018) remercié ici, Cronenberg (A History of Violence, 2005 ; Les Promesses de l’ombreEastern Promises, 2007 ; A Dangerous Method, 2011) et Jackson (Aragorn dans Le seigneur des anneaux, The Lord of the Rings, 2001-2003) que le plan de travail et les répétitions, n’excluant pas la souplesse et l’écoute, doivent être réglés bien en amont.

Le film est sur le rapport d’un père déclinant – salop, atteint d’une maladie dégénérative et, semble-t-il, du syndrome de Gilles de la Tourette, à rendre Trump d’extrême-gauche[1] -, et son fils, pilote d’avion homo maqué avec un professionnel de santé américano-hawaio-asiatique très tatoué, avec qui il a adopté une enfant. Le tour de force est de réussir ces fluides flux de conscience avec mélanges présent / passé, ponctués de flash-back, où les prénoms d’ex femmes deviennent ceux des chevaux. Le principe du montage, comme la musique, c’est le rythme. L’acteur principal, c’est la mémoire : le « film traitait de la subjectivité de la mémoire et du manque de fiabilité de nos perceptions. C’est que, vous voyez, la mémoire est une chose très étrange, très faillible. C’est une histoire que nous nous racontons. Un même moment, on va tous s’en souvenir d’une façon différente : vous et moi, nous sommes assis ici en train de bavarder et, dans quelques années, je raconterai peut-être que nous avons dit ceci ou cela, et vous direz non, on a dit autre chose, et je dirai peut-être que le mur était bleu, et vous direz qu’il était rouge… Je pense que la mémoire nous fait nous raconter une histoire et que cela tient à notre désir de vouloir contrôler ce qui nous entoure ». Mortensen est parti d’émotions et de souvenirs d’enfance et d’adolescence comme ces scènes de chasses dans l’americana, un cerf remémorant Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter, M. Cimino, 1978). C’est également en creux un portrait d’une Amérique divisée.

Lance Henriksen, méritant ici l’Oscar tant il est l’Amstrong du ciné, est un acteur de genre (L’étoffe des héros, The Right Stuff, Philip Kaufman, 1983 ; supporter actor dans Terminator, James Cameron, 1984 et Alien, David Fincher, 1992, Paul W.S. Anderson, 2004). Henriksen, entouré de corneilles et de bagouses aux doigts, déclare avoir eu une enfance difficile. C’était très dur de faire appel à ses émotions profondes, de faire face à ses angoisses. Son personnage, odieux, lui a demandé beaucoup d’énergie, c’était fatiguant. Après un space mountain émotionnel, le spectateur sort le mouchoir. Une longue ovation au festival Lumière.

[1] Portrait du red neck qui aimait les chevaux : beurre frit contre bio, bière contre eau, macho contre homo, blanc raciste contre couple mixte, McCain versus Obama.

Falling, Viggo Mortensen, 2020, 1h52, USA, couleurs.

Pas la moyenne pour Maïwenn

ADN a tous les défauts du film français : bavard, égocentrique, mal filmé. ADN est un film fatiguant : tenir la caméra avec la tremblante du mouton n’est pas gage de réalité – édulcorée. ADN est un film totalement égocentré où Maïwenn se complaît à pleurer devant la caméra pour montrer sa douleur comme une pleureuse d’ancien temps. Une simple psychanalyse suffirait. Avec le scénario de … Maïwenn et Mathieu Demy, le dialogue de Louis Garrel, pas toujours audible, est un délicieux contrepoids, la scène de clash mère (Ardant) / fille (Maïwenn) est très réussie et aurait suffi à un court-métrage.

Le seul intérêt du film est le croisement entre une famille nettement dysfonctionnelle (la troupe en action : Vacht joue la sœur Isild le Besco ; le père, un intello qui vote Le Pen, joué par Françon ; Caroline Chaniolleau, une actrice de théâtre disparue du cinéma depuis les années 1990, comme une tante abrupte et ombrageuse ; Dylan Robert en Kevin – ce prénom stupide) et l’Histoire avec sa grande hache en Algérie, d’où Neige pour Nedjma. 5,7 / 10 sur Imdb, c’est peu, c’est mérité. Une ode bobo lourde au multiculturalisme.