[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (#épisode 65)

avocat général

dit médias

ne pas voler

la justice

à la justice

procureur souligne

meurtres enfants

de moi tous les droits donner mort

noir sur blanc

avocat général

requiert su

mort a-t-elle dit

décision de suite

dit-elle et

redit-elle

mobile

pas d’enfant

pas à la hauteur

plus d’enfant

pierre mobile

plus -allers-retours- moto

que femme

pas subir

même sort

que sa mère

dépassée

pleure

mère râle

mère dit-elle

dans presse

cas d’école

déni grossesse dit-il

elle ment fainéante

elle renonce

tuer froide

ment bébés dit-il

ni déni grossesse

ni déni maternité dit-il

tué bébés froidement

tuais bébés car n’en voulais pas d’autres bébés

noir sur blanc

fait grave dit-il

personnalité en

faveur dit-il

comprendre ses blancs

pas qu’on en fasse un monstre

silence

n’en faites pas une icône

avocat général

requiert 10 ans

pas une icône

dedans tête

mari perdu

pas un monstre

8 ans ça va

10 ans ça va

12 ans c’est dur

je l’aime

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (#épisode 64)

président dit

obligé rappeler

dires dedans

garde à vue

dedans box

je n’ai jamais eu

conscience d’être enceinte

d’un bébé

pleurs

pas de lien créé

président comprendre

réel normal mobile

clivage disent experts

président dit

qu’en – lien –

pensez-vous ?

je ne sais pas

président comprendre

dedans tête

mari perdu

potentiel de mère sinon on fait quoi ?

sinon on se retranche derrière les actes ?

cadette des 7

assise dedans box

effacée assises

ce que j’ai fait je l’ai fait

remords toute ma vie

pleurs

avocate dit

quel regard

cadette des 7 ?

quel réel

cadette des 7 ?

que j’ai tué

pleurs

que j’ai tué mes enfants

aujourd’hui je le sais

silence

c’est difficile j’ai tué mes enfants

et ceux de pierre je le sais

pleurs

en pleine poire

abymes abysses abîmes

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Impers et passe

Une pluie sans fin, Bàoxuě jiāng zhì, The looming storm, Dong Yue, 2017, Chine, 1h56.

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Un polar asiatique mineur

     Persiste un sentiment de déjà-vu : encore un énième film de tueur en série enchaînant les clichés avec ses classiques scènes de crime peu explicitées et son enquêteur forcément obsessionnel. Le polar, genre codifié utilisant un langage universel renvoyant à un inconscient collectif identifié, diffusé pour le grand public et facile à l’export (cf. la critique répétitive contre l’œuvre de Kurosawa comme pour l’excellent Chien enragé, Nora inu, 1949, par exemple), sert souvent de prétexte pour une critique sociale.

Depuis les années 50, le film noir s’est implanté en Asie grâce à une réinterprétation des codes hollywoodiens du genre par les hongkongais (statut spécial, diaspora chinoise) avec les apports essentiellement de John Woo et Johnnie To dans les années 80-90 (The Killer, Dip huet seung hung, 1989 ; The Mission, Cheung foh, 1999) qu’Hollywood récupérera en retour.

Le cinéma d’auteur sud-coréen, aidé par Lee Chang-dong, ministre de la culture coréen (2003-2004) et réalisateur du décisif et séminal Peppermint Candy (Bakha satang, Lee Chang-dong, 1999  ; « J’avais revisionné [s]es films au stade de l’écriture du scénario » selon Dong Yue),  renouvellera le genre grâce à l’exposition d’une violence cathartique d’une société coréenne perçue comme rude, au sortir d’une dictature sanglante et d’une longue guerre fratricide avec son voisin, la Corée du nord, à la monstration des angoisses et des obsessions d’une génération : Old Boy (Park-Chan-Wook, 2003), Memories of Murder (Salinui chueok, Bong Joon-Ho, 2003; ressemblance de certaines séquences, atmosphère de province oubliée, conversations enfumées, terreau social identique, corruptions, meurtres sordides, ambiance désenchantée, noirceur abyssale, quête obsessionnelle et vaine pour anti-héros monomaniaque renvoyant à l’impossibilité des protagonistes de se délivrer de leur condition, pays en transition économico-politique, histoire collective et sociale derrière le parcours d’un individu et le suspense d’une enquête policière désespérée qui tend vers la non-résolution, conclusion poignante, le spectateur qui se prend en pleine poire l’impact du temps qui passe, son irréversibilité, et de ce qui ne peut être réparé), A Bittersweet Life (Dalkomhan insaeng, Kim Jee Woon, 2005), Na Hong-Jin (The Chaser, Chugyeogja, 2008 ; The Murderer, Hwang-hae, 2010 ; The Stranger, Gok-seong, 2016).

Côté chinois, la sixième génération, au réalisme quasi-documentaire prégnant, s’impose avec People Mountain People Sea (Ren shan ren hai, Cai Shangjun, 2011), l’incroyable Black Coal (Bai Ri Yan Huo, Diao Yi Nan, 2014, lauréat de l’Ours d’or, gros succès en Chine comme en France), A Touch of Sin (Tiān zhù dìng, un film-somme, prix du scénario au Festival de Cannes 2013, au solide scénario inspiré de celui, éprouvé, de A Touch of Zen, Hsia nu, King Hu, 1970 ou comment faire vivre la brutalité des développements économiques qui renvoie à celle des actes de violence qu’ils provoquent, effet de sidération de certains actes compris ?) et Les Eternels (Jiānghú érnǚ, Ash Is Purest White, Cannes 2018) de Jia Zhangke.

Le cofondateur de Wild Bunch, qui n’a pas sa langue dans sa poche, Vincent Maraval, distributeur d’un grand nombre de films primés à Cannes estime qu’ « aujourd’hui, le 7e art se joue en Asie et Cannes a acté cela depuis longtemps ». Hommage au travail de feu Pierre Rissient et J.-P. Dionnet.

Points négatifs

     Esthétisant

     C’est un film de technicien qui se regarde sans cesse filmer. Yue a une formation de chef opérateur à l’Académie du cinéma de Pékin (2006). Il est devenu directeur de la photo pour longs métrages, films institutionnels et publicités. Résultat : plans larges en scope, avec déformation de lignes, et très lents, souvent trop esthétisants ; couleurs désaturées, détrempées pour souligner une palette terne (gris, marron, noir), une plongée dans la folie obsessionnelle, moins bien réussie que la matité chez l’épuré Melville ; site industriel majeur du sud de la Chine avec ses cités-dortoirs et clapiers entassés, autour d’une Rue sans joie (Die Freudlose Gasse, G. W. Pabst, 1925) ou Rue de la honte (Akasen chitai, K. Mizoguchi, 1956), devenu un no man’s land avec ces laissés-pour-compte à la fin des années 1990, tourné à Hengyang (Hunan) moins bien campé que la communauté industrieuse de l’est européen à Clairton (Pennsylvanie), dans Voyage au bout de l’enfer, The Deer Hunter, M. Cimino, 1978; aciérie à la Pollet avec le jeu pictural forcé feu / eau ; répétition de l’image terne du vieux stade glauque devenu lieu de rencontres interlopes façon On achève bien les chevaux, They Shoot Horses, Don’t They ?, S. Pollack, 1969, une bonne idée malheureusement trop serinée ; un plan récurrent de tuyaux fins en coudes, parallèles aux lignes électriques hautes tension par trop présentes ; l’horizon n’est que brouillard, où les ouvriers, filmés en contre-plongée parfois en travelling lourd, deviennent une foule interchangeable en un pataud Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath John Ford, 1939 d’après la prix Nobel Steinbeck) en remémorant, pour une scène, La Sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895) des Frères Lumière.

Une réussite : une séquence de poursuite de plus de dix minutes, très cut, – heureux changement de rythme – digne de John Doe (= quidam ou Monsieur Dupont) coursé par l’inspecteur Mills dans Seven (Se7en, D. Fincher, 1995, même atmosphère pluvieuse), sur les coursives et les échelles de ce labyrinthe de fer et de poussière avec jeux de verticales et horizontales (cheminées crachant des nuages de fumées polluantes à la Monet) pour terminer sur des enchâssements de voies ferrées avec force contre-plongées sur un train roulant, ou non, souvent en angles hollandais.

Nous n’échappons pas aux inévitables néons clignotants à travers la fenêtre, gimmick du film noir américain, la référence de Yue étant Vertigo d’Hitchcock (Sueurs froides,  1958) et les frères Cohen : dans la chambre glauque de l’esthéticienne, pute occasionnelle pour arrondir ses fins de mois, évidemment au grand cœur avec possibilité de rédemption, réflexion sur les vitres dégoulinantes d’un salon de coiffure sans clients où tourne une enseigne dorée à laquelle répond celle du barbier à l’occidentale, lignes bleu blanc rouge qui correspondent aux idéogrammes de mêmes couleurs où la tête du héros transparaît, d’une gargote où Yu boit en guettant sa proie.

La pluie, brouillant les cerveaux et les perceptions, métaphore plombée de la fatalité, est diluvienne, tenace, opaque, omniprésente. Suintements, dégoulinement, poisseux, poisse. Crasse, poussière et boue. Pluie, capuches cachant des stalkers virant zombies à la vue brouillée, obstruée : le très réussi et maîtrisé La isla mínima de l’Espagnol Alberto Rodriguez (2014), fondé sur un lieu fort, les marais du Guadalquivir et sur un contexte historique puissant, le post-franquisme, s’impose, tout comme la scène finale de Que dios nos perdone (Roberto Sorogoyen, 2016). La pluie se rigidifie en neige – métaphore bien lourde à cause de parallélismes répétitifs et insistants – comme le régime après Tian’Anmen, 1989 et surtout la rétrocession d’Hong Kong, pays dit de Cocagne aussi riche qu’inaccessible auparavant, en 1997 : réception de la médaille de l’employé modèle de l’année, avec force discours plein de ferveur et de convictions aux collègues,  remise en plan large et symétrique par des dignitaires du Parti, parasitée par une mise en route impromptue d’une machine à neige artificielle, seule pointe d’humour dans le film ; le bus immobilisé dans le froid à la fin tout comme les vélos, motos ou side-cars, autre métaphore éléphantesque de la fatalité et du régime embourbé, du héros le long du film, une usine en effervescence puis en décrépitude, un homme respecté (« J’ai un don », « Maestro », « Détective Yu » : sérieux, efficace, apprécié de sa hiérarchie, il croit débusquer les petits délinquants qui trafiquent des produits dérobés dans l’usine) puis bafoué (dans le premier plan sur la nuque à la Yi yi, Edward Yang, 2000, il décompose ses nom et prénom Yu Guowei en Yu comme vestige, Guo comme nation et Wei comme glorieux pour répondre à la fonctionnaire pénitentiaire « Yu comme inutile » ; personne ne se souvient de son nom ni de son ancienne gloire, le monde a avancé sans lui, out, perdu ; il doit composer non seulement avec un commissaire, inconséquent, impuissant entre sous-effectif et équipement défaillant, enfermé dans un système et ses privilèges, las et proche de la retraite, qu’il admire bien que le gradé le méprise avec cette impossibilité d’évoluer professionnellement de vigile à flic, son rêve, mais aussi avec des apparatchiks qui n’hésitent pas à la congédier quand ils ne peuvent plus l’exploiter ; la dernière confrontation de Yu, scène bien artificielle, avec un gardien de l’usine oublieux comme les lieux vite reconstruits sur de récentes ruines industrielles).

Si les bruits de pluie et d’orages (le titre anglais est pertinent, « The looming storm ») renforcent la perception stéréo et la profondeur audio (un travail inspiré, selon Yue, de Conversation secrète, The Conversation, Francis Ford Coppola, 1974), les erreurs de montage abondent : inserts visuels évidents, rajouts sonores flagrants issus de studio de sound design (l’inutile goutte à goutte dans la morgue lors de l’autopsie est un écho lourd à la pluie constante), phénomène d’upscaling 4K parfois assez grossier poussé sur la photo.

     Une histoire mal structurée

La structure narrative, on ne peut plus classique, prise entre deux temporalités, où le récit principal est enchâssé dans un long flash-back, où tout le monde manipule tout le monde, ressemble a posteriori à un examen de conscience du personnage principal, revenant sur les lieux dix ans plus tard. Le film, victime de son ambition minée par l’écriture, tant du scénario que filmique, bancale à force d’intégrer trop de dimensions, part dans tous les sens sans prendre parti et sans articulation fluide : polar, comédie sentimentale atypique, bâclée et peu crédible, et chronique politique ; hésitations entre cinéma de divertissement et projet personnel, mal articulé. Ici, l’intrigue policière, délaissée au profit de la focalisation sur l’obsession fatale du héros (« Ce qui m’intéressait, c’était de comprendre le mécanisme qui a conduit à l’aliénation de mon personnage. »), se construit en effet sur le schéma classique occidental du whodunit peu exploité dans le cinéma chinois qui préfère le modèle du film de gangsters. « J’ai eu de la chance. Avec mon synopsis, j’ai trouvé tout de suite un producteur. Le film a été aidé par la fondation de soutien au jeune cinéma chinois créée par le cinéaste Wu Tia Min. Elle a organisé un forum de rencontre au Festival de Cannes. Cinq projets, dont le mien, ont été retenus. A mon retour en Chine, des investisseurs se sont rapprochés de moi. Le scénario est arrivé entre les mains de l’acteur principal, qui s’y est intéressé. Lorsqu’il a accepté de participer, on a pu envisager un film avec un peu de moyens. » Vu le nombre de co-producteurs cités et les logos à rallonge, les moyens n’ont pourtant pas manqué.

     Manque d’incarnation

Un autre problème est un manque d’incarnation.

Sans voyeurisme, aucune mention n’est faite du sort barbare qui a été réservé aux corps de femmes assassinées selon une méthode identique.

La pute vient comme un cheveu sur la soupe : personne n’y croit ; c’est à se demander si la femme, sans épaisseur psychologique, est rêvée, fantasmée.

La rétrocession de la Cité-Etat n’est qu’un prétexte lointain dont Yue ne fait absolument rien. Le twist final, séduisant noir sur blanc, est laborieux.

Enfin, bien que récompensé par le prix du Meilleur Acteur au Tokyo International Film Festival (2017), je n’adhère pas au jeu cabotin, car peu naturel à cause de tics d’acteurs selon les directives probablement du metteur en scène, de Duan Yihong, un acteur chinois, né en 1973 dans la région autonome du Xinjiang, diplômé de la Central Academy of Drama avec une mention en comédie. En 1998, il débuta au sein du China National Theater. En 2003, il a joué dans le film Summer Palace (Lou Ye). Cette même année, il a obtenu le prix du Meilleur Acteur au International Film Festival of India pour sa performance dans le film Drifters (èr dì,Wang Xiaoshai). Il s’est ensuite fait connaître en Chine en 2006, grâce au rôle de l’officier Yuan Lang dans la série télévisée Soldier attack. En 2011, il était le rôle principal du film Bái Lù Yuán (White Deer Plain) du réalisateur Wang Quanan. La même année, il est récompensé par le Golden Phoenix Award (Prix de la China Film Society of Performing Art). En 2014, il obtient le prix du Meilleur Acteur au Shanghai International Film Festival pour son rôle dans The dead end (Cao Baoping, 2015).

*

     Afin d’échapper à la censure de son pays, Dong Yue, à la technique de papier glacé, semble plus un cinéaste roublard que prometteur. Grand Prix du Jury au 10e festival international du film policier de Beaune (2018).

Une pluie sans fin, Bàoxuě jiāng zhì, littéralement La tempête qui arrive, The looming storm, Dong Yue, 2017, Chine, 1h56.