Emotions ukrainiennes

Contre-Sens est un bébé du Festival Sens Interdits, nous dit au TNP Patrick Penot, à côté de Jean Bellorini. Je suis derrière l’adjointe à la Culture, Mme Perrin-Gilbert. Repéré à la Manufacture (pavillon ukrainien), dans le off du dernier Avignon, le spectacle a tourné, dans l’urgence, dans 3 CDN Rhône-Alpes : la Comédie de Saint Etienne et de Valence. C’est Imperium delendum est, avec la variante Imperium delenda est, en référence à la phrase de Caton l’Ancien lors du débat au sénat romain pendant la 3e guerre punique. Un grand rideau en noir et blanc avec des expressions en hashtag.

7 femmes en costume militaire noir avec des liserés argentés et chapeau haut façon période bonapartiste du Lesia Ukrainka Lviv Academic Dramatic Theatre, mis en scène par Dymytro Zakhozhenko. L’hiver a été fatal à Bonaparte et Hitler ; le sera-t-il des valeureux ukrainiens ? Des voix magnifiques pour des chansons classiques ukrainiennes. Après chaque témoignage, poignant, un poème, écrit dans l’urgence, de Kateryna Kalytko, Halyna Kruk et Marjan Pyrozhok. L’une des 7 égrène les articles de la convention de Genève bafouée par la Russie. Des images de guerre qui défilent. Des cris de la haine de la guerre. Une femme qui se tord de douleur en gémissant et pleurant – c’est trop. Un projecteur cru nous éblouit. Je regarde une partie du spectacle, d’une heure, avec des lunettes de soleil. Dur de voir les surtitrages qui défilent parfois vite. L’émotion ne peut pas ne pas nous étreindre. Un moment fort.

A la fin, le public se lève, Mme Perrin-Gilbert assez peu. J’avoue avoir été gêné par un discours militariste ; certes, il faut prendre les armes, résister. Un homme au fond entonne l’hymne ukrainien, tout le monde reprend derrière. Les 7 femmes ont glissé le drapeau ukrainien sur scène. Pourquoi n’est-il pas sur le fronton du TNP en solidarité ?

[Nuits de Fourvière, Danse] Millepied, c’est le pied !

Je n’avais jamais vu du Benjamin Millepied, plus connu parfois par sa femme, Nathalie Portman, l’excellente actrice, que nous connaissons depuis toute petite dans Léon (L. Besson, 1994), surdiplômée. Ces derniers points sont suffisamment rares pour être notés. Benjamin a mis le pied à Lyon où il a débuté au Conservatoire avec Philippe Cohen : retour aux origines, donc. Viré de l’Opéra national de Paris (2014-2016), il a monté sa compagnie à Los Angeles, le L.A. dance project, avec Van Cleef & Arpels et Netflix comme sponsors, qui est inscrit – pas les sponsors ! – à la craie par une danseuse sur un tableau noir et filmé, quel honneur pour un anniversaire de 10 ans !

Le titre surprend par rapport à la pièce de Shakespeare (1597) : Roméo et Juliette suite. « C’est plutôt une série de tableaux qui me permettent de faire jouer d’un soir à l’autre un homme et une femme, une femme et une femme, un homme et un homme » clame Benji. Je n’ai pas vu la célèbre chorégraphie de Preljocaj sur un décor d’Enki Bilal ; pas plus pour Sasha Waltz. Au début, j’ai eu quelques craintes pour Millepied, entre la chorégraphie de West side story et du néo Béjart – qui est, pour moi, un génial néo classique. Ici la danse est, à la Robbins, bondissante et swing. Encore de l’image à l’écran, bigre ! Voyons ce spectacle d’une heure et seize minutes.

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Et puis, nous avons tous été conquis, chaque tableau – une série trop séquencée, un manque de fluidité – est intensément applaudi – ce qui est rare -, sauf vers la fin où l’ambiance est, du fait de l’histoire, plombée. Le public fait un triomphe mérité, Millepied vient saluer. Les danseurs sont heureux de s’exprimer : le spectacle attend depuis 2 ans à cause du Covid.

J’ai rarement vu de l’image en direct (« Le spectacle est différent à chaque fois grâce à la vidéo, qui nourrit la narration du spectacle. » Millepied ajoute : « Ce sont les images d’un film fantastique qui se sont imposées à moi. Je l’ai d’abord pensé comme un long métrage. »), utilisée aussi intelligemment, tout comme l’exploitation du lieu, la zone antique, romaine. Même les bouts de colonnes sont exploités – ce qui est malheureusement rare. Heureusement qu’il n’a pas plu comme annoncé ! Pensez pour l’image : la scène phare, avec la musique assommante de Prokofiev (ballet de 1935), bien connue jusqu’à être exploitée pour la pub du parfum Egoïste de Chanel dans les années 80, est uniquement filmée et diffusée sur un écran géant, aucun danseur sur scène. Le bruit des pas nous indique que ce n’est pas une supercherie. Nous songeons aux précurseurs N + N Corsino. Nous découvrons ainsi les coulisses des Nuits de Fourvière – fantasme assouvi – et on songe, évidemment à Black Swann (D. Aronofsky, 2010) notamment pour la perception de la scène depuis les coulisses. Un chauve massif avec caméra imposante harnachée et contrepoids, le steadicameur Trevor Tweeten, parfois assisté d’un type véloce avec réflecteur, filme de façon très physique à la Shining (à la Dolly chez S. Kubrick, 1980). Et il y a cinéma, même si la scène de l’assassinat n’est pas tout à fait réussie à cause de la tremblante du mouton et si la mort de Roméo est interminable ! Filmer la danse en plongée, c’est simple et très efficace : nous captons les mouvements de groupe autrement tout en conservant la vision de face ou quatrième mur, ce serait presque du split screen ; nous envisageons la danse sous un autre angle, un peu comme la perception nouvelle de l’univers par le télescope tant attendu James Webb après Hubble. Millepied en Colomb de la danse ? Filmer en bord de scène avec des miroirs, permettant de travailler la profondeur de champ, est du meilleur effet.


Les gestes sont techniques, des solos et des duos magnifiques, des pas de deux mais rien de très novateur. Le brun gominé Roméo est parfait : grand corps souple, gestuelle parfaite. Son ennemi, un danseur d’origine asiatique, presque féminin, un petit, râblé, tout en muscle (Shu Kinouchi en Mercutio) comme Noureev, finit par nous conquérir, sans tomber dans la caricature des arts martiaux. Juliette est petite et trapue avec ses docks. Millepied utilise des corps non normés, c’est l’apport aussi de la danse contemporaine. L’amante de Juliette – c’est le côté proustien et un peu à la mode en ce moment tout comme le côté interracial, même si nous échappons à une Juliette en homme avec robe et talons – est une noire élancée qui, au début, n’épate pas puis nous enchante, notamment en solo et en duo. Les scènes de drague et d’amour filmées en dehors du plateau sont réjouissantes. Une autre dimension est apportée à la chorégraphie, même si l’apport est essentiellement technologique. Quand la petite incarnant Juliette transporte l’inanimée amante, nous sommes impressionnés par la force physique de la petite.

Côté scénographie, plutôt sobre avec un canapé bobo rouge, la saisie à pleine de mains de néons, façon Luke Skywalker, dans la nuit est un truc qui fonctionne toujours et permet des figures géométriques bienvenues. Placé aux premiers rangs des gradins, nous avons le bonheur de voir les danseurs et danseuses défiler devant nous pour l’enterrement de Roméo – je ne divulgâche rien. Malheureusement, j’avais oublié mes lunettes de soleil mais pas ma casquette, car nos yeux, éblouis, en ont pris un coup.

Il y a un génie incontestable de Millepied. Mais sa chorégraphie marquera-t-elle la danse comme Béjart, Preljocaj, Olivier Dubois et d’autres ? Pas si sûr. Il est très appréciable qu’il soit demandé de ne pas filmer avec son portable et même de l’éteindre même si les cultureux d’à côté, dont un type efféminé qui m’a heurté 5 fois, ne se sont pas gênés.

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Un solo de et avec Millepied, accompagné par le pianiste Alexandre Tharaud, sera présenté aux Nuits de Fourvière en 2023. C’est la dernière édition de Delorme, directeur du Festival Les Nuits de Fourvière, le plus étendu dans le temps de France, depuis 2003.

[Nuits de Fourvière; Diana Krall; Jazz] Princesse Diana

Krall versus Rolling stones et leur cirque à tiroir-caisse le même soir (200 € le billet premier prix; 50 000 personnes comme pour Rammstein et moins que pour Indochine – 73 000) ; Le Progrès est excité car Mick Jagger a été vu à Lyon, chez Brazier avec Viannay notamment ( » Je m’amuse dans la capitale de la gastronomie mondiale ! J’ai mangé une tête de veau et une brioche aux pralines. J’ai ruiné mon régime » confesse Mick au micro devant le public). Pour moi, ce sera no Mick today. Je suis plutôt brasse que crawl, comme dirait Darry.

Le grand cirque à tiroir-caisse des papy Rolling stones à Décines; © France TV

Diana, grande, empâtée (2 enfants avec l’inoxydable rockeur caméléon Elvis Costello) en grande robe blanche, a un swing et un groovy de folie (une reprise de Tom Waits, le standard Cheek to Cheek d’Irving Berlin pour Fred Astaire, repris par Ella, Doris Day, Sinatra, Rod Stewart et Tony Bennett notamment) chante de sa voix de femme mal réveillée le matin avant son café avec des phrases longues ; elle a du mal dans le vibrato – poussif. Le jeu de piano est excellent. Un batteur, un contrebassiste, deux noirs très talentueux ; le guitariste – quoique je n’aime pas tellement la guitare dans le jazz -, est émérite, je me demande si il n’a pas arrangé l’album. Parité blanc / noir mais pas homme / femme même si la meneuse est une femme. Des solos à l’ancienne applaudis comme jadis.

Presque 2 heures de concert pour 56€. Les conditions d’écoute étaient difficiles. Un type, bourré à force de s’ingurgiter des bières, qui parle; deux filles bénévoles qui papotent fortement; deux femmes au-dessus qui parlent, dont une qui n’arrête pas de chercher son portable dans son sac en papier très bruyant; un noir s’allume cigarettes sur cigarettes et regarde son portable sans cesse alors que derrière un blanc nous enfume de son vapotage ; une petite vieille use d’un flash éblouissant avec son portable pour filmer, c’est usant d’autant que d’autres l’imiteront. Les bourges d’à côté en place réservée laissent sonner leur portable pendant le concert. Nombre d’eau, avec le bruit des bouteilles d’eau en plastique sans bouchon, si ce n’est de bières, renversée sur les voisins de devant, la serpillère aura servi.

[Live, Nuits de Fourvière] Free as a Bird

Portishead, Patrick Watson il y a peu d’années. Concert somptueux, à la lune quasi pleine, aux NUITS DE FOURVIERE en 2 parties du grand – aux deux sens du terme – ANDREW BIRD, violoniste (violon parfois utilisé comme un ukulélé) mal rasé, vêtu d’une veste blanche, guitariste (guitare sèche, avec bandoulière LGBT, et électrique), siffleur émérite et belle voix jusqu’aux aigus, cerné de Marshall : l’une avec l’ONL (Bird remercie l’Orchestre National de France et se reprend) dirigé par Jonas Ehrler (du vent effeuille les pages trop rapidement) et un solo magnifique quoique trop bref de l’excellente Jennifer Gilbert (un moment il joue seul comme avant, en homme-orchestre, oversampling, ripant sur sa pédale d’effet à la fin du morceau); l’autre avec son orchestre (une basse trop forte, batterie avec musicien au jeu subtil; les 3 chantent).

1h19 de concert pour 26 €, c’est honnête, contrairement à The Smile (1h25 pour 65 €). N’eussent été les mêmes imbéciles qui renversent de l’eau, font tomber un bout d’œuf, qui ont leur sonnerie de portable en activité, des bœufs qui filment avec leur portable fortement luminescent, gênant (merci Jack White d’interdire les téléphones portables et tablettes pendant les concerts). Un grand moment malgré tout. Je verrai bien un duo avec Rufus Wainwright. Filmé par Arte :

https://www.arte.tv/fr/videos/109039-001-A/andrew-bird-avec-l-orchestre-national-de-lyon/

[Concert, Nuits de Fourvière, « The Smile »] Façon jambon d’Yorke

Nuits de Fourvière, sous la pluie à la fin d’un concert bref de moins d’1 heure 25 pour 65€, ça passe mal : un peu déçu ; un Suisse ajouterait-il « déçu en bien » ? Pas sûr. 

Le trio créé à l’occasion du Covid, The Smile (« ce n’est pas un sourire de type ahah. Plutôt le sourire de celui qui ment à longueur de temps » selon Yorke), humour yorkien, avec le fidèle Nigel aux manettes : Tom, Jonny-le-génie & Skinner, l’un des batteurs de Sons of Kemet un groupe de jazz londonien qui aurait pu inspirer Bowie. C’est un peu plus que des fonds de tiroir de Radiohead mais un peu moins qu’un album construit. On nous a promis du rock, seuls deux morceaux sont pêchus, le reste est très prog voire electronica à coups de Moog.

Les musiciens sont tous multi-instrumentistes, Yorke et sa basse rouge, un énorme synthé pour des solos, Greenwood étonne en jouant en même temps du piano et de la harpe celtique. Le plus fascinant est Skinner : une métrique redoutable à la Stephen Morris de Joy Division, des variations subtiles à la Stewart Copleand, un toucher à la regretté Toni Allen. Un grand batteur.

Le concert est introduit par un poème de William Blake enregistré par le comédien irlandais Cillian Murphy (Batman & Inception de Nolan, Peaky Blinders), rappelant qu’il existe « un sourire d’amour et un sourire de tromperie ». Quoi de plus normal après 2 jours avec Nick Cave ?

[Opéra] TELLement bien !

Le dernier opéra de Rossini, ce forçat de la composition jusqu’à la mort, qui ouvre la saison lyonnaise de façon originale, fut créé en 1829 grâce à une pension de Charles X – comme quoi la Restauration peut avoir de bons côtés. Si le succès ne fut qu’au mieux d’estime, l’opéra annonce les révolutions de 1830. Souvent tailladé, l’opéra Guillaume Tell persiste dans le répertoire de l’Opéra de Paris jusqu’en 1932. Puis, pratiquement plus rien, chanté plus en italien qu’en français et coupé au-delà du raisonnable, à part au festival Rossini à Pesaro, dans une version de six heures ou, cet été, aux Chorégies d’Orange, où le baryton Alaimo tenait déjà le rôle-titre. A Lyon, la partition a été habilement allégée de la bénédiction des couples et de quelques répliques répétitives : la durée de l’opéra n’est plus que d’environ 3h30. De nombreux moments musicaux d’exception marquent les spectateurs. Dire que Goethe a failli écrire la pièce finalement créée par le rousseauiste (ici nous nous remémorons son débat avec Rameau : oui, l’opéra français est opérant !) et post kantien Schiller (qui ne connaissait pas la Suisse) !

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Noire montagne

La mise en scène du sulfureux allemand Tobias Kratzer, minimale jusqu’à une belle abstraction, manque de couleur – sauf à un rare moment avec le sang et l’obligation des habitants de se vêtir autrement. Une partie de l’ouverture et d’autres extraits ont inspiré Kubrick pour Orange Mécanique (A Clockwork Orange, 1971 d’après le roman de Burgess écrit d’après des faits, terribles, vécus par lui). Il est donc logique que les méchants soient des droogies. Le spectateur est surpris par la défonce sauvage d’un violoncelle solo, de la baguette de direction de Melcthal, des partitions brûlées. Effet garanti ! McGyver Tell fabrique son arbalète avec un bois et les éclisses de violon, ce qui est une géniale idée de mise en scène. Les partisans de Guillaume Tell forgent leurs armes dans des instruments, un fond de violon fixé sur une clarinette forme par exemple une hache, ce qui est moins convaincant. Le personnage principal, c’est le chœur de l’opéra de Lyon, préparé par Johannes Knecht, avec intensité expressive, tuilé et précis jusque dans les chants a cappella et sur un tempo endiablé avec « Quand l’orgueil les égare ».

Chorégraphie gracieuse de Volpi, qui use d’une symbolique à la Béjart hérité de Lifar pour les mains, avec trois couples de danseurs, le plus souvent mêlés à la foule. Aucun folklore !

 

En voix

Chiches sont les interprètes capables d’exécuter cette partition complexe, ce qui explique la rareté de l’exécution de l’opéra. Le plateau vocal est homogène, même si le chant des deux rôles les plus importants ne sont pas les plus appréciés du public. A noter la qualité de la langue, même si la mexicaine Enkelejda Shkosa, familière du rôle, en femme de Guillaume Tell, Hedwige, a un fort accent mais un ample vibrato et des basses de contralto, l’aisance de chacun dans les airs, les ensembles, et, surtout dans les nombreux récitatifs. Nicola Alaimo interprète le rôle-titre avec, pour un homme de poids, une bonne présence scénique et vocale, la technique relayant le timbre qui s’élime dans les aigus voire une limitation dans le haut de la tessiture. La soprano (d’abord colorature) Jane Archibald / Mathilde a un legato magnifique, tout comme le superbe ténor John Osborn / Arnold alors que son maître, Nicolai Gedda le chantait à Vienne, et avec aigu vaillant, phrasé ouvragé, souffle long, son timbre clair aux reflets cuivrés. Archibald s’élève au lyrisme mélancolique dans sa romance au début du deuxième acte (« Sombre forêt »), démontre sa virtuosité napolitaine dans son deuxième air, « Pour notre amour, plus d’espérance » qui ouvre le troisième acte est une réussite majeure. Sa voix est flûtée dans l’aigu, se corse dans le bas-médium, garde son agilité dans les douces vocalises et trilles. Si Jennifer Courcier, qui a un bel avenir, est douée et ample dans sa voix, a un timbre au velouté juvénile mais elle est un peu tendre dans le médium, décoche des flèches vocales tout en forçant parfois trop ; elle bouge parfois inutilement. Le parti-pris d’utiliser une femme pour incarner le fils – qui est également sur scène, avec dédoublement donc -, est pour le moins étrange mais doit probablement exister dans la partition ou le livret (de Jouy et Bis + Marast et Crémieux avec l’étrange et éculé « nautonier »; étaient-ils en français originellement alors que l’italien, nationalité du compositeur de Pesaro, est également usité en Suisse ? La création eût lieu en 1829 à la salle Le Peletier). La convention, une fois acceptée, est oubliée.

Le jeune chef italien tient l’orchestre avec fermeté et enthousiasme, ne fait pas forcément dans la nuance mais vous enveloppe par la puissance de la musique. Le même  Daniele Rustioni dirigera des opéras en français, notamment un  Moïse de Rossini (2023 en coproduction avec le festival d’Aix-en-Provence), Benvenuto Cellini  de Berlioz, et une trilogie Massenet (Thaïs, Hérodiade et Werther).

 

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Un opéra ample, qui, dynamique et prenant, puise chez Mozart et préfigure Verdi et son nationalisme revendiqué dans le Nabucco, qui devrait être plus joué.

Attention arrêt travaux

Performance Musée des Beaux-arts de Lyon 07/06/2019

Traits carrés / Vendredi, c’est poisson ! / écaillé, vidé / christique / avenglés, va ! / trait carré / grâce refus MNAM Paris où Jazz Matisse / 1995 don Delubac is back onlyLyon / 1995-7 / expo Delubac et la modernité 2014-15 / blanc bleu / l’issue des soyeux d’ici a vu péter le loup / jazz / Jacqueline / a mordu à l’hameçon de Guitry (Cora Chérie; Marions-nous, Simone; Une brune piquante; Marie, Bonne chance !; Mon père avait raison, Loulou; Odette dans Désiré; servante maladroite dans Le mot de Cambronne ; Claudine, Quadrille; Remontons les Champs Elysées, Flora; Lady du Collier de chanvre; Anita dans La locomotive du bonheur) – écaillée, vidé – et du diamantaire arménien / blanc bleu / jazz / carrés traits / appart’ Delubac quai d’Orsay déco Henri Samuel / tableau 33,8 * 59,8 huile sur bois 1921 /

Bonnard-Pierre_poisson-sur-une-assiette_1921_MBAlyon

carrés tirets / vidé écaillé / retour réserves musée portant 11 / sourire poissonnière criée / achetez mon bon poisson ! / Bonnard, écaillé, vidé / « J’aime pas les poissons morts, t’as l’impression qu’ils se foutent de ta gueule et j’ai l’impression qu’ils me racontent des  conneries » / tirer trait / sur le carreau, le loup bar, gris, estourbi façon sans-gêne Maïté / écaillé vidé / jazz / années folles / tirets carrés / d’eau : caton vert identité peu définie dans partie supérieure du champ, Marcel / bleu blanc / traits carrés / touffe de verdure avec tâches jaune safran / équilibre chromatique / sang par plaie à la Soutine / écaillé, vidé / organes retirés / christique / Bonnard l’Origine du monde / touche-touche / traits carrés / sourire : lendilles, landrons, espondilles, labies, spopondrilles, nymphes, bibilles, foie gras, escalopes, poissons panés pas nés carrés, ses rougets (autre nature morte, Bonnard, 1921), adjas, faire courtine / les anglais arrivent ! / traits carrés / mer nourricière, nourrissait hier / bleu blanc / finie pêche électrique / guerre anglo-française pêcheurs ! / les anglais arrivent ! / blanc bleu / très carrés / fraîcheur / pêche éclectique / vieil homme et la mer / bleu blanc / bar, espèce en danger / quota / traits carrés / parfois œufs, délices ! / poutargue / la graine et le mulet / branchie ouverte : loup, bar atlantique nord, mer celtique, croûte sel / trait carré / ekphrasis : nappe toile cirée – prosaïque – tremblantes lignes verticales oranges, pointillés, à carreaux bleus foncés, tremblantes lignes horizontales bleues foncées, déco japoniste Bonnard / même plan / « principal sujet, c’est surface qui a sa couleur, ses lois, par-dessus objets. » (P. Bonnard, 1935) / Nabi, là / blanc bleu / touches à touches / vibrations /  traits carrés / Vieira da Silva / Bonnard signe en haut à droite / entre traits carrés / plongée : a bigger splach d’Hockney / bleu blanc / fond piscine pop d’Hollywood / d’après Hooper / ondes d’eau se propagent en rides / soleil / bleu blanc / vibrations / tiret carré / rythme 24 images secondes / jazz / cran à cran / photogramme par photogramme / carrés tirets / mer en subliminale, dégradée de plastiques et produits chimiques (bocon), en dégradés de bleus tâchés de migrants noyés / bleu blanc / faire péter les agottiaux / carrés traits / le loup se tord en trois – ligne cassée – en accordéon sur et non dans assiette blanche ovale et floue qui sourit bleu d’ombre / saveur / blanc bleu / vague irrésolue entre tes riens / traits carrés / écume vénusté flots fixes / bleu blanc / mer toujours recommencée / issu d’abysses / touches à touches / jazz / vague vers abstrait Mondrian / carrés tirets / loup infusé, au thé vert de Chine, attend filet d’huile première pression à froid / dashi, umami / de nécessité, Hitler mangeait truite au beurre / laitue de mer : algues, salicorne iode / traits carrés / salade verte / cri cœur cru de laitue / peau craquelée en papillote / loup y es-tu ? / tirets carrés / œil de poisson mort / axé comme primitifs italiens pour nabis / traits carrés / cosmos aborigène / poisson pourri par tête / ombre portée / monde dans assiette / traits carrés / No bar, Bonnard !

[Musique; White; concert; Fourvière, Lyon] L’étrange concert de Monsieur Jack

[Jack White aux Nuits de Fourvière, dim. 08/07/18]

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Hasards

J’avais raté Jack au Transbo en 2012 après son projet avec la belle Alison Mosshart, venue tout droit de The Kills pour créer avec Jack The Dead Weather. Fait inédit ici : après désistement, les Nuits de Fourvière me téléphonent pour me dire qu’étant sur liste d’attente, la place est en vente. Bien m’en a pris puisqu’un billet de Massive Attack (20 ans de Mezzanine déjà, très belle poésie visuelle sur chiffres binaires et jeux sur extraits d’actualité en français mal traduit avec des fautes d’orthographe projetés sur écrans, une belle voix chaude d’une black enveloppée faisant passer Jessie Norman pour une anorexique, remémorant un tube culte des années rave réactualisé sauce migrant.e.s ou réfugié.e.s mais squizzant malheureusement l’excellent Teardrop – sans Lize Fraser des Cocteau Twins, il est vrai alors qu’un jamaïcain aux dreadlocks blanchis révèrbe de voix comme H. Andy) a été également mis en vente au dernier moment. Notons que le « comité d’entreprise » du service public n’a pas fonctionné cette année : aucune ristourne même si les 45€ de White surprennent en bien au regard des 58 € de Massive (Nick Cave, c’était au moins 65€, encore plus pour Radiohead), certes avec un jeu de scène plus évolué. Beau temps, contrairement à l’excellent et entraînant, entêtant LCD soundsystem, un synthé impressionnant digne de l’Eniac avec une musicienne déguisée en groom de luxe tel Mercury s’inspirant de Metropolis dans Radio Gaga, avec attente et concert sous la pluie battante, le pire concert en 10 ans du point de vue météo.

Attendre

Eclaté par une nuit du regretté P. Bellemare, et ses belles heures radiophoniques sur Europe 1, à France cul où Léautaud s’exposait avec verve et onomatopées en face de Clavel (celui de « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »), avant les entretiens de Mallet donc, et où un Mardi du cinéma est consacré à Les enfants du paradis (M. Carné, 1945 ; avec un témoignage d’Arletty de l’INA et le passionnant Trauner) alors que le mistral souffle frais en pleine canicule avec la lune en premier quartier cuivré. Maintenu en éveil grâce à un merveilleux Yun Feng n°1, un thé vert chinois du Zheijiang, un primeur de printemps du 10 avril acheté au Cha Yuan dans une théière translucide de chez Harrods. 28 tasses de thé soit 2 litres, pisser tout l’après-midi et envie d’uriner, sans urgence, lors du concert mais la déshydratation est loin. Après avoir enfilé un tee-shirt Laspid blanc en coton bio fabriqué au Portugal avec, en noir, Des glaneuses de Millet sur fond de centrales nucléaires comme au Buget près de la rivière le Longevent vers Pérouges remémorant une photographie impressionnante du taiwanais Yuan Goang Ming, mélange de Gursky et Parr réussi, exposée lors de la biennale d’art contemporain de Lyon 2015, je quitte la maison sur France cul causant du tour de France alors que Froom est justement hué.

2h30 en avance à la Nuit de Fourvière. Grandes heures : une dame fouille en premier filtre. Attente habituelle en 3 files ; une jolie grande femme seule, sexy, peau bien bronzée, celle qui a vu péter le loup, basculant vers la deuxième période de vie mais qui a encore de nombreuses ressources, avec du monde au balcon et des chaussures d’été kitsch flashy : une fan de la première heure qui a envie de jouer les vestales pour Jack et ses prises. Est-ce elle qui donnera un cadeau sur scène enrobé en papier kraft avec une étiquette « all my love » en caractères noirs sur fond blanc, via une jolie jeune rousse aux cheveux longs qui en jouera en headbanging comme si elle était dans un concert de métal ? Pas de soleil brûlant dans la file. Lire L’automne à Pékin de Vian en Pléiade et Positif, juin (le singe au ciné) et août-septembre (les criminels) revue née à Lyon, offerte pendant un an avec l’abonnement Club de l’Institut Lumière. Se précipiter sur le chemin de pierre chaude, comme d’hab’. Attendre encore. Go : suis premier en fosse, non au centre mais légèrement à gauche contre la barrière métallique noire des grands jours – crainte des lumières aveuglantes qui me mirent en souffrance lors des concerts d’LCD soundsystem et Massive Attack. Sexe et sueur. Attente assise sur fond de rap vintage 80’s ; à Détroit, le ghetto-blaster, Kurtis Blow et LL Cool J. balançait leur flow. Je cause avec un italien qui est venu spécialement de Gêne pour voir White qu’il avait déjà observé vers 2010 en Italie. Laurent, un habitué quadra de l’Institut Lumière, calé en ciné et nerveux, accompagné de sa maman, se lève de la pierre chaude en hauteur et me fait signe.

Ah Rico !

      En première partie, Benicio del Toro s’est réincarné en un carnassier They call me Rico, loin du style de A guy called Gerald, un type, Frédéric Pellerin à l’accent canadien, qui joue seul guitare, batterie voire harmonica comme Dylan, homme-orchestre donc, avec un micro à l’ancienne, digne d’Elvis. Plein d’énergie et chantant à pleines dents en articulant en anglais comme s’il allait être opéré par un dentiste après quelques cours de théâtre, il entraîne le public, en le faisant participer, en 30 mn, sur du rock / blues / folk. La pèche ! Il arrive – luxe – à chanter sans micro avec sa guitare sèche amplifiée et emporte la mise tant c’est inédit. Incroyable et couillu. Pas novateur mais impressionnant. Quatre photographes immortalisent l’instant. Il arrive même à reprendre Led Zep, pour clore (« Je vous laisse avec Jack »), de façon originale en se centrant sur le riff principal. Des instruments faciles à bouger pour laisser la place à White. Peu d’attente, soit 30 minutes.

Jack experience

      Ensemble classique à gauche : basse et sa grande bière sous coiffure rétro rock voire rockabilly avec veste en jean ; batterie sur escaliers sur roue.

Un jeu de percus sera éclairé mais inutilisé – suspense : musicien malade, viré par le tempétueux White ?

A droite : une dizaine (cinq / cinq) de synthés aux formes futuristes, un Moog sur un Hammond, au son toujours chaleureux d’œuf cuit au jaune coagulé sur le plat, et recherché, joué parfois façon Manzarek de The Doors. Ils seront utilisés par deux jeunes afro-américains venus du hip-hop, débarqués, retour vers le futur, des années 80, l’un coiffé teinté blond de mauvais goût comme un joueur de foot avec anneau noir dans le lobe tombant d’oreille à la Corto Maltese, l’autre en Stevie qui s’échine sur un Yamaha pour faire son de piano ou sur piano droit, parfois inaudible notamment lors d’une chanson mélangeant avec changements de rythmes rapides et audacieux, jazz, funky et rap, un vrai gloubi-boulga. Les types sont des virtuoses. Parfois, les nappes de synthés sont aussi légères qu’un gros gâteau à la crème ou un mauvais film des années 80 qui devrait faire les choux gras de Rockyrama voire de Schnock. White vise l’opératique mais comme pour W. A. à son époque, il serait possible de dire : « trop de notes », comme le parfois fatiguant Prince dont White s’inspire pour le décalage beat froid, électronique et voix animale à l’étendue moins développée que le défunt de Minneapolis ! White arrive même à dialoguer, guitare/clavier, sur d’anciens morceaux, voire se confondent en imitation (Over and over and over) – ce que je n’aime pas (pour un morceau, devenu un tube, la voix imite la guitare et réciproquement). White est complice avec la gauchère batteuse pas gauche. Il échange plusieurs fois quelques mots avec le bassiste et une fois avec l’un des joueurs de claviers pas tempérés. Un roadie, veste noire classe et cravate, à la barbe hipster ZZ Top nettoie les touches au pinceau large à ripoliner puis passe un coup de serviette. Il la passe touches par touches sur le piano droit vintage, mais va-t-il jusqu’à distinguer les noires des blanches ? L’incontrôlable et control freak, digne de Stanley, White semble plus obsessionnel que Gainsbourg, au point de donner la consigne de ne pas arborer de téléphone portable, enfermé à l’entrée dans un étui d’une start up californienne, pour filmer, communiquer ou autre, un agent de sécurité en profitera pour le signaler. Que le public vive le concert. Ce qui n’empêche pas un photographe accrédité de filmer une partie du live sur son téléphone, l’égalitarisme français en prend encore un coup. Du coup, aucune tablette numérique, élevée à bouts de bras, ne vient gâcher la vue. Dans son trip, où il est arrivé qu’il arrête un concert en voyant un quidam plié sur son portable, il ne semble pas être au niveau du caractère de Keith Jarrett même si sa réputation le poursuit, blase obligatoire pour sexe, drogue et rock n’ roll. C’est qu’il ne faut pas le titiller, le Jack.

Au milieu, 6 guitares, 2 provenant de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Who Framed Roger Rabbit, R. Zemeckis, 1988), notamment pour les « vieux morceaux » de The White Stripes, une guitare acoustique blanche, grande et kitsch à la Elvis dernière période ou showbizz tout court avec un G et des flèches dorées, une espèce de zodiac ésotérique (pas l’assassin mais l’astrologie) avec des ailes d’ange également dorées, utilisée pour des morceaux joués en solitaire, les musiciens seront même congédiés d’un revers de main pour jouer un country basique – un briquet sera allumé à l’ancienne, un vigile intervient, symptôme d’une époque ; une drôle de guitare vintage éraflée, abîmée en bois clair pour le dernier morceau – de bravoure, Seven nation army, que le public entonne, impatient, comme dans les stades, alors que la coupe du monde sévit avant France(bleus)/Belgique(diables rouges) au pays d’un Poutine triomphant, la Russie étant arrivée à un niveau inédit, en attendant que White rapplique. Deux amplis, dont un Fender vintage, avec micros devant. Un double jeu de pédales d’effets impressionnantes. L’une sera remplacée entre deux morceaux. Un roadie mince avec un sacré tarin et un chapeau noir de cake sur cravate rose emmitouflée dans veste noire passe un temps infini à tester les diverses guitares, y compris pendant le concert, les nettoyant parfois avec une serviette et les réaccordant ; plusieurs fois, il déroulera le fil reliant la guitare de Jack à l’ampli ; une fois Jack a failli tout de même se prendre les pieds dans le tapis. 3 micros sur pied – même les bonnettes sont essuyées avec une serviette ! –  dont l’un pour des effets de voix atroce confinant au laid auto-tune dominant, pire que le vocoder, en tout cas transformée par ordi ou synthé, ce n’est pas une réussite, notamment des cris dignes des Cochons dans l’espace dans The Muppet Show dans un rap aussi raté dans son flow que Spite & Malice (Black Market Music, 2000) de Placebo. La voix de celui qui est devenu quadra n’est pas exceptionnelle mais il arrive, assez facilement, à certains aigus. Un décompte ; White y fait deux fois une apparition rigolote en HD. Air décontracté.

Power

21h30. Tel un fauve qui n’a pas sucé que des glaçons, White in black (pantalon noir, banal ; un polo noir simple qui laisse entrevoir des bras travaillés par une muscul intensive confinant à la gonflette et deviner un petit bidon tendance dad bod’ – la terreur a l’air d’un sacré bon vivant; des chaussures neuves, atroces, noires et montantes sur semelles blanches à l’air de boxeur, ce qui est utile pour atteindre les pédales d’effets, qu’il utilise parfois avec retard au cours du jeu de guitare, qu’il relace entre deux morceaux sur la plus basse des marches de la scène), fonce électrisé sur son territoire, qu’il parcourt pour le délimiter, et chausse derechef sa guitare. Son visage, aux bonnes joues voire joufflu mais tellement pâle qu’il semble maquillé comme dans un trip goth’ genre Edward aux mains d’argent, (Edward Scissorhands, Tim Burton, 1990 ; une manière pour Gillis de devenir White) est masqué par des cheveux gras noirs mi-longs à la Bob Smith. Il enchaîne ce Zappa aux petits pieds, avec attaque à la Led Zep, refrain en un Queen maladroit, qu’est Over and Over and Over, que le public reprend en refrain (« Over and Over ») en levant le poing droit, puis Dead Leaves and the Dirty Ground du dernier déroutant album, Boarding House Reach, écrit chez lui sur son magnéto 4 pistes en posant sa mélodie chantée selon la méthode de M. Jackson, chez lui à Nashville puis 3 jours à chaque fois à NY & LA avec quatre musiciens virtuoses qui ne se connaissaient pas et Jack mélange le tout sur ordi (Pro Tools), et s’impose derechef : nous sommes cloués. La messe est dite. Il n’est pas là pour faire tapisserie, si on se réfère à son premier métier alors qu’il abandonna la calotte dont il a gardé le charisme. Le problème est que les nouveaux  morceaux sont foutraques voire imbitables mais ne le clamait-on pas pour l’excellent Earthling de Bowie (1997) qui se renouvelait totalement après avoir inventé, dans le premier volet du diptyque, un nouveau personnage, Nathan Adler, dans 1. Outside (avec B. Eno pour travailler à un triptyque abandonné), grâce à la jungle alors dans le vent ? Au troisième morceau, White se retourne déjà pour passer une serviette noire sur la tronche ; il fera de même pour picoler … de l’eau en bouteille.

La laide et légendaire batteuse – faisant passer PJ Harvey pour une top modèle -, fine, aux bruns cheveux sales avec fleur orange sur le côté, qu’elle enlèvera quand elle reviendra, montre des plateforme-boots, sortes de ballerines noires sur d’énormes semelles compensées en liège – goût de chiotte, mais chacun les siens, peut-être fonctionnel pour jouer. Elle est juste devant moi puisque je suis dans le premier rang en fosse. En tout cas, elle envoie du bois grave. Ce n’est pas Max Roach mais elle respecte le jeu de Meg – qui savait autant jouer de la batterie que moi de la flûte de Pan -, la simplicité efficace, un côté brut. Elle apporte plus de subtilité sur d’autres morceaux, y’a pas de mal. Un côté Mitch Mitchell avec un nouveau Jimi, le duo fonctionne à merveille : sensation d’être à Monterey ou à l’île de … Wight. Elle se prendra un coussin Voisin vert qui désorientera un micro qui sera remis dans la bonne direction. La composition de la batterie est simple ; elle abuse des pads sur les indications de White – mauvaise voie.

Je ne suis pas cette direction Moonraker (Lewis Gilbert, 1979 un 007 raté où même l’excellent Lonsdale fait rire) des horribles années 80 comme ZZ Top (Afterburner, 1985) où Prince via Georges Clinton Parliament funkadelic avec une pincée d’Afrika Bambaataa ou de Bootsy Collins – alors que la basse, qui a peu de latitude mais arrive parfois à s’envoler – n’est pas Flea des Red Hot, Entwistle, Pastorius qui veut -, est somme toute assez classique rock – laissant songer au jazz fusion peu convainquant de Tutu de Miles (White en adopte la posture en jouant le chef d’orchestre d’un doigt de dieu, en se retournant ou en s’éclatant en egotrip sur la baffle Fender ; entre les morceaux, il laisse la guitare sur la Fender pour maintenir le larsen, un côté cracra qui est une marque d’authenticité dans une set list bien huilée, parfois enchaînée brut sans transition ; une fois, il n’oublie pas d’éteindre la pédale d’effet mais le souffle de la baffle reste), expérimentateur mais pas le plus heureux, Quincy et Herbie Hancock (Rockit dans Future Shock, 1983) en background. Il manque parfois une mélodie accrocheuse, un riff simple dans le dernier album peu convainquant mais à l’expérimentation intéressante ; les solos de guitares sont toujours présents.

Les images spatiales sont banales et aseptisées, sans recherche. Le coup de la batteuse qui joue aux fléchettes en noir et blanc sur la tête de Trump sur l’écran est facile mais le manque d’anti-Trump aurait déçu. Un extrait de comédie musicale non identifiée en noir et blanc avec un acteur qui ressemble au début à Max Linder. Une quasi solarisation des musiciens en trait pour trait réussie. Les images n’apportent pas grand-chose. Pas d’éclairage exceptionnel mais il aurait fallu du recul – n’étant pas ubiquitaire – pour en juger.

Sans transition

White conclut la première partie avec l’hymne des The Raconters, Steady as she goes. Le rappel replonge dans les The White Stripes avec I’m Slowly Turning Into You, le single, et néanmoins tube du dernier et troisième album solo de White, Connected by Love, au chant proche de l’esprit d’Otis Redding et à la mélodie à la U2, inspirée de John Lennon période Plastic Ono Band, puis le déjanté et psyché Ice Station Zebra pour finir en apothéose avec l’inévitable classique Seven National Army.

Public

   Le public est plus calme que prévu, pas de pogo. Nous sautillons sur certains morceaux, les anciens surtout, où nous retrouvons nos petits en un rock renouvelé aux racines confirmées. Une dizaine de gens, mûrs puis plus jeunes, surnagent, portés par la foule, et échapperont aux agents de sécurité, bredouilles, qui se baissent sur leurs genoux comme des atlas ou des chiens limiers pour chasse ayant humé leur proie pour les récupérer et les virer comme ils le firent en masse en 2016 pour The Offspring. White tente de faire chanter le public mais n’y arrive pas, sauf sur le désormais classique riff de Seven nation army, car ces paroles défilent à rallonge (s’il est bavard, sa « poésie » n’atteint pas celle de Dylan dont le Nobel est toutefois abusif) ; il s’excuse de ne pas parler français. Le seul mot sera « Lyon » répété deux fois au début. Il dira de longues phrases en anglais que personne ne capte sauf les anglophones aguerris. Il a fait son taf sur 1h40 denses mais il n’est pas encore à l’aise pour dialoguer avec le public, ce n’est pas son propos. Il salue comme s’il était au théâtre, l’entrepreneur (à la tête de Third man Records, il produit, des rappeurs dernièrement tels que Black Milk, Insane Clown Posse ou Shirt, crée une usine de pressage de vinyles dans un quartier défavorisé de sa ville natale Detroit, envoie un disque sur platine dans l’espace grâce au Projet Icare, décore des battes de base ball, etc.) a l’esprit d’équipe. Il manquait tout de même Fell in Love with a Girl qu’il a pourtant joué en rappel au concert à l’Olympia puisque Jack n’a opté que pour trois lieux en France et 4 dates. Je mets mon sac à dos sur la tête pour éviter ces foutus coussins qui font mal, une tradition rock ‘n roll des Nuits de Fourvière à laquelle a dérogé Björk. Une fille me fait toc-toc pour me dire que je gênais en me protégeant ; je lui explique que le concert est fini. Les lumières s’allument ; les roadies, dont une femme, se réactivent. Le public de fosse pue la sueur, une infection.

 

Setlist :

Over and Over and Over

Dead Leaves and the Dirty Ground (The White Stripes)

Corporation

Why Walk a Dog ?

High Ball Stepper

I Think I Smell a Rat (The White Stripes)

Hotel Yorba (The White Stripes)

Hypocritical Kiss

Broken Boy Soldier (The Raconteurs)

What’s Done Is Done

Freedom at 21

I Cut Like a Buffalo (The Dead Weather)

Hello Operator (The White Stripes)

Ball and Biscuit (The White Stripes)

Get in the Mind Shaft

Respect Commander

That Black Bat Licorice

Just One Drink

We’re Going to Be Friends (The White Stripes)

You’ve Got Her in Your Pocket (The White Stripes)

Steady, as She Goes (The Raconteurs)

I’m Slowly Turning Into You (The White Stripes)

Connected by Love

Ice Station Zebra

Seven Nation Army (The White Stripes)

 

Photo : David James Swanson

 

Wall of sound vers les étoiles

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Ambiance

Je me vêtis d’une chemise, de beau style pas le truc beauf à la Magnum, à fleurs offerte par une amie allée à Hawaï. Pas de première partie. Juste une musique symphonique des tubes des Beach Boys en easy listening diffusée dans les baffles, limite mauvais goût. Une ambiance bon enfant où les générations se mêlent sans problème. Arrivé en avance, pas la queue des grands jours comme Radiohead, Björk, PJ Harvey ou d’autres. Echapper à la nana qui garde constamment ses lunettes de soleil et qui tente de resquiller en bout de rangée à l’aide d’un vieux à bouc qui passe son temps en selfies, tout comme un célibattant dans la queue d’entrée. Une beauté au teint laiteux et tâches de rousseurs qui contrastent avec les yeux verts sous cheveux noirs ébènes, genre échangiste, me mate alors que son mec, qui enverra de nombreux messages pendant le concert sur son téléphone, se force en bisous. La chieuse, probablement manipulatrice, lui semble attachée en apparence; grand bien lui fasse, chacun sa merde. Le côté femme fatale de toc nous plonge dans l’Hollywood classique.

21h tapante, le concert commence : la tournée Pet sounds, initiée en mars 2016, atterrit aux Nuits de Fourvière, au théâtre antique. C’est le seul concert que je verrai en 2017, contrairement à la richesse de la programmation l’année dernière (Radiohead, la déroutante PJ Harvey, Polni, Thindersticks … dans le petit théâtre, l’odéon, tout comme Bertrand Belin, etc.). 11 musiciens + le cabotin Chaplin, habillé en chemise verte et t-shirt rose pour que nous le remarquions bien, venu des Rolling stones, qui avait rejoint jadis les Beach Boys. Pendant ce temps-là, le cousin Mike Love, chemise bariolée à manches courtes, continue, en tant que co-créateur de chansons, sa tournée avec Bruce Johnston (Belgique avec inauguration récente d’une plage à Knokke suite à un concert mémorable il y a 30 ans ; l’Olympia, Picardie, etc.) sous le nom Beach Boys, suite à un long procès.

Alentours

Deux homos de grande taille vapotent et n’arrêtent pas de parler en commentant comme les vieux du Muppet show; devant, le gars s’affaire à filmer sur sa tablette plutôt qu’à regarder et écouter pendant qu’à côté les voisins usent du velcro pendant les chansons et chaussent leurs jumelles alors qu’ils sont au 6e rang.  Derrière des asiatiques s’excitent en français en inaugurant une chorale de cacophonies pendant que la musique, qui semble les gêner, est exécutée. Le théâtre se remplit pour finir lentement par être complet, ce qui n’était pas gagné. 50 € la place.

L’équipe de choc

      Un type joue de la guitare, du theremin, usité par Add N to (X) et Bashung (Madame rêve, La laiterie, Strasbourg pour la tournée des grands espaces), ou ondes Martenot, impossible de voir, et de la trompette. Un gars en gilet noir et chemise rose, portant à bout de bras le morse à baskets blanches Wilson, le seul qui reste puisque les 2 frères sont morts au grand dam d’une superbe basse disparue (Kokomo, chanson du retour des années 80, dont on oubliera l’inexpressif Tom Cruise dans le film dispensable Cocktail, Roger Donaldson, 1988, passera à la trappe), s’époumone en présentations façon show Las Vegas, limite ridicule et éculée, et en instruments à vent (saxos, clarinette, flûte, flûte traversière, harmonica) ; un petit jeune, le seul black, arrive à placer sa sauce grâce à son charisme avec son clavier et son omniprésent xylophone ; un autre gars se concentre sur ses deux claviers ; un batteur exceptionnel aux pompes bleues doublé d’un percussionniste qui délire parfois à la Sheila E. sur le rythme cubain joue également de la sonnette à vélo, Tour de France oblige; un grand musicien joue une grande basse blanche qui semble d’origine (celle de Brian ?), un peu trop forte au début. Al Jardin, cool bien qu’un peu scolaire en s’aidant de ses mains comme en répétitions, vieux beau avec sa trogne ravagée de Kennedy, chemise rose et pantalon bleu, joue de la guitare et arrive à pousser sa voix de belle manière en tirant sur le ratelier; son fils Matt, décontracté en noir, attaque avec maestria les aigus (le concert n’aurait pu avoir lieu sans lui) dans une tessiture incroyablement proche de Brian jeune; Wilson, à cause de l’obésité, se déplace difficilement mais arrive à se hisser à son piano blanc, tel Penguin contre Batman ou Beth Dito de feu Gossip, où il reste constamment assis, égaré parfois. Malgré ses 75 ans, Brian accuse l’âge, écarte parfois les bras au-dessus du piano tel un gourou égaré, et n’arrive pas à pousser la chansonnette, sauf à la fin puisque le ton est enfin juste, à part un étrange slam californien peu gangsta en repons ou curieux talk-over initié par Gainsbourg, mais désaccordé ici, tout le long du concert où il arrive tout de même à malheureusement gâcher la plus jolie chanson du monde, la sienne, God only knows. Les cordonniers sont décidément les plus mal chaussés. Il semble en effet parfois absent mais heureux d’être là, sentiment d’étrangeté de la part du spectateur.

Les jeux de lumières sont sobres avec 6 rideaux derrière, parfois un ton psyché avec cercles virant au rotorelief duchampien. Une gironde s’exhibe et se laisse éclairer par les portables qui ont remplacé les briquets.

Opéra

      Les instrumentaux Let’s go away for awhile et Pet sounds, concept que le regretté Pierre Henry n’aurait pas renié, car il s’agit de fêter tout de même les 50 ans de l’album mythique, permettent de saisir la dimension opératique de la musique de celui qui est sourd d’une oreille, le Mozart du XXe siècle, Brian Wilson. La sophistication est telle que le spectateur doit se concentrer un maximum et mesurer le génie de Wilson. Nous avons l’impression de rentrer dans le cerveau compositionnel de Brian, cette conception simultanée et symphonique avec effets de reliefs, auxquels seuls les sillons d’un disque vinyl savent rendre hommage, dus également au positionnement des instrumentistes et à l’enchevêtrement millimétré des phrases musicales. Cependant les morceaux, bien que dans l’exact enchaînement de Pet sounds, ne sont pas placés au bon endroit lors du concert. Plus de trompettes et surtout plus de cordes (dont violons, harpes) n’auraient pas nui, sans céder à l’inévitable orchestre symphonique quand un artiste ou un groupe est un peu essoufflé, mais le prix, abordable, n’aurait sans doute pas été le même. Aboiements de chien, Amtrack en doppler, les musiciens sortent pour un entracte forcé de 15 mn à 22h. L’âge se fait sentir.

Si Romero vient de mourir, Chaplin, le « mort vivant » (sic), qui n’a pas sucé que des glaçons tant il est ruiné par l’héro et ressemble à Keith Richards sans arriver à son niveau, affaiblit le concert pendant un tunnel de 3 chansons dans un cabotinage à coups de pelvis et de soli agaçants de guitare sur un emportement rock’n roll assez vain. Un cheveu sur la soupe. Un morceau émerge toutefois avec l’usage du theremin et crescendo musical. Tel Timothy Carey, même mort, il semble encore bouger pour se faire remarquer, à l’occasion des saluts également. Un singulier contraste avec Brian Wilson qui semble adopter la scène et en prendre son parti.

Surf

      Enfin, alors que le concert aurait pu se terminer sur le génial Good vibrations, les tubes, surf d’abord (Barbara Ann, Surfin’ USA, Fun, Fun, Fun), s’enchaînent à la vitesse de pointe d’un Amtrack, pour terminer sur un slow déchirant, mélancolie oblige, que Wilson entonne de bouche en biais comme pour s’excuser d’exister. Le public, assis, s’est précipité dans la fosse. Les ponts entre phrases musicales, le travail des transitions, sidèrent par leur inventivité et leur modernité. Seul un David Bowie, Queen dans la foulée, ou encore un Vannier ou Goraguer y arriveront.

Le wall of sound aura décidément été fatal entre la taule pour Phil suite à l’assassinat d’une femme et Brian qui, sous l’influence du psy-gourou Landy et quelques drogues agrémentées d’alcools (voir le biopic Love and mercy, Bill Pohlad, 2014), joua du piano à queue dans sa chambre, entouré d’un bac à sable couvert des crottes de son chien, Satie n’y voyant pas à redire de sa tombe. Voilà qui comble les 50 ans du summer of love où la canicule bat son plein, la pierre chaude du théâtre antique en est témoin, en espérant que, comme le regretté Bashung à la fin de sa vie, Wilson puisse accepter derrière son piano, comme un paravent pour le timide, et recevoir les vagues d’amours et de sympathie voire d’empathie du public généreux chauffé à blanc. Drôle d’attitude pour celui qui a dépassé le mur du son, traversé le miroir d’Alice. Un concert mémorable pour celui que nous sommes certains de saluer pour la dernière fois. 23h30, fin du concert ; un peu plus de 2h15 de pur bonheur stéréo en direct. Aux produits dérivés, un anglo-saxon peste contre la chaleur en enchaînant plus de « fuck » que chez Tarantino ou Scorsese.

[lecture] AB trouncy

A Frimas, près de Craponne-sur-Arzon, haut lieu du festival de country, il appert, après enquête, que Bashung après l’enregistrement d’Osez Joséphine (1991) à Memphis-Bruxelles, y a poussé la chansonnette en tenue d’apparat. Pour le premier festival Frimas d’été à Frimas, Haute-Loire (43).

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biberonner burger coca / baby boomer AB rêve Pays sans nom dès base US en Elsass Blues / schwing levi’s zippo / Osez / BOUM / guerre froide et big stick / BOUM / guerre du Vietnapalm / BOUM / 11 septembre 1973 / Amérique latrines et centrale des US / Arthur lit Rambo sur un camping jazzy / Je vous déteste tous / 1991 guerre du Golfe (épisode 1) / US go home ! / Abou Graib / Osez / tortures PSYOP / containers The Disco / à coups de / Enter Sandman de Metallica / psaume 137 en boucle dans Rivers of Babylon de Boney M. / Osez / Oui, nos geôliers nous demandaient les paroles d’un poème / nos pillards, de la joie : « Poétisez-nous un poème de Siôn ! » / Osez / 11 septembre 2001 / baby alone / les 2 tours en boucle : Marchédial et Pasturel / Fuck your God de Deicide / I Love You de Barney & Friends pour générique programme tv pour enfant 1, rue Sésame / Blackwater / vrais faucons / et Tutti frutti / Romans Photos / J’ai pas bien lu le scénario / Osez

LA-sur-Yvette / Place de l’opéra / Un flic du genre texan / M’a dit tout en essuyant ses Ray-Ban / Mon gars t’es pas d’ici reprends ta selle / OK / J’avais un rendez-vous avec mon pote le Kid / Dans un salon perdu du vieux Pigalle / Le Kid m’a dit man ici y’a pas d’emploi / Sing along Bob / J’suis cow-boy à Paname / Mais c’est la faute à Dylan

1991 / Osez / Memphis sur La Celle-Saint Cloud / Capitale du Tennessee, du rockabilly et du rock tout court [zeugma !] / flop Novice / T’aimes plus les mots roses / Que je t‘écris ? / Alcaline / derniers feux BB pour AB / cause article Bayon Libé / sers la vis / Osez / court petite reine / À nous deux la victoire / astique les rivets de la selle / suce la roue / en chambre de discernement / Mes réponses allongées / Mes que dire / Mes que faire / y aller en danseuse / Mais comment ça tient en l’air / Ces deux hémisphères / Par quel mystère ? / à brides abattues / misfit AB chausse maverick / cahin-caha / Faire hennir les chevaux du plaisir / en Roulettes russes / rodéos corridas civière sparadrap / Et que ne durent que les moments doux / ça sonne ça / capte laps au lasso / avec Atari & Cubase / Osez / Et que ne doux / faire sonner langue / maquettes Joe White et Volutes

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Stetson (Untel)

Rêve de fougères / rêve chouchouille en reprises rockabilly et country rock avec Lucky 7 / rêve d’AB, ingé son daltonien amateur moules frites, pour pan bagnat Dick Fornieri autoRivers à la banane / Ok ? / Rêve d’archipels / De vagues perpétuelles / Sismiques et sensuelles / A l’arrière des dauphines / d’une Chrysler blanche louée par Jeannot / Je suis le roi des scélérats / du van côté Winchester Road / pan pan ! / cul-cul au cul du / Toujours sur la ligne blanche

direct Madison Avenue / Osez / Ardent Studios/ salle C / Tom Harding à la console V-001 de Neve chez Jody Stephens de Big Star / en Sam Phillips du Memphis Recording Service dès 1954 / pas Tex Mex avec l’accordéon du conjuntos Flaco Jimenez / pas slide Ry Cooder / ni Paris ni Texas / pas batteur Jim Keltner / BAM / In the twilight glow / qu’à cela ne tienne / alors guitare & mandoline Bernie Leadon / celui du bluegrass Flying burrito brothers avec Gram Parsons et Chris Hillman / Leadon aussi des Eagles / I see ! / Leadon de Good old boys (Randy Newman) et aussi John Hiatt and the Goners / Sonny Beautiful Landreth / héritier Chet Atkins / slide / guitare électrique riff 6 cordes sur Osez / jusqu’à 12 cordes / riff d’intro sur J’écume / lapsteel & wind / guitare acoustique / basse, cordes : David Ranson / drums, chimes : Ken Blevins / Les cymbales les symboles / Ron Levy, ayant joué avec Albert King : orgue Hammond

1 morceau par jour : 2h de prises, 2h de mix / 08 juillet 1991 / Faire connaissance / We all right / Buddy Holly / It’s allright / She belongs to me / Bob Dylan / comme dit Bourdon / Directeur Sciences Po Aix / avec nœud pap’ / sûr de son affaire / AB dans cabine voix / concentré comme un viandox / soupe-au-lait / Des nuées de scrupules / en volutes et nuages clopes sur clopes – fatales / comme rédac’ chef Arnal de Pif Gadget / Twilight zone / micro Neumann U47 / celui d’Elvis the Pelvis du Mystery train (1959) / 2e naissance d’AB / impossible Un violon, un jambon de Gainsbourg façon John Cash / Écoute-moi toi qui t’crois seul au monde / Tout seul abandonné / Faut trois fois rien pour entrer dans la ronde / De tous les mal-aimés / et Les amants d’un jour d’Edith Piaf / Mais dans ce décor / Banal à pleurer / Play blessure / cadors queutent / Leadon Landreth Blevins calent / pas leur culture / mettent point d’honneur / s’y attèlent tout un après-m’ / reprennent et reprennent / rien à faire / au grand dam d’AB / chaque minute coûte / même si Barclay raque / P. Nègre d’Universal aux petits oignons / Osez que binaire / sera ternaire à ICP Bruxelles / la tournerie : ouf ! / – – – / pote roadie Jeannot aux lyrics tient tout à bout de bras / bref, foutu, le double album / originales-reprises / à Memphis : Volutes Happe J’écume Kalabougie

détente à Beale Street / entre BB King Club et BBQ Blues Alley / pas bu que du pepsi / Je suis celui Qu’a la bougie / Ici on suit / Des bikinis / She’s got no place to fall / J’ai qu’une idée / Te retourner le canoë / Osez / Plus rien n’s’oppose à la nuit / Nights in white satin / J’ai biaisé / mannequin argentin / Azucena Caamaño / dans clip Mondino / petits seins nus / avec cheval de cirque / finira mariée avec figure imposée : Flo Pagny de Patagonie / Osez / Chloé Mons / lors clip La nuit je mens / Je m’en lave les mains ! / De la jument / Des heures des heures / De voltige / à plusieurs / Fanny avant / Soyez ma muse / La nuit américaine / pèlerinage à Graceland kitsch du King oblige

Vos luttes partent en fumée / égalité raciale / morts Louisiane cause Katrina / re cet été / nombre bavures policières / snipers blacks sur flics faisant fi du King, Martin Luther / limiter armes versus NRA / Charlton Heston et ses guns / history of violence / couloir de la mort

Joseph, Joseph Paul. Je m’appelle Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. J’ai un corps jeune et bien bâti. J’ai une bonne adhérence musculaire. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. J’ai un corps normal, représentatif du genre humain : 1m80 de hauteur et 30 cm d’épaisseur. J’appartiens à une race normale. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Je suis habile de mes mains. Je veux qu’on m’aime. Mes mains ont réalisé le mal. Un 3e délit. Mes mains ont tué. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Ma femme m’a dénoncé. Ma femme a écouté le shérif. Ma femme m’a dénoncé pour passer une dernière nuit avec moi. Le shérif a menti. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Coupable ? Oui, disent-ils. Susceptible de recommencer ? Oui, disent-ils. L’avocate commise d’office m’a défendu. L’avocate débutante a fait ce qu’elle a pu. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Ils m’ont mis une ceinture de fer. Je suis le 63e condamné à mort de l’aumônier. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. 5 août 1993 12h31. Ils me droguent. 8 fois pour planter l’aiguille. Les tuyaux sortent du corps. Le sang est siphonné. Le sang est refoulé. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. J’ai fait don de mon corps. Sans aucune précision. 5 août 1993. Ils lèvent le corps. Tant qu’il est encore frais, ils le lèvent. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Ils me débitent en 4 membres. Les lames sont en rotation. Ils me tranchent millimètre par millimètre. J’ai une bonne adhérence musculaire. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Il manque des tranches de mon cerveau. Les tendons posent problème. Ils congèlent le corps. L’alcool sert à enlever les scories. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. « On lui a donné toute ses chances. C’était le mal » dit le procureur. « Passionnant d’étudier l’homme du début à la fin » dit le médecin. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. Je suis Visible man. Je suis le modèle du cd-rom d’anatomie humaine, Visible man. Mon image est fluide. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. « Papa sert d’atlas » dit ma belle-fille. « Bien des gens vont pouvoir en profiter » dit le procureur. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA. J’appartiens à une race normale. Je suis l’Homme. Ils m’ont choisi. 12h31. Je suis immortel. Je suis Joseph Paul Jernigan du comté de Navajo, USA

fermer Guantanamour / où tortures à coups de Baby one more time de Britney Spears (1998) / Osez / Slim Shady d’Eminem (1999) / dans obscurité pendant 20 jours consécutifs / puis switch musical / rires effrayants fantômes / bruits d’Halloween / buy her a trumpet / Pourquoi faut-il, grand manitou, que le magicien dose ? / au 16 août 2016 : encore 61 prisonniers / Malédiction, malédiction, tous en scène / Jane Jane « Calamity » à Jane Jane, sa fille placée de feu « Wild » Bill Hickok / 28 septembre 1877 / « Il y a des milliers de Sioux dans cette vallée. Je n’ai pas peur d’eux. Ils pensent que je suis cinglée et ne me font jamais de mal » écrit-elle à part de son cheval Satan, lu par bâtard AB, de père inconnu et placé chez marâtre belle-famille substitut Oma-Else de la Zorn d’Alsace, sœur fâchée d’Osez Phine, avec guitare Burger sur projet Chloé / wild wild west / fond génocide indien / American Horse, Little Horse, Red Cloud, Crazy Horse (Sioux Oglala) Black Bull (Sioux Brûlé) Wanduta (Sioux Lakota) Crow King, Gall, Sitting Bull (Sioux Hunkpapa) Chief Joseph (Nez Percé) Curley, Plenty Coups, Revenger (Crow) Dull knife, Two Moons (Cheyenne) Cochise, Eskadi (Apache) Geronimo (Apache Bedonkohe) Naichez (Apache Chiricahua) Mangas (Apache Mimbres) Manuelito (Navajo) Oiti (Shoshone) Ouray (Ute) Petalesharro (Pawnee) Scabby Bull (Arapaho) Thunder Chief (Blackfoot) White Horse (Kiowa) Tecumseh (Shawnees) / Shérif, fais-moi peur / en 70mm technicolor /

 

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Panama !

J’suis cow-boy à Panama / Autour de Vaduz, il y a Luxembourg, il y a Bruxelles, il y a Vienne, il y a Berne, autour de Vadutz, il y a Dublin, il y a Londres, tout autour de Vaduz, il y a Saint-Hélier, il y a Saint-Pierre-Port, il y a Douglas, tout autour de Vaduz, il y a Monaco, il y a Andorre-la-Vieille, il y a Gibraltar, il y a La Valette, tout, tout autour de Vaduz, il y a Riga, il y a Tallin, tout autour de Vaduz, il y a Hong-Kong, il y a Macao, il y a Kuala Lumpur, il y a Bandar Seri Begawan, il y a Manille, il y a Singapour, tout autour de Vaduz, il y a San José, il y a Montevideo, il y a Belmopan, il y a Guatemala, tout tout autour de Vaduz, il y a The Valley, il y a Saint John’s, il y a Oranjestad, il y a Bridgtown, il y a Nassau, il y a Hamilton, il y a George Town, il y a Avarua, il y a Willemstad, il y a Road Town, il y a Roseau, il y a Saint-Georges, il y a Kingstown, il y a Majuro, il y a Saint Martin, il y a Little Bay, il y a Alofi, il y a Basse-terre, il y a Castries, il y a Cockburn Town, il y a Philipsburg, tout tout autour de Vaduz, il y a Port-Vila, il y a Yaren, il y a Apia, il y a Victoria, il y a Aukland, il y a Port-Louis, il y a Malé, tout autour de Vadutz, il y a Ras al-Khaimah, il y a Djibouti, il y a Monrovia, il y a Mascate, il y a Gaborone, tout autour de Vaduz, il y a Dover, il y a Ottawa, tout autour de Vaduz, il y a Manama et bien d’autres, et bien d’autres

Sauter à l’élastique / Loi travail passée / à coups de 49.3 / frondeurs font dans froc / motion de censure / noyé le poisson / blanc-seing décret d’application / lors vacances estivales / malgré Nuits debout / sit-in / réformes retraites / sécu et tutti quanti / vote étrangers ? / rinTintin

Tout autour de Craponne / yodel de candides suisses allemands d’Appalaches en première partie / héritiers du Cabaret Zadig & Voltaire de Zurich / tout autour de Berne / où Ball fit son trou / derechef / l’Amiral cherche toujours simultan une maison à louer / compatriote homme approximatif / selon Janco, les faits sont têtus / le voisin chauve du Marx & coca était là / orchestre de balalaïkas / Ça sonne comme l’hélvète underground / sur traces de Jimmie Rodgers et son Blue Yodel / la comète Bill Halley et l’australien Frank Ifield de She taught me how to yodel (1991) / Double u RTL, Georges Lang /

Vos luttes partent en fumée / Memphis-Paris / mauvaise manip’ fils / azimutage bandes / son / dévitalisé / relief sabordé / AB azimuté / vire toute l’équipe de rage / son Memphis récupéré bon an mal an, man

après le donjon fin XIIe / l’église Saint-Caprais / l’hôtel Calemard de Montjoly et de Vinols d’Ineyre / Passé le Rio Grande / dans le frimas / Au pays des matins calmes / Pas un bruit ne sourd / sauf honky-tonk AB qui chante ici ses tourneries / avec force manches à franges, chapeau et santiags / reprend Sam Hall du Singing Cowboys de westerns d’Hollywood Tex Ritter et Cash (Sings the ballads of the true West, 1965) / An’ I hate you, one and all / Damn your eyes / Ohé / Tu ferais mieux de nous pondre un truc qui marche / ajoute-t-il / Osez / Avale me disais-je / Allez avale / rajoute-t-il / après plus de 10 ans de galère yéyés

Johnny fais-moi mal / avale Jean Sablon qui adapte Tennessee Waltz de Pee Wee King / avale Armand Mestral d’après Jambalaya d’Hank Williams / avale Annie Cordy d’après Cigarettes, whiskey and wild wild women des Sons of the Pioneers / avale Sacha Distel d’après Oh, lonesome me de Don Gibson / avale Richard Anthony d’après Five hundred miles away from home de Bobby Bare / avale Joe Dassin d’après City of New Orleans de Steve Goodman / fume Marie-Jeanne d’après Ode to Bille Joe de Bobbie Gentry / avale Michèle Torr d’après Rhinestone cowboy de Glen Campbell / lessive & whisky compris ! / Que du lourd ! / Sans compter Jason Blaine et Carole Laure / au pays d’érable / Zut vos yeux / – et vos oreilles !

à Dore l’Eglise / entre Lynn Anderson et Bill Monroe avec le fantomatique Blue grass boys / Merdre vos yeux / Un flic du genre texan / M’a dit tout en essuyant ses Ray-Ban / Mon gars t’es pas d’ici reprends ta selle / éperon ou étron ? / natif père d’Alain Delon / vu sur chemin de César / chasser chassie / bruit répétitif sur chemin / Eh dis donc David fils de pute / Harley David son of a bitch / Qu’est-ce que tu fous sur ma Harley ? / Ses vibrations te font de l’effet, hein ? / No country for old man avec la Dolly / shuss clape – clap de fin

[Musique] Nuits de Fourvière 2016, Lyon Polnareff a du nerf !

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Chloé Delaume a son jardin secret de goth avec Indochine, moi, c’est Polnareff – ce qui me valut les sarcasmes de Rodolphe, excellent sculpteur de crânes et commissaire d’expo telle qu’à la Demeure du Chaos, rencontré par hasard dans le métro. J’assume ! Moins chichiteux que Björk et Radiohead, Polni nous laisse nos coussins, spécificité des Nuits de Fourvière, qui seront amplement lancés au point, fait notoire, que Michou en prendra un dans ses mains en chantant en chœur avec le public, sur un karaoké désynchronisé à l’arrière, l’ultime On ira tous au paradis. Même les rangées de réservés, pour une fois pas hués, font la hola.

Après l’album studio de 1990, Kâma Sûtra (1989, Sony Music, composé au bar du Royal Monceau), avec le désormais classique Goodbye Marylou, ici réduit, avec des aigus squizzés, il y a eu deux albums live (Live at the Roxy, 1996 et Ze re Tour 2007, 2007), des compils (1998, 2003), le livre de 2003, la chanson inédite Ophélie flagrant des lits en 2006, la tournée triomphale de 2007 (avec un passage dans la région à la Halle Tony Garnier à Lyon et au théâtre antique de Vienne), l’inauguration in vivo de la PolnaExpo au MuPop de Montluçon (« Quand je me suis vu sur les photos, effectivement, je ne reconnaissais pas l’individu qui portait mes lunettes… »), l’autobio Spèrme (2016), le single numérique sorti en décembre, L’homme en rouge (qui évoque « la solitude de beaucoup dans ce monde, notamment à l’occasion des fêtes de Noël »), cible de railleries sur les réseaux sociaux, un album tant attendu pop rock et gai avec voix démultipliées, voix de tête, voix de reverb, claviers déments, chœurs et cordes, qui traîne (allongement du temps d’enregistrement au studio ICP de Bruxelles où officièrent, entre autres, Bashung et l’ « ami » Renaud: « j’aime faire des choses compliquées avec une écoute facile » ; l’humidité nuirait aux voix et aux doigts ; difficulté à trouver un bon climat pour l’auto-producteur ; des musiciens ne s’entendaient pas entre eux ; des ingénieurs du son ont dû être remplacés), Polni continue sa tournée de 70 dates (Epernay, Marne ; Bercy, Paris avec la controverse qualifiée d’ « accident industriel » suite aux révélations de l’hebdomadaire économique Challenges avec Gerra qui en rajoute une couche drolatique; le Zénith de Rouen ; plusieurs festivals comme les Vieilles Charrues, Carhaix ; les Nuits de Fourvière, Lyon, etc.).

       Après une bande son d’attente qui commença bien (Karma Police, Ok computer, Radiohead ; Teardrop, Liz Fraser, Mezzanine, Massive attack), une musique ringarde avec nappe synthé nous brise les oreilles. Dans la fosse, il y a 3 fans, dont un couple, en perruque blonde et lunettes blanches.

Sous la tronche iconique de Polnareff, sur l’écran et la grosse caisse, un compte à rebours, repris en chœur par le public, clignote sur les écrans « 10, 9, 8, 7, 6… ». Le septuagénaire peroxydé (moumoute ?), éternelles lunettes en montures blanches et carrées avec verres opaques inventées du temps des yéyés en 1968 par l’opticien parisien Pierre Marly pour le myope opéré d’une double cataracte, médaille dorée autour du cou, ceinture de boxer pour le biker bodybuildé et bedonnant, malgré une nutritionniste qui le suit partout, buriné sous le soleil de Californie à faire rougir Séguéla, costard noir et chemise blanche débordant en queue-de-pie, approche sous les ovations des tempes majoritairement grises. Il entonne La poupée qui fait non (1966, son premier carton qui le lança : « C’est une poupée qui fait non / Toute la journée, elle fait non / Elle est tellement jolie que j’en rêve la nuit.») puis Je suis un homme (« Les gens qui me voient passer dans la rue / Me traitent de pédé / Mais les femmes qui le croient / N’ont qu’à m’essayer (…) Je suis un homme / Quoi de plus naturel en somme / Au lit mon style correspond bien à mon état civil. »), créée contre l’accusation d’homosexualité à cause de son exceptionnelle voix de tête que reprendra son « pire ami » Obispo. Chargé d’anabolisants et ayant musclé son périnée, il est souvent en arrêt, jambes écartées, tel un jockey sortant d’un western, et micro renversé façon rockeur en transe, n’hésitant pas à appuyer l’effet.

Polni renoue avec l’« époque des débuts, j’étais l’Amiral, lié à ses moussaillons… Nous avions inventé notre langage ludique (merci se disait mer sea, bye-bye s’écrivait baille baille, on n’était pas OK mais au quai, etc.), avons vécu une expérience formidable, ludique, amusante. » (Interview de Polnareff par Philippe Manœuvre, qui a collaboré à un livre sur l’artiste, Polnareff par Polnareff, Rock and Folk, n° 584, 01/04/16, p. 62-69).

« Beaucoup de gens se plaignent qu’il n’y a pas de nouvel album mais, s’il y en avait un, cela ne changerait pas la construction du spectacle. Le public a envie d’entendre les chansons qui lui rappellent ses propres souvenirs », a expliqué le chanteur. Comme Monk, Coltrane ou Zappa le perfecionniste revient sans cesse sur son œuvre en la revisitant pour la parfaire. Ainsi « la version live 2016 de « L’Amour Avec Toi » n’a plus rien à voir avec l’original de 1966 ! Mais les bonnes chansons traversent le temps et les styles. La sauce change, pas le plat principal. » (Rock and Folk, n° 584, 01/04/16, p. 62-69). Si le tout est de bonne tenue, c’est la première fois que j’assiste à un massacre d’une chanson, Le bal des Laze, un désormais classique de la chanson française avec le laborieux Pierre Delanoë aux paroles (« Dans le château de Laze / Le plus grand bal de Londres / Lord et Lady de Laze / Recevaient le grand monde / Diamants, rubis, topazes / Et blanches robes longues / Caché dans le jardin / Moi je serrais les poings / Je regardais danser / Jane et son fiancé »), toute en dépouillement – qui fut un bide à sa sortie et interdit de radio à cause des pendus, par son compositeur et interprète, avec forces nappes synthés et guitares ainsi que les choristes en torsions ridicules et surannées sauce caricaturale Motown. Je me suis fortement esclaffé tout le long de la chanson. Si à l’époque, il lui fut préféré la face B, la chanson country blague, Y’à qu’un ch’veuY’a qu’un ch’veu sur la tête à Mathieu / Il n’y a qu’une dent, il n’y a qu’une dent / Y’a qu’un ch’veu sur la tête à Mathieu / Y’a qu’une dent dans la mâchoire à Jean. »), elle vire ici soit à la colo soit, vu les tempes grisonnantes, à Age tendre et tête de bois. Polni s’amuse comme un fou ! C’est communicatif.

C’est un show à l’américaine, scénographié par Thomas Dechandon. A l’arrière, trône un écran en polygone avec projo, me remémorant lointainement le dispositif quadriphonique de Pink Floyd pour la tournée au début des années 90 de A momentary lapse of reason. Des figures 3D vintage imitant les hologrammes dessinent un chêne centenaire sur Qui a tué grand’ maman, une femme anamorphosée pour Goodbye Marylou. 2 claviers dont Nick Smith, 2 batteries (dont une avec percus, le seul Français de la troupe, Mino Cinelu, qui se donna à cœur joie pour un laps exotique ; Virgile Donati). Outre les deux derniers nommés, deux autres survivants de la tournée 2007 – c’est dire si ils sont bons tant le perfectionnisme de Polni est connu – s’activent, Brad Cole, chef d’orchestre et claviers, et Tony MacAlpine à la guitare, bras droit de … Steve Vai, qui fait le jam, avec Freddie Fox dans les électriques Dans la rue, Tam tam (l’homme préhisto) (Bulles, 1981), Tout, tout pour ma chérie (1969), plus réussie que lors de la tournée 2007, présentés avec de bizarres enchaînements, un long interlude de guitares heroes de variet’ , un peu ridicule, pour Smoke on the water de Deep purple – où les croulants se ridiculisèrent à le rejouer à Montreux cette année avec le fils de Zappa qui s’en est pourtant bien sorti, permettant à Polni de se faire la malle, ou encore Purple rain de feu Prince au milieu de Je t’aime. Pas de Radio ! De temps en temps, les intermittents s’activent dans la pénombre pour amener un piano à queue où Polni laisse majestueusement jouer ses doigts boudinés à la Fats Domino en voulant parfois démontrer en force sa virtuosité (Love me, please love me, l’un des « saucissons » ou tube, mot de Prévert, de 1966 grâce au sorcier d’Europe n°1, Lucien Morisse, terminé suicidé : « Devant tant d’indifférence / Parfois j’ai envie de me fondre dans la nuit / Au matin je reprends confiance Je me dis, je me dis / Tout pourrait changer aujourd’hui ») mais laissant toujours transparaître son plaisir de jouer. 4 choristes sur tabourets de bar(fly) dont 3 femmes noires aux longs cheveux ondulés, 1 canadienne de Vancouver – Polni se trompant sur sa localisation tout comme, ensuite, dans la présentation où il omet le bassiste malgré nos insistantes demandes, 2 de LA. Il insiste lourdement sur le mec.

Il faut dire que le décontracté Polnareff ne manque pas d’humour, notamment en jouant, tout en finesse digne de Bigard, sur le chiffre du département ou en insistant sur son nouvel album alors qu’il s’agit d’un défilé de ses anciens tubes. Se détache un Polnareff très généreux, frisant parfois avec le mauvais goût voire la vulgarité. Malgré sa légende tenace et ses casseroles, Polni n’a pas les nerfs sur scène. Toutes les facettes du personnage, authentique bien que show-biz, sont là. Re-à poil. A prendre ou à laisser.

       Avec ce best-of réorchestré d’1h45, les mélodies sont impeccables, les arrangements musclés, la voix de tête miraculeusement conservée. Seul regret : la limitation des aigus, notamment pour Lettre à France (1977) où l’introduction a carrément disparu : « Depuis que je suis loin de toi / Je suis loin de moi / Oui, j’ai le mal de toi parfois / Même si je ne le dis pas, je pense à toi tout bas. »).

Malgré des gouttes de pluie pour l’attente, nous pouvons dire que nous avons entamé les Holidays (paroles : Jean-Loup Dabadie, désormais académicien). S’il se sent français à LA, il capte encore bien l’esprit du temps : « J’ai le sentiment de voir un pays qui perd un peu son identité » déclare-t-il justement à propos de la France au Figaro (interview de Bertrand Saint-Vincent, Le Figaro, n° 22290, Le Figaro et vous, 09/04/16, p. 28).

[Expo] WieBo oui : let’s dense !

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Introït

Une exposition remarquable, venue du Victoria and Albert Museum (V&A ; commissaires : Victoria Broackes et Geoffrey Marsh, directeur du département « Spectacle vivant » ; mise en scène : agence Clémence Farrell ; éclairages : Atelier Audibert) à Londres et adaptée à la sauce française (là-bas : plus mode et design ; ici : plus musical ; 100 mètres de moins ; plus de recul pour apprécier les visuels, ambiances moins confinées mais parcours plus labyrinthique ; salle finale moins impressionnante que l’effet cathédrale au V&A ; sous-titrage des vidéos, traduction de tous les textes ; coin rajouté sur le rapport entre Bowie et la France), dans un nouveau lieu, un étron comprimé, imitation Frank O. Gehry, entre deux blocs de béton avec fonte d’alu en jeux de lumière, La Philarmonie de Paris, flanquée d’une étrange attèle rouge. Les travaux continuent. L’entrée avec ses pics au plafond laisse songer en des temps pompidoliens éloignés et démodés. A l’instar de Nouvel, je me suis demandé également si un procès pouvait être diligenté concernant la signalétique indigente où il est de bon ton de ne pas indiquer où est la billetterie, agrémentée d’un panneau « guichet fermé », quoiqu’ouverte, alors que nous tentions de prendre un billet. Des filles avec un anneau dans le nez, des filles qui ressemblent à des garçons et réciproquement, des acteurs-trices, des fans de la première heure et les générations suivantes, des John Do pas Jones, etc. Présent dans les starting-blocks le dernier jeudi à 11h, 15 mn de queue. Le catalogue de l’expo, traduit par Jérôme Soligny, écrivain, musicien, compositeur pour Etienne Daho et journaliste havrais, est déjà épuisé. Autre indice : le millionième visiteur a été repéré le 5 mai à Paris. L’heureux fan, un instituteur niortais, reçoit en cadeau le catalogue d’exposition dédicacé The man who sold the world par David Bowie en personne. En dernière ligne droite, les horaires étendus à minuit.

Pourquoi ce succès ? Si le risque est l’iconisation (nombreuses citations ; mouchoir en papier portant la marque du rouge à lèvres de la star sauvé de la tournée Diamond Dogs en 1974 ; la fiche anthropométrique, face et profil, du matricule 59.640, prise par la police de Rochester (USA), le 25 mars 1976, date à laquelle Bowie fût arrêté pour détention de cannabis puis rapidement libéré ; le trousseau à clefs de David & Iggy à Berlin en 1977 au 155, Hauptstrasse ; une cuillère à coke ; un croquis sur un paquet de Gitane éventré, etc.), trait de notre époque, David Bowie est, comme Hitch, « la toile blanche sur laquelle nous dessinons nos rêves » selon le sociologue britannique Simon Frith. Le caméléon parle à tout le monde grâce à la culture pop et à l’interdisciplinarité, faisant feu de tout bois en captant ses diverses époques. Une des rares personnes à faire bouger les lignes, comme il est dit aujourd’hui, en surfant sur de véritables transgressions, pas celles serinées actuellement aux Beaux-arts.

Bowie is. This is it (M. Jackson): les identités. It = ileli, bien avant la théorie des genres (cf. Oscar Wilde, Jean Genet que Bowie a rencontré et fêté dans The Jean Genie d’Aladdin Sane, Devine chez Waters, etc.). Coup de tonnerre : silhouette élégante, David Bowie, affirme en 1972 sa bisexualité au magazine Melody Maker. 3e sexe : la (post-) modernité est décidément androgyne. L’intitulé concernant l’expo Hugo à la BNF pourrait être également appliqué : « L’homme-océan ». Ou alors The world of David Bowie comme le titre de sa première compilation, en mars 1970 chez Decca.

Un nouveau concept d’expo déjà entrevu à Starwars identities ; mais ici, c’est plus grand et nettement moins cher. La thématique n’est pas éloignée. Bowie a exploré avec une hyperactivité créative, jusque dans ses excès, les recoins de ses diverses identités (homme/femme/3e sexe/extraterrestre ; les avatars : Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Halloween Jack, The Thin White Duke, Nathan Adler). Un système de casques est distribué. La société allemande Sennheiser a mis au point le système : « Chaque boîtier contient un identificateur qui reconnaît les ondes transmises dans les différentes salles, explique Robert Généreux, directeur commercial de la marque. Quand vous bougez, le signal s’éteint, et le suivant se déclenche. » L’avantage est le côté immersif. L’inconvénient est de tomber sur des autistes qui gueulent leurs impressions, voire chantent faux, vous percutent car absorbés par l’audio au point de devenir aveugle. En outre, entre le son de la salle et celui du casque, qu’il est possible toutefois d’enlever, le tout peut se révéler cacophonique en simultané. D’autre part, l’ajout proliférant d’adjectifs ou noms en rouge n’ajoute absolument rien, voire brouille le message.

A l’entrée, nous tombons nez-à-nez avec une performance drolatique du couple mythique Gilbert & Georges avec english humour : le thème de l’identité est posé, l’anglais avec son excentricité, la question de la sexualité. Le costume taillé par Yamamoto (Kansai pas Yoji), une combi Tokyo Pop (1973), inspiré du théâtre Kabuki, qui ressemble tant à un disque vinyle qu’à un clown blanc à rayures, sert d’enseigne de l’expo, outre l’éclair d’Aladdin Sain de Brian Duffy, de la même fournée – qui n’a d’ailleurs jamais été porté en tournée. Ce sera notre oncle Ronald pour celui qui est coté en bourse ! Pour situer à quel niveau de maigreur le workaholic se trouvait alors : il n’a pas été possible de faire rentrer « la brindille », Kate Moss, lors d’une récente séance de photo, dans le costume d’Aladdin Sane ! Bowie avait découvert le travail du nippon lors du défilé londonien du créateur en 1971, très théâtral et remarqué. Il s’agissait au départ d’une création pour femme. Mais « Bowie ne laisse jamais les idées des autres ni les normes sociales interférer avec ce qu’il veut faire », souligne Victoria Broackes. « Bowie représente une idée de liberté : être qui l’on veut, s’habiller en homme ou en femme, être homosexuel ou hétérosexuel, c’est un message extrêmement important et libérateur ».

So young

La première pièce cause jeunesse dans le contexte historique et social de l’Angleterre de l’après-guerre avec la grisaille de l’époque et ses maisons détruites avec tickets de rationnement : la pupille gauche dilatée (les yeux ne sont donc pas vairons, voyons !) à cause du coup de poing de son copain George Underwood à l’âge de quinze ans, le passage du quartier défavorisé de Brixton à l’upper class, le déménagement du jeune photogénique à la branchée Soho en faisant le tapin (The London Boys, une chanson sur la drogue, l’aliénation, la compétition), devenir connu pour ambition, il pastiche l’acteur et chanteur maniéré Anthony Newley, il traîne dans divers petits groupes (une publicité en 1966 pour l’un de ses premiers groupes, Kon-rads avec sa tenue « mod » avec cravate et costume de velours en gardant une coiffure années 1950 ; le show théâtral de Riot Squad avec maquillage à la Arthur Brown dont il fit souvent la première partie ; jouer du sax, bottes hautes et chemises froufroutantes, cheveux longs et vestes de tweed, lorgnant côté Pretty Things ou Downliners Sect avec la morgue rhythm’n’blues en sus dans King Bees ; Manish Boys ; Liza Jane, qui ne devait plus rien au gospel qui l’a inspiré, digne des Kinks au sein d’un groupe nommé Lower Third, chanson reprise aux USA pendant la tournée Reality sur le riff détourné de Smoke on the water de Deep Purple, etc.) dont il maîtrise l’image (croquis de tenue de scène d’un groupe du début, Delta Demons : dessins de costumes, des esquisses de décors), l’apprentissage du mime et du théâtre avec Lindsay Kemp, avec qui il couche tout en mettant les bouts avec sa maquilleuse et sa costumière Natasha, rencontré grâce à Twink, le batteur fou des Pretty Things, la revendication de pouvoir porter des cheveux longs (à la tv à 17 ans, cravate op art et coiffure à la Marriott, pour défendre la Société contre la cruauté envers les chevelus ; cf. plus tard La coupe à 10 francs, Philippe Condroyer, 1975). Tout y est : do 7e majeur, suspendus, descentes de basse chromatique et inversions, le modal siphonnés des Beatles ; mélodies fortes sur des harmonies outrées ; la spécificité bowienne est le travail fin des transitions, des ponts, le travail de la voix de tête et, avec l’âge et la clope, de la voix de poitrine en modulant sur une longue colonne d’air.

Contexte familial : ses tantes Una, Vivienne et Nora ont subi des internements, des électrochocs et des lobotomies ; sa mère, Peggy, ouvreuse de cinéma, avouait volontiers être « folle ». ; le père, un héritier, dilapide le patrimoine d’une fabrique familiale de chaussures du Yorkshire en se rêvant patron de night-club. Le demi-Frère ? Terry Burns, le bien nommé, de dix ans son aîné, étiqueté schizophrène, s’échappe d’un institut psychiatrique du Surrey pour finir, en 1985, par aller s’allonger sur des rails de chemin de fer. Jump, they say (Black tie White noise », Savage, mai 1993, LP produit par Bowie et Nile Rodgers ; un disque que ma mère m’avait offert en référence à mon cousin, qui lui-même sera tardivement diagnostiqué schizophrène, amateur de Bowie). L’évocation était déjà présente dans All the Madmen (The man who sold the world, 1971). L’influence de Terry a été déterminante. Il fut le premier héros du jeune Bowie. Musicalement, il a fait découvrir à 13 ans les clubs de jazz et de rock londoniens, l’énergie du live. En littérature, il l’a introduit aux poètes de la beat generation, ces Allen Ginsberg et William Burroughs, que Bowie côtoiera plus tard. Mentalement, il l’a initié à l’instabilité psychique. « C’est un homme venu de nulle part, appelé David Jones, probablement le nom le plus commun que vous pourriez avoir en Angleterre, qui est devenu une superstar. Ses hauts et ses bas, la façon dont il a travaillé pour se développer sur le plan artistique, musical et personnel, il y a beaucoup à apprendre de tout cela », explique Victoria Broackes. Elle rajoute : « Ce n’est pas seulement une histoire créative, mais une histoire démocratique d’ascension sociale, qui parle au commun des mortels. »

Des vitrines multimédias en 3D composent des tableaux mobiles et musicaux avec incrustations d’objets (guitare Framus à 12 cordes, saxo blanc en plastique du même type que celui de Charlie Parker, un blouson vert). Bowie déclare : « Cela aurait pu tourner autrement, j’aurais pu devenir Elton John ». Disons-le, David Robert Haywood Jones était un petit kéké à chapeau ou wanna be qui a réussi grâce à son intelligence et à ses rencontres. Il avoue lui-même dans une interview qu’il faisait exprès de glisser des livres dans sa poche pour frimer en intello ; sauf qu’il finissait par les lire. Sa grande influence est non pas Elvis mais le génial et oublié Little Richard qui s’est reconverti en prêtre malgré ses tenues folles d’antan.

Le spectateur s’esquiche en file indienne pour espérer lire les légendes avec des pièces disposées un peu en fouillis. Cafoutche et auto tamponneuse ! Là : une lettre du 17 septembre 1965 dans laquelle il annonce à son manager son changement de nom : M. Jones devient Docteur Bowie en référence au couteau à deux lames de James Bowie, mort à Fort Alamo ; il se démarque ainsi de Davy Jones, le chanteur des Monkees, un groupe de pop US passé aux oubliettes. De façon générale, la légende française est difficile à relier avec la pièce tant les objets sont nombreux (300, soit 120 caisses, piochés dans plus de 70 000 documents, dont au moins 60 000 photos, à 95 % extraits d’archives personnelles du méthodique Bowie, The David Bowie Archive, où une personne est affectée spécialement) ; pire pour les indications anglaises, bien du plaisir !

Major Tom pousse

Une vraie éponge, voire un opportuniste, comme Picasso ou Andy. Bowie a une propension, jugée fâcheuse par certains, à voler au secours de ses idoles, en plus ou moins bonne posture, artistique ou financière. Ainsi, il a produit (avec Mick Ronson) Transformer de Lou Reed, All The Young Dudes de Mott The Hoople (pour qui il a également signé la chanson-titre de ce LP) et Raw Power d’Iggy And The Stooges. Ses influences : le Velvet (voir le « test pressing » du premier disque du Velvet Underground and Nico, offert en 1966 par Andy Warhol qu’il rencontre en 1971 à la Factory, fiasco mondain où l’icelui est qualifié par l’anglais de « poisson froid », accusation dont il fait également l’objet : quand Bowie lui joue en acoustique son « Andy Warhol » (Hunky Dory, RCA, décembre 1971, LP produit par Ken Scott, un ingé son des Beatles, et David Bowie), le pape du pop art pète les plombs: « Il avait envie de rentrer sous terre ; je pense qu’il s’est senti dénigré dans la chanson… ») et la faute à Dylan. Il invente des processus de création, ses textes manuscrits de chanson comportant assez peu de ratures, parfois avec une écriture de bon élève, selon son état.

Ce sont les images du premier voyage sur la Lune de la mission Apollo 11 et de la Terre vue du ciel, qui vont faire décoller sa carrière. Il écrit alors Space oddity, en résonance au film 2001, l’Odyssée de l’espace (2001: A Space Odyssey, 1968) de Stanley Kubrick. La partoche est présente ! Accompagnant les images de l’alunissage qui tournent en boucle sur la BBC quelques mois après le début de la mission Apollo, le titre aux évocations spatiales va, après du temps pour s’imposer, connaître un immense succès. L’affiche du film est ici, nous planons. Le clip n’est pas encore inventé même si le scopitone existe, le mime fait fureur : Major Tom décolle, Bowie est en orbite. L’opportunisme de Space oddity a déplu à Tony Visconti, l’ami américain, qui a refusé de le produire. Tant pis, il accédera au Top 5 anglais. Le fond de la couverture de l’album est emprunté à Vasarely (op art ou art cinétique), que Bowie rencontra, qui me berça à Aix-en-Provence outre les magouilles du doyen Debbasch. Plus loin, le jeune publicitaire Bowie s’amuse à détourner l’image de la pochette des Beatles, Sgt pepper’s lonely hearts club band.

Si les connexions entre arts sont constantes, selon le principe de Lavoisier que rien ne se perd et tout se transforme « Son œuvre est très interconnectée avec elle-même, poursuit Victoria Broackes. Par exemple, dans l’expo, on peut voir le croquis du dos de la pochette de « Space Oddity », son deuxième album. Dessinée par la main de Bowie, y figure l’image d’un clown blanc à côté d’une vieille dame. Des personnages (l’Auguste d’Halloween Jack, costume créé par Natasha Korniloff) et une situation que l’on retrouvera dans le vidéoclip de « Ashes to Ashes », dix ans plus tard. Les idées cheminent dans l’esprit de Bowie, qui ne se contente pas de produire une chose après l’autre : ses créations relèvent d’un cortex sophistiqué et aux ramifications multiples ». Les connexions apparaissent alors comme des évidences : la proximité des pochettes de Heroes et de l’album The idiot d’Iggy Pop, les passerelles subliminales derrière les visuels de Scary monsters ou de The next day » avec son carré blanc que nous décrit son concepteur graphique.

L’odeur des sixties et du Swinging London est palpable pour l’ancien résident au Marquee (Blow Up, Michelangelo Antonioni, 1966). John Stephen, l’arbitre des élégances et son His Own Clothes à Carnaby Street plein de pantalons rouge sang, de turtleneck lilas et des shoes de daim gazon trouvés chez les gays new-yorkais ou italiens. Les affiches de concerts, un petit dessin bouddhiste, émouvant, placardé dans sa mansarde, les pochettes originales, le graphisme étant capital chez Bowie, contrôlant tout de A à Z. La guitare Gibson Les Paul, popularisée par Link Wray luit de mille feux.

Ziggy et alii

L’ensemble molletonné de Ziggy Stardust, réalisé par Freddie Buretti, un artiste rencontré dans la boîte gay, Le Sombrero, accentue, en 1972, la posture androgyne de Bowie qui était ici inspirée par le Droog Alex (Malcolm McDowell) d’Orange mécanique (A Clockwork Orange, S. Kubrick, 1971, d’après un texte de l’inventeur langagier Anthony Burgess). D’où la signalétique constamment orange.

Changeant totalement de look et multipliant les déclarations tapageuses, Bowie pique sans vergogne à Vince Taylor, à l’enseigne Ziggy dans l’East side. L’et, aux cheveux rouges, grâce à la femme de Mick Ronson, à l’ensemble veste-pantalon ajusté avec des bottines rouges à lacets, une guitare bleue, des ongles vernis de blanc, devient l’idole des teen-agers anglais, à l’instar de Marc Bolan de T. Rex, avec qui il travaillera (affiche du concert de Tyrannosaurus Rex, dont Bowie assure une première partie avec un spectacle de mime façon Marceau en soutien à la cause tibétaine ; dans leur seul enregistrement officiel, il couche un solo dans The prettiest star, Mercury, juin 1970, 45T produit par Tony Visconti, même si l’ambiance n’était pas au poil aux studios Trident ; lorsque, trois ans plus tard, Bowie réenregistrera la chanson avec les Spiders from Mars pour Aladdin Sane, Ronson dupliquera le solo de Bolan à la note près) avant de se brouiller. Ziggy évolue, avec son groupe rebaptisé les Spiders from Mars, dans des décors réalisés par George Underwood, au rythme des chorégraphies de Lindsay Kemp et dans des costumes extravagants de Natasha Korniloff (« l’ultraviolence en tissu liberty »). Une émouvante photo avec un Bowie en bleu électrique, cheveux rouges et platform boots en vinyle, qui chante Starman à la télé anglaise pour Top of the Pops le 6 juillet 1972 en tenant par l’épaule le regretté guitar heroe mort d’un cancer du foie, Mick Ronson : Bowie fédère dès lors les adolescents mal dans leur peau, les parias, les hétéros frustrés, les gays refoulés ou non et tous les déprimés, pour qui il devient un dieu. Il plonge alors la pop dans « une ère faite de mode, de théâtralité et de sexe ». Dès le lendemain, raconte Marc Almond, l’ancien leader de Soft Cell, tout le monde se demandait dans la cour de récréation « s’il était queer parce qu’il avait aimé ce Starman androgyne ».

Bowie tue Ziggy Stardust au sommet de sa gloire dans un mythique concert à Londres, dans un Hammersmith Odeon sold out, le 3 juillet 1973 où le public admire une avalanche de satin, de soie, de couleurs flashy, de maquillages outranciers, de chaussures à semelle compensée et de poses équivoques. David Buckley dans la biographie fouillée David Bowie, une étrange fascination, explique : « Le petit garçon de 3 ans s’est découvert une fascination ‘contre nature’ pour la trousse de maquillage de sa mère. « On aurait dit un clown, déclarait Peggy, sa mère, en 1985. Quand je lui ai expliqué qu’il ne devait pas se maquiller, il m’a répondu : ‘Tu le fais toi.’ J’ai dit oui, mais que ce n’était pas pour les petits garçons. » ». Les gays sortent du placard (John i’m only dancing) à qui il fait un clin d’œil en mimant le sexe oral avec la guitare de Mick Ronson. Qui sait que Jeff Beck a joué (The Jean Genie, Love me do, Round And Round), bien qu’absent du film de DA Pennebaker (Ziggy Stardust and the spiders from Mars, 1973)? La qualité de son jeu ou sa tenue ce soir-là en seraient la cause, mais la pingrerie du manager Defries était telle qu’il est fort possible qu’ils ne se soient pas mis d’accord sur le salaire que le musicien devait obligatoirement percevoir pour sa participation à un concert filmé.

       Derrière une vitrine, Bowie fait encore scandale en apparaissant trois fois en travesti dans le clip drolatique Boys keep swinging. Un très beau costume noir sobre avec chaussures à talons discrets, le tout n’aurait pas été renié par YSL. « Ladies and gentlemen and others ». Une tenue stricte portée lors de la remise d’un Grammy Award à Aretha Franklin, dont il ne se sentait pas digne, à l’Uris Theatre de New York le 1er mars 1975 : https://www.youtube.com/watch?v=xUu-_F9vWnk . Et un Hamlet sans casser les œufs avec crâne comme vanité au pied.

Le glam avant la tempête

Passons au glitter ou glam. Un mix remarquable empiète sur les chants au casque. Trop de db sur DB ! Au passage, I’m afraid of americans » (album Earthling, 1997 où Trent Reznor de Nine Inch Nails, dans un remix, zone et file à donner des sueurs froides dans le clip boosté de Dom et Nick) avait été mis à fond lors du 11 septembre 2001, date d’ouverture dudit XXIe siècle, avec The star-spangled banner repris par Jimi Hendrix. J’aurais pu mettre à fond aussi This is not America avec le guitariste de jazz Pat Metheny et son acolyte pianiste, Lyle Mays, extraite de la BO du film de John Schlesinger The Falcon And The Snowman (Le jeu du faucon, 1985). Bowie côtoie nos vies et l’histoire avec sa grande hache aspirée. Des costumes de Yamamoto, avec force kimono avec, au dos, David Bowie en idéogrammes, le styliste témoignant avec un atroce collier corail et une veste multicolore à faire rire. Beaucoup de costumes ont été créés à une période par Buretti. Un clip dada avec Joey Arias et Klaus Nomi au chœur, repéré comme mannequin vivant dans une vitrine de magasin, pour un Hypnotic performance au SNL (1979). Engoncé dans son costume de Brooks Van Horn inspiré du Cœur à gaz de Tzara mélangé avec la géniale Sonia Delaunay, les deux folles robotiques aux voix d’or transportent Bowie jusqu’au micro … Le génie côtoie le ridicule : ils y vont à fond ! (« The man who sold the world » : https://vimeo.com/49104160). J’avais découvert cette chanson grâce à la reprise de Nirvana dans leur célèbre MTV Unplugged à New York en 1994.

Le plus impressionnant est le verbasizer, un logiciel développé spécialement pour Bowie dans les années 90, générant des phrases aléatoires : il pioche au hasard dans les 5 colonnes lors de ses concerts. Il retrouve ainsi le cut up de Burroughs (voir le manuscrit de la chanson Blackout sur Heroes, RCA, octobre 1977, LP produit par Bowie et Visconti ; un moment, il pose lors d’un shoot – photo ! – avec un jean grunge devant une photo en noir et blanc de lui avec le pape du beat). Interconnexion, encore et toujours.

Passés une lettre d’hommage (1976) d’Elvis, bourré d’amphét’ avec couronne hawaïenne, à Bowie, des échanges entre Bolan et Bowie, des scénos de Baal d’après Brecht (téléfilm diffusé en 1982 par la BBC ; cf. Volker Schlöndorff, 1970 avec Rainer Werner Fassbinder) dans une fraîcheur toute rimbaldienne teintée de romantisme allemand. Sa veste anthracite de 1982 (Baal, RCA, février 1982, EP de 5 chansons, produit par Visconti et Bowie) repose sur une table. La photo de Lily Marlène façon Harcourt. Une belle fille se trouve mal et se repose sur un trop rare siège. Un storyboard arty d’un projet inabouti autour d’Hunger City. Baste, elle rate le costume de l’Union Jack lorsque Bowie a sollicité le génial et regretté Alexander McQueen, alors jeune diplômé de la Saint Martins School de Londres, pour cette création portée sur la tournée Earthling en 1997. L’artiste a été inspiré notamment par la veste aux couleurs du drapeau britannique de Pete Townshend des Who. « Il a mélangé une esthétique très punk, ces déchirures, ces brûlures de cigarette, avec cette tradition du tailleur britannique classique, ce qui est très Bowie », commente Victoria Broackes. « A l’époque, Alexander McQueen n’était pas encore très connu du grand public. Mais Bowie a toujours su travailler avec les gens les plus extraordinaires et intéressants ». Arrêt sur musique : Earthling (aux manettes Reeves Gabrels et Mark Plati, 1997) est l’album enthousiasmant, mis en boîte à New York aux studios Looking Glass, qui m’a fait redécouvrir un énième Bowie en revisitant son album complémentaire Outside (BMG, septembre 1995, LP produit par David Bowie, Brian Eno et David Richards ; encensé par Françoise Hardy ; le tripal A small plot of land, le liquide et crooner The motel, l’ambiancé d’Eno pour Wishful Beginnings, I’m deranged choisi magnifiquement par David Lynch pour l’ouverture sidérante de Lost Highway, 1997) dont la pochette est peinte par Bowie himself. Le concept était inédit : l’album était, sur internet, découpé en segments dans chaque chanson, un studio virtuel était reconstitué et chaque internaute pouvait composer son album. Comme Pete Gab’, Bowie et les NTIC. Toujours avec un déclic d’avance, la critique a été désarçonnée face à cet album jungle-drum’n bass. Les délires guitaristiques et claviéristes rappellent le piano rock de Mike Garson de la chanson-titre sur l’album Aladdin Sane. J’étais tellement aux anges que je voulais voir la tournée de Bowie mais c’était à Toulon dont la mairie était FN à l’époque. Ethique de conviction.

A côté, le costume toile d’araignée à fausses mains inventé par la costumière Natasha Korniloff en 1973, arboré par Bowie lors d’un spectacle diffusé sur la télévision américaine, deux mains dorées viennent recouvrir la poitrine. Composé d’un filet noir évoquant une toile d’araignée révélant largement le corps, cette tenue comportait à l’origine une troisième main sur l’entrejambe. Mais jugée indécente par la chaîne, cette main a finalement été remplacée par une sorte de legging. A côté des maquettes de la tournée, la censure rôde dans Diamond dogs où le sexe aurait dû apparaître sur la pochette de l’album, planche contact à l’appui. D’ailleurs, la dystopie, hantée par l’expressionisme de Metropolis (Fritz Lang, 1927), dont l’affiche est présente, Diamond Dogs (RCA, mai 1974, LP produit par David Bowie, mixé par Tony Visconti), avec Halloween Jack, est né du refus des ayants-droit d’adapter 1984 de George Orwell. Censure aussi sur le papier peint Laura Hashley dans les années 90 où Bowie tenait à représenter des sexes en dessinant des personnages ! L’artiste est aussi protéiforme que le génial Kurt Schwitters, du design papier à en-tête jusqu’au metzbau en passant par la marqueterie, la poésie sonore ou écrite, les collages et tableaux. Un artiste à part entière, un adepte du rock théâtral et de la performance au même titre qu’Alice Cooper.

Ciné, théâtre, mime

Une salle projette des extraits de films, où Bowie se révèle meilleur qu’Elvis mais n’apparaît pas comme un immense acteur.

L’homme qui venait d’ailleurs (The man who fell to earth, Nicolas Roeg, 1976, adapté d’un roman de l’Américain Walter Trevis, L’Homme tombé du ciel, 1963), où David Bowie incarnait de façon plaisamment étrange, Thomas Jerome Newton (cf. le pendant féminin Scarlett Johansson en The Female dans Under the Skin, Jonathan Glazer, le film le plus important de 2013), vu à l’Institut Lumière. C’est en regardant Cracked Actor, le documentaire d’Alan Yentob sur la tournée Diamond Dogs, que le cinéaste Nicolas Roeg a eu l’idée de faire appel à David Bowie. Ce film est important car il contribuera au processus de reconstruction amorcé par l’artiste dès 1975. Conscient que pour échapper aux abus qui lui détruisent la santé il va devoir regagner l’Europe, Bowie utilisera l’album Station to station comme véhicule. Pour la scène, il va inventer un nouveau personnage, le fameux Thin white duke, qui doit beaucoup à l’extraterrestre du film. Bowie mettra une photo de Thomas Jerome Newton en couverture de l’album et de son successeur (Low en 1977). A la fois perdu et déterminé, le Thin white duke, comme Newton, porte un costume sombre (avec ou sans veste) sur une chemise blanche et va tout mettre en œuvre pour échapper à son destin. Aussi, parce qu’on lui refusera la possibilité d’en signer la bande originale, Bowie virera son manager d’alors et trouvera l’équilibre, notamment budgétaire, en présidant à son destin. Enfin, et même si très peu de ce qu’il avait enregistré pour le film avec Paul Buckmaster s’est retrouvé sur Low (quelques pistes du morceau Subterraneans), il est possible d’affirmer que les faces B des deux premiers albums du triptyque européen, sous influence krautrock, doivent leur caractère de musique de film à The man who fell to earth.

En 1983, en voie de starification globale assumée, David Bowie publie en avril l’album commercial Let’s dance que Nile Rodgers-l’homme-qui-touche-de-l’or-avec-sa-basse (de Chic à Daft punk), produit avec bisbille en sus avec Stevie Ray Vaughan. Avant de partir en tournée mondiale marathon, Bowie passe par le festival de Cannes pour le rôle du Major anglais Jack ‘Strafer’ Celliers, avec une scène de mime lourde dans sa geôle, tout comme celle de ses débuts projetés à côté (que Cassavetti juge, à juste titre, neuneu dans The mask (a mime), de 1969, dans lequel David joue le visage blanc) dans Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence, 1983, le transgressif, politique et colérique Nagisa Ôshima avec la célèbre musique de Ryûichi Sakamoto, leader de Yellow magic orchestra, et une des premières apparitions de Takeshi Kitano). Lors de la tournée Serious moonlight tour, il s’inspire du personnage de Celliers : la chromie légèrement passée et dominante du film (le beige des uniformes, le gris-vert de la forêt, l’orangé du sol) va se retrouver dans les costumes pastel portés durant la tournée et l’éclairage de la scène, bien plus chaud que les néons crus.

Le voici en Jareth the Goblin King, « Your eyes can be so cruel, just as I can be so cruel » dans le dispensable Labyrinthe (Labyrinth, Jim Henson, 1986) produit par Lucasfilm, loin du magique Dark crystal (The dark crystal, Jim Henson, Frank Oz, 1982, revu en copie 35 mm à un Epouvantable vendredi à l’Institut Lumière avec le prince du mauvais genre, Fabrice Calzettoni, en présentation). Une musique écrite par Bowie.

Le kitschissime Absolute beginners (Julien Temple, 1986), d’après un roman culte de Colin MacInnes avec cette épouvantable chanson-titre enregistrée à Abbey Road avec, pourtant, l’excellente chanteuse Sade en duo, qui tournait sans cesse à la radio jusqu’à la saturation. Digne d’une prestation d’Elvis, hum, bon, né le même jour, un 8 janvier.

Sollicité par l’artiste/réalisateur Julian Schnabel (Basquiat, 1996), Bowie interprète Warhol jusqu’à porter, sur le tournage, perruque, lunettes et blouson ayant appartenu au maître de la Factory.

Plus surprenant, alors que Ashes to ashes cartonne, un extrait de la pièce The Elephant Man à Broadway, carton d’invit’ à l’appui, où Bowie se révèle sidérant en Merrick, figure qui est également visible dans Under the skin (Jonathan Glazer, 2013). La lettre d’hommage de John Hurt, excellent dans Elephant man (The Elephant Man, David Lynch, 1980), à Bowie est émouvante. Sont exposés l’austère pagne en bure porté au théâtre pour « The elephant man, les modestes sandales portées dans La dernière tentation du Christ (The last temptation of Christ, 1988) de Martin Scorsese.

Clips clac

Perclus de fatigue, je me hisse à l’espace clips. Là, des diffusions de clips sur écrans à l’ancienne, selon votre disposition physique sur l’échiquier. Des gens se disposent inévitablement devant moi, je les hèle à la main. Une masse façon banquier Stern sans latex, une nana sévèrement lookée se déhanche.

Le clip de DJ (musique d’Eno et Carlos Alomar, sur Lodger, RCA, mai 1979, LP produit par Bowie et Visconti), que je ne connaissais pas, assez simple, dans une rue où Bowie se fait rouler des patins par les deux sexes, à l’improviste, à Londres.

Où l’on apprend que lors d’Ashes to ashes (Scary monsters), le clip le plus cher de l’époque avec force couleurs solarisées et noirs et blancs, des gens ont été recrutés à la va-vite dans un night-club pour jouer sur une plage. Steve Strange, du groupe Visage, mort récemment, et les Blitz kids de Berlin y apparaissent avec bulldozer dans le dos. Major Tom se révèle junkie.

Le clip de David Mallet pour l’insupportable Let’s dance, avec Bowie fringué en homme d’affaire Mugler, en mémoire de son pitoyable groupe Tin machine lors de sa traversée du désert (Tin Machine,       EMI, mai 1989, LP produit par Tin Machine et Tim Palmer ; Tin Machine II, Victory Music, septembre 1991, LP produit par Tin Machine, Tim Palmer et Hugh Padgham). Jump they say (Black tie white noise) avec son look de salaryman (il venait de se marier avec la mannequin Iman Abdulmajid qui lui fit rencontrer Al B Sure pour la chanson-titre de l’album). Au passage, une reprise du Moz Morrissey (I know it’s gonna happen someday) est à tomber. Un remix Fame ’90 clippé par Gus Van Sant, paru en single en 1990 à l’occasion de la sortie de la compilation ChangesBowie.

Je chante les basses sur Hallo spaceboy (Earthling) remixé par Pet Shop Boys, une redécouverte très enfouie. Du même album, Floria Sigismondi se colle le speed Little wonder avec un luciférien Bowie dans son costume noir présenté à côté : délire assuré. Dans un autre clip de l’icelle sur The stars (are out tonight) (The next day, ISO, mars 2013, LP produit par Bowie et Visconti et enregistré à New York), digne d’un film, avec crédits au générique (comme Thriller de John Landis avec M. Jackson le 02 décembre 1983), Tilda Swinton, le pendant physique de Bowie, pète les plombs avec les cheveux explosés tout en coupant une volaille façon Massacre à la tronçonneuse.

L’artiste Tony Oursler, vu au Jeu de Paume, aux commandes du clip de la chanson lente au refrain sépia We are we now (The next day), avec les retrouvailles avec Berlin (Potsdamer Platz, KaDeWe) tourne dans la tête avec persistance. Voilà pour les années MTV, aucun média n’échappant à Bowie.

Heureusement, nous avons échappé au ridicule Dancing in the street filmé par David Mallet en 1985 avec Mick Jagger, un single caritatif enregistré à l’occasion du Live Aid repris du classique de la soul popularisé par Martha And The Vandellas, où ils ont font des tonnes à London Docklands en multipliant mimiques, simagrées, gambades et sauts de cabri façon jogging.

Pas de Never let me down (EMI, avril 1987, LP produit par Bowie et David Richards), chanson-titre en hommage à l’assistante de Bowie, Coco Schwab, avec l’inévitable Mondino. Ouf !

I & US

Terrorisé par le souvenir de ses débuts, Bowie est obsédé par l’idée de renouvellement. Il file donc aux Etats-Unis avec force gomina (Dapper Dan ?) et coco dans les naseaux. Il se penche sur la musique noire préfigurant la disco favorite du milieu gay et décide de sortir un album dansant, Young americans, qui laisse tout le monde perplexe mais séduit les Yankees en 1975. Il côtoie l’Apollo Theater et recrute les meilleurs choristes. Bien qu’aguerris, ils comprennent mal la façon, déconstruite, d’écrire du « godardien » Bowie. Disons-le, ils en baveront en studio (sur Arte : David Bowie en cinq actes de Francis Whately GB, 2013, 60 min). Lennon participe au chœur sur l’hypnotique Fame, une reprise des Flares, qu’il coécrit avec le fameux riff funcky d’Alomar. Désormais exilé à Los Angeles où il vit dans une maison encombrée d’objets liés à l’occultisme égyptien, il détruit sa santé, maigrit, voit des sorcières, fait exorciser son logis et pense que Jimmy Page, le guitariste de Led Zeppelin, adepte d’Aleister Crowley, lui veut du mal. Enfermé dans sa chambre, les rideaux noirs invariablement clos, il lit The spear of destiny de Trevor Ravenscroft qui présente le nazisme comme une société secrète née de l’occultisme XIXe siècle, se passionne pour Goebbels « à cause de la façon dont il a utilisé les médias » et est fasciné, comme Dali, par les nazis pour « leur quête du Graal ». En 1976, cette photo de Bowie période The man who fell to earth, revenant de tournée à Victoria Station, et faisant un salut nazi devant sa cohorte de fans, avait terriblement choqué. Quelque temps auparavant, dans une interview à Playboy, il avait expliqué qu’Hitler était la première rock star avant Mick Jagger. Il parle de Golden dawn dans certaines de ses chansons, sans oublier la notion de surhomme chez Nietzsche, présente très tôt (After all dans The man who sold the world , 1971). Cette partie sombre, démontrant la complexité du personnage, est gommée de l’expo, dommage. Et, pour cause : Bowie a fait supprimer des agences de presse toutes les photos compromettantes. Entouré d’un aréopage de serviteurs censés le couper du monde, l’artiste, à qui il arrive de ne pas dormir pendant une semaine, est en chute libre. Hautain, agressif, maladivement avare depuis qu’il a compris que son manager, Tony Defries, lui a fait signer un contrat qui garantit de le ruiner, Bowie enregistre néanmoins un chef-d’œuvre moderne, Station to station. Celui qui a peur de l’avion et se surnomme désormais le « Mince duc blanc », fantasme sur le Vieux Continent.

BerlIggy

Passant donc de la coke de la californication à l’héro dans la ville divisée en deux, le squelettique et blafard Bowie, amateur de la période de Weimar, se rassérène en Europe. La salle berlinoise, l’une des plus réussies, avec un plan de Berlin mangé par les pas et prolongé par des écrans avec diffusion de musique influencée par Kraftwek et autre kosmische musik (Can, Faust, Neue, etc.), expression plus pertinente que Krautrock. La trilogie, faussement berlinoise, est nommée, selon Bowie et Eno, adepte de la Stratégie Oblique, trilogie européenne. Seul l’album Heroes a été intégralement enregistré à Berlin, aux studios Hansa, près du mur. Le synthétiseur analogique AKS à l’origine de la trilogie Low, Heroes et Lodger (enregistré à Montreux et mixé à New York), offert à Bowie en 1999 par Brian Eno, trône, majestueux, après le Stylophone pour Space oddity », le Mellotron et autres machineries. Le romantique germanophile appréciera les photos du chanteur en apnée expressionniste, d’un Iggy Pop au piano, peint par Bowie de façon peu originale mais très Die Brücke, avec images originales à l’appui (Erich Heckel), ou du studio installé entre deux miradors. Sur le côté Iggy, la collaboration de Bowie avec Pop est aussi d’un intérêt bien compris : Bowie accompagne l’iguane comme claviériste lors de sa tournée de 1977. Au milieu des années 80, Bowie reprend à son compte certaines des chansons écrites à quatre mains, mais avec davantage de succès (China girl).

France

Bonus. La salle française, prétexte à conf’ de Soligny. Une longue histoire d’amour pour Bowie, dont l’un des regrets est de ne pas être sorti avec Françoise Hardy. Un registre manuscrit stipule la venue de David Bowie & The Lower Third à la discothèque parisienne le Golf-Drouot, les 31 décembre 1965, 1er et 2 janvier 1966, pour « 2 000 F, hôtel en plus ». Un publi-rédactionnel extrait de Golf-Drouot Actualité, où Robert Madjar fait la promotion dudit Bowie et d’un autre jeune chanteur, Arthur Brown : « Vous ne serez pas déçus après les avoir découverts. Et comme les jeunes Anglais du Marquee, vous les réclamerez à nouveau, j’en suis sûr ». Qu’on se le dise, Bowie s’est produit à Paris dès 1965 ! Cocorico même : la France est le premier pays où il tournera en extérieur.

Les enregistrements épiques de Pin ups  (juillet 1973), The idiot d’Iggy, produit par Bowie, Low (septembre 1976 ; titre de travail : New Music : Night And Day ; méthode de travail : rythmiques jetées sur bande à la hâte, beaucoup de temps consacré à l’enrichissement du son, prises de voix rapides) au milieu des années 70 s’effectuèrent au château d’Hérouville, un studio créé par le musicien opportuniste Michel Magne, vers Pontoise, près de Paris. Matons le livre d’or du château d’Hérouville avec les paroles d’une chanson enregistrée in situ. Laurent Thibault, ingénieur du son audit château, se remémore les séances d’enregistrement. Il s’amuse de l’image bisexuelle de Bowie : « Je n’ai jamais vu un homme courir autant après les femmes ». Bowie est même passé au Havre, embarquant sur le France en avril 1974. Côté people et glamour, c’est un grand amoureux de la France, de sa littérature (le précieux ronsardien Jean Genet en particulier), de Paris où il a demandé Iman Abdulmajid en mariage sur un bateau-mouche. Etape fondamentale que la France : il se débarrasse des sales tics chopés aux USA entre 1974 et 1976, ainsi que d’un management jugé aussi néfaste qu’inefficace. Au tournant de la décennie, Bowie va également rompre avec Angie, obtenir la garde de leur fils, Zowie, et devenir maître de sa carrière, notamment sur le plan pécuniaire. 2004 : crise cardiaque. Bowie a essaimé via Suede, Placebo et tant d’autres.

Coda

Dépôt des casques. Une salle hallucinante en clôture : 21’ de bonheur sur 360° avec trois extraits de concert (dont Ziggy évidemment, le très rock The Jean Genie avec Bowie à l’harmonica). Deux vieilles braillent pour continuer la conversation. Un couple d’étudiants rit de leurs amis asiatiques. Je me cale en diagonale sur d’immenses pouffes pour jouir de la vue, une belle cuivrée se pose à côté de moi. Encore des costumes (Alexander McQueen, Thierry Mugler, etc.) éclairés en son et lumière pendant le passage des concerts, des objets, encore des objets, une maquette pop délaissée car le décor était trop onéreux ainsi que celle du pharaonesque Glass spider Tour (1987) avec son araignée géante au-dessus de la scène, ses musiciens (Peter Frampton à la guitare !) et ses six danseurs (parmi lesquels Melissa Hurley, petite amie de ces années-là).

Was is will. Sortie à 17h après 6 heures d’immersion Bowienne. Les sens ont été convoqués. J’ai peut-être mal lu, mais il manque la référence fondamentale à Scott Walker, que Bowie tenta d’imiter comme crooner, allant jusqu’à lui piquer sa petite amie et à chanter Brel lui aussi ! Tout le parcours du rocker, décrit par Cyrille Martinez dans Musique rapide et lente (collection Qui vive, édition Buchet-Chastel), est respecté.

Las des produits dérivés, livres en pagaille, 45t pressés pour l’occasion, dont Heroes, en vinyle bleu sous pochette semblable à celle de l’époque, chanté en français, la belle affaire ! L’homme d’affaire Bowie, excellent marketeur, en a profité pour caler la sortie de The next day avec l’expo anglaise. Une visite filmée de l’exposition version V&A, David Bowie is happening now (Hamish Hamilton, Katy Mullan, 2013), est projetée dans plusieurs dizaines de salles de cinéma Gaumont Pathé en France. Wiebo, une commande, est un concert performance imaginé par Philippe Decouflé et composé de reprises de chansons de Bowie interprétées par Sophie Hunger, Jehnny Beth et Jeanne Added avec artistes de cirque et danseurs. Une orchestration in vivo de 2001, l’Odyssée de l’espace (2001: A Space Odyssey, 1968) de Stanley Kubrick à la Philarmonie. Ce week-end SF inflige en before un travail indigent de Jeff Mills, l’ancien DJ d’Underground resistance à Detroit en quête de légitimité, avec chorégraphie nullissime à la Cité de la Musique sur fond de monolithe rose … L’expo part en Australie (Melbourne) puis aux Pays-Bas (Groningen).

LouBez m’attend à la Cité de la Musique avec des Paul Klee provenant de collection particulière, une trilogie Bacon de la Tate modern, jamais vue malgré la rétro à Pompidou, des magnifiques Vieira da Silva, des photos en noir et blanc de Lucien Clergue, une installation sonore multicanale de Repons, joué à la carrière Boulbon à Avignon, des partitions, l’émouvant original d’Un coup de dé jamais n’abolira le hasard de Mallarmé de chez Doucet !

Vendredi 13 : Murray Head

13/03/2015

Faire du Murray plein la tête un jour symbolique. Tirage : MH au Transbo. Murray Seafield Saint-George Head, yes Sir ! Surprise : pas la grande salle mais la petite salle d’entrée. Première réaction : il en est là, le pauvre ; c’est triste !? 200 personnes max. Du quadra et plus + quelques rares jeunes, souvent parent-s accompagné-s d’enfant-s. Murray, un anglais qui vit en France (Béarn), joue la carte de la proximité. Il cause, notre cabotin, avec des dames à la rambarde, auréolé de la poursuite. Normal, ce fils d’actrice apparaît en 1979 dans l’épisode final, « La fille du diplomate », de la série télévisée « Le retour du Saint ». Il jacte français avec son accent, notre bavard. Il rejoint son orchestre, très décontracté. Une multi-instrumentiste, bassiste et clavier, époustouflante. 2 batteries tenu par un chippendale surtatoué à tête de Sting jeune. Un guitariste de Renaud, arrivé depuis 2 jours, l’english l’ayant planté pour un autre au dernier moment ! Parfois, il taquine la slide. Son complice de toujours joue aussi à la guitare. Murray passe parfois un temps infini à réaccorder sa guitare, perd son médiator, un ange passe.

Notes country au début, rock, folk parfois caribéen (steelband synthétique notamment pour une musique d’un film qui n’a pas laissé de traces impérissables dans les mémoires). Son mot favori est d’éructer avec joie « mute » en branchant sa jack dans sa guitare. Il développe très bien « Corporation Corridor » demandé par un membre du public. Des chansons inévitables et assez tristes : « Say It Ain’t So », perçue comme un slow alors que très politique, « Le sud » de Nino (un orchestre de l’époque avait déjà planté Murray pour ledit; il manque le coup de canon à la batterie après l’évocation de la guerre), « Je suis venu te dire que je m’en vais » de Gainsbourg pour la fin, dans une ambiance karaoké et chantés approximativement pour les 2 dernières. Le plaisir est au rendez-vous. « Say It Ain’t So » est un peu écourtée : même si Murray garde une bonne phase d’attaque et voix de tête (69 ans quand même !), la deuxième partie semble trop aiguë pour être poursuivie. Dommage. Précisons : « Say It Ain’t So » retrace l’histoire de Joe Jackson, une star du baseball des années 1920, avec d’autres joueurs des White Sox de Chicago, dont la carrière fut brutalement interrompue à la suite d’une affaire de parties truquées. La célèbre phrase fut lancée par un jeune admirateur désabusé qui cria avec angoisse « Say it ain’t so, Joe! » (« Dis que c’est pas vrai, Joe ! »). « L’histoire de Joe Jackson sert d’image pour exprimer l’impuissance du spectateur face à la corruption en général, Nixon entre autres à cette époque. Il y a aussi une grande frustration à savoir cette chanson prise pour une chanson d’amour alors que la corruption et le mensonge politique sont toujours aussi présents. » Il chante pas mal de chanson en français dont une adaptation de Luc Plamondon. Il nous informe du marché musical : pas de traduction possible d’anglais en français (10 % de bénéf’) mais une adaptation (50 % !).

Et les classiques, un slow qui aurait réussi, selon son auteur disert, car l’un des plus longs de la fin d’années 70. « One Night in Bangkok », ce rap sidérant au milieu du public avec son costume noir et sa chemise blanche défraîchie, oreillette noire bien campée. Une observation : la plupart de la bande son est lancée d’un synthé, cela laisse songeur ; la dame s’éclate à la basse ! Une dame teinte en blonde s’échine avec son mouchoir tant elle éternue et tousse. 2 gars arrivent en trombe, je bloque : mon champ de visée est conservé. Et puis le « Beds Are Burning » de Midnight Oil reprise très approximativement. Façon intelligente de faire de la politique : une chanson écologiste australienne par un chanteur, Peter Garrett, qui fut député écologiste et engagé pour sa juste cause. Murray fait énormément participer le public avec des reprises de séries vocales. A la fin, avec son sourire carnassier hollywoodien, il glisse un « j’ai chanté ». Un pur moment de plaisir d’une personne qui n’a plus rien à prouver, qui se lâche. Le bonheur est en lui, en nous donc, car partagé. Une certaine sagesse. Son autobiographie « En Passant » (2011) trône à la sortie avec quelques CD. Pas de concert sans produits dérivés.

[Musique] Björk : yellow submarine !

Effervescence à Fourvière avec une Björk incandescente. Elle retrouve enfin sa magie avec Vulnicura (vulnus : blessure & cura : soin), perdue avec Biophilia, parasité par des applications i-pad, qu’elle défendit déjà à Fourvière en 2012. Orchestre de cordes (15 cordes : 10 violons et 5 violoncelles), pyrotechnies sur Notget (Vulnicura) en plein jour puis sur Wanderlust (Volta, 2007) dans la nuit, projection de partitions électroniques avec sa notation personnelle, entre musique contemporaine et karaoké sentimental, ou de vidéos numériques écologiques (Nos amis les bêtes version high-tech avec jeux de symétrie : de Microcosmos avec œufs et larves aux mammifères sans passer par les cétacés sur le t-shirt de ma voisine franco-italienne), Björk oscille entre musique savante (Giacinto Scelsi, Steve Reich et Stockhausen; travail vocal d’intermodalités sur mélodies complexes) et pop (hardcore jusqu’au beat martial et arcanes labtop d’Arca, Alejandro Ghersi, producteur vénézuélien du niveau de Kanye West et FKA Twigs) au gré de chansons exigeantes et longues jusqu’à la transe. Un pur travail de son qu’elle affine, atteignant le perfectionnisme de Vespertine (2001 avec les Matmos ou le génial danois minimal, Thomas Knak) et l’efficacité de sa collaboration avec Mark Bell (Homogenic, 1997). Arca déclara après le concert : « elle considérait cette soirée comme un show à part entière, ce n’est pas comme si nous avions joué devant 50 000 personnes dans un festival et qu’il fallait envoyer les chansons connues pour plaire. Non, ce soir nous étions davantage concentrés sur la musique ». Un regret toutefois : l’absence du tripal Pluto (Homogenic, 1997), joué pourtant en 2012, qui aurait été cohérent ici avec d’autres morceaux provoquant de la transe. En tout cas, la rupture avec le peintre-vidéaste-sculpteur-photographe américain Matthew Barney, le mix média à la vaseline et aux personnages horrifiques sur toiles et installations, est musicalement salutaire (le prenant Stonemilker sur Vulnicura, qui fut le premier morceau joué, faisant passer Bashung pour Richard Gottainer, accompagné de l’un des premiers clips à 360° sur la plage de Grotta, près de Reykjavik en Islande, réalisé par Andrew Thomas Huang) alors qu’elle commençait à se fourvoyer artistiquement, outre des problèmes de polypes aux cordes vocales (thème de Mouth mantra sur Vulnicura).

Contrairement au Bowie is, son expo au MoMA ne laissera pas en effet un souvenir impérissable. Cependant, dans le catalogue des indices sont distillés : elle retranscrit ses courriels quotidiens avec Timothy Morton qui prône une philosophie critique de l’environnement et de l’ontologie orientée vers l’objet où l’humain n’est plus la mesure de toute chose. Elle y puise « ce lien avec l’animisme, le fait qu’en chaque objet il y ait une âme » en ajoutant que le penseur « fait pencher l’angle apocalyptique du côté de l’espoir [car] l’apocalypse a déjà eu lieu et que nous devons sortir de notre léthargie et réagir ». En espérant qu’il ne s’agisse pas de deep ecology ou de khmers verts, voilà qui augure pour la Conférence Paris Climat !

La quinqua en chignon et boucles d’oreilles blanches se la joue parfois un peu petit rat ridicule dans sa robe fonctionnelle de princesse et collants fluo sauce Miyake, en fait Daisy Collingridge ici, avec effets de manche risibles et chorégraphies improbables

mais elle s’élève littéralement en se démenant sur les beats hardcore redoutablement efficaces en allégeant ses ridicules baskets blanches compensées branchouilles (platform shoes). Comme Tom York de Radiohead, avec qui elle fit un duo dispensable, en transe sur des beats effrénés à la Aphex Twin. Sur son dress code et la dominante « blanc-jaune » comme un œuf, elle déclare aux Inrocks dans un univers qui lui est propre : « Quand tu vis une période difficile, tu as cette noirceur, mais comme c’est souvent le cas, tu ressens aussi l’inverse, des explosions de lumières jaunes. […] Parfois, la peine enfante de la lumière, du rêve, de la joie intense, ils sont parfois jumeaux, ils s’accompagnent et se complètent. » Peine accentuée par la brève plongée de sa mère dans le coma suite à une crise cardiaque. Voilà qui sied au théâtre antique de Fourvière propice à la catharsis aristotélicienne. Le public est carrément absorbé par la puissance tellurique de la voix outrenoir en liberté de Björk et de sa musique puissante d’infrabasses distillées avec subtilités entre les croches ordonnées des cordes romantiques. Avec son masque virginal de perles et de dentelles arachnéennes conçu par son assistant personnel depuis 6 ans et néanmoins artiste, J. T. Merry, Cendrillon frôle le wall of sound : un persona dans un théâtre antique.

Elle sait aussi être intimiste en se déplaçant à l’arrière de la scène pour laisser la place aux cordes et grâce à Manu Delago, un Autrichien joueur de hang (un instrument inventé en Suisse en 2000 par la PANArt Hangbau AG avec un son proche du steelband caribéen, du gamelan javanais, du gong tibétain, de la cloche alpine, des calebasses africaines, etc.) notamment pour One day (Debut, 1993, joué pour la première fois sur cette tournée, après un unique et chiche rappel avec Björk au sifflement surprenant tout en étant ludique, dépassant la regrettée Micheline Dax, et au chant approximatif, en interaction avec le public) qui ne joue donc pas que du pad.

Disons-le tout de go, went, gone, c’est la seule diva qui survit actuellement (pardon Natalie Dessay et Cecilia Bartoli) : elle s’est pleinement ressaisie. Sa perpétuelle invention, digne de Protée, est parfois un obstacle, comme cette vidéo technologique diffusée lors de Wanderlust (Volta, 2007) entre le Seigneur des anneaux et Jurassic park avec force mammouths à Yellow stone et Björk qui se dédouble en être de lave façon Under the skin (Jonathan Glazer, 2013) en prise avec elle-même. Les vidéos de Chris Cunningam nous enchantaient jadis au Palais de Tokyo lors de l’exposition Art et musique quand l’ « esthétique relationnelle » existait encore. Si le puissant human beat box Razel semble présent au sample rythmique, il manque grandement une respiration inuit séquencée sur la reprise d’une chanson du très expérimental Medúlla (2004). Pas de harpe, pas plus qu’un Glass harmonica comme à la cour de Louis XVI, puisque le 14 juillet n’est pas loin.

Nous étions électrisés par sa performance scénique qui laisse sans voix tant elle sait préserver la sienne sans la ménager en en sondant les profondeurs et les aspérités, comme cette figure sur écran qui ressemble à des cordes vocales, s’avérant en fait une plongée sur du bondage appliqué sur une poitrine.

La star décida de décaler le concert de 45mn ; si ceci pouvait passer pour un caprice de star, ce fut finalement pertinent au regard des effets pyrotechniques. A noter qu’en 2012, elle avança son live à cause de ses problèmes de nodules et de la fraîcheur de la nuit. Elle boit (est-ce dans le contrat ?) devant nous de temps en temps des petits verres de whisky (babies ?), amené par un intermittent bodybuildé au t-shirt noir, qui la fouettent en ponctuant de quelques timides mots français (« merci beaucoup »).

Sans goutte d’eau sur pierres très brûlantes à cause de la canicule, Fourvière a quelque peu changé : gros carré VIP au milieu, où le public, taraudé par la crise bien que le billet de concert soit cher, hue activement à l’orée de la commémoration de la nuit du 4 août. Le tarif du concert n’est vraiment pas donné, la musique sur internet ne justifiant pas tout, les intermédiaires se sucrant plus au passage que l’artiste lui-même. Les coussins du mécène Coussins de Lyon ne sont plus présents. Desiderata de l’artiste à cause du public qui, traditionnellement, les jetait goulûment sur scène en fin de spectacle ? Suite au message projeté en français, les gardien-ne-s sillonnent le théâtre antique d’un air soupçonneux et force pantomime pour interdire toute photographie ou film, ce dont mon voisin ne se prive joyeusement pas en loucedé. Une paranoïa justifiée par la fuite sur internet du neuvième album studio de Björk, Vulnicura sorti dans la précipitation par son label One little indian ?

Prochain concert dans l’hexagone : la Route du rock à Saint-Malo le 15 août ; à la Grande Halle de La Villette à l’occasion de la nouvelle édition du Pitchfork music Festival le 30 octobre. Un moment émotionnel unique pour un soixante-dixième festival, l’un des plus étalés dans le temps de France. Les articulations nature/culture, tradition/modernité tendent vers l’universel. The heart of sound on the earth. La classe. L’art c’est cela : ne pas sortir comme nous sommes entrés.

 

Line up du concert du 20 juillet à Fourvière :

Stonemilker (Vulnicura, 2015)

Lionsong (Vulnicura, 2015)

Black lake (Vulnicura, 2015)

History of touches (Vulnicura, 2015)

Family (Vulnicura, 2015)

Notget (Vulnicura, 2015)

Come to me (Debut, 1993)

Pleasure is all mine (Medúlla, 2004)

I see who you are (Volta, 2007)

Harm of will (Vespertine, 2001)

All neon like (Homogenic, 1997)

Quicksand (Vulnicura, 2015)

Wanderlust (Volta, 2007)

Mouth mantra (Vulnicura, 2015)

Mutual core (Biophilia, 2011)

 

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Rappel :

One day (Debut, 1993)

 

Rappel du line up du Festival de Fourvière 2012 :

Cosmogony (Biophilia, 2011)

Hunter (Homogenic, 1997)

Thunderbolt (Biophilia, 2011)

Moon (Biophilia, 2011)

Hidden place (Vespertine, 2001)

Crystalline (Biophilia, 2011)

Virus (Biophilia, 2011)

All is full of love (Homogenic, 1997)

Heirloom (Vespertine, 2001)

Jóga (Homogenic, 1997)

Hollow (Biophilia, 2011)

Pagan poetry (Vespertine, 2001)

Pluto (Homogenic, 1997)

Mutual Core (Biophilia, 2011)

Nattúra (Biophilia, 2011)

 

Rappel

One Day (Debut, 1993)

Declare Independence (Volta, 2007)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[Poésie] Bibi Konspire : Pennequinquin ou le Bézu du chnord

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Damien A-a a peu communiqué sur la soirée de la saint norbert au Périscope.

Peu de personnes pour la première partie où Romain de Ferron tire toujours son do dièse pendant des lustres avec harmonium aidé d’un synthé, le tout à la Morton Feldman. Vu et revu ; crispant.

Bibi conspire peu, peut peu et n’inspire pas.

Plus de monde débarque sans qu’il y ait foule des grands soirs comme au petit Œil de bœuf rue Leynaud en décembre 2014 où le poète était plus en forme. Pennequin nous sert ses recettes réchauffées sans inspiration. Expirer d’exaspération. Comme si, au regard du stock massif de feuilles, Pennequin ressort les rogatons du tiroir. Beaucoup d’hésitations dans les lectures.

Une intro poussive

A la première perf’, le guitariste Olivier Bost gratte sa guitare de façon banale, n’est pas Pauvros, avec qui Pennequin officia, Répécaud ou Montera qui veut, pendant que le rythme est battu par un archet. Patrick Charbonnier, qui arbore un t-shirt rouge « En mai Pépète lumière fait ce qui lui plaît », s’active de façon faible sur des percussions, objets amplifiés avec effets, en battant la mesure. Son jeu s’affine au cours du set avec un objet qui descend le long d’une tige, plus gadget que musical, avec une cymbale ; jouer sur les décalages à partir d’un métronome sur son labtop a été entendu mille fois. Même la performance sur la communication et son manque, avec voix en direct sur dictaphone, remplacé par son téléphone portable, avec texte identique décalé, est ratée tant il semble peu impliqué : du sous-Heidsieck mal assimilé. Puis le pas vu pas su au sue du pue du pas vu et autres concaténations pastioro-lucassienne en pire tant les facilités abondent sans la fluidité nécessaire.

Où est la musique ?

Les musiciens ne s’écoutent pas toujours. Pourtant, les trombonistes jouent ensemble depuis une dizaine d’année dans divers projets allant du duo au big band aux participations dans des groupes du mythique collectif ARFI de Lyon (« La marmite infernale ») ou « Bomonstre », « Le Bonheur », « le Babel Orchestra ». Ils sont membres du quartet acoustique free/rock « Les Bampots » qui se produisent parfois avec Ted Milton du groupe anglais « Blurt » ou avec des musiciens Gnawa du Maroc.

Les égarements de Pennequin

Le poète lit sa partition sans suivre les musiciens. Quelques rares moments fonctionnent, le pouls n’a pas encore été trouvé ensemble, malgré une longue tournée. Pennequin retrouve son inspiration d’autre fois un laps à propos de famille pour finir par chanter faux façon bidochon sauce carnaval de Dunkerque. Il s’autorise n’importe quoi : les jeunes applaudiront de toute façon. Même quand il sort son mégaphone, cela ne fonctionne pas car les vieilles recettes lassent surtout quand elles sont servies sans conviction avec un contenu faible. Comme le ridicule ne tue pas, toujours dans son aporie de l’idiotie tirant parfois, au mieux, vers Artaud, où Prigent trouve qu’il le caricature, il entame une espèce de danse des canards, avec des porcelets de plastique couinant, qui l’essouffle. Puis un texte sur les cloportes où il marche, métaphore légère, sur lesdits jouets. Ce n’était pas son soir à Pennequin, il est des soirs comme ça. Bibi pas content. Il est des conspirations qui terminent en gueule de bois les petits matins. A l’entrée, quelqu’un m’a demandé si je voulais payer 6 € ou 8 € ; j’ai donné le moins, j’ai bien fait.

Le disque

Seule la pochette du disque, dessinée par Manoï et sérigraphiées par Hors Cadres, diffusé par Métamkine (LP, rebelle 01, 15 €), est belle. L’enregistrement a été effectué en public au Studio Amanita Records le 4 avril 2015.

[Musique] PJ, troubadour des misères du monde

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Faire commun

       A perfect day ? Après We love green (Paris) et Primavera sound (Barcelone), Lyon réserve un temps digne du Dorset : pluie un long moment pendant l’attente vers 20h, un double arc-en-ciel à 20h45, hommage naturel au massacre d’Orlando alors que deux fricatrices se roulèrent un sushi dans le funiculaire ni en grève ni en réparation.

Les dix musiciens arrivent au quart de lune sous un ciel nuageux en file indienne à 22h30, heure imposée par la tv (Arte concert, 5 caméras), en entamant, avec force caisse claire et gros tambours, une fanfare désenchantée voire crépusculaire de Nouvelle Orléans matinée de marche militaire. « Polly voulait intégrer cette influence des marching bands et des chorales pour que ces chansons possèdent un sens de la communauté » selon John Parish.

Loin de l’introspection de ses débuts, PJ offre ainsi une nouvelle facette de sa personnalité. La menue aux bruns cheveux longs et jambes de grives dans un pantalon noir que cachent des cuissardes ras du genoux à talons hauts, habillée d’un chemisier violet cardinal aux longues manches pendantes, d’où surgissent des gants noirs, se déployant comme une capeline avec des plumes violettes et noires dans les cheveux longs et bruns, tient son instrument de prédilection, un saxophone. Ni majorette ni pom-pom girl, à aucun moment l’égérie rock ne jouera de la guitare durant ce concert d’une heure et demi. Polly Jean Harvey a été absente de la scène depuis plus de quatre ans, excepté deux shows à l’Albert Hall à l’automne dernier. Elle était passée avec deux musiciens aux Nuits de Fourvière en 2004 pour un concert rageur.

Une troupe soudée

9 musiciens s’activeront dans un recueillement festif : deux batteries – c’est à la mode chez les anglais ! – avec le batteur belge, ex-Venus, Jean-Marc Butty, un tambour qui durcit le son mais le rend populaire, deux claviers, dont le pianiste australien Mike Harvey des Bad seeds au Mellotron blanc, des cuivres tels que des sax de diverses tailles et couleurs ou une trompette bouchée par Terry Edwards et Enrico Gabrielli avec envolées free à la Jame White et double sax dans le bec comme Roland Kirk, un violon ; une basse, des guitares, dont une rectangulaire comme une boîte usée, avec l’ami, musicien, leader de Automatic Dlamini et producteur, réalisateur d’albums (Dionysos, Dominique A, 16 Horsepower, Arno ou Rokia Traoré ; il est aux manettes pour la quatrième fois après To bring you my love, 1995, White chalk, 2007 et Let England shake, 2011, auréolé du Mercury Prize, déjà obtenu pour « Stories from the city, stories from the sea en 2001; les albums signés à quatre mains « Dance hall at louse point, 1996 et A woman a man walked by, 2009) John Parish ; James Johnston, qui joua sur scène, tiens tiens, avec Nick Cave and The bad seeds (2013), de Gallon drunk, un groupe swamp rock oscillant entre punk et jazz ou encore l’Américain d’origine chilienne Alain Johannes, de l’entourage de Josh Homme. Les musiciens tapent dans leurs mains, le public suit. Lors d’une chanson, 3 musiciens multi-instrumentistes, chacun à son tour, entament des palmas. Tout le monde chante à l’unisson comme une communion. PJ présente en français ses camarades ; entre les morceaux, elle lâche un timide « merci » en français. Sacré bout de femme à la volonté de fer.

The hope six demolition project

       Elle déconcerte un peu avec, au début du concert, les enchainements de morceaux pop de The hope six demolition project, titre issu d’un programme du gouvernement américain dans les années 1990 visant à réhabiliter des quartiers délaissés en virant les pauvres, des afro-américains, de leur HLM, au profit de bobos. C’est la teinte brass band de Chain of keys, l’exaltant et enjoué The community of hope, du nom d’une organisation caritative de Washington assez remontée contre la critique PJ, le puissant blues rock de Ministry of Defence grâce au riff lourd de Parish, le groove swing de A line in the sand. Les influences de Captain Beefheart, des Pixies et du blues primitif, dont le samplé That’s what they want du bluesman Jerry McCain Johny, remémorant le Manish boy de Muddy Waters, sont toujours présentes. Le mélange original de jazz, rock, folk et blues peut désorienter. La colère d’Harvey a changé de forme : elle est à la fois plus maîtrisée, plus théâtrale et plus proche du public.

Le 9e album a été enregistré début 2015 dans un cube blanc éphémère au sous-sol de la Somerset House, bâtiment néoclassique de la fin du XVIIIe siècle qui orne les bords de la Tamise, au pied de Waterloo Bridge, à la fois musée et lieu d’activités multiculturelles. Le public pouvait assister derrière un miroir sans tain à une session de travail. Retour aux origines : l’album est un « objet sculptural en mouvement et sur différents niveaux, puisque nous allons sculpter dans le son ». Elle porte d’une voix maîtrisée, forte, sans concession, des chansons marquées par les inégalités sociales, les politiques guerrières, l’anxiété et la paranoïa liées au terrorisme, les populations déplacées ou aux abois lors de ses voyages avec le photographe Seamus Murphy entre 2011 et 2014 de Kaboul au Kosovo, en passant par le Ward 7 au sud-est de Washington (« Cette école est un trou de merde », « il y aura bientôt un Wal-Mart ici »), peuplé de toxicos aux allures de zombies. Le son de la rue et les cris des enfants afghans sont audibles. L’image de l’Amérique est écornée avec ce sample de trompette sorti d’un western de John Ford. « J’ai toujours été très concernée par l’actualité, même quand j’étais encore adolescente. Mais je ne m’étais encore jamais sentie capable de traduire ça en chansons. J’ai enfin eu suffisamment confiance en moi pour essayer. » D’où un recueil de poèmes publiés en 2015 chez Bloomsbury, The hollow of the hand (Le creux de la main). Sa vision ? Un ministère de la Défense dont il ne reste que les murs et les escaliers, jonché de détritus, de graffitis en arabe, de rasoirs, de cuillères en plastique, de cheveux et de merde humaine; les souvenirs angoissés d’un bénévole dans un camp de réfugiés – « I saw a displaced family eating a cold’s horse hoof » (« J’ai vu une famille de déplacés manger un sabot de cheval froid ») ; une vieille femme chargée de clés qui refuse d’ouvrir une porte; un homme aveugle qui chante près d’une roue. Du Walker Evans pendant la Grande dépression croisé à du Weegee, quoique le freak show de Diane Arbus n’est pas loin. En captant l’esprit du temps, elle réunit, pour notre plaisir, musique populaire et savante, high et low cultures.

Bad news from the stars

       Mauvaises nouvelles des étoiles : elle semble électriser de vieilles protest-songs de la tradition folk. Notre fée Cassandre, anoblie par la reine depuis décembre 2013, se tord, se déhanche, danse au bord du précipice, comme les pionniers du rock, Stevie Nicks, tombe en fente des jambes, les croisent comme une damoiselle menestrelle de Les visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942), écarquille les yeux comme Kate Bush. Chantant dans un théâtre gallo-romain de Fourvière au milieu d’un chœur antique d’hommes blancs – il manque la chaleur et l’épaisseur de voix noires écorchées au milieu des cuivres, elle éclate Young americans (1975) de Bowie dans sa période came parano à L.A. A partir d’une voix parfois grave, teintée de Patti Smith ou de Bruce Springsteen sur fond de Ken Loach ou Mike Leigh, elle pousse dans les aigus, module parfois en vibrato en répons dans la ferveur. Etrange procession qui met mal à l’aise tant son message est lucide, grave, acide sans être cynique. Les chansons folkloriques, destinées à la petite enfance ou à entonner dans un pub, sonnent déjà comme des classiques rock tant elles reflètent notre époque.

Jour de colère

Au gré de la set list, on retrouve notre PJ, celle en terrain connu, avec When under ether, puis Down by the water et To bring you my love. La messagère entame la saisissante incantation « Oh America, Oh England Land ! ». Le show devient alors tranchant, tendu comme un arc. Après l’unique rappel, PJ, gants noirs rechaussés, empoigne un vieux micro sur un rythme que Prince n’aurait pas renié ; le mur de larges carrés tombe pour dévoiler les colonnes gallo-romaines. A la sortie, une étrangeté reste en bouche. La sorcière a délivré une émotion et un message à prendre en compte pour des futurs incertains.

Les coussins ont été distribués mais le Directeur Delorme a précisé de ne pas les jeter sur scène. Ils seront catapultés vers les 300 places réservées pour les mécènes, justement hués, une honte tant la proportion est énorme et inégalée. People have the power avait entonné ici Patti Smith a capella avec le public ! Le concert de PJ fut du même tonneau. Deux jeunes de l’Ensatt de Poésie debout assistent au concert. En pleines castagnes hooligans de l’Euro alors que l’état d’urgence sévit, le ciel est à l’orage, la colère gronde en ce jour de manifestation, avec sang et canon à eau, contre la loi El Khomeri passée en force au 49.3 avec une relecture libérale au Sénat. La période insurrectionnelle et prérévolutionnaire est palpable à tous les niveaux : cest cette corde que joue en synthonie PJ.

Une première partie dispensable

       Décidément après Radiohead, nous ne sommes pas gâtés. Après des problèmes de jacks, Micachu & The Shapes défend son dernier album produit par Mattew Herbert Good sad happy bad, un beau titre d’album qui siérait à PJ. Micachu, initiée au violon et à l’alto, compositrice pour l’Orchestre Philharmonique de Londres et pour l’excellent Under the skin (Jonathan Glazer, 2013), DJ sur la scène club garage, entame son jeu électro-pop à la guitare cantonné à 3 accords et une nana derrière, Raisa Khan, jouant d’un synthé des années 80. Seul le batteur, Marc Pell, le deuxième membre de The shapes, assez sidérant, s’en sort. Sous l’influence Pixies, la chanteuse et leader, à l’accent cockney à couper au couteau, avinée, voire pire tant elle semble ne pas sucer que des glaçons, éructe faux, pousse des cris de truie punk. Elle accorde sa guitare vers la fin tant elle s’est acharnée dessus. Ils remballent leur veste après un set énergique mais heureusement court. Rien de neuf sous le soleil absent. Reste une longue attente. Nous sommes loin de la première partie de 2004 avec les écossais festifs qui dépotent, Franz Ferdinand.

http://concert.arte.tv/fr/pj-harvey-aux-nuits-de-fourviere?language=en

https://www.franceinter.fr/emissions/very-good-trip/very-good-trip-09-aout-2016

[Musique] Radiohead en tête

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Exceptionnelles conditions

Soirée de grâce, In rainbows : malgré les nuages en puzzle, pas de pluie ; même une panne d’éclairage ne vient pas troubler le concert. Lyon est la dernière des trois dates de Radiohead en France (28 concerts dans le monde : Europe, Japon, Mexique et États-Unis). Le festival des Nuits de Fourvière (1946), qui a avancé son calendrier d’un jour pour honorer le groupe d’Oxford, débute sous les meilleurs auspices malgré le prix du show … à 65 EUR, la réduction du nombre de concerts, du budget de fonctionnement et de l’aide publique (- 6 %).

Le théâtre antique, la plus faible jauge de la tournée du groupe, est plein comme un œuf : 4 400 spectateurs ; 5 agents de sécurité surveillent en fosse. Pour le Directeur Delorme depuis 2002, le groupe Radiohead vient « Parce qu’on travaille avec leur producteur [Nigel Godrich] depuis des années. Et pour nos conditions d’accueil. »

Une queue énorme s’étend devant nos yeux malgré plus de deux heures d’avance. Il faut dire que des personnes sont arrivées dès 5h du mat’ avec des frissons. Cela nous remémore plus de quatre heures d’attente place Bellecour, une billevesée au regard d’un jeune du cru qui vint à 23h la veille, sous la pluie. La discussion s’entame avec un bassiste, du groupe Talons aiguilles, fan de Magma, Pastorius et Miller.

Ce qui devrait être pratiqué pour tous les concerts ? Les billets sont nominatifs avec demande de carte d’identité au nom de l’acheteur de la place, à la demande du groupe, décidément intelligent et intègre à tous les niveaux, afin d’éviter le marché noir.

Parmi les consignes de sécurité en vigueur cette année, la fouille systématique des sacs, la mise en place de longues files, pour éviter de représenter une cible compacte.

Je suis assis à côté de deux frères lillois, fiers d’avoir obtenus leurs billets 24h avant la plupart grâce au fan club, pas loin de Sarah A. de l’Institut Lumière, fille de guitariste et chanteur. Pas de coussins verts à cause des exigences du groupe mais des avions en papier avec lesquels Yorke, adepte de deux heures de yoga par jour, joue. Deux dames sont transportées par les urgences à l’entracte : elles ne verront pas Radiohead. J’avais décroché depuis Kid A : qu’est-ce qui nous attend avec A moon shaped pool (« Une piscine en forme de lune »), jouissant d’une bonne critique ?

Grand art

Pour le quintet, deux batteries (l’indétrônable Phil Selway et, en renfort, Clive Deamer, ex-Portishead), des amplis vintage, un synthé à gauche de l’une des batteries, des rangées de claviers, un piano droit, un xylophone pour l’énergique multi instrumentiste à la mèche rebelle, Jonny Greenwood. Devant une enfilade d’une dizaine de guitares, trônent deux guitares blanches, une crème et une écrue, la basse jouée par le frérot Colin Greenwood au milieu en arrière de scène qui s’adonne de temps en temps au synthé; à droite, une brune et une rouge, sans omettre une guitare acoustique jouée généreusement par le chanteur, sans citer les nombreuses et impressionnantes pédales d’effets. Les images vidéos projetées sont captées par de discrètes caméras miniatures pour de subtils fondus enchaînés du quintet sur six rangées de six écrans éclairés par des lumières rouges, roses, bleues, blanches, In rainbows. Les fumigènes fusent.

Pour les 2 heures de concert, après une intro avec des voix de speakers tv en anglais, Radiohead attaque, comme au Zénith de Paris, avec un pop rock Burn the witch métallique, le single que les Beatles n’auraient point renié, comme un appel à la méfiance doublé d’un scandale du clip pour plagiat à cause de la pâte à modeler, du stop motion, du graphisme et des couleurs avec Trumpton, série animée créée par Gordon Murray diffusée dans les années 60 sur la BBC, du 9e et nouvel album, A Moon shaped pool, pas encore dans les bacs, avec force lumière rouge, l’archet sur guitare de Greenwood tel Jimmy Page pour compenser ici l’absence cruelle de cordes (les quatre violons et altos du London Contemporary Orchestra, déjà accompagnateur de Greenwood pour des bandes originales de films, dirigé par Hugh Brunt en studio). – A quand un concert enregistré avec orchestre symphonique comme Led Zep’, Portishead et tant d’autres ? – Les cinq morceaux du dernier album sont enchaînés. New Yorke : chignon haut, barbe de 3 jours poivre et sel du récent divorcé, habits noirs dont un jean troué aux genoux, un foulard sombre. Ensuite, les intermittents apportent, sans cesse sur scène, à Thom, des guitares, acoustique ou électriques, ou, comme dans les obsèques, des claviers, Fender Rhodes, où il plante et l’intro et la conclusion de Subterranean Homesick Alien (OK Computer, 1997) qu’il reprend comme un élève complexé alors que le public a déjà applaudi, un Moog, un petit clavier qu’il prend avec lui pour une tournerie à la Pink Floyd. Il se vengera sur ses maracas. Il tombe le perfecto après Daydreaming (A moon shaped pool, 2016). Le fan d’Aphex twin bouge, toujours de façon frénétique, épileptique à la Ian Curtis, le corps, la tête, notamment pour Idioteque (Kid A, 2000), au beat redoutable, où le public en transe, danse à côté sur les marches grâce aux jeux de lumière d’une discothèque élaborée, ou le simplificateur Myxomatosis (Hail to the thief, 2003). Il raccorde sa guitare au cours d’une chanson lors d’un pont. Il lit la line up : « what now ? ». Il lance quelques mots en français sans intérêts. Il use de deux rails d’effets. En deuxième partie, le public écoute le concert debout, frappe dans ses mains. Je suis obligé de demander à l’anglais enfumé de devant de se baisser.

Set list en montagnes & roulettes russes

Radiohead, plus rock et moins électro, alterne balades et morceaux nerveux développés en 24 titres avec une balance remarquable, au point que j’utilise peu les boules Quiès, voix mise en avant, avec une dextérité pour les quarts de ton, à la limite de la dissonance contrôlée, pour passer à la voix de tête sans transition. Après un démarrage laborieux, le public est vite conquis pour devenir finalement excité jusqu’au délire, à la lyonnaise s’entend. S’il ne pleut pas, l’électricité est dans l’air. Six à sept titres sont changés à chaque fois au cours des trois premiers concerts de la tournée.

Sont joués ici cinq morceaux de l’album essentiel pour l’histoire du rock OK Computer (Climbing up the walls où Yorke chante dans sa guitare afin d’obtenir un son caverneux, joue de distorsions en se collant avec sa guitare acoustique amplifiée contre un retour, Exit music (for a film), No surprises, Paranoid android, leur immémorial Good vibrations des Beach boys au final explosif où Greenwood se lâche pour notre plus grand plaisir; Subterranean homesick alien), des extraits d’Hail to the thief (Myxomatosis, The Gloaming), Amnesiac (You and whose army ?), The king of limbs (Feral, lotus flower), Kid A et Optimistic, pas joué sur scène depuis 2009 et In rainbows (Bodysnatchers, Weird fishes/arpeggi »). Après deux faux rappels, Radiohead clôt sur le néo bossa chaloupé et mélancolique Present tense (A moon shaped pool, 2016). Les influences africaines et brésiliennes, ne m’étaient jamais parues si prégnantes. Ni Creep ni National Anthelm que je vis en 2008, lors d’un concert plus déjanté, électronique et professionnel à fois, aux Arènes de Nîmes … pas loin du 14 juillet. Au total, grâce au groupe plein de surprises, j’ai découvert beaucoup de chansons.

Une première partie dispensable

Le groupe expérimental US de Tennessee, Holly Herdnon, attaque. Un grand blond à chaussures blanches montantes, échappé de combats de catchs, exhibe un tai-chi showbiz à l’aide de jeux de mains soulignés par des mitaines noires. Ridicule et risible, d’autant qu’il joue de ses cheveux longs, tel un métalleux de toc. Indigeste car trop déstructuré sans concept fort. La (fausse ?) rousse à la voix d’enfant de chœur moulinée au phasing s’attèle au lab top avec beaucoup de pédales d’effets. Une intro capte l’attention : la femme inspire, l’homme expire, samples. Pourquoi est-ce en première partie et non aux Nuits sonores ?

Au stand de merchandising sont proposés des tee-shirts laids.

Daydreaming :

 

Desert island disk : https://www.youtube.com/watch…

 

Ful stop :

 

Talk show host :

 

No surprises :

 

Glass eyes : https://www.youtube.com/watch…

 

Subterranean homesick alien :

https://www.youtube.com/watch…

 

Lotus flower :

 

Climbing up the walls :

 

Exit music (for a film) :

 

Myxomatosis :

 

You and whose army :