[Manuscrit] Sales rêves (épisode #24 & fin)

Selon elle, le dernier lecteur noté sur le logiciel, libre ou non, qui plante tout le temps et qui n’arrive pas à bien référencer les revues – cet angle mort informatique -, semble mort. Personne ne se souvient de ce livre. Le document n’apparaît dans aucun catalogue, informatisé ou papier, local, quand il n’est pas attaqué par un hacker, ou national, quand le Sudoc® ne plante pas, même mondial avec le KVK®. Mystère. Fantôme►Fuzz ? La bibliothécaire-enquêtrice, se récitant, comme un mantra, ce proverbe irakien « le lecteur ne vole pas et le voleur ne lit pas », demeure bredouille. Ici, un mur délabré, noirci par la suie, protégé par une vitrine, comme dans un musée ; à côté, des piles de livres calcinés témoignent. Tombouctou ? Mossoul ? Non, Tôkyôto© : un incendie criminel par l’extrême-droite est suspecté, jamais prouvé. A y regarder de plus près cependant, un tesseract© peut être détecté par preuves indirectes. D’après Kip Thorne, physicien théoricien réputé notamment en astrophysique, prix Nobel, explorant la théorie de la relativité générale d’Einstein-rien-ne-s’Etablit pour qui l’espace-temps est un « mollusque élastique », il serait possible de voyager dans le temps, grâce aux trous de ver même si les vers disparaissent du sol. Difficile au bibliothécaire – cette taupe dans un ruban de Möbius – de faire son trou, surtout entouré de ces escaliers compliqués à la perspective infinie à la Escher. Le directeur et conservateur argentin aveugle[1], ce modèle indépassable et castrateur au pays du dulce de leche®, n’en a pas eu l’intuition malgré sa description de son fameux Bab[ib]el© – babelisme. Tout lecteur de Le lecteur impossible disparaît semble-t-il inexplicablement. Lire=passer dans un trou de ver comme le chameau dans un trou d’aiguille, correspond à s’évader, prendre du temps alors que la temporalité s’est accélérée d’autant à cause des technologies, comme l’affirmait Virilio, ce catholique hanté par l’apocalypse.

Cette ville ésotérique réserve décidément bien des surprises. Même les magnétiseurs sont déboussolés. L’Inspecteur.rice=commandant.e – avec une majuscule – Shift a vu, sans succès un Maj. Les membres des congrès de médecine légale, d’exorcistes sont incompétents sur le sujet. La phalange révèle à force – car l’extrémité avait baigné dans l’acide afin d’effacer l’empreinte digitale – des traces de poison. Un docteur Nimbus©, un lecteur impassible, se réfère à la mort par empoisonnement selon Au nom de la rose renvoyant à l’horreur de la chrétienté concernant le rire provenant forcément du bas ventre – le corps étant, selon eux, fort distinct de l’âme -, notamment dans la partie manquante, car occultée, de la somme d’Aristote concernant Le rire – comme Saint Thomas, croire ce que l’on voit puisque le rire, si peu universel dans ses expressions, n’est, au regard du règne animal, plus étendu que la hyène, pas le propre de l’homme – dans la seconde partie de La Politique croisée avec L’apocalypse selon Saint Jean. Même Paul Pavlowitch, le petit-cousin de Gary – au bout du rouleau -, ce prête-nom d’Ajar, cette imposture littéraire, pour quatre livres à succès, brièvement bibliothécaire, comme il fut nègre, travailleur de prisons, prof pour gendarmes, receveur de billets dans le petit train de Rocamadour, répondeur au standard de SOS Dépannages, n’avait aucune idée ; il est sec. Seule une anthropologue, amatrice d’Interstellar de Nolan, apporte une réponse satisfaisante : la disparition progressive du lecteur en Occident, malgré le livre du pédant Manguel, disciple de l’argentin suscité, qui lui succéda à la direction de ladite bibliothèque puis viré, corroboré avec le titre du livre incriminé. Certains sont en quête d’une vérité, souvent biaisée par le médium même, d’autres attendent que l’auteur.e leur mente.

L’inspecteur.rice=commandant.e Shift a beau activer du Ctrl C, ileli n’aboutit inévitablement et par qu’à du Ctrl Alt Suppr. Du Arlt à sa table de chevet. Les channibals lecteurs=forts lecteurs se réduisent comme peau de chagrin jusqu’à devenir une denrée rare, comme le bœuf dans Soleil vert, d’après les statistiques sur une longue période, chacun est capté par les écrans où il s’agit de vendre du temps disponible. Un signe qui ne trompe pas : pendant la pandémie de covid 19[2], le nombre de lecteurs a baissé lors des diverses vagues épidémiques alors que la diffusion de séries, loin des sagas islandaises, des Contes des Mille et une Nuits, des feuilletons imprimés au XIXe et début XXe, des premiers ciné-romans muets, a explosé sur les plateformes. Le livre français le plus lu a été écrit par Musso, sa réédition en poche®, peu de temps après, a atteint également la première place. Bref, la victime, c’est toi, lectrice[3]. Peut-être es-tu la dernière sur cette terre, surtout après l’ultime lecture de La route de Cormac McCarthy, cet épisode surprenant et répétitif sur une longue durée des auditeurs du Masque et la plume©, cette émission, critique, la plus ancienne de la radio.

            Envie d’évasion : aller à Zanzibar, ce pays peuplé de beach boys alpaguant l’italienne lors de full moon parties sur la plage avec force danses lacives, où la ville est envahie de Bohemian Rhapsody de Queen car son chanteur, Freddie Mercury-aux-dents-longues, est né là-bas ; manger du pape Jean-Paul II[4], Wojtyla-que-je-te-pousse, à chaque coin de rue de Cracovie où le musée Schindler, sans ascenseur, est à éviter au profit du dynamique ghetto juif avec son festival international de klezmer ; faire patacu, débarouler, tomber dans l’eau sale de Venise, ville s’affaissant sous les bons sentiments et l’amour feint, envahie de touristes et de paquebots dévastateurs pointés par M. Hulot – des rangées de Nave No sur les fenêtres d’autochtones -, comme cet artiste germanophone mort en glissant en repérage pour la biennale ; people is coming, éviter le tourisme de masse à Dubrovnik-Raguse, où les toits ont été reconstitués par erreur avec des tuiles de Toulouse suite à la guerre nonante en Europe, à cause d’une série culte, Game of thrones© ; se réfugier à Komodo pour la nature où il est possible d’échapper aux varans en disparition en dormant dans des hamacs perchés à forte hauteur et en chantant, tel le barde Assurancetoutrix© d’Astérix et Obélix©, Casser la voix de Bruel pour les faire fuir ; sniffer du crack en Iran alors que la consommation a multiplié par 3 alors que la peine de mort par pendaison est effective ; s’émerveiller de mégafeux dans le sud de la France jusqu’en Corse, en Australie en offrant un steack de kangourou trop cuit. Pétroléninstal, Barceland, Parigrad, Viennise. Road trip en Harley® : : Geneva, Macon, Saint Clair (Alabama), Chicot, Prairie, (Arkansas) Madera, Marin, Orange, Placer  (Californie), Grand (Colorado), New London (Connecticut), Kent, New Castle, Sussex (Delaware), Collier, Orange, Sainte Lucie (Floride), Camden, Macon (Géorgie), Caribou, Teton (Idhao), Bureau, Champaign, Macon, Saint Clair, Saline (Illinois), Orange, Ripley, Vigo (Indiana), Des Moines, Kossuth, Lyon (Iowa), Bourbon, Cloud, Jewell, Saline (Kensas), Bourbon, Bullitt, Christian, Clinton, Larue, Lyon, Magiffin, Martin (Kentucky), Ascension, Beauregard, La Salle, Lafourche,  Orleans, Pointes coupees, Rapides, Sabine, Saint Bernard, Saint Charles, Saint Martin, Terrbonne, Union (Louisiane), Oxford (Maine), Caroline, Charles, Cecil, Frederick, Kent, Somerset (Maryland), Bristol, Essex, Middlesex, Plymouth, Worcester (Massachusetts), Alger, Grand Travers, Kent, Luce, Presque isle, Saint Clair, Saint Joseph (Michigan), Lac qui parle, Le Sueur, Lyon, Martin, Nobles, Pine, Rock, Roseau, Saint Louis, Swift, Traverse (Minnesota), Attala, Bolivar, Grenada, Lamar, Marion, Union, Yazoo (Mississipi), Camden, Christian, Clinton, Dent, Gasconade, Laclede, Macon, Maries, Marion, Ripley, Saint Charles, Saint Clair, Saint François, Saint Louis, Sainte Genviève, Saline,  (Missouri), Carbone, Cascade, Garfield, Glacier, Granite, Mineral, Petroleum, Prairie, Rosebud, Rosebud, Teton, Treasure (Montana), Arthur, Blaine, Gage, Garden, Garfield, Hitchcock, Loup, Saline, Sioux (Nebraska), Churchill, Esmeralda, Eureka, Humboldt, Lyon, Mineral, Pershing (Nevada), Cheshire (New Hampshire), Burlington, Camden, Essex, Gloucester, Middlesex, Ocean, Somerset, Sussex, Union (New Jersey), Chaves, Curry, Eddy, Gadalupe, Hidalgo, Lea, Luna, Quay, Union, Valencia (New Mexico), Clinton, Essex, Orange, Orleans, Yates (New York), Avery, Beaufort, Camden, Gaston, Hyde, Macon, Orange, Pamlico, Scotland, Transylvania, Union (Caroline du Nord), Cavalier, Eddy, Lamoure, Sargent, Sioux, Stark (Dakota du Nord), Champaign, Clinton, Defiance, Guernsey, Hanckok, Lorain, Marion, Medina, Noble, Portage, Stark, Trumbull, Union (Ohio), Beckham, Blaine, Canadian, Coal, Cotton, Dewey, Garfield, Hugues, Le Flore, Love, Major, Noble (Oklahoma), Curry, Deschutes, Josephine, Lake, Malheur, Marion, Union (Oregon), Blair, Cameron, Centre, Clinton, Dauphin, Luzerne, Montour, Snyder, Union (Pennsylvania), Barceloneta, Ponce (Puerto Rico), Bristol, Kent (New Jersey), Abbeville, Beaufort, Florence, Jasper, Lancaster, Lexington, Marion, Marlboro, Union, York (Caroline du Sud), Aurora, Bon Homme, Brule, Butte, Dewey, Hugues, Hyde, Lake, Stanley, Sully, Turner, Union (Dakota du Sud), Coffee, Dickson, Hancock, Lake, Marion, Macon, Roane, Union (Tennessee), Bandera, Bell, Bowie, Brooks, Camp, Castro, Coke, Crockett, Delta, Gillespie, Guadalupe, Kenedy, Kent, La Salle, Lamar, Marion, Martin, Medina, Newton, Orange, Rains, Reagan, Refugio, Sabine, Schleicher, Titus, Tyler, Wharton, Wise, Young, Zapata (Texas), Emery, Garfield, Grand, Kane, Rich, Wayne (Utah), Caledonia, Essex, Grand Isle, Orange, Orleans, Windsor (Vermont), Saint Croix, Saint Thomas (Iles vierges), Bristol, Caroline, Charlotte, Craig, Essex, Frederick, Giles, Gloucester, Hanover, Henry, Lancaster, Louisa, Lunenburg, Middlesex, Nelson, New Kent, Northampton, Orange, Page, Patrick, Petersburg, Southampton, Sussex, Wise (Virginia), Ferry, Garfield, Mason, Pend Oreille, Whitman,  (Washington), Hancock, Mineral, Pocahontas, Ritchie, Roane, Summers, Tucker, Tyler (Virginie de l’Ouest), Adams, Calumet, Door, Douglas, Eau claire, Florence, Fond du Lac, La Crosse, Marathon, Marinette, Pepin, Portage, Racine, Rock, Saint Croix, Sawyer,  (Wisconsin), Converse, Platte, Teton (Wyoming). Dans l’hexagone, si varié : admirer les sculptures de chat de Bourdarias, Rino, Topaz, Cofee, Sécha à Gouttières, dans les Combrailles en Auvergne, au nord-ouest du Massif central, entre les gorges de la Sioule et la chaîne des Puys, abritant les sources de deux rivières, le Chalamont et la Bouble ; rôder entre Bèze (Côte-d’Or), Le Fion (Haute-Savoie), Chatte (Isère), Verges (Jura) et Sainte-Verge (Deux-Sèvres), La Queue-en-Brie (Val-de-Marne), Les Lèches (Dordogne), Lorgies (Pas-de-Calais), La Trique (Deux-Sèvres), Montcuq (Lot), sous le patronage de Prévost dans Le petit Rapporteur et le génial Nino Ferrer, où un cycliste, D’epagne en France, créa le raid Parla-Moncucq ; Vatan (Indre) dans la Champagne berrichonne avec le musée circassien du docteur Frère ; Arnac-la-Poste (Haute Vienne) entre Creuse et Limoges ; Arnac-Pompadour en Corrèze plutôt que le Zambèze ; Monteton (Lot-et-Garrone) dans la vallée de la Dropt. Traquenard d’intérêt=cliffhanger. Tourner la page de Ce livre dont vous êtes le héros puisque vous êtes celle qui est arrivée à le finir –sauf si vous vous cantonnez à la dernière ligne tout en étant friand de l’incipit.


[1] Qui n’a pas eu son Nobel pour avoir fricoté avec un régime peu recommandable, Cry for me, Argentina.

[2] L’article, masculin ou féminin, est l’objet d’un débat furieux dont Tôkyôto© a le secret : Madame « le » Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Mme Carrère d’Encausse, « immortelle » par carrière, spécialiste de la Russie, peu prise au sérieux par les universitaires tout en assurant sa tournée médiatique, n’ayant rien compris à l’invasion de l’Ukraine par Poutine, avec qui elle fut complaisante au point de bénéficier de ses largesses, députée européenne sur la liste UDF-RPR (1994-1999), mère d’un journaliste devenu « écrivain » – ce dépressif à l’ego démesuré, monopolisant les médias friands, faisant de fréquents séjours à Saint-Anne, en transposant Capote en France tout en assurant le chiffre d’affaire de P.O.L., militant farouchement contre la féminisation de la langue, imposera de façon autoritaire « le » Covid alors que l’usage, pétri de bon sens, est, logiquement, « la » Covid.

[3] « On a essayé toutes les combinaisons, mais on n’a pas encore écrit le roman où le Lecteur est coupable, celui où il est Victime. » (Roubaud, Jacques. L’Enlèvement d’Hortense. Paris : Seuil, 1996 [1991]. Points. p. 150). Or, La Lecture assassine d’Enrique Vila-Matas, qui fut hébergé par Duras, est cité dans Decout, Maxime. Pouvoirs de l’imposture. Paris : Les Éditions de Minuit, 2018. Paradoxe. Chap VI La littérature est-elle coupable ? Mort au mauvais lecteur. p. 166.

Lectrice car, d’après les statistiques du Département d’Etudes et Prospectives du Ministère de la Culture, le lectorat le plus assidu est majoritairement féminin, sans doute une stratégie culturelle afin d’améliorer son statut social et son ascension progressive grâce à l’éducance depuis le XVIIIe, où le livre et la lecture sont encore centraux.

[4] Ce « guignol triste », « obstinément passéiste », « Cramponné au dogme comme une vieille fille à son chapelet, insensible à la critique comme à la compassion, il a produit un miracle, un seul : sa popularité. » (Cavanna).


Bong Joon-ho, l’intranquille

Bong Joon-ho est en France pour promouvoir la ressortie de The Host (Gwoemul, 2006) en 4k.

Thierry Frémaux [Délégué général du Festival de Cannes, Directeur de l’Institut Lumière, Lyon]                      Il y a une grande force visuelle dans votre cinéma. Quelle est la part de la mise en scène par rapport au scénario ?

Bong Joon-ho             Je prévisualise les images, anxieuses et qui font peur, avant le scénario. En filmant, je peux contrôler mon anxiété et ma peur car je suis très anxieux. Sauf pour Memories of murder (Salinui chueok, 2003) où j’avais peur. Peut-être que le coupable est venu voir le film ! Kim Jee-Woon a un vrai impact visuel. Lee Chang-dong est plus stylé que moi. Kim Ki-duk, il ose.

TF       A Cannes, Iñárritu a dit : Parasite (Gisaengchung, 2019), c’est quelque chose.

BJH     Ca qui compte, c’est l’impact de la mise en scène.

TF       Es-tu un cinéaste anarchiste ?

BJH     Les protagonistes ne sont pas anarchistes, ce n’est pas leur philosophie. Ils sont démunis, maladroits, ils se débrouillent comme ils peuvent. Ils sont loin de l’Etat, du système social qui les laisse de côté. Ils sont rejetés du système qui ne veut pas d’eux.

TF       C’est le prolétariat coréen ?

BJH     Tout est mélangé avec le système militaire traditionnel très prégnant. J’ai connu la dictature, la violence est répandue ; il y a eu des mouvements de grèves, violents, les ouvriers étaient révoltés. Cet aspect existe toujours.

TF       Les personnages sont créés dans le cadre de la famille.

BJH     Mother (Madeo, 2009) aussi. Il s’agit du rapport mère / enfant. Elle est exclue du système et du pays ; c’est émotionnel. J’utilise l’humour noir, c’est plus vivant.

TF       La famille est solidaire, aimante, affectueuse.

BJH     C’est la relation plus solide. En Corée, on s’occupe beaucoup de la famille, comme en Italie (cf. Rocco et ses frères, Rocco e i suoi fratelli, Visconti, 1960).

TF       Song Kang-ho, la rencontre ?

BJH     C’est vrai qu’il est comme Mastroianni chez Fellini. Je l’ai rencontré avant, quand j’étais assistant, j’étais débutant sur un film où Chris Doyle a été chef opérateur, pas un film de WKW. J’étais aussi assistant sur Green fish (Chorok mulkogi, Lee Chang-dong, 1997) sur le milieu mafieux.  Song Kang-ho en Pan-su était fabuleux. On a beaucoup discuté autour d’un café. Kim Sang-kyung a été rencontrée sur Memories of murder (Salinui chueok, 2003). Sur 8 films, j’en ai déjà tourné la moitié avec Song Kang-ho.

TF       The Host (Gwoemul, 2006) est une grosse production tournée avec des acteurs familiers.

BJH     C’est le premier film avec des effets spéciaux générés par informatique. Chaque acteur de la famille, je les ai choisis, sauf la fille, sur audition.

TF       Tu choisis les acteurs ou tu as un directeur de casting ?

BJH     Je choisis. Pour Mother (Madeo, 2009), j’avais déjà choisi l’actrice principale. Parfois, c’est un mix des 2 : j’écris le scénario et je choisis les acteurs après.

TF       Et Snowpiercer, le transperceneige (Snowpiercer, 2013) ?

BJH     Je n’ai pas choisi en amont. Il y a un premier casting étranger avec une équipe étrangère ; c’était la première fois. Au début, j’avais prévu un vieil homme et puis j’ai changé pour une actrice. Ce n’était pas Tilda Swinton au début.

TF       The Host (Gwoemul, 2006) est ton 3e film, celui de la maturité, de l’accomplissement.

BJH     J’ai ajouté un côté réaliste par rapport au monstre généré par informatique. C’est un genre documentaire. La bestiole pourrait être dans le National Geographic. Le film est réussi grâce aux efforts de toutes les équipes. L’interprétation des acteurs est exceptionnelle, Song Kang-ho regarde fixement, tout est dans le geste. Il a une sorte de stabilité. Avec l’interprétation des acteurs, le monstre réagit différemment.

TF       Le dialogue : tout est écrit ?

BJH     Tout est écrit, le story-board est conçu dans ses moindres détails. Il est possible que le dialogue soit modifié par les acteurs, jamais le story-board. Je suis un obsédé, un control freak. Je story-board moi-même sauf si il y a trop d’effets spéciaux (notamment pour The Host, Gwoemul, 2006). Sinon, je suis très nerveux, paniqué. Il n’y a aucune improvisation dans la mise en scène ; les acteurs, eux, peuvent improviser.

TF       Et le montage ? Il y a des modifications par rapport au story-board ?

BJH     Je bénéficie du système coréen, qui est différent du système américain : le montage s’effectue en même temps que le tournage au sein d’un système de production coréen, très particulier par rapport au reste du monde. Les coréens sont impatients.

TF       Des cinéastes d’auteur réécrivent le film au montage.

BJH     Le story-board est complet mais dans la salle de montage, il y a de nombreuses choses à faire, il faut être créatif. Les acteurs sont étonnés car tout est lié, séquences par séquences.

TF       Ford et Hitchcock story-boardait de telle manière que le montage du studio ne peut que suivre. Clouzot et Chabrol sont des influences pour toi. Quelles sont-elles dans le cinéma français contemporain ?

BJH     Je trouve Alain Guiraudie très intéressant, notamment L’inconnu du lac (2013), Rester vertical (2016). Ses films sont étranges. Je suis attiré.

TF       Il y a aussi les courts-métrages de Guiraudie.

BJH     Le metteur en scène aime ce qui est différent, ce qu’il ne sait pas faire. On rêve d’avoir une autre technique. J’admire Hong Sang-soo. Il écrit le matin et donne aux acteurs l’après-midi, c’est impensable pour moi car tout est fini un mois avant sinon je suis angoissé. Spielberg ne fait pas de story-board, je crois [confirmé par quelqu’un du public].

TF       Pour Hitchcock, tout est dans la préparation.

BJH     Je veux être comme ça.

TF       Dans le cinéma coréen, il y a 3 traditions : l’historique (films en costumes) ; films de genre ; films d’auteur.

BJH     Im Kwon-taek est notre J. Ford. Park Chan-wook et moi sommes des cinéphiles ; après nous avons réalisé ; après avoir digéré. Hong Sang-soo est vraiment un auteur ; il cite souvent Rohmer. Lee Chang-dong a écrit un roman.

TF       Vous voulez être ministre ?

BJH     Non.

BJH     Je ne veux pas que Barking dog (Peulandaseui gae, 2000) soit vu même si c’est film précieux car les acteurs sont bons et l’équipe magnifique mais je n’en suis pas fier. Je suis passé, grâce à ce film, d’amateur à professionnel. Mon père, professeur à l’Université, n’aime pas ce film.

TF       The Host (Gwoemul, 2006) est parfait !

BJH     Sauf une scène qui est ratée mais je ne vous dirai pas laquelle [TF insiste tout le long de la conversation]. Je voudrais l’enlever. Pour Parasite (Gisaengchung, 2019), je suis satisfait.

TF       Comment a été vécue le succès de Parasite (Gisaengchung, 2019) ?

BJH     J’ai eu le même rythme de travail. Pendant la pandémie, j’ai vécu un moment calme avec mon chien. J’ai écrit deux scripts dont un terminé Micky 17 (appelé Micky 20 avant) pour 2024 [avec Robert Pattison].

TF       Tu viens de finir un film anglo-saxon ?

BJH     Micky 17 était prévu avant Parasite (Gisaengchung, 2019) ; l’autre, c’est un script d’animation qui sera prêt en 2024-25. J’aime réaliser des films : Okja (2017) et Micky 17 sont produits par Brad Pitt avec sa société de production, Plan B. Pour mon dernier film, d’animation, en stop motion sur un projet écrit d’après une histoire originale, Very deep sea creators, je m’inspire des photographies marines d’Abysses de Claire Nouvian, l’élue écologiste.

TF       Tu restes un cinéaste coréen ?

BJH     Oui, je reste coréen. Un autre réalisateur s’est déplacé. Je veux rester à Séoul. Je suis avant tout un cinéaste coréen.

TF       The Host (Gwoemul, 2006) est l’un des plus grands succès coréens en 2006 avec 13 millions d’entrées.

Tu as collaboré avec Carax et Gondry pour Tokyo ! (segment Shaking Tokyo, 2008). Tu vas collaborer à nouveau ?

BJH     Les 3 réalisateurs ont été réunis à Cannes après avoir tourné dans 3 endroits différents. Carax ne parle pas beaucoup ; mais il m’a aidé à réparer mes lunettes à Cannes. Je l’ai revu pour Annette (2021). Pourquoi ne pas renouveler mais il y a forcément comparaison entre nous et cela me génère du stress.

Questions du public

Vous avez un rapport ambivalent à la violence ?

BJH     Pour moi, il y a deux genres de scènes violentes : la violence que j’ai vécue et la violence qui me fait peur. Le slapstick, la violence avec l’humour, c’est ce que je préfère. J’aime les scènes maladroites, où les genres de violence sont mêlés. Ce n’est pas de la violence à la Tarantino, avec le sang qui jaillit ; ce n’est pas la vérité mais un effet de cinéma. Dans White man ( , 1993), il y a la chanson « C’est si bon ». On y retrouve le nom du jus dans une publicité avec la chanson « C’est si bon ».    

The Host (Gwoemul, 2006) ?

BJH     Ce que dit le film, c’est que, en cas de catastrophe, on n’est pas protégés. Il ne faut compter que sur nous-même. C’était le cas avec le grand naufrage de bateau Sewol en 2014 (308 morts). Si on revoit les funérailles, il s’agit d’un traumatisme coréen. En cas de catastrophe, c’est nous qui devons nous en sortir tout seul ; il ne faut pas compter sur l’Etat.  Dans Memories of murder (Salinui chueok, 2003), la catastrophe, ce sont les femmes des villages qui ne sentent pas protégées. J’avais le même sentiment, enfant. Au fond, tout coréen se sent angoissé, inquiet. C’est ce qu’on voit dans The Host (Gwoemul, 2006) ; Song Kang-ho dit « Pourquoi personne ne nous aide, pourquoi personne ne vient ? ». C’est très coréen.

Le monstre est une métaphore de l’arrêt du monde. Le monstre aussi est une victime. On a de la pitié pour lui. Etre addict au travail, comme je le suis, comme le sont mes personnages, cela représente la Corée. C’est avant tout un film de famille, sur la famille.

Il existe une manière démocratique, avec chaque personnage notamment dans l’action ou la prise de décision dans la famille. Comment, dans ce cadre, concevoir le rôle des acteurs et le thème de la déshumanisation ?

BJH     C’est dans le story-board. Quand je parle avec un acteur, il a mieux compris que moi. L’acteur m’offre un cadeau en jouant, je suis prêt à recevoir. Je ne veux pas avoir de tensions, pour laisser libres les acteurs, pour qu’ils puissent se concentrer. La position de la caméra est de toute façon dans le story-board. J’explique le mouvement de la caméra aux acteurs. Ensuite, l’acteur s’exprime pour le détail. Je choisis tout, du plus petit rôle aux rôles majeurs. La qualité de l’interprétation est déjà définie. J’ai l’œil pour choisir les bons acteurs pour les rôles.

D’où vient cette fascination pour la cave, le sous-sol ?

BJH     Quand j’étais étudiant, il y avait un sous-sol long et sombre. Je me souviens de balles de ping-pong avec qui les gardiens jouaient ; les femmes de ménage faisaient leur travail. Le sous-sol, c’est l’espace surréaliste, de l’imagination. Comme dans Barking dog (Peulandaseui gae, 2000). Je me sens plus libre pour imaginer. L’idée de la cave dans Parasite (Gisaengchung, 2019) est venue tard dans le scénario ; cela développe l’imagination.    

Je fais un mix de genre mais je ne prévois pas ; cela me vient comme ça et c’est intégré au scénario. Je ne prévois pas un découpage comédie / noir. C’est mélangé. On suit une histoire, une scène.

[Question d’une coréenne en coréen puis traduit en français par ses soins] Vos

films sont l’image de la société coréenne : la famille a une valeur spécifique. La société coréenne évolue vite. Les films vont changer. Sur quels sujets pour vous ?

BJH     La génération Z et post Z est incarnée par le chauffeur de camion dans Okja (2017). Le prochain film pourrait être une fille qui fait un stage sur le terrain. J’ai eu l’idée l’année dernière à Cannes. Ce qui m’intéresse, c’est la réalité que vivent les jeunes. Je veux montrer le ressenti des jeunes. A 53 ans, je montre les 2 générations. J’ai un fils de 26 ans [avec une scénariste], cinéaste.

*

Dans « Monstre de bonne compagnie », Quentin Girard, Libération, 07/03/23, s’inspire de la master class, la veille, au Grand Rex, rénové, à Paris : la gueule immonde du monstre dans The Host (Gwoemul, 2006) est inspirée de celle de Steve Buscemi ; « Je dirais plutôt que c’est le cycle de l’histoire. A l’époque, il n’y avait pas le Covid, mais le Sras. Ça m’a beaucoup influencé. » ; son amour de la nuit et de la pluie et son rejet du soleil au point que « Je ne comprends pas comment les gens peuvent être heureux en Californie. » ; il jure qu’il « n’a pas étudié la politique, l’économie » [il s’était inscrit en Sociologie à l’Université] ; « Mon psy me dit que je suis un inquiet qui a toujours peur de ce que les autres pensent de lui. Mais ce n’est pas forcément négatif. Au contraire, c’est un moteur. Pendant l’écriture du scénario, le story-board, le tournage, c’est mon anxiété qui me pousse à ce que cela soit le mieux possible. » ; le comédien coréen Song Kang-ho est « un mélange d’Al Pacino, de Joaquin Phoenix et de Michael Shannon » ; « Quand je travaille avec lui [Song Kang-ho], je me sens plus à l’aise, plus sûr de moi. Je sais que son jeu, son énergie, persuadera le spectateur.» ; son grand-père, écrivain célèbre, est passé en Corée du Nord ; « Quand on s’intéresse aux animaux, on arrive à parler de l’essence de l’être humain. Okja est l’âme sœur de la petite fille, mais, pour tous les autres, ce n’est que de la nourriture. C’est ce fossé entre les perceptions qui m’intéressait. » ; il connaît Goscinny, avec Astérix, et le Petit Nicolas ; il pointe le paradoxe d’une société coréenne « avec Internet le plus rapide au monde mais des familles coupées en deux. […] Notre passé est si tumultueux, les sources d’histoires sont inépuisables. Chaque Coréen a énormément de choses à raconter. ».

[Manuscrit] Sales rêves (#épisode 23)

Estomaquée, l’inspecteur.rice=commandant.e Shift comprend que la communication est partout, à tous les niveaux même si les échanges d’informations internes, plus proche au mieux du téléphone arabe, sont mauvais malgré des conf’coll=assemblées générales, dignes du Soviet suprême de l’URSS, et des réunions à répétitions – « la sexologie est en pointe. » -, ennuyeuses à périr, où l’oral, dominé par l’ego, est redondant avec l’exposé sur Powerpoint® sur écran projeté comme si les gens étaient incapables de comprendre ce qui est écrit – ce qui est un comble en bibliothèque, pense l’inspecteur.rice=commandant.e Shift. Souvent une femme qui a nombre de problèmes psychologiques non résolus, relationnels également, occupe le poste dit de communication. Hermès est communication et vol.

Pour l’inspecteur.rice=commandant.e Shift, les cadres passent leur temps en formation. Les plus élevés, logés en haut du bâtiment, vont à l’étranger au frais de la princesse plus très fraîche. La hiérarchisation, souvent digne de la Corée du Nord, Biélorussie, du Kirghizistan ou de l’Ouzbékistan est pire que dans les hôpitaux, tous les étrangers sont étonnés par cette rigidité absurde qui confine au ridicule : être A,B,C relève des castes indiennes ou des cercles dantesques, rares sont les transfuges de catégories[1] sauf si vous endurez longtemps – à ronger votre frein comme dans le management à la Mac Donald’s® – du travail de la catégorie supérieure, payé évidemment moins cher, si la hiérarchie a l’insigne honneur de s’intéresser à vous – ce qui doit être vécu comme un privilège digne de la somme de Saint Simon ou de la Comtesse de Boigne, surtout quand certaines brassent du vent, exécutent des moulinets pour être vu et attrapent des aphtes à force de lécher pour obtenir une promotion avec force paperasse à remplir ; héritage du Roi Soleil et de Napoléon, un n+1 ou supérieur hiérarchique direct (SDH) a droit de vie ou de mort sur sa subordonnée nommée agent.

Les notes de l’inspecteur.rice=commandant.e Shift sont effarantes. Voyons. Une directrice pique dans la caisse ? C’est la syndicaliste dénonciatrice, ancêtre de la lanceuse d’alerte, qui est sanctionnée. Une autre directrice, venue en central du Ministère de la Culture, se roule sous la table à cause de l’alcoolisme ? Elle aura une bonne promotion – pas un placard doré. Un conservateur frappe un subordonné devant sa supérieure ? Ils se couvrent entre eux, le Procureur classe la plainte de la victime sans suite ; le conservateur a conservé son poste au même endroit. Le même – pour qui Freud n’a rien à voir avec la psychiatrie -, s’érige soudainement en psychiatre en empruntant un livre, Les personnalités pathologiques : approche cognitive et thérapeutique. Médecine et psychothérapie, commandé par sa n-1 incriminée afin de nourrir un dossier bidon, où il est inventé que la n-1 commande des livres néonazis, pelotent moniteurs et monitrices et prône le néonaticide, pour l’exclure de la fonction publique via un dossier médical risible pour paranoïa auprès du comité régional de médecine ? La question qui trotte dans la tête de l’inspecteur.rice=commandant.e Shift est la suivante : cette ancienne professeure de lycée de banlieue – forcément difficile – aurait-elle, au nom de la soumission, aidé et signé pour déporter des enfants juifs pendant la guerre ? Une conservatrice, Mme Boukin, fraîche sortie de l’école des Chartes en déposant son serre-tête mais point la haute opinion d’elle-même, lors d’un conflit avec sa subordonnée dans un même syndicat à propos d’ouvertures nocturnes dans une petite ville pour augmenter la notation de son chef (n+1) plus visible auprès de l’administration centrale pour une future promotion, obtiendra, quand Boukin se livre, 8 jours d’ITT par un médecin complaisant pour violences pour plomber le dossier de la subordonnée. C’est cher payé pour avoir lancé un « vous trahissez notre syndicat », non ? La commission des conflits de ce syndicat, noyautée par un stalinien à la naphtaline de la pire espèce roulant en Skoda®, se réunira pour la première fois de l’histoire de ce même syndicat et s’opposera à la création d’une section syndicale locale malgré la possibilité offerte par les statuts. La conservatrice amènera son frère pour un stage et son mari par mutation locale malgré les us en vigueur. La corruption est à tous les niveaux chez les ronds-de-cuir. Ainsi un administratif fil-de-fer, ancien alcoolique, aura facilement une promotion en se maquant avec une grosse directrice de bibliothèque, Laurel et Hardy, pro learning center, les yeux pleins de l’EPFL de Lausanne[2], qui n’hésitera pas à imposer ses filles, d’un premier lit, comme stagiaires, les œuvres d’une amie peintre pour l’inauguration d’une bibliothèque affreuse réhabilitée dans ses murs toujours atroces genre ambiance Zizi béton d’une Amérique fantasmée lors d’années industrieuses et pompidoliennes[3].

Pour l’inspecteur.rice=commandant.e Shift, les bibliothécaires sont dépossédés des acquisitions au profit des catégories B, réintitulés Bibass, en demande de valorisation mais certainement pas payés plus : déshabiller Paul pour habiller Jacques sans reggae PierrePaulJak. Le magasinier (C), peu payé et souvent dévoué – à peine le SMIC, et remplacé progressivement par des automates à fort bugs pour les prêts et retours de documents -, est également évalué sur sa maîtrise de l’écrit, ce qui est inutile. Ils sont recrutés localement, avec les dérives afférentes, et non plus nationalement avec un concours stupide comme le classement, distinct de la classification[4], continu ou discontinu en temps limité. Souvent, ils sont plus diplômés que les gens qui les dirigent, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes. La jalousie comme mobile ? A noter que les fonctionnaires de catégorie D ont disparu progressivement, il va en être de même à terme pour les catégories C. L’administration essaye depuis des années=serpent de mer, de transformer par les rubans bleus du ministère, les corps des bibliothèques en corps administratifs car moins chers et plus malléables donc plus faciles à contrôler. Vive Vidocq ! L’inspecteur.rice=commandant.e Shift n’est pas au bout de ses peines.

            Les bibasses sont des femmes âgées, des boomers, qui vont bientôt partir à la retraite. Pas facile à traiter tant elles traînent la langue. Faire strike dans 50 bouteilles de champagne pour un petit pot de retraite. Certaines ne rallongent pas la sauce même pour quelques dollars de plus tant elles sont lessivées. C’est autant d’appel d’air pour une carrière rapidement ascendante pour la génération suivante, des louves affamées sans foi ni loi loin d’avoir inventé Rome. La mentalité a changé, la notion de travail bien fait n’existe plus, tout est élaboré dans l’urgence, le nez dans le guidon, d’où un burn out constant avec un sentiment permanent d’inachevé. Bien faire – le mieux est l’ennemi du bien – est souvent mal vu car perçu comme une mise en danger pour les autres en soulignant leurs imperfections. Ainsi, une catalogueuse sourde, dont le mari s’était suicidé à cause d’elle, copiait les notices en les dérivant, tout en critiquant sans cesse ses collègues auprès d’autres, tandis que les ouvrages étrangers neufs restaient longtemps sur ses rayons en attendant que quelqu’un dans le monde se colle à la notice à sa place, en privant tout lecteur d’accès puisqu’il ignore l’existence du livre. Tel chroniqueur de livre sur le rigide site internet est tancé car n’étant pas assez grand public, ne cédant pas ainsi aux sirènes de la facilité. La souffrance provient également du manque de sens du travail effectué : chacune est un pion facilement remplaçable. De dépit, il arrive qu’un membre du personnel pioche au hasard un livre dans le rayon Young adults dirigé par une conservatrice qui ne jure que par la Fantasy, la SF et la dark romance, succédant à une lettrée mariée au fabuleux traducteur Hoepffner, emporté par une vague sur une côte irlandaise : c’est le braconnage selon le jésuite Michel de Certeau ; ce personnel averti choisit systématiquement, comme les lectrices anonymes dans le métro, Musso, Lévy, Nothomb, Vargas, Gavalda, Bussi, Perrin, Pancol, Le Vigan, Valogne et cette autoresse de Toutes les femmes qui croquent une pomme ne s’appellent pas Eve, ces écrivants – à côté des livres dits de psycho, de développement personnel, qui nourrissent richement leur auteur, ou les guides comme celui du moutard – qui tomberont heureusement dans l’oubli à terme.

Une syndicaliste, honnête celle-là, balance. Evidemment, les départs en retraite ne sont pas remplacés (RGPP de Sarkozy) : il s’agit de faire plus avec moins de moyens. Saint Jérôme roque avec Sainte Rita. C’est Marat, bout de ficelle. Si être Président de la République consiste à endosser le rôle de VRP, une Directrice de bibliothèque quête sans arrêt de l’argent comme une pleureuse jusqu’à monter des projets bidons dans un sabir bureaucratique à la mode. Le rite, en fin d’année civile, est de dépenser à peu près pour n’importe quoi en un temps record afin d’au moins maintenir la ligne budgétaire pour l’année suivante.

La syndicaliste poursuit. Une loi Bibliothèque est attendue – arlésienne – depuis les années 80, sans résultat. Plutôt que des escape games pour essayer d’intéresser les jeunes lecteurs usagers inscrits séjourneurs clients, les -thèques vont finir par créer, en sus des produits dérivés (sacs avec logo sérigraphié, stylos, stabilo boss®, règles, marque-pages, etc.), des tombolas pour survivre genre Sauve ma bibliothèque. Toutes les recettes sont mises en œuvre, à perte. Qui, à part les professionnels, descendra dans la rue pour sauver une bibliothèque ?

  • Qui a suivi une formation manipulation des extincteurs dans la bibliothèque ?
  • Deux personnes sur le campus rétorque l’administrative.
  • Je n’ai pas eu le temps, répond la directrice, sise depuis une dizaine d’années, soutenant que le signet de communication comportant « en liste » est valide (au lieu de l’expression « en lice »).
  • Il y a le DUER, ce document administratif sur l’hygiène et sécurité surenchérit la directrice de service. Le papier n’est pas ce qui brûle en priorité, d’autres produits, comme l’hydrogène, sont plus dangereux ; de toute façon, ici, nous n’avons que des pompiers d’opérette. La sortie de secours donne de toute façon dans une salle de cours.

S’il est arrivé que des citoyens se mobilisent parfois pour une bibliothèque de quartier, le cas est rare au point de souligner qu’à Villiers-le-Bel, une bibliothèque et une école, institutions emblématiques, ont été brûlées par des révolté.e.s de quartier, sans omettre ces activistes écologistes radicaux qui ont vandalisé des bibliothèques, en criant « Pour sauver les arbres, tuez les écrivains ! », sous prétexte que toute édition de livres implique la déforestation. Des suspects possibles.

            ALone Chaney, l’inspecteur.rice=commandant.e Shift, le long de la lône. Se changer les idées. // le rêveur comme le masturbé // Longtemps, ileli s’est touché.e de bonne heure genre berniesque pour clowneries sensuelles. Ileli a le haricot à la portière, le cliclin qui fait la robe à queue, de bal. L’abricot en folie, la praline en délire, ileli a mangé ses cerises, en est à ses gogues, a la fraise à la crème, le haricot qui démange, appuie sur le bouton d’ascenseur, mis le nez à la fenêtre, chauffé le micro-ondes. Dessous les lendilles, landrons, spopondrilles, labies, espondilles, courtines, escalopes – panées, bibilles, le foie gras et nymphes, la gâchette, la praline, la lampe amoureuse, la petite éminence, le mamelon du diable jusqu’à gicler sa cyprine. Hérmaphrodite, Shift a la grosse flèche qui pointe vers le haut. Ileli s’est dressé.e, monté.e le chapiteau sous les draps, tiré.e la poudre aux moineaux, secoué.e la cartouche, fait la guerre de 5 contre 1, astiqué.e, gonflé.e le poireau, le spaghetti ou la colonne – Morris, collé.e, cogné.e un  – petit – rassis, monté.e le chapiteau entre minuit et les couvertures, la chaufferette, aiguisé.e le couteau, joué.e à mets couverts, gonflé.e son andouille triple A voire AAAA, arraché.e le manche à en faire des copeaux, à se râper le gruyère sur la nouille pour lui donner du goût, allongé.e le macaroni, chatouillé.e le spaghetti, tiré.e la courte, chipolaté.e le nougat sournois, la membrane, le levier de force, fait marcher son p’tit moulin, marcher aux feuilles de figuier, chatouillé.e l’hibiscus, pété.e le yaourt dans ses mains, tiré.e sur la guimauve, fait sauter le bouchon, s’en bat une quand ileli s’est fréquenté.e, flatté.e le petit chauve, poli.e, régalé.e, balancé.e, secoué.e le chinois, fait à la pogne et non à la Saint-Genix, jusqu’à s’en faire fumer la plomberie, fait les cuivres façon grand-hôtel, passé.e à la feuille d’or, tapé.e un silencieux, pianoté.e l’émoi, fait le concerto de mes 2, d’Aranjuez, joué.e Vivaldi, fait les 4 saisons, fait saigner à blanc, paluché.e jusqu’à s’amidonner la main de sa sœur, lustré.e les cuivres au blanc d’Espagne, fait son lavage à la main, monté.e la guitoune, fait la glimblette, torché.e coquette, passé.e au buvard, fait un nez à la Pinocchio, sorti.e son Gnafron, joué.e à 5 contre 1, fait la bataille des jésuites, des moines, juté.e, rompu.e une lance, branlé.e à fresque jusqu’à repeindre les plafonds de la chapelle Sixtine, fait trembler et emmêler les pinceaux, dessiné jusqu’à étaler et appliquer des cartes de France pas rance, astiqué.e la colonne Vendôme, fait un truc façon Karagheuz, poli.e le Mont-blanc, revu.e ma géographie, en bon français, découvert.e l’Amérique, joué.e au billard anglais, fait une géographie dans les draps, astiqué.e le geyser, taquiné.e le hanneton, fait pleuré, cerné.e les yeux, gallimardé.e, sur l’Arétin par cœur, agacé.e le sous-préfet, repeint.e l’appartement, décollé.e ou cloqué.e le papier peint, secoué.e coquette au-dessus du bénitier, bu.e seul.e, étranglé.e le robinet, tapé.e, secoué.e le Mahomet – attention aux islamistes et à leurs menaces -, fait du cinéma, longtemps de bonne heure. La bête a lâché son cri ; ileli se dégorge les amygdales, s’essore les rognons, éternue sa cervelle, pleure entre deux guichets, se désencombre les aumônières, le sirop de navet, le fromage, le jus de couillon, ileli fait feu, éternue sa Chantilly®, envoie la crème, fait l’omelette, bien baveuse, envoie, crache, balance la purée, lâche la semoule, le potage, envoie le dentifrice, fait mousser son blaireau, vide son carafon, fait tout outre, encense l’intérieur, dégorge le poireau, fait éternuer son cyclope, fait son beurre blanc, tousse sur le seuil, précoce, envoie le yaourt, pleure ses fautes, des larmes de joie. L’inspecteur.rice=commandant.e – ♪ Dieu avait mis le kilt -, est – comme escargots, vers et sangsues – un.e hermaphrodite, ou intersexe dirait-on improprement aujourd’hui, avec des posters d’Herculine Barbin, de Morse de T. Alfredson, de Tomboy de Sciamma, XXY de Lucía Puenzo, cernés de bouquets de – boutons-d’or – renoncules – boutons-d’argent.

            Tout est étrange en –thèque pour l’inspecteur.rice=commandant.e Shift, hébété.e : un squelette d’anatomie nommé Gasper©, ayant échappé à SOS fantômes, dans un monte-charge pour documents ressemblant à un monte-plats de Le grand repas sur fond de Playtime et de L’aile ou la cuisse ; une chauve-souris morte dans une enveloppe anonyme dans un casier ; des tapis clandestins de prières musulmans en mezzanine ; une chaussette désormais sèche sur un radiateur ; une capote usagée avec du sperme dedans, dans la cuisine du personnel ; une femme, à particule – pas bozon mais probablement achetée comme VGE comme l’indique cet annuaire -, qui s’est fait mordre au poignet par son mari en indiquant que, même dans son milieu, c’était possible ; un clodo puant notamment l’alcool, surnommé « Codo », qui a renversé un piéton, s’informe pour son procès en se plongeant dans les codes ; dans une annexe, la bibliothèque d’un musée, entre les livres, il est possible de trouver de l’adipocire=gras de cadavre, un fœtus de 5 mois passés dans un bocal de confiture Bonne maman®, une boule de pétanque Obut® extraite méticuleusement d’un anus ; une conservatrice ambitieuse, amatrice de Napoléon malgré un droit restrictif des femmes dans le Code civil, pleure – maman, ma fille – au téléphone, avec un psy au bout du fil, dans son bureau puis couchera avec un dirlo ancien dir’ cab’ aboutissant à une promo rapide tout en étant directrice d’une petite bibliothèque prestigieuse ; d’autres, placardisées, s’effondrent à cause d’une réorganisation intitulée transversalisation causant un burn out généralisé ; un magasinier alcoolo qui pue logiquement l’alcool, rendu fou à cause du sol rouge, moqué par une directrice fashion habillée en Chanel® qui n’aspire qu’à une mutation dans un poste prestigieux ; un autre, clodo punk, qui vient quand il veut ; une cadre – la même tête que son bouledogue -, protégée, qui fume dans son bureau en toute impunité malgré la loi Evin et les rappels de la médecine du travail ; un cadre a été pris en flagrant délit de vol et trafic d’incunables sur un site internet de revente ; l’icelle, qui se suicida suite à un article d’un quotidien, « La bibliothèque des emprunts définitifs », sur un fonds enrichi à partir des apports de Breton, Aragon et Suarès, avec disparition, entre autres, dans des sacs recouverts de son écharpe, en absence d’inventaire, de l’édition originale de Lunes en papier d’André Malraux et Fernand Léger, un livre de Tzara, 600 lettres de Roger Munier, le traducteur de Heidegger, un dépliant de 1916 contenant six poèmes d’Apollinaire, Jacob et Reverdy, un portrait du compositeur Erik Satie en ange par Cocteau datant des années 20, une gravure de Picabia, Chagall, Toyen, un dessin d’Annette Messager, avec un libraire, ancien vice-champion du monde de Scrabble©, pratiquant échanges et shadow banking en piochant dedans au mépris des règles de la domanialité publique ; un autre, acajou=bille d’ivoire=genou=déplumé=bobine dévidée=tête de veau (lavée)=qui n’a plus de chapelure sur le jambonneau=de fil sur la bobine=de mouron sur la cage=de cresson sur la fontaine=de gazon sur la pelouse=de paille sur le tabouret=qui a   la tête qui dépasse les cheveux=le front dans le coup=se dégazonne=ramène=boude aux cheveux attend son jugement pour harcèlement sexuel.

Les magasins, quand ils ne sont pas équipés de rayons en amiante[5], sont parfois inondés par infiltration, lors d’une fuite de wc par exemple. Un magasinier a été écrasé par un compactus®, ces rayons massifs sur rails avec un volant. Une chauve-souris morte dans un Kardex®, pour classer les revues par ordre alphabétique. Un technicien de surface n’hésite pas à vociférer à qui veut l’entendre ses opinions racistes en vertu de l’expérience psychologique mensongère de Stanford qu’il ignore. Reste ce cadavre embarrassant. Une garde à vue, avec ledit technicien, borgne, COTOREP peut-être, afin de renforcer les statistiques pour le ministère et obtenir, outre une possible promotion comme une carotte qui pend depuis des lustres, plus de moyens pécuniaires pour le service entier

  • Que faisiez-vous à l’heure fatidique (que nous n’avons pas réussi à déterminer susurre-t-ileli dans sa tête comme un mantra peu manga) ?
  • Rien, la vérité si j’mens.
  • Où étiez-vous ?
  • Nulle part.

Un vrai chat de Schrödinger. L’inspecteur.rice=commandant.e Shift hallucine.


[1] Ou transclasses selon une philosophe spinoziste, étudiant ainsi le point aveugle bourdivin, ce philosophe devenu sociologue, avec sa conception restrictive de la reproduction sur fond de marxisme mal assimilé. Une autre voie est étudiée par G. Bronner, inspiré par le subtil R. Boudon.

[2] Ce temple où chaque personne en vue dans la profession se doit d’effectuer un pèlerinage, comme une intimation d’une religion du Livre.

[3] Pompidou, ce « modèle » seriné qui « s’est cramponné au pouvoir comme un morpion, à pleines mâchoires, n’en voulant rien laisser, même incapable de l’exercer, même mort plus qu’aux trois quarts, agrippé à la France comme un avare à un tas d’or, jusqu’au dernier râle. » (Cavanna).

[4] La plus répandue est la Dewey, réactualisée régulièrement, consacrant une large place à la religion, évidemment en première position.

[5] L’Etat a utilisé l’amiante pour son faible coût tout en sachant, dès le début du XXe siècle, sa nocivité sur l’homme. Si, en Italie, l’Etat fut condamné, il n’en est rien en France.