[Musique; White; concert; Fourvière, Lyon] L’étrange concert de Monsieur Jack

[Jack White aux Nuits de Fourvière, dim. 08/07/18]

jackwhite-fourviere2018-180708_JW_Lyon-3685-800x533-2

Hasards

J’avais raté Jack au Transbo en 2012 après son projet avec la belle Alison Mosshart, venue tout droit de The Kills pour créer avec Jack The Dead Weather. Fait inédit ici : après désistement, les Nuits de Fourvière me téléphonent pour me dire qu’étant sur liste d’attente, la place est en vente. Bien m’en a pris puisqu’un billet de Massive Attack (20 ans de Mezzanine déjà, très belle poésie visuelle sur chiffres binaires et jeux sur extraits d’actualité en français mal traduit avec des fautes d’orthographe projetés sur écrans, une belle voix chaude d’une black enveloppée faisant passer Jessie Norman pour une anorexique, remémorant un tube culte des années rave réactualisé sauce migrant.e.s ou réfugié.e.s mais squizzant malheureusement l’excellent Teardrop – sans Lize Fraser des Cocteau Twins, il est vrai alors qu’un jamaïcain aux dreadlocks blanchis révèrbe de voix comme H. Andy) a été également mis en vente au dernier moment. Notons que le « comité d’entreprise » du service public n’a pas fonctionné cette année : aucune ristourne même si les 45€ de White surprennent en bien au regard des 58 € de Massive (Nick Cave, c’était au moins 65€, encore plus pour Radiohead), certes avec un jeu de scène plus évolué. Beau temps, contrairement à l’excellent et entraînant, entêtant LCD soundsystem, un synthé impressionnant digne de l’Eniac avec une musicienne déguisée en groom de luxe tel Mercury s’inspirant de Metropolis dans Radio Gaga, avec attente et concert sous la pluie battante, le pire concert en 10 ans du point de vue météo.

Attendre

Eclaté par une nuit du regretté P. Bellemare, et ses belles heures radiophoniques sur Europe 1, à France cul où Léautaud s’exposait avec verve et onomatopées en face de Clavel (celui de « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »), avant les entretiens de Mallet donc, et où un Mardi du cinéma est consacré à Les enfants du paradis (M. Carné, 1945 ; avec un témoignage d’Arletty de l’INA et le passionnant Trauner) alors que le mistral souffle frais en pleine canicule avec la lune en premier quartier cuivré. Maintenu en éveil grâce à un merveilleux Yun Feng n°1, un thé vert chinois du Zheijiang, un primeur de printemps du 10 avril acheté au Cha Yuan dans une théière translucide de chez Harrods. 28 tasses de thé soit 2 litres, pisser tout l’après-midi et envie d’uriner, sans urgence, lors du concert mais la déshydratation est loin. Après avoir enfilé un tee-shirt Laspid blanc en coton bio fabriqué au Portugal avec, en noir, Des glaneuses de Millet sur fond de centrales nucléaires comme au Buget près de la rivière le Longevent vers Pérouges remémorant une photographie impressionnante du taiwanais Yuan Goang Ming, mélange de Gursky et Parr réussi, exposée lors de la biennale d’art contemporain de Lyon 2015, je quitte la maison sur France cul causant du tour de France alors que Froom est justement hué.

2h30 en avance à la Nuit de Fourvière. Grandes heures : une dame fouille en premier filtre. Attente habituelle en 3 files ; une jolie grande femme seule, sexy, peau bien bronzée, celle qui a vu péter le loup, basculant vers la deuxième période de vie mais qui a encore de nombreuses ressources, avec du monde au balcon et des chaussures d’été kitsch flashy : une fan de la première heure qui a envie de jouer les vestales pour Jack et ses prises. Est-ce elle qui donnera un cadeau sur scène enrobé en papier kraft avec une étiquette « all my love » en caractères noirs sur fond blanc, via une jolie jeune rousse aux cheveux longs qui en jouera en headbanging comme si elle était dans un concert de métal ? Pas de soleil brûlant dans la file. Lire L’automne à Pékin de Vian en Pléiade et Positif, juin (le singe au ciné) et août-septembre (les criminels) revue née à Lyon, offerte pendant un an avec l’abonnement Club de l’Institut Lumière. Se précipiter sur le chemin de pierre chaude, comme d’hab’. Attendre encore. Go : suis premier en fosse, non au centre mais légèrement à gauche contre la barrière métallique noire des grands jours – crainte des lumières aveuglantes qui me mirent en souffrance lors des concerts d’LCD soundsystem et Massive Attack. Sexe et sueur. Attente assise sur fond de rap vintage 80’s ; à Détroit, le ghetto-blaster, Kurtis Blow et LL Cool J. balançait leur flow. Je cause avec un italien qui est venu spécialement de Gêne pour voir White qu’il avait déjà observé vers 2010 en Italie. Laurent, un habitué quadra de l’Institut Lumière, calé en ciné et nerveux, accompagné de sa maman, se lève de la pierre chaude en hauteur et me fait signe.

Ah Rico !

      En première partie, Benicio del Toro s’est réincarné en un carnassier They call me Rico, loin du style de A guy called Gerald, un type, Frédéric Pellerin à l’accent canadien, qui joue seul guitare, batterie voire harmonica comme Dylan, homme-orchestre donc, avec un micro à l’ancienne, digne d’Elvis. Plein d’énergie et chantant à pleines dents en articulant en anglais comme s’il allait être opéré par un dentiste après quelques cours de théâtre, il entraîne le public, en le faisant participer, en 30 mn, sur du rock / blues / folk. La pèche ! Il arrive – luxe – à chanter sans micro avec sa guitare sèche amplifiée et emporte la mise tant c’est inédit. Incroyable et couillu. Pas novateur mais impressionnant. Quatre photographes immortalisent l’instant. Il arrive même à reprendre Led Zep, pour clore (« Je vous laisse avec Jack »), de façon originale en se centrant sur le riff principal. Des instruments faciles à bouger pour laisser la place à White. Peu d’attente, soit 30 minutes.

Jack experience

      Ensemble classique à gauche : basse et sa grande bière sous coiffure rétro rock voire rockabilly avec veste en jean ; batterie sur escaliers sur roue.

Un jeu de percus sera éclairé mais inutilisé – suspense : musicien malade, viré par le tempétueux White ?

A droite : une dizaine (cinq / cinq) de synthés aux formes futuristes, un Moog sur un Hammond, au son toujours chaleureux d’œuf cuit au jaune coagulé sur le plat, et recherché, joué parfois façon Manzarek de The Doors. Ils seront utilisés par deux jeunes afro-américains venus du hip-hop, débarqués, retour vers le futur, des années 80, l’un coiffé teinté blond de mauvais goût comme un joueur de foot avec anneau noir dans le lobe tombant d’oreille à la Corto Maltese, l’autre en Stevie qui s’échine sur un Yamaha pour faire son de piano ou sur piano droit, parfois inaudible notamment lors d’une chanson mélangeant avec changements de rythmes rapides et audacieux, jazz, funky et rap, un vrai gloubi-boulga. Les types sont des virtuoses. Parfois, les nappes de synthés sont aussi légères qu’un gros gâteau à la crème ou un mauvais film des années 80 qui devrait faire les choux gras de Rockyrama voire de Schnock. White vise l’opératique mais comme pour W. A. à son époque, il serait possible de dire : « trop de notes », comme le parfois fatiguant Prince dont White s’inspire pour le décalage beat froid, électronique et voix animale à l’étendue moins développée que le défunt de Minneapolis ! White arrive même à dialoguer, guitare/clavier, sur d’anciens morceaux, voire se confondent en imitation (Over and over and over) – ce que je n’aime pas (pour un morceau, devenu un tube, la voix imite la guitare et réciproquement). White est complice avec la gauchère batteuse pas gauche. Il échange plusieurs fois quelques mots avec le bassiste et une fois avec l’un des joueurs de claviers pas tempérés. Un roadie, veste noire classe et cravate, à la barbe hipster ZZ Top nettoie les touches au pinceau large à ripoliner puis passe un coup de serviette. Il la passe touches par touches sur le piano droit vintage, mais va-t-il jusqu’à distinguer les noires des blanches ? L’incontrôlable et control freak, digne de Stanley, White semble plus obsessionnel que Gainsbourg, au point de donner la consigne de ne pas arborer de téléphone portable, enfermé à l’entrée dans un étui d’une start up californienne, pour filmer, communiquer ou autre, un agent de sécurité en profitera pour le signaler. Que le public vive le concert. Ce qui n’empêche pas un photographe accrédité de filmer une partie du live sur son téléphone, l’égalitarisme français en prend encore un coup. Du coup, aucune tablette numérique, élevée à bouts de bras, ne vient gâcher la vue. Dans son trip, où il est arrivé qu’il arrête un concert en voyant un quidam plié sur son portable, il ne semble pas être au niveau du caractère de Keith Jarrett même si sa réputation le poursuit, blase obligatoire pour sexe, drogue et rock n’ roll. C’est qu’il ne faut pas le titiller, le Jack.

Au milieu, 6 guitares, 2 provenant de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Who Framed Roger Rabbit, R. Zemeckis, 1988), notamment pour les « vieux morceaux » de The White Stripes, une guitare acoustique blanche, grande et kitsch à la Elvis dernière période ou showbizz tout court avec un G et des flèches dorées, une espèce de zodiac ésotérique (pas l’assassin mais l’astrologie) avec des ailes d’ange également dorées, utilisée pour des morceaux joués en solitaire, les musiciens seront même congédiés d’un revers de main pour jouer un country basique – un briquet sera allumé à l’ancienne, un vigile intervient, symptôme d’une époque ; une drôle de guitare vintage éraflée, abîmée en bois clair pour le dernier morceau – de bravoure, Seven nation army, que le public entonne, impatient, comme dans les stades, alors que la coupe du monde sévit avant France(bleus)/Belgique(diables rouges) au pays d’un Poutine triomphant, la Russie étant arrivée à un niveau inédit, en attendant que White rapplique. Deux amplis, dont un Fender vintage, avec micros devant. Un double jeu de pédales d’effets impressionnantes. L’une sera remplacée entre deux morceaux. Un roadie mince avec un sacré tarin et un chapeau noir de cake sur cravate rose emmitouflée dans veste noire passe un temps infini à tester les diverses guitares, y compris pendant le concert, les nettoyant parfois avec une serviette et les réaccordant ; plusieurs fois, il déroulera le fil reliant la guitare de Jack à l’ampli ; une fois Jack a failli tout de même se prendre les pieds dans le tapis. 3 micros sur pied – même les bonnettes sont essuyées avec une serviette ! –  dont l’un pour des effets de voix atroce confinant au laid auto-tune dominant, pire que le vocoder, en tout cas transformée par ordi ou synthé, ce n’est pas une réussite, notamment des cris dignes des Cochons dans l’espace dans The Muppet Show dans un rap aussi raté dans son flow que Spite & Malice (Black Market Music, 2000) de Placebo. La voix de celui qui est devenu quadra n’est pas exceptionnelle mais il arrive, assez facilement, à certains aigus. Un décompte ; White y fait deux fois une apparition rigolote en HD. Air décontracté.

Power

21h30. Tel un fauve qui n’a pas sucé que des glaçons, White in black (pantalon noir, banal ; un polo noir simple qui laisse entrevoir des bras travaillés par une muscul intensive confinant à la gonflette et deviner un petit bidon tendance dad bod’ – la terreur a l’air d’un sacré bon vivant; des chaussures neuves, atroces, noires et montantes sur semelles blanches à l’air de boxeur, ce qui est utile pour atteindre les pédales d’effets, qu’il utilise parfois avec retard au cours du jeu de guitare, qu’il relace entre deux morceaux sur la plus basse des marches de la scène), fonce électrisé sur son territoire, qu’il parcourt pour le délimiter, et chausse derechef sa guitare. Son visage, aux bonnes joues voire joufflu mais tellement pâle qu’il semble maquillé comme dans un trip goth’ genre Edward aux mains d’argent, (Edward Scissorhands, Tim Burton, 1990 ; une manière pour Gillis de devenir White) est masqué par des cheveux gras noirs mi-longs à la Bob Smith. Il enchaîne ce Zappa aux petits pieds, avec attaque à la Led Zep, refrain en un Queen maladroit, qu’est Over and Over and Over, que le public reprend en refrain (« Over and Over ») en levant le poing droit, puis Dead Leaves and the Dirty Ground du dernier déroutant album, Boarding House Reach, écrit chez lui sur son magnéto 4 pistes en posant sa mélodie chantée selon la méthode de M. Jackson, chez lui à Nashville puis 3 jours à chaque fois à NY & LA avec quatre musiciens virtuoses qui ne se connaissaient pas et Jack mélange le tout sur ordi (Pro Tools), et s’impose derechef : nous sommes cloués. La messe est dite. Il n’est pas là pour faire tapisserie, si on se réfère à son premier métier alors qu’il abandonna la calotte dont il a gardé le charisme. Le problème est que les nouveaux  morceaux sont foutraques voire imbitables mais ne le clamait-on pas pour l’excellent Earthling de Bowie (1997) qui se renouvelait totalement après avoir inventé, dans le premier volet du diptyque, un nouveau personnage, Nathan Adler, dans 1. Outside (avec B. Eno pour travailler à un triptyque abandonné), grâce à la jungle alors dans le vent ? Au troisième morceau, White se retourne déjà pour passer une serviette noire sur la tronche ; il fera de même pour picoler … de l’eau en bouteille.

La laide et légendaire batteuse – faisant passer PJ Harvey pour une top modèle -, fine, aux bruns cheveux sales avec fleur orange sur le côté, qu’elle enlèvera quand elle reviendra, montre des plateforme-boots, sortes de ballerines noires sur d’énormes semelles compensées en liège – goût de chiotte, mais chacun les siens, peut-être fonctionnel pour jouer. Elle est juste devant moi puisque je suis dans le premier rang en fosse. En tout cas, elle envoie du bois grave. Ce n’est pas Max Roach mais elle respecte le jeu de Meg – qui savait autant jouer de la batterie que moi de la flûte de Pan -, la simplicité efficace, un côté brut. Elle apporte plus de subtilité sur d’autres morceaux, y’a pas de mal. Un côté Mitch Mitchell avec un nouveau Jimi, le duo fonctionne à merveille : sensation d’être à Monterey ou à l’île de … Wight. Elle se prendra un coussin Voisin vert qui désorientera un micro qui sera remis dans la bonne direction. La composition de la batterie est simple ; elle abuse des pads sur les indications de White – mauvaise voie.

Je ne suis pas cette direction Moonraker (Lewis Gilbert, 1979 un 007 raté où même l’excellent Lonsdale fait rire) des horribles années 80 comme ZZ Top (Afterburner, 1985) où Prince via Georges Clinton Parliament funkadelic avec une pincée d’Afrika Bambaataa ou de Bootsy Collins – alors que la basse, qui a peu de latitude mais arrive parfois à s’envoler – n’est pas Flea des Red Hot, Entwistle, Pastorius qui veut -, est somme toute assez classique rock – laissant songer au jazz fusion peu convainquant de Tutu de Miles (White en adopte la posture en jouant le chef d’orchestre d’un doigt de dieu, en se retournant ou en s’éclatant en egotrip sur la baffle Fender ; entre les morceaux, il laisse la guitare sur la Fender pour maintenir le larsen, un côté cracra qui est une marque d’authenticité dans une set list bien huilée, parfois enchaînée brut sans transition ; une fois, il n’oublie pas d’éteindre la pédale d’effet mais le souffle de la baffle reste), expérimentateur mais pas le plus heureux, Quincy et Herbie Hancock (Rockit dans Future Shock, 1983) en background. Il manque parfois une mélodie accrocheuse, un riff simple dans le dernier album peu convainquant mais à l’expérimentation intéressante ; les solos de guitares sont toujours présents.

Les images spatiales sont banales et aseptisées, sans recherche. Le coup de la batteuse qui joue aux fléchettes en noir et blanc sur la tête de Trump sur l’écran est facile mais le manque d’anti-Trump aurait déçu. Un extrait de comédie musicale non identifiée en noir et blanc avec un acteur qui ressemble au début à Max Linder. Une quasi solarisation des musiciens en trait pour trait réussie. Les images n’apportent pas grand-chose. Pas d’éclairage exceptionnel mais il aurait fallu du recul – n’étant pas ubiquitaire – pour en juger.

Sans transition

White conclut la première partie avec l’hymne des The Raconters, Steady as she goes. Le rappel replonge dans les The White Stripes avec I’m Slowly Turning Into You, le single, et néanmoins tube du dernier et troisième album solo de White, Connected by Love, au chant proche de l’esprit d’Otis Redding et à la mélodie à la U2, inspirée de John Lennon période Plastic Ono Band, puis le déjanté et psyché Ice Station Zebra pour finir en apothéose avec l’inévitable classique Seven National Army.

Public

   Le public est plus calme que prévu, pas de pogo. Nous sautillons sur certains morceaux, les anciens surtout, où nous retrouvons nos petits en un rock renouvelé aux racines confirmées. Une dizaine de gens, mûrs puis plus jeunes, surnagent, portés par la foule, et échapperont aux agents de sécurité, bredouilles, qui se baissent sur leurs genoux comme des atlas ou des chiens limiers pour chasse ayant humé leur proie pour les récupérer et les virer comme ils le firent en masse en 2016 pour The Offspring. White tente de faire chanter le public mais n’y arrive pas, sauf sur le désormais classique riff de Seven nation army, car ces paroles défilent à rallonge (s’il est bavard, sa « poésie » n’atteint pas celle de Dylan dont le Nobel est toutefois abusif) ; il s’excuse de ne pas parler français. Le seul mot sera « Lyon » répété deux fois au début. Il dira de longues phrases en anglais que personne ne capte sauf les anglophones aguerris. Il a fait son taf sur 1h40 denses mais il n’est pas encore à l’aise pour dialoguer avec le public, ce n’est pas son propos. Il salue comme s’il était au théâtre, l’entrepreneur (à la tête de Third man Records, il produit, des rappeurs dernièrement tels que Black Milk, Insane Clown Posse ou Shirt, crée une usine de pressage de vinyles dans un quartier défavorisé de sa ville natale Detroit, envoie un disque sur platine dans l’espace grâce au Projet Icare, décore des battes de base ball, etc.) a l’esprit d’équipe. Il manquait tout de même Fell in Love with a Girl qu’il a pourtant joué en rappel au concert à l’Olympia puisque Jack n’a opté que pour trois lieux en France et 4 dates. Je mets mon sac à dos sur la tête pour éviter ces foutus coussins qui font mal, une tradition rock ‘n roll des Nuits de Fourvière à laquelle a dérogé Björk. Une fille me fait toc-toc pour me dire que je gênais en me protégeant ; je lui explique que le concert est fini. Les lumières s’allument ; les roadies, dont une femme, se réactivent. Le public de fosse pue la sueur, une infection.

 

Setlist :

Over and Over and Over

Dead Leaves and the Dirty Ground (The White Stripes)

Corporation

Why Walk a Dog ?

High Ball Stepper

I Think I Smell a Rat (The White Stripes)

Hotel Yorba (The White Stripes)

Hypocritical Kiss

Broken Boy Soldier (The Raconteurs)

What’s Done Is Done

Freedom at 21

I Cut Like a Buffalo (The Dead Weather)

Hello Operator (The White Stripes)

Ball and Biscuit (The White Stripes)

Get in the Mind Shaft

Respect Commander

That Black Bat Licorice

Just One Drink

We’re Going to Be Friends (The White Stripes)

You’ve Got Her in Your Pocket (The White Stripes)

Steady, as She Goes (The Raconteurs)

I’m Slowly Turning Into You (The White Stripes)

Connected by Love

Ice Station Zebra

Seven Nation Army (The White Stripes)

 

Photo : David James Swanson

 

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (#épisode 60)

gynéco

à la barre

déni grossesse

fréquent qui

s’accroupit pour

est hors l’humain

silence organes

dedans corps

utérus =

autres organes

président comprendre

hors l’humain

enfant n’existe que

si mère a mots

ici bug

dit gynéco

bébés s’étouffent

indigne d’être aimée

étouffe

cadette des 7

dedans box

assise

mes proches pleuraient pour moi

pleurs

dedans box

rien que pour moi

amour autour

pas vu

tombé dessus

tonnes de plomb

dit cadette des 7

pleure

abîmes abysses abymes

aller flashs

crépitent

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (épisode #59)

allers-retours

experts psy2

à la barre

ni rencontrée

ni expertisée

psy2 dit

silence hérité

famille taiseux

aucun fantasme

sur fœtus

pas de

j’attends un enfant

pas aller-retour

quelle catastrophe

m’arrive ? dit psy2

ignorées pensées

9 mois oubliées

anorexie de la

grossesse pas de

j’attends un enfant

pas prémédité

déni grossesse ?

rejetée info

annulée

dedans tête

enfant du silence complet reçu par la mère

attention pour ses drôles

perd du corps

comme déchet

tête corps bug

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Voyage en langue

.faire noix confite. maraichinage. se faire une langue. lécher les amygdales. rouler une escalope. s’embrasser à la colombine. rouler un sushi. embrasser en pigeonne. se rouler, se passer des saucisses

longtemps, je me suis touché de bonne heure. genre berniesque pour clowneries sensuelles. je me suis dressé, monté le chapiteau sous les draps, tiré la poudre aux moineaux, secoué la cartouche, fait la guerre de 5 contre 1, astiqué, gonflé le poireau, le spaghetti ou la colonne – Morris, collé, cogné un  – petit – rassis, monté le chapiteau entre minuit et les couvertures ; la chaufferette ; aiguisé le couteau, joué à mets couverts, gonflé mon andouille triple A voire AAAA selon agence de notation, arraché le manche à en faire des copeaux, à me râper le gruyère sur la nouille pour lui donner du goût, allongé le macaroni, chatouillé le spaghetti, tiré la courte, chipolaté le nougat sournois, la membrane, le levier de force, fait marché mon p’tit moulin ; marché aux feuilles de figuier ; chatouillé l’hibiscus, pété le yaourt dans mes mains, tiré sur la guimauve, fait sauter le bouchon ; m’en bats une quand je me suis fréquenté ; flatté le petit chauve, poli, régalé, balancé, secoué le chinois, fait à la pogne et non à la Saint Genix jusqu’à m’en faire fumer la plomberie, fait les cuivres façon Grand-Hôtel, passé à la feuille d’or, tapé un silencieux, pianoté l’émoi, fait le concerto de mes 2, d’Aranjuez, joué Vivaldi, fait les 4 saisons, fait saigné à blanc, paluché jusqu’à m’amidonner la main de ma sœur, lustré les cuivres au blanc d’Espagne, fait mon lavage à la main, monté la guitoune, fait la glimblette, torché coquette, passé au buvard, fait un nez à la Pinocchio, sorti mon Gnafron, joué à 5 contre 1, fait la bataille des Jésuites, des moines, jouté, rompu une lance, branlé à fresque jusqu’à repeindre les plafonds de la Chapelle Sixtine, fait tremblé le pinceau, dessiné jusqu’à étaler et appliquer des cartes de France pas rance, astiqué la colonne Vendôme, fait un truc façon Karagheuz, poli le Mont-Blanc, revu ma géographie, en bon français, découvert l’Amérique, joué au billard anglais, fait une géographie dans les draps, astiqué le geyser, taquiné le hanneton, fait pleuré, cerné les yeux, gallimardé, su l’Arétin par cœur, agacé le sous-préfet, repeint l’appartement, décollé ou cloqué le papier peint, secoué coquette au-dessus du bénitier, bu seul, étranglé le robinet, tapé, secoué le Mahomet, fait du cinéma, longtemps de bonne heure

Est-elle de la mangeaille ? aime-t-elle le veau ? fait-elle la cuisine à l’ail ? est-elle une éplucheuse de lentilles ? de la maison tire-bouchon ? verse-t-elle dans l’aïoli ? est-elle une suce-lentilles ? tate-elle de la brioche infernale ? est-elle une belette, une tribade, une fricatrice, une chipette, une fricatelle ? une minettière ? une Bilitis ? une Woolf ? se fait-elle tailler la haie ?

grand lit draps blancs fleurent frais et tendus. il est nuit. con fesse d’oreiller. sabl’émouvant. zafaire. cou cabré. entamer le morceau, le hors d’œuvre, la petite oie, se faire un petit raccord, lever de rideau, escarmouche, la patrouille de 5, passer à la casserole, jouer de la harpe ; petting ; battre le briquet

ileli suce colina rotunda. 2 igloos. c’est le défilé qui passe, elle a pignon sur rue : une belle livraison de bois devant la porte, les tertres bessons, l’espoitrinement à la façon de Venise, les garde-côtes, elle tient le Bic, pas de roberts en gants de toilette, ne fait pas dessus de pendule, pas friolets (ni en oreilles de cocker ni deux petits œufs aux plats), les amuse-gueules ; elle les a en citrouille ; une triperie à la mode de Caen ; le mou de veau ; les tétasses à la périgourdine, une vraie laiterie Saint-Hubert donc ; il y a des oranges sur l’étagère tout comme les fruits confits ; les pamplemousses en devanture sont mis ; elle est de la confrérie du pot au lait ; comme la voie lactée, l’herbe à grimper, les prisonniers, les blagues à tabac, les pelotes à épingles

à même cuisse-de-nymphe, la mégauder. peaux en appel. inem effleure. empoigne le frère Jacques, la cheville ouvrière, le virolet, la pince Monseigneur, le mistigouri, le Petit Frère, le locataire du dessous, le frétillon, le bilboquet à moustaches, le karagheuz, le callabristi, le niphleth, le tiriliberly, le jean-chouart, le bidet de culbute, le rubis cabochon, la guillery, le barnum, le bonheur des dames, le clysoir galant, le jean-jeudi, le frétil, le moineau de Catulle, le doigt sans ongle, la mentule, l’œil qui rit en pleurant, l’éternel enrhumé, le bonhomme en trop, le petit chaud, le ravi de la crèche, le borgne à roulettes, à col roulé, le jean-farine, la batterie de cuisine, la marque de la vaisselle, le brandon, le vivandier de nature, le concombre galant, le champignon de braguette, le bolet comestible, le cèpe, la pièce du boucher, le manche à gigot, l’os à moelle, le sorbet cassis, la pastanade, le salsifis, le 11e doigt, la frimante, le pal, le bourdon de Saint-Jacques, la chignole à mousmées, le montoir, le premier rôle, le cordon de Saint François, le perchoir à cigogne, l’écouvillon, le Jacques

item. vers vallée de tranquillité. entre Charybde et Scylla ; sous drap, descendre au lac ; du mouron pour les petits oiseaux ; se mettre un bonnet de grenadier ; faire la glibette ; taper dans le festin ; se mettre à l’établi sur son tablier de sapeur, de forgeron ; mettre la tête dans l’étau ; faire lichettes ; pourlécher les escalopes ; descendre à la crémerie ; faire une langouse ; grignoter la figue ; croquer la praline ; s’attabler au café, en prendre aux 2 Colonnes ; aspirer le pétunia ; ne rien laisser dans l’assiette ; laver la vaisselle ; se faire faire un retour de paupière ; faire un métier de chien ; prendre l’hostie à la chapelle

faire courtine sans omettre les lendilles, les landrons, les labies, les spopondrilles, les bibilles, les nymphes, le foie gras, les espondilles

alphabet langue. sa mounine, sa pachole, le sadinet, le calibristi, le morveau, le guilboquet, le théâtre des opérations, le bocage à fils d’or, la caverne d’Ali baba, le corridor des braves, le trou punais, le rouge et le noir, la fanny, la schnecke, le middle, le mitan, la ligne Maginot, la louvière, l’anneau d’Hans Carvel, le biribi, la loupeuse, l’atelier de génération, le corbillon, le quartier de devant, le grobis, le petit appétit, le morceau friand, le museau de tanche, la viande de chrétien, le lèchfrite ; aller à la crème ; la bouteille à miel, le petit Mozart, l’étui à clarinette, la loupine, la moniche, le sourire édenté, vertical, la perpendiculaire, le beau dédale, la campagne – de Cythère, le guillenard, la porte cochère, l’empire du Chicotin, le cripsimen, le dauph, le distributeur Gillette, le fer à cheval, la belouse, le vaisseau accoutumé, l’empire du Milieu, l’autoroute du Sud, les demoiselles d’Avignon, le grand écart le carrefour des enrhumés, le chemin – des Dames ; custodinos ; le barathre, le verdoyant, la table à ouvrage, le guillevard, la berlingue, les grands appartements, le tiroir du bas, le portefeuille à moustaches

lap- soupirs en pire -sus. aine suinte discrète. cascad’origine. gouffre d’abscons. introït jetzt. la mâtiner, alcôver, bourriquer, béliner, faufiler le cabot, l’ourser, étrangler un rat, abreuver le chien à l’écuelle, conniller, aller faire un canard, jouer aux cailles, abreuver le roussin, bailler du foin à la mule, la bluter, l’enconner, pratiquer la futition, la culerie, faire le chaudronnier, river le bis, brimbaler, aller à la cacasse, faire criquon criquette, remuer de la charnière, trinquer du nombril, carillonner des rognons, plaider aux consuls, égoïner, se ciseler le mérite, mettre au montoir, lui faire sourire la grimace au démonte-pneu, fourgonner, planter dans sa géographie, trabouler, mettre Villejuif en Pontoise ou en Quimper-Corentin, mettre le Grand Turc dans Constantinople et vice Versailles, y aller à la cosaque, traverser la Mer Rouge, tuer le mandarin, mettre, avoir la cheville au trou, faire le cas, biscotter, jeter son bonnet par-dessus les moulins, l’accommoder en maître-queue, faire un fast-foutre, cueillir les lauriers, le coup de l’échalote, faire les fruits et légumes, éplucher le concombre, casser l’œuf dur sur le comptoir, tremper, bouillir et rincer, casseroler, se l’assaisonner poivré, dérouiller son panais, mettre du lard en bouteille, faire une petite secousse dans l’escalope, se la passer au bleu, lier son boudin, faire le complet-saucisse, faire le coup du macaron, embouchonner, faire la vaisselle de Limoges, nettoyer le verre de lampe, jouer au petit Savoyard, bistoquer, faire cricon-criquette, battre le quartier, emmener Ferdinand à la comédie, être en loge grillée, une représentation de Guignol, donner un coup de brigadier, faire le tracas de polichinelle, rembourrer le bas, emmener le petit au cirque, traîner la frimante, farfouiller, fêter le milieu, fragonnarder, pousser l’escarpolette, sculpter l’atmosphère, gaver le contentement à coup de burin, faire le groupe de Canova, de Carpeaux, cheviller, faire clic-clac, briscofrétiller, houspiller la moniche, concer, bumsen, faire sonner Notre-Dame, rataconniculer, planter le mai, se faire une bouture, faire catleya, aller à la franche marguerite, jouer du pet-en-gueule, artiller, s’amuser à la pampine, mettre dans le corbillon, avoir de la vergette, mettre la bonde, aller l’amble, fouailler, jouer à cache l’épingle, engainer, se faire un petit dimanche

iambes nouées. dilatées djefed. ongles enracinés. glisse       ,,glousse. elle vagit. pas vu pas pris. lèvres libres. lascive s’irise. elle trisse. petit spasme. la bête a lâché son cri, les amygdales sont dégorgées ; éternuer sa cervelle, pleurer entre 2 guichets, se désencombrer les aumônières, faire l’omelette, faire son beurre blanc, faire mousser son blaireau, vider son carafon, faire tout outre, encenser l’intérieur. lit en bataille

Va’ d’imprimeur / bourrid’au dixième / je lui montre mes estampes japonaises / La città ideale d’Urbin’  précisément

A-t-elle la main scélérate ? se fait-elle baratter la marmite ? se bricole-t-elle le sillon ? fait-elle résonner sa guitare cachée ? fait-elle un petit solo de mandoline ? caresse-t-elle le petit chat du calendrier des Postes ? se fait-elle vibrer la virgule ? y va-t-elle au pic à glace ?

bougie terne. comme con  venu. 5 messes grégoriennes. massage. ,lacrymâl, .jad c 131. chatteries. jeu de peaux. plages .. esquisses Rodin. Minoucher. de Silos. que slips. elle jute sa cyprine. chair benoîte. plis aux cuisses. messe IX. petit creux, bas du cou. consensus. positions mimées. safe. plexiglas. promesses. teinte. seins – – B

 

elle fait le chapeau du commissaire, elle fait une politesse à Monsieur, elle tète la matraque, elle plombe les molaires, elle éponge le clown du Big Mac, elle scalpe le Mohican, tutoie le Pontife, elle fait zorber le Grec, elle fait les fourmis japonaises, elle fait son apprentissage aux Postes avant d’être directrice de la grande Poste, elle téléphone dans le ventre, elle ripoline le candélabre; Fume, c’est du belge !; elle dégèle le mammouth, elle rogne l’os, elle a besoin de calories, elle mange elle-même sa race, elle fait une petite mayonnaise, elle dit bonjour à la Vache-qui-Rit, elle défromage le minaret, elle fait épi de maïs, elle ne donne pas sa part de dessert, elle fait un after eight, elle aime les treets, elle croque le Mon chéri, elle sirote l’apéritif, elle fait une pomponnette au kirsch ; une buveuse d’orgeat ; elle tire un demi – sans faux-col, elle se prend des cales aux genoux avec sa langue-au-paf, elle prend les chemins de Fatima, elle fait la chaloupée sur le Savoyard, elle va en Chine à pied sec, elle n’est pas recalée à l’oral

joules de bénédictins. étagère Vrin tremble. cum jubilo. elle tourne le feuillet, la page. chez N’a-qu’un-œil. Emproser, antistrophe ; elle rue des feuilles ; s’emmancher comme des râteaux neufs ; elle se fait embroquer à la Peyrefitte, enviander, encaladosser, daufer, elle se fait baptiser poste restante, se refiler du petit guichet, aller en pantoufles par le chemin sec, elle prend du Moulineaux, la ruelle aux vesses, elle se fait besogner à la florentine, elle aime la terre jaune, elle va à Troustafanar ; mahométiser ; elle cheville à l’orientale, elle inaugure la salle de danse ; faire le coup du débardeur ; elle se fait enfifrer, ganymédiser, embougrer, enverguer, taper dans le Gnafron ; on joue à fesse-Guignol ; mazouter le pingouin ; elle se fait redresser la colonne vertébrale, elle prend de la dossière, elle préfère le visage à l’envers, elle a un crédit lyonnais entre les fesses, donner un clystère – barbarin, trancher du cardinal, elle n’a pas à avoir besoin de ruban bleu pour se faire enrouter, elle encaisse du rond de serviette, elle prend un buffet froid, elle fait une petite grignote coupe faim, elle perd ses légumes, elle pile des pois, aller à la moutarde, elle se fait déplisser la rosette, elle se fait un  – petit – hot-dog agneau-moutarde, elle mange sa raie au beurre blanc, elle recrache les pépins, elle prend du figne ; faire les Feuillantines ; elle fait une visite guidée des usines Suchard, elle se fait fourrer le Choco BN, bourrer le Nuts, le Bounty, casser coco ou le verre de montre ; elle se fait casser le pot, Albertine ; prendre l’escalier de service, s’enfuir entre 2 parenthèses

gloria, mode VII. matin : sans culotte. lecture, main en aine. évoque vagin … par un moignon

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (épisode #58)

procès noir sur

comment écrire blancs ?

soupirs décision

tête corps

allers-retours

comprendre ses blancs

cadette des 7

déni de

dénégation de

grossesse dedans

allers-retours

sachants

psy1 dit

donne vie

puis mort

puis vie

donne mort

pas jouir tuer

dans maîtrise

dissimule ment

dedans dénégation

pas jouir

refuse ment

blanc sur noir

dit comment

passer à l’acte ?

à la barre psy1 dit

génération d’avant

chaîne longue

  • 3 bébés morts loin

dedans lignée loin –

et obscure bonne mère

conserve dedans congélo

-blanc- laisse traces

  • adn et sacs plastiques –

mère coupable devant nous

mère bonne

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Mensonge d’une nuit d’été nuit

sang, sexe, argent – universelle & intemporelle trinité → nous sachons pyramides construites par extra-terrestres → stargate → idem statues îles de pâques → nous sachons stone age date du xixe → nous sachons homère n’existe que chez simpson → arrête l’arétin → nous sachons roman du compte d’anjou → nous sachons journal des bourgeois de paris → nous sachons poire branle-lance shakespeare n’a pas existé → groin , meurt-de-faim, puck → marlowe a écrit ses pièces → nous sachons louise labé poétesse du xviie selon ju d’a prof français sur france cul → nous sachons labé prête-nom scève – pas le chocolatier et le pâtisser → nous sachons corneille – pas le peintre – a écrit les pièces de molière → sous le masque de molière. Louis xiv est molière. trad. de l’anglais de j.m. paris : figuière, 1919. 32 p. in 12° carré broché. couv. ill. → il fait chaud : milkshakespeare → nous sachons infox poète local → initiales p.d. → intox contre bibi festival livraisons au mac → bazille acte ii scène 8 → d’abord bruit léger, rasant sol comme hirondelle avant orage, pianissimo murmure et file, et sème courant trait empoisonné. telle bouche recueille et, piano, piano, glisse en oreille adroitement. mal est fait ; germe, rampe, chemine et, riforzando, de bouche en bouche va le diable ; puis tout à coup calomnie se dresse, siffle, s’enfle, grandit à vue d’œil ; s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne et devient cri général, crescendo public, chorus universel, haine et proscription. barbier séville, beaumarchais → 47 pour ne pas _rire → 75 pour ne pas _rire → nous sachons orwell (novlangue, 1984 ; retraduit), kristeva, kundera espions communistes → nous sachons salengro, bérégo → nous sachons affaire markowitz en grande pompidou → nous sachons partouses toulouse beau dis comme baudis to lose my mind → nous sachons templiers sodomites → nous sachons irlande pays de swift lors référendum sur avortement ministre santé pour réduction nombre enfants → nous sachons indépendance flamands / wallons → nous sachons guerre des mondes o. well(e)s → f for fake → nous sachons orson était autiste → break the news rené clair 1938 → nous sachons terre est plate → scientifique tente prouver platitude avec fusée qui plante → nous sachons mémoire de l’eau → nous sachons affaire sokal → nous sachons nuages tchernobyl arrêté à la frontière → nous sachons selon lyon 1 vitesse lumière < 300 000 m/s au gran sasso → nous sachons chem trails → e.t. en vadrouille joue au morpion dans ciel avec roswell → such a shame → nous sachons complot juif forcément → origine pestes soi-disant → puits empoisonnés → nous sachons protocole des sages de sion → nous sachons complot des blouses blanches → nous sachons homme ne descend pas du singe qui descend tout de même de l’arbre → procès 1924 us → musée créationniste → pays sans nom, kentucky → vice-président us mike pence → évolution, une théorie ; pas un fait → nous sachons bush est mort, père & fils → pas à cause breitzel → on total bullshit médiatique → conneries sont ennemi plus grand de la vérité que mensonge selon philosophe frankfurt → quintus cicéron n’est point carré → bullshit de wauquiez à l’em lyon → nous sachons avion pas sractché contre pentagone 11 septembre selon réseau voltaire → nous sachons faucons avaient raison, vrais cons, en irak → nous sachons saddam a attaqué → nous sachons abou graïb salle concert métallica → nous sachons fake news awards trump → nous savons check check check fast cheking → aide russe (proc’Muller) et facebook élections us → directeur fbi viré → trump de fallope aime fessées avec journal avec sa tronche en couv’ → post-vérité sur son postérieur → dissonances cognitives → faits alternatifs → la clinton tiendrait réseau pédophile dans pizzeria → ta-ta-ta un type tire dans quatre saisons : carton → pape voterait trump → f for fame → cyberattaques chinoises, russes → cheval de troie → sociétés écrans → chambres à échos → nous sachons facebook payant, virus facebook → nous sachons pas déréglement climatérique → capitalocène → directeur nasa climatosceptique → nous sachons jamais marché sur la lune → film alternatif kubrick → nous sachons asteroïde danger terre → nous sachons alignement fatal planètes → nous sachons satellite s’écroule sur paris selon rabanne → nous sachons millénarisme d’an 2000 → nous sachons catastrophe maya 02/02/2012 → nous sachons compteur linky pas pointé par cour des comptes → nous sachons amiante pas nuisible → nous sachons masque de fer jumeau du roi → nous sachons gil de rais sodomite → nous sachons mitterrand victime attentat observatoire → nous sachons mitterrand n’a pas été décoré par francisque → élu président tout de même → nous sachons coupat coupable à tarnac → nous sachons f for fac tolbiac coma étudiant → nous sachons rémi fraisse pas assassiné par bombe lacrymo crs → nous sachons untel a subi attentat et tout le bataclan → et puis non, pas là : condamné → nous sachons unetelle victime acte antisémite → et puis non → nous savons actes antisémites augmentent → nous sachons ali juppé contre fillon → nous sachons macron a compte bahamas selon fn → nous sachons macron a bénéficié aide lobby gay selon spoutnik (russie) → nous sachons macron a eu liaison avec ex pdg radio france gallet → nous sachons hitler court toujours → nous sachons elvis encore vivant → nous sachons king of pop vivant → nous sachons prince vivant encore → nous sachons johnny toujours vivant → nous sachons amanda lear ou sheila est un homme → nous sachons isabelle adjani a le sida → f for fame → nous sachons aiguilles dans pistolet pompes à essences pour transmettre sida → nous sachons araignées rentrent dans nez, bouche, oreille dans sommeil → nous sachons serpents dans wc → nous sachons rumeur d’orléans → nous sachons gitans, patis enlèvent enfants → nous sachons rire en parodie → the oignon gorafi norpress en procès avec sudpress secretnews el manchar corse machin complots facile pour briller en satiété → macron complèterait loi 1881 art. 27 → nous sachons vivre tue → ça va chier → f for fuck

NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$
NOU$ACHON$NOU$ACHON$NOU$

 

(Manuscrit, Poésie) Cadette des 7 [épisode #58]

amie à la barre

yoga au

pays du mur

français

fréquentent

français

pas vu grossesse

pas su

inspire expire

tête corps

aller-retour

président comprendre

réel normal mobile

abandon contorsions

yoga pour

masquer grossesse ?

dit juge

l’amie

à la barre

confirme dires

du box

cours fini

faute de prof’

réel normal mobile

clichés de la

cadette des 7

qualité floue

gros plan

cadette des 7

aucune grossesse

floue demi

femme heureuse

enjouée gaie

président comprendre

dedans pv

tuais bébés car n’en voulais pas d’autres bébés

dedans  box

je me sentais un monstre

réponse selon état

plus compliqué que ça

blanc sur noir

dit acte

monstrueux mais

pas monstre

j’étais dans un état psychologique

président rappel

sincérité dires

du box

s’insèrent et procès

pas stratégie défense

réflexion évolue

silence

que je comprenne

dedans box

pleurs

je ne suis pas un monstre

cadette des 7

dedans corps

inspire expire

explique plus

dedans tête que

dedans corps

comme si

ne communique pas

tonnes de plomb

pas aller-retour

dires du box

comme si ce qui se passait dans mon corps

ne se passait pas dans ma tête

abymes abysses abîmes

président comprendre

tête corps plaisir

relations sexuelles ?

je ne crois pas j’ai jamais ressenti de plaisir

effacée cadette des 7

en pleine poire

jeune couple heureux

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit, Poésie] CADETTE DES 7 (épisode #57)

abîme abysses abymes

comprendre ses blancs

amie à la barre

pierre naïf

dit l’amie

s’intéresse plus

aux polders

qu’à la psyché

de la femme

enjouée gaie

la sienne

français fréquentent

français au

pays du mur

cadette des 7

demi femme heureuse

dit l’amie

à la barre

en pleine poire

pas vu pas su

pas femme demi heureuse

cadette des 7

gaie enjouée

réussi à sauver

part d’elle même

plus polders

que psyché

de sa femme

dit l’amie à la barre

je l’aime

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 (#épisode 56)

avocate dit

femme perdue

souffre dès qu’elle

parle grossesse

sens un vide

juge tente

comprendre

tuer autres enfants ?

dires du box

oui possible

silence frémit à

j’aurais pu faire la même chose avec mon second

-failli y –

silence

annonce grossesse

qu’au 5e mois

pleurs

comment passer à côté de la grossesse

de ma femme ?

pas su pas vu

avocate

dit dès

qu’elle parle grossesse

sens vide

avocate dit

enfant    dit

maman championne du gratin fraises

mère poule

dit blanche sur noire

attention

pour ses drôles

noir sur blanc

mère poule

dedans box assises

réel normal mobile

silence

[manuscrit Poésie] Cadette des 7 (épisode #55)

président comprendre

réel normal mobile

rapports maintenus ?

oui dit cadette des 7

gêne silence

j’ai essayé avec l’interrogatoire

cadette des 7

là c’est maintenant

silence

je ne pleure pas

les choses évoluent

gêne silence

président à maître

vous cassez

dynamique interrogatoire

je ne pleure pas je suis en colère

silence dedans box

j’ai essayé d’apporter des réponses

président comprendre

réel normal mobile

flashs de conscience début

de grossesse puis oubli

silence

dedans box

su puis plus su

abîmes abysses abymes

pleurs

sensation du bébé qui grandit dans mon ventre

lui parler puis plus su

pleurs

[Manuscrit Poésie] Cadette des 7 (épisode #54)

pour belle-mère

pas vu pas su

en maillot de bain au 6e mois rien vu

personne rien vu

ma fille médecin rien vu

pour belle-mère

ses sœurs rien vu

ses proches rien vu

dedans box

bébés pas partie de moi-même

jamais le sentiment de tuer des bébés

juge dit

mari dit

pour famille nombreuse

président comprendre

réel normal mobile

pourquoi ne pas

faire plaisir au mari ?

hors sujet

dit  marri

pas logique

se raccrocher

à réalité

dit président

chercher mobile

sensation du bébé dans mon ventre

cadette des 7

pas gérer la proximité du mari

silence

gérer rien du tout

silence

refus des rapports vers la fin

Fresh rhétorique

Penot-Lacassagne, Olivier ; Théval, Gaëlle (Sous la dir. de). Poésie & performance. Nantes : Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2018. 306 p. 978-2-35018-392-3

Chaud, chaud, la voilà enfin la synthèse, avec de rares illustrations en noir et blanc, tant attendue sur poésie et performance. Il est à regretter l’absence d’étude sur les futurismes (italien, Lista ayant le monopole, et russe, où un comparatisme aurait été enfin intéressant bien que Marinetti ait été moqué par les zaoum), de jeunes poètes trans(e)-poétiques[1] autres que les slameurs et un  index des noms qui aurait été bien utile, les nombreuses  redites entre les contributions (la célèbre polémique 2010 entre « flip flap » Roubaud-Smirou et « vroum vroum » Blaine-Prigent-Bobillot justifiant l’existence de ce livre fourbissant des armes théoriques en faveur de la performance ; chacun y va de sa conception de la performance dans chaque contribution en répétant pourtant les mêmes concepts, etc.) ! A part le parrain bienveillant Bobillot, les chercheurs sont jeunes, poussent au portillon même si la recherche n’en semble malheureusement pas renouvelée. Pourquoi les surréalistes sont systématiquement oubliés, mystère – revanche de l’histoire par rapport à Dada qui avait été minoré ? Si la progression semble chronologique, pourquoi les entretiens, comme une respiration bienvenue, où les poètes eux-mêmes semblent meilleurs analystes de leur pratique que les universitaires, de Blaine, mémoire de la performance, entre Dufrêne et Heidsieck, alors que Gilles Suzanne offre une étude sur Juju plus loin, et de Prigent, statique sur table vociférant ses textes comme du Shakespeare mal joué, entre Filliou et Luca ? Si le titre est générique, pourquoi ne pas avoir utilisé le pluriel tant il existe de pratiques en poésie et en performance ? L’épais P & P est tout de même important. Décidément, merci les (Nouvelles) éditions Cécile Defaut[2].

*

          Cadre

Penot-Lacassagne problématise sans lourdeur en privilégiant une lecture historique, théorique et critique. Une série de questions tient lieu de problématique.

De façon pour une fois compréhensible, quoique ça « ente » (p. 15) sur un fond toujours aussi scolaire, évoquant l’inévitable Goodman, comme les étudiants et professeurs d’esthétique ou d’arts plastiques nous abreuvent de Benjamin et L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, la brillante Gaëlle Théval envisage plusieurs définitions (Métail, Zerbib avec les critères de présence du lecteur et du public ou variable temporelle, d’évènement et de traces, de corps, voix[3] et action, ou variable matérielle et d’effectivité-efficacité, bien que ces derniers termes suscitent d’amples interrogations d’ailleurs non soulevées, avec contact avec le public ; l’indispensable Zumthor, qui utilisa les trois premiers critères sus-cités ; la grille médiologique figée de Bobillot, intellectuellement séduisante mais remémorant le triste temps du dogmatisme structuraliste, qui infuse actuellement jusqu’aux analyses de ses étudiant.e.s, attristant effet du système mandarinal universitaire qui s’auto-entretient dans le milieu compassé et pourtant nécessaire des colloques) pour finalement accoucher d’une souris : « cadre de perception ou, selon la formule d’ORLAN, un cadre vide où des pratiques viennent s’interroger’ ». Le féminisme à bon compte, c’est bien gentil mais nous ne voilà pas plus avancés tant cette assertion est floue et peut s’appliquer à nombre de pratiques ! Avouons que l’exercice est difficile tant la performance est fuyante comme le sable tout en tentant de trouver une définition suffisamment ouverte.

          Fondations

          Bobillot réussit, en survolant, le tour de force d’évoquer Les poèmes à crier et à danser dans le titre de sa participation sans citer dans le corps du texte Pierre Albert-Birot, PAB[4], ce qui aurait mérité tout de même un développement bien que la place manque ! Sans doute est-ce évident au point de l’omettre.

La performance naît dans le cabaret : Goudeau et les Hydropathes, les improvisations de Rollinat, que Bobillot exhume pour notre plaisir, via Ghil dont les simultanéistes (Barzun, Divoire, etc.) sont les héritiers, c’est son dada et un nouvel éclairage ; le poème simultan du Cabaret Voltaire. Réelles présences ! Tout est en place dès la fin de la Grande guerre. La mythologie, sur des faits historiques avérés, est heureusement renforcée. Pas de doute, nous sommes dans le disque dur du performeur. S’ensuit une conclusion imbuvable tant elle est médiologique, c’est mon avis.

Judith Delfiner affine sur Dada, dont la performance est l’essence grâce au rituel cathartique, et leurs pratiques dites hybrides, tant le mot est aujourd’hui galvaudé[5] : la « poésie performée » se décline en poésie sonore (Lautgedischte), simultanéité et hasard avec expulsion du sens à cause du trauma de la guerre. Le mystique et solipsiste Ball (Kabbale, Maître Eckhart, Boehme, Extrême-Orient) fait son trou avec sa poésie phonétique abstraite, Karawane (1920) où il dénonçait l’arbitraire du signe, qui contrastait avec le corps, contraint par choix, pour offrir une « image magique complexe ». Une contextualisation à l’aide de l’histoire de l’art[6], le spiritualisme de Kandinsky, est bienvenue. Le génial Schwitters[7] radicalisa l’incarnation phonétique avec l’essentielle Ursonate (1922-32). L’analyse aurait dû être plus substantielle tant cet artiste, un peu à part[8], est décisif – Patrick Beurard-Valdoye, enseignant aux Beaux-arts de Lyon aurait eu sûrement des choses à dire mais sans doute n’appartient-il pas au même réseau de chercheurs. Sur le primitivisme de Tzara, l’éclairage est pertinent : la poésie nègre, d’abord grotesque, devient recherche d’authenticité. Le but était de faire peur aux bourgeois qui venaient s’encanailler, en rejetant leurs valeurs, tout en renvoyant à la sauvagerie contemporaine. Tzara renforce l’expérience collective avec la poésie simultan, dissonnante[9]. Le public était actif.  La spontanéité primait. L’art total, venu de Wagner, était confirmé, les sens convoqués.

          S’ensuit une étude pointue[10] par Penot-Lacassagne sur Artaud qui cent fois remettait l’ouvrage sur le billot en ponctuant son écriture d’un coup de hache dedans. Normal pour celui qui surprenait par sa percussion et sa commotion. Pour l’artiste « auto-engendré », perturbé par le rapport à l’« autre », le terme de pénétration, semble plus opérant que celui, adopté ici, de perforation. Si l’auteur retrace les influences d’Artaud sur les avant-gardes spectrales[11] postérieures (Lettrisme, Dufrêne, Heidsieck), il passe rapidement sur la lecture essentialiste de Blanchot pour étudier avec précision les soirées d’intervention d’Artaud (conférence « Le théâtre et la peste », 6 avril 1933 à la Sorbonne où il toucha le sens plutôt que de représenter une agonie trop spectaculaire; conférence du Vieux-Colombier du 13 janvier 1947 où en lutte avec le langage, il « produit des effets par-delà le dire » à l’aide de la « perforatrice » glossolalie[12]; Pour en finir avec le jugement de dieu, janvier 1947 par la médiation de la radio), mythiques par leur échec tant séminal – ou la sidération suscitant parfois l’incompréhension, à l’origine de la poésie performée telle que déjà contenue dans Le théâtre et son double dont le théâtre de la cruauté (du Living theater à Castellucci en passant par Bruyère par exemple mais il est important de séparer, pour l’analyse, performance et théâtre bien que les relations peuvent être étroites comme le démontrait le fabuleux et nécessairement polémique 59e Festival d’Avignon 2004 avec Fabre, Abramovic, Lambert-wild ; De Simone aurait sans doute pu écrire des choses à ce sujet, etc.) qui n’est pourtant pas cité étrangement. C’est cependant la contribution la plus importante du livre en nombre de pages. Le corps aux sens aiguisés est incarné jusqu’à être porteur de sens. Péno pour Penot-Lacassagne qui passe son temps à s’auto-citer, en notes seulement, d’accord.

          Lettrismes

          Fabrice Flahutez réussit à embrasser la complexité du lettrisme et de ses diverses pratiques. Trop de mots relèvent du jargon, pas tant dans l’analyse, mais les lettristes l’imposent, ce qui contribue à les rendre obsolètes voire ridicules rétrospectivement. Nous retrouvons le non verbal post-guerre. La thèse de Flahutez est que « Le lettrisme est une poétique performative qui […] veut renouveler complètement le rapport à l’œuvre et faire de cette dernière un point d’intersession entre l’artiste, la vie, le public » (p. 83). L’interprétant, essentiel, s’investit, s’exécute en extrayant le phonème de son support d’origine dans une salle où le public participe activement, ne serait-ce qu’en affirmant sa désapprobation : « La poésie performe le réel au sens où elle est action » (p. 75). Le roman hypergraphique (polyautomatique), comme nouveau système de langage universel qui anticiperait, de façon anachronique ici – biais du chercheur qui doit à tout prix l’éviter, les langages informatiques, est une « œuvre ouverte » (U. Eco). Le ciné lettriste est disruption, comme on dit maintenant, entre son et image sur fond de found footage (de gueule ?). Le spectateur participe de l’œuvre plastique, sens duchampien exclu, selon 3 critères laissant songer à Kenneth Goldsmith[13] plus matérialiste tendance numérique, en incluant le descriptif du procès avec restitution analogique : analogie plastique, prose poétique et alphabets imaginaires. Au fond, ce qui différencierait le lettrisme de Dada, ce serait l’appropriation de la théorie de l’information (Shannon, Nyquist), tarte à la crème de l’époque alors qu’aujourd’hui les datas, entre théorie de l’information et cybernétique sur fond d’intellifence artificielle rebattue, nous sont serinés. Les chahuteurs Isou, Lemaître, Debord et Wolman risquent de revenir nous perturber pour manifester leur désapprobation car la thèse est un peu courte et ils rejetteraient le terme de poétique. Tautologie : le lettrisme est une poétique performative car ce serait une poétique performative. Bon.

          Si Schwitters était à part de Dada, Dufrêne se démarque également du lettrisme, quoique. Pour parodier Bashung : c’est comment Dufrêne ? Mon chouchou. Plus dans le théâtre, l’approche de Cristina De Simone, qui en profite pour faire la pub pour sa récente thèse, est plus faible : elle articule le lien rupture / continuité, avec le lettrisme en un « Je t’aime moi non plus » complexe, à la Sciences Po – encore une adepte du « En même temps » ; la pratique poétique est peu décrite sauf p. 97-99. Nous restons sur notre faim quant au rapport entre poésie et performance alors que c’est un maillon essentiel, comme il est dit, trop tard et sans détail, à la fin. A l’extinction de l’aventure ciné du lettrisme (fin 1952), Dufrêne vire vers Le Soulèvement de la jeunesse en liant, dans une dialectique complexe, art (contre le langage) et politique (cause révolutionnaire). S’ensuit le rapport de DuDu avec Antonin (répétition chez De Simone de « Toute l’écriture est une cochonnerie » comme un mantra rassurant ; doublon avec Penot-Lacassagne sans dialogue intertextuel[14] ; sortie de la page) et surtout son pote Wolman à qui il suce la roue (crirythmes, ou impro au magnéto avec cris, et mégapneumes ; Fausse route et manifeste Introduction à Wolman, 1950). Sur le fondement du témoignage nourri de Hains, la révélation est que Dufrêne ne s’attaque au magnéto qu’à son retour de service militaire au Maroc en 1957-58. Une nouvelle phase s’ouvre avec le deuxième numéro de Grâmmes l’« Ultra-Lettrisme ». C’est là que Chopin entre dans la danse, en s’inspirant de DuDu pour la création de la « poésie sonore »[15]. Dufrêne dépayse la langue jusqu’à la rendre « exotique » grâce au « trompe l’oreille » de l’allitération, distanciation au sens brechtien – le théâtre revient au galop, des homophonies, de l’orthographe phonétique, qu’accentuera Katalin Molnar, pour dénoncer le langage formaté. Tombeau est à cet égard un travail essentiel et radical. Dufrêne change ses fréquentations sans rejeter les anciennes. Est considéré également le travail plastique du décollage avec des affiches, le cinéma. Si la conclusion insiste sur le côté passeur du lettriste et sur son apport dans le virage vers la poésie-performance (Lebel, Lambert et Chopin), le descriptif de De Simone est un peu court.

          Heidsieck, Heidsieck, aïe aïe aïe !

Théval fait pétiller Heidsieck en des bulles d’abstr-action qui, en une ekphrasis fine et une synthèse dense et remarquable mais fausse, tente de saisir l’évolution de la poésie sonore à la poésie-action au plus près. C’est un festival de sabir universitaire, à faire passer Derrida pour Spirou, à sabrer absolument : si c’est intellectuellement « ludique »[16], l’exosquelette théorique pollue la compréhension de la pratique d’Heidsieck, jusqu’à faire de graves contresens, qu’elle tente maladroitement de légitimer dans le champ violent de la recherche tout en faisant un pas de côté par rapport au défricheur Bobillot pour se démarquer sans résister à la fin à l’hommage médiologique – passation de pouvoir entre deux générations de professeurs qui se rendent hommage ou congratulations indirectes inutiles. En une dialectique habile mais vaine (scénographie de l’écrit, de l’écrit à la scène et synthèse-foutaise, du texte en action à l’écrit en performance avec force oxyMoretti ), elle aborde de façon originale « l’œuvre d’un poète sonore sous l’angle a priori paradoxal de l’écrit » (p. 129). Angle passionnant, ma foi. L’hybridité (constitutive), l’exemplification, l’inter- ou trans-médiation, quoiqu’inscrite dans le temps depuis le fluxus Dick Higgins (p. 128), la rematérialité invoquées sont des termes d’origines anglo-saxonnes à la mode dans la recherche universitaire actuelle, tout comme ailleurs le management mal compris et calqué sans discernement, en manque de concepts précis, mal traduits, pour saisir une pratique certes difficile à analyser. Ce qui n’empêche que l’éculé « donner à voir » d’Eluard est sans cesse convoqué. Echec et mat à l’alma mater qui tâtonne. C’est émouvant. Rentrons dans la novlangue[17]. Evoquer la scénographie, qui n’est même pas définie ici, aurait été rejeté par Heidsieck, outre la référence implicite au théâtre, étrangère à Bébert. Après l’évocation de l’incarnation dans l’hic et nunc, Théval retrace le contexte non sans tordre la réalité puisque « Projeté dans l’espace » (p. 117 ; p. 124) se réfère implicitement au projective verse d’Olson, pour finalement annoncer son plan, l’articulation entre écriture, oralité et performance. L’intérêt est de montrer l’évolution d’Heidsieck en tentant de lui donner une cohérence a posteriori[18] alors qu’elle n’est que le fruit d’une praxis qui se référerait plutôt à un empirisme non continental, Heidsieck étant fortement influencé par la poésie anglo-saxonne (notamment les beats de la rue Gît-le-cœur avec Burroughs, surtout Gysin ; Théval cite quand même les Fluxus à l’American Center, p. 118) qu’à une œuvre pensée mûrement depuis le début, cas assez rare, Sitaudis en est une énième preuve. Il est vrai qu’Heidsieck a théorisé, a évolué dans ses conceptions mais toujours a posteriori et sans manifeste qu’il laissait à Chopin, pratique éculée des avant-gardes dont Dada se moquait déjà.

Thèse

Dans « biopsies » et « passe-partout », l’écrit est matériau par prélèvement, lu d’une voix neutre avec la pénétration de discours décalés voire opposés. Sabir ? « Les textes prélevés exemplifient ainsi leurs propriétés discursives, mais aussi leurs propriétés médiologiques » (p. 119). Imbitable, la répétition n’éclaire pas plus. Dans les écrits urbains (Le Carrefour de la Chaussée d’Antin, 1973 ; Démocratie I et II, 1977-79 ; Derviche/Le Robert ; La Poinçonneuse, 1970 ou poème narratif où l’écrit est envisagé comme le arrrgl « medium communicationnel » p. 120), l’écrit est matrice du poème. La ponction dans la réalité existait déjà chez Dos Passos[19] et d’autres ; elle est combinée avec la critique de la société de consommation également dans le postérieur Tentative d’épuisement d’un lieu parisien de Perec (1975, 1982, 2007). L’écrit serait un support provisoire du poème – ce qui est un non-sens, sinon il ne serait pas publié selon la volonté de l’auteur ; c’est une étape essentielle intégrée logiquement dans le procès. Pour moi, la partition n’est en rien un processus avec des directives indiquées ou mode d’emploi comme chez Fluxus. Les notes ne sont pas documentation, précisément ; contrairement au développement du raisonnement, elles font partie intégrante de l’œuvre, un peu comme chez Duchamp que Théval connaît pourtant bien, sinon ce seraient des gribouillis sur feuilles volantes pour génétique des textes.

Antithèse

Le rapport « polémique » (Bobillot) au livre est évident. Si Mallarmé récusait la notion de partition musicale, il est fort probable qu’Heidsieck, imprégné pourtant de musiques contemporaines, concrètes notamment, au Domaine musical (p. 118) et ailleurs, en fît de même bien qu’il ait nommé une partie de sa production « poème-partition », source de malentendus dont il se doutait. Et Ah la la, re-couche de Goodman en filigrane de toute la contribution : « Il y exemplifie la propriété d’être le support traditionnel du texte, auquel le poète arrache par sa lecture le poème » (p. 125). Il n’y a aucun arrachement, car comme la non distinction corps/esprit, longtemps peu compréhensible en occident, texte et lecture ne sont aucunement séparés, jamais, car créés ensemble (le gueuloir ne date pas d’hier – Flaubert ; la dialectique de Théval finit par aboutir à l’évidence après moult distorsions et contorsions inutiles « L’image du poème lu finit alors par devenir indissociable du texte » (p. 127), c’est le poème et non l’image du poème dont il s’agit ici ; « L’écrit prend ainsi une place significative, non seulement comme tremplin, mais aussi comme partie du sens du poème, faisant de ce dernier un véritable dispositif intermédial » p. 127 nous y revoilà ; le terme dispositif est précisément la preuve d’une relecture a posteriori à cause de l’influence des arts plastiques dans la poésie contemporaine). Qualifier de « papyrus » Vaduz, même si c’est par l’auteur lui-même, c’est, dans l’histoire longue du livre, faux puisque le défilement serait horizontal de gauche à droite : il s’agit ici d’un rotulus soit le déploiement vertical de haut en bas avec lecture de gauche à droite, la différence est considérable. Par contre, il est vrai que « l’impératif technique n’est pas seul à en dicter la forme » (p. 126) car trop souvent l’utilisation du Revox est présentée comme la cause, dans une optique techniciste à la Bernard Stiegler, de la sortie du livre.

Synthèse

Là les bras m’en tombent : le visuel ou déroulement progressif de la partition viendrait s’adjoindre au corporel et au technique ; c’est faux, il est partie prenante car pensé et exécuté en même temps. Le déroulement de l’analyse de Théval dénature l’acte même de création d’Heisieck tel qu’il l’a conçu. La surprise croît : « L’écrit acquiert alors un statut qui n’est plus celui du support de la partition pour entrer à son tour en performance » (p. 129). La phrase est habile comme transition dans le déroulement de la démonstration, fausse, mais ladite partition est performance effective mais non en virtualité ou en potentialité, contrairement à Mallarmé pour le coup. La phrase de Flahutez à propos des lettristes pourrait être reprise ici : « La poésie performe le réel au sens où elle est action » (p. 75). La progression de Théval semble fausse, donc erronée, à cause de la vieille confusion classique des catégories aristotéliciennes (effectivité, efficience, virtualité, réalité) qui ont pourtant essaimé dans la scolastique fondant l’alma mater. « L’écrit scénique » (p. 129) ne peut caractériser en rien Heidsieck, la référence théâtrale ou musicale est trompeuse. Souligner que « l’écrit scénique peut s’autonomiser au point de n’avoir plus vocation à être lue » (p. 129) est extrêmement marginal chez Heidsieck au point que ce n’est en rien significatif dans son œuvre et sa compréhension. Certes la fameuse « hybridité » est constitutive, c’est la mode – la transdisciplinarité serait plus juste malgré le côté barbare de l’expression qui a été également galvaudée, c’est pourquoi il ne peut y avoir « rematérialisation » puisque la matérialisation est intégrée dans l’élaboration de l’œuvre : le re est de trop.  L’aufhebung retombe à plat. La mention d’exposition des bandes magnétiques par Heidsieck aurait permis d’éviter ce qui apparaît comme une erreur de raisonnement en saisissant la pratique d’Heidsieck dans sa matérialité. La médiation du micro n’est en rien évoquée, elle est pourtant essentielle. Il manque une sociologie de la réception au regard des notes d’Heidsieck. Nous échappons heureusement au concept à la mode de « communs », qui ne sont pas que des wc, dans le sens où le poète sortirait de sa tour d’ivoire, hisserait la poésie hors du livre pour aller à la rencontre des publics et s’investirait dans l’espace public qu’il générerait parfois dans une vision romantique éculée.

Si la poésie s’honore d’une habile jonglerie avec un corpus bien maîtrisé et les références hétérogènes, limitées dans un champ restreint toutefois[20], rêvons qu’un jour Gaëlle Théval pense enfin par elle-même avec des concepts qui lui seront propres en forgeant ses outils.

          Après le Carrefour de la Chaussée d’Antin, Boulevard Hausmann

Heidsieck, Fluxus. Alors Hausmann, pour une fois pas effacé à cause de Schwitters, leurs rapports étaient complexes. Encore un angle passionnant. Sauf que l’écrit de Cécile Bargues est plus centré sur Raoul que sur Fluxus donc sa place aurait été logique après Bobillot et Delfiner. En bonne Sciences Po, Bargues décrit le contexte historique (p. 135), la position de Raoul dans Dada en intro, cela doublonne avec Delfiner qui elle-même répète ce qu’écrit Bobillot. Au moins y-a-il consensus mais dans la mesure où chaque apport est d’une dizaine de pages, était-ce bien nécessaire ? Dada est un mode d’existence, pulsion de vie sur champs de batailles encore fumants, une spontanéité ou présentisme chez Raoul. Pluralité de la performance chez Dada – « élasticité », plasticité dirions-nous aujourd’hui : chez le bouillonnant Hausmann, la danse, cet « art élémentaire » qui précède le verbal comme Rousseau l’indiquait pour le chant, est réconciliatrice. Il est étrange qu’une commissaire d’expo, même si ce n’est pas faux sur le principe, écrive que « Dada […] résiste et s’échappe toujours un peu de sa mise en boîte, en black box ou en white cube. Dada est le fantôme de nos musées ». C’est le problème de la performance en général au musée avec la contrainte que Dada se foutait des traces nonobstant la photographie de Sander (1929, soit après l’existence de Dada) sur Raoul cabotin dansant. Longtemps Dada a été déconsidéré par l’histoire de l’art, le mouvement ressort des oubliettes depuis quelques années avec un pic en 2017 pour la commémoration du centenaire du Cabaret Voltaire et l’inscription au programme de l’agrégation. La remarquable exposition Dada à Pompidou en 2005-2006 par l’incroyable spécialiste des nains de jardin peints, le brillant commissaire d’exposition Laurent le Bon démontre que c’est possible. De même pour Bargues, avec une expo Hausmann, dont la photo n’est qu’une partie des pratiques protéiformes[21], au Jeu de paume où elle en est commissaire[22]. Via l’interprétation de Fluxus, qui récupère, s’inspire, sans comprendre[23] « Hausmann se trouve (…) de près mêlé à l’histoire de la performance, mais pas en tant que performer. Il le fut pourtant toute sa vie » (p. 138). Hausmann danse de façon minimale, d’abord avec ses poèmes de lettres ou « Automobile d’âme », corps, souffle et voix, puis se dépouille progressivement (pas de décor, pas de costume) avec précision, inspiré des pantomimes, en rendant sensible la stylisation géométrique (architecture)[24] à Dada Berlin. Il y a beaucoup d’accointances avec le Bauhaus Schlemmer.  Si certes Raoul prône « l’état de mobilité interne », ne bougeaient parfois que les traits du visage, pourquoi souligner un « en dehors de toute idée de dynamisme ou de mouvement » (p. 139) ? C’est exactement l’inverse, même si Fluxus, Maciunas notamment, l’a compris autrement. La plénitude de Raoul laisse songer au rock’n roll et bouddhiste beat Giorno qui danse mais avec son texte en bouche, c’est la différence – une trahison bien féconde.

         _____________________________________________

[1] Cf. Bobillot, Jean-Pierre. Poésies expérimentalesGPS, n°10. Barjols : Editions Plaines Page, 2017. 207 p., avec une extension net sur www.plainepage.com/editions/gps10 . Y figurent, outre des textes critiques de qualité, Pauline Catherinot, Frédérique Guétat-Liviani, Laura Vasquez, Yuhang Li, Hortense Gauthier, Nat Yot, Hervé Brunaux, Pierre Guéry, Nicolas Tardy, Sébastien Lespinasse, etc. ayant, pour les poètes cités, un rapport à la performance.  Il est possible d’ajouter également Agostini, Chaton, Calleja, El Amraoui, Igor Myrtille et tant d’autres (les étrangers sont exclus alors que Fiedler, Escofet, Piringer, etc. sont des personnes importantes sans évoquer Ferrer, Ferrando, Minarelli et tant d’autres qui ont ouvert la voie) le but n’étant pas d’être exhaustif mais de démontrer qu’une certaine recherche universitaire peut être en phase avec les poètes de son époque, n’eût été le temps long de la recherche. Dans Poésie et performance, les jeunes sont Henri Chopin et Michèle Métail dont l’analyse est, à distance d’une contribution, intitulée « Michèle Métail : poésie publique » par Anne-Christine Royère. Soyons optimistes, il n’y a pas que des morts !  C’est tout de même curieux pour un livre dont la co-directrice Gaëlle Théval est notée comme travaillant aussi sur les poètes du XXIe siècle car le pavé paraît plus consacré aux poètes du millénaire précédent, plus précisément le XXe siècle. Peut-être à cause du bug de l’an 2000, le XXIe siècle ne doit pas avoir d’existence dans le milieu universitaire concernant la poésie contemporaine. Pour être juste, certains figurent à l’intérieur d’études (Chaton, d’Abrigeon à propos de sa réaction épidermique et facilement polémique, publiée sur Sitaudis, fondée sur l’axe de l’inadmissibilité de la poésie selon Roche et sur le fait que poésie ne souffrirait aucune épithète, le tout permettant une accroche facile à Théval en intro, etc.) mais aucune étude ne les saisit ensemble, vaste projet certes.

[2] Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’expression contemporaine ; Université Jean Monnet (Saint-Étienne) ; Puff, Jean-François (Sous la dir.). Dire la poésie ? Nantes : Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2015. 383 p. L’ouvrage, qui ne contenait pas d’illustration, est issu d’un colloque, organisé par le CIEREC dans le cadre de l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, qui s’est tenu du 12 au 14 septembre 2013 au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole et à la médiathèque Tarentaize. Evidemment, ce livre est cité dans Poésie et performance.

[3] Quid des performances silencieuses à la John Cage ?

[4] Les poèmes à crier et à danser, publiés dans la revue de PAB, Sic, datent de 1916 à 1919. Un numéro d’Europe (avril 2017, n°1056) vient d’être consacré à PAB et que les Huitièmes Rencontres poétiques de l’IMEC, dirigées par Carole Aurouet et Marianne Simon-Oikawa en mai 2017, étaient consacrées à « Pierre Albert-Birot au confluent des avant-gardes ».

[5] Même les voitures sont hybrides !

[6] Pas étonnant puisque Judith Delfiner est maître de conférences en histoire de l’art contemporain  et rédactrice en chef de la revue Perspective : actualité en histoire de l’art (INHA). Dommage que nous ne bénéficions pas de ses lumières à partir de son livre Delfiner, Judith. Double-barrelled gun : Dada aux États-Unis, 1945-1957. [Dijon] : les Presses du réel, 2011. Œuvres en sociétés. 636 p.    978-2-84066-366-9. Texte remanié de : Thèse de doctorat : Histoire de l’art : Paris 1 : 2006 : Le renouveau de Dada aux États-Unis, 1945-1957 sous la direction de Jean-Claude Lebensztejn.

[7] Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle (Paris). Kurt Schwitters. Paris : Centre Georges Pompidou : Réunion des musées nationaux, 1994. Classiques du XXe siècle. 397 p. 2-7118-3230-9 ; 2-85850-799-6 Publié à l’occasion de l’exposition tenue à Paris au Centre Georges Pompidou du 24/11/1994-20/02/1995 puis en Espagne à Instituto valenciano de arte moderno, 06/04- 18/06/1995 et puis au Musée de Grenoble du 16 /09-27/11/1995.

[8] Huelsenbeck refusa Schwitters dans Dada Berlin. Kurt fonda alors Merz. La réflexion sur l’articulation entre performance, poésie et Merz aurait été intéressante.

[9] Huelsenbeck, Richard; Janco, Marcel; Tristan Tzara. L’amiral cherche une maison à louer. Mise en musique à l’aide de l’Ircam par Gilles Grand lors de l’expo Dada : Zurich, Berlin, Hannover, Cologne, New York, au Centre Pompidou, 05/10/2005-09/01/2006, à la Washington, National Gallery of Art, 19/02-14/05/2006 et au MoMA, 18/06-11/09/2006.

[10] Qui ne se cantonne pas à l’examen de Artaud, Antonin. Œuvres. Edition établie, présentée et annotée par Évelyne Grossman. Paris : Gallimard, 2004. Quarto. 1786 p. 2-07-076507-5 mais se réfère aux 26 tomes de l’édition intégrale par Paule Thévenin. Par contre, si Prigent bénéficie d’un entretient, aucune mention n’est faite au livre de référence Prigent, Christian. Ceux qui merdRent. Paris : P.O.L, 1991, 2000. 351 p. 2-86744-251-6. Idem pour Christoffel à propos de Tarkos.

[11] Le concept fécond est emprunté à pas n’importe Nowak-Papantoniou, Stéphane. Le livre dedans/dehors. Les Editions Al Dante. La question du médium : livre, transmédialité et intermédialité. Contemporanéité et avant-garde. Questions de création littéraire et artistique. L’édition comparée. Thèse ENS Lyon, 2018, n°484. Littérature générale et comparée. Langue et littérature française. Directeurs : Eric Dayre, Jean-Pierre Bobillot. 422 p. 141 p. d’annexes. qui l’a repéré chez Derrida, Spectres de Marx.

[12] Quel regret que le livre fondamental Pozzo, Alessandra. La glossolalie en Occident. Préface de Jacques Roubaud. Paris : les Belles lettres, 2013. 449 p. ne soit toujours pas cité pour comprendre Artaud ou la poésie sonore en général dans une perspective longue d’une pratique ancestrale.

[13] Vient de paraître Goldsmith, Kenneth. L’écriture sans écriture. Traduction de François Bon. Paris : Jean Boîte Editions, 2018. 242 p. 978-2-36568-017-2. https://www.franceculture.fr/emissions/poesie-et-ainsi-de-suite/poesie-et-ameriques Il est tout de même dommage que le brillant poète sonore Igor Myrtille n’ait pas eu les droits de traduction pour certains écrits de Kenneth Goldsmith.

[14] Ibid. p. 54-55.

[15] Expression dont use abusivement un pseudo collectif lyonnais relancé, qui n’est pas BoXoN qui, eux savent, en tant qu’élèves pour la plupart de Bobillot, de quoi il en retourne à travers tant la théorie que la pratique. Il s’agit de personnes autour du poète P.D., qui lui-même croit faire de la performance en bougeant les doigts en l’air ou de la poésie sonore parce qu’il connaît trois notes de musique, accompagné parfois par un « musicien électroacoustique » conservateur obnubilé par les chants d’oiseaux sans arriver, loin de là, au niveau de Messiaen, qui s’approprient tant bien que mal le logiciel gratuit Reaper avec force échos, doppler et delay pour un résultat plutôt caricatural d’un  atelier d’écriture de médiocre niveau. Les pièces doivent durer moins de 8 mn car au-delà de 10 mn, ce ne serait pas de la poésie. Bobillot tente d’écrire un poème sonore record de plus d’une heure.

[16] Contrairement à chez Bobillot, ici l’humour est totalement absent, attention l’autopsie est au scalpel.

[17] Ce n’est plus possible d’écrire ainsi aujourd’hui. Re-lire Bergson, bon sang ou les écrits paradoxaux de Jean Wahl, son élève, qui démontait tous les systèmes dans le moindre détail, avec une clarté pédagogique !

[18] Tare du pays de Descartes où nous sommes le seul Etat pour qui l’hexagone a quatre coins : les acrobaties intellectuelles raides comme un jardin à la française, priment sur la réalité souvent méprisée (Althusser, Derrida, Badiou, Milner et consorts).

[19] Ce que Sadin, le BHL du numérique, était infoutu de comprendre, obnubilé qu’il était par ses écrans. Tant que nous y sommes, l’aspect numérique (Donguy, Balpe ; le regretté Bréchet, Pireyre, etc.) est complètement ignoré dans Poésie et performance. A ce sujet, nous conseillons le récent Bonnet, Gilles. Pour une poétique numérique : littérature et internet. Paris : Hermann, 2017. Savoir Lettres. 363 p. 978-2-7056-9497-5 Table des matières : intro : Écranvains ; première partie Seuil ; Chap. 1 L’image-seuil Glanage : du haïku au journal toponime, Dérive : la photofiction ; Montage : le qwerty-made. Chap. 2 L’œuvre mobile : vers l’hyperitexte Genèses, L’œuvre rouverte, Allongeails numériques, L’hypéritexte ; Deuxième partie Soi Chap. 3 L’autoblographie Je est un internautre, Dévoilement, Du pacte à la négociation ; Chap. 4 Le blog de résidence Résidences sur sites, Déports, Re-médiations ; Décrire, dit-elle Troisième partie Savoir Chap. 5 L’e-ssai L’essai, L’essaim, Le site Chap. 6 La maison de l’écranvain La weboîte en valise, Conservation : muséographie numérique, Collection : muséalie numérique, Exposition : (im)matériel numérique ; Conclusion : L’écosystème. Comme quoi il est possible d’être rigoureux tout en ayant de l’humour, question de personnalité.

[20] Au regard de l’excellent Yves Citton par exemple, le fait d’être suisse doit sans doute aider au décentrement, à l’éclectisme et aux idéations fécondes. En France, il n’y a guère que Pacôme Thiellement qui y arrive dans les domaines peu scientifiques de l’ésotérisme et de la low culture (pop, série, etc.) mais est-il reconnu dans le monde universitaire ? Les chercheurs français sont décidément bornés par les étiquettes et les cases et semblent un peu perdus devant une multiplicité de pratiques. Il s’agit d’un problème de méthode où embrasser la totalité complexe, sans verser dans le fumeux unitas multiplex à la Edgar Morin, paraît inabordable tant les outils pour les appréhender sont faibles ou peu pertinents.

[21] C’est souligné p. 138 avec une citation de Dachy avec qui Bargues a travaillé puisqu’elle a écrit dans Luna-Park. D’ailleurs commencer par là n’aurait pas été du luxe.

[22] Raoul Hausmann. Un regard en mouvement. Jeu de paume du 06/02-20/05/2018 après le Point du Jour, Cherbourg-en-Cotentin, du 24/09/2017-14/01/2018. Catalogue : Bargues, Cécile. Jeu de paume. Le Point du Jour. Musée départemental d’art contemporain (Rochechouart, Haute-Vienne). Raoul Hausmann : photographies 1927-1936. Paris : Jeu de paume ; Cherbourg-en-Cotentin : Le Point du Jour, 2017. 263 p. 978-2-912132-87-1.

[23] Mais n’est-ce pas le cas de tout mouvement artistique qui s’inspire d’un autre alors que le contexte a changé ? L’histoire de l’art est remplie de malentendus féconds. Ainsi la chaise de Walter Serner en 1916 à Genève et Chair Event de Georges Brecht cités (p. 138).

[24] Sur la correspondance des signes, voir, outre Michel Foucault, L’histoire de l’art d’Elie Faure à propos du Moyen-âge (XIIe notamment) et de la Renaissance.

[Printemps des poètes : Ardeur] Ada

ADA

 

01011100

A : taureau inverse

en L’île

labyrinthe synapses

trépidante jeunesse

flèche Zénon

hardie Ada fonce

avec Van

pâle feu

brandon brûle

en ær

pousser limites

être asymptote

& hors saison

 

Gall : bosse maths

princesse parallélogrammes

sic père

Lord Byron

(( )jamais à dada

sur ses genoux, Ada)

 

*

 

iris absente

belladonne

en yeux noirs

perçants

irradie d’autant

mon, ma, mes – arc tendu

Ada ou _

femme puissante

symbole

féminisme

  • isthme d’-ismes –

& microsoft

11001111

Eve future

en Menlo Park

fougue d’idées

dardent

neuromédiateurs

arc électrique

  • zéro un bits –

babil de Babbage

2e père

concaténation

rouages

concepts

perfectionner machine

cric-crac

programmation

n+1

langage ada

 

*

 

belté du palindrome

pied sur terre

venusté en flots fixes

cheveux jais

sont sylves où

rayons dardent

en outrenoir

 

tic-tac

au manoir

pudding

raisins corinthe

tea time

darjeeling

margaret’s hope

f.t.g.f.o.p.

first flush

pudeur figure fine

symétrique

regards de guingois

pensée oblique

feux pâles

dents-de-lion

au gré vents

contraires

 

tic-tac

miroirs ardents

charbon et amadou

Syracuse défendue

seconde guerre

punique

euréka !

bruit eau dans tasse

céramique dessins bleus

comme rêve

en volutes

cuillère tintin

nabule dedans

ondes vibrent

ardent sur mare

au diable

ulves – connectique

bulles

orage et tempête

Orlando se mire

Ophélie en

lentilles d’eau

puis Lullaby

  • apparitions –

fini temps sorcières

derrière bocages

desseins en

contr’allée

entre chien

et loup

carte perforée

du zélé tendre

 

relations rhin-rhône

Fermat : an = bn + cn

sourire

hypothénuse

temps variable

nuages papier alu

puis sélène aspirine

euréka !

front : abaque

automatique

 

*

 

pensées ardues

bosse maths

11100011

fend vuide

mots sont

             epitacia nabokovi

chenille en farfalla

_voir si rose

éphémère belté

se frayer en elle

chemins

entrevoit clairière

soleil changeant

comme humeur

  • ici vive

pommettes rouges

e s’amuït

comme soleil

en horizon d’attentes

se love lasse

 

cheval a ses

ardeurs

cancer utérus

process

 

 

*

 

tic-tac

Hedy Lamarr

Eterna femmina

(Allégret, 1954)

actrice

Nollywood

élabore radar

 

tic-tac

Enigma

déchiffrer

cryptogrammes

codes nazis

seconde guerre

mondiale

d day

Turing

croque pomme

empoisonnée

sorcière

nuit

Blanche-Neige

nuages

= moutons électriques

orages tonnent

 

rue volcanique

irruption du peuple !

nuit debout!

[Manuscrit, Poésie] CADETTE DES 7 (épisode #53)

mari perdu

à la barre

étudiant attardé

  • nul corps ai-je –

mari perdu pour

famille nombreuse

nous on les reçoit les bébés

pas prête

pas su pas vu

mari perdu

dispo pour

banc  de touche

je n’étais pas enceinte

pleurs

cadette des 7

conscience au début puis plus conscience

silence

cadette des 7

abymes abysses abîmes

si femme dit pas enceinte alors pas enceinte

point

pas vu pas su

dedans tête

mari perdu

15 ans

461 462

pas gros ventre pas bébé

point

pas su pas vu

consciente au début puis plus consciente

abîmes abysses abymes

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Quand conjugal se conjugue à l’imparfait

Jusqu’à la garde, Xavier Legrand, 1h33.

5236618

             Prends garde spectateur, la montée progressive de la peur donne des hauts-le-cœur. Ce film réaliste voire naturaliste saisit. La critique est unanimement positive sauf Les Cahiers du cinéma le film retrouve les pires travers du mélodrame, pour faire de l’ensemble un épais dossier sur les violences conjugales. »). C’est vrai que c’est un film, organique, un peu Télérama, qui laisse sur sa faim, pour feu les Dossiers de l’écran. Les plans séquences du test de grossesse et d’anniversaire de la fille tout juste majeure, qui chante Proud Mary (Rolling on a River) interprété par les Turner – ce qui ne manque pas de piquant vu le sujet du film lorsque l’on sait comment Ike traitait Tina, sont inutilement trop longs. Ceci dit, frissons garantis !

*

Planter le décor

             La première scène, digne d’Asghar Farhadi (Une séparation, Jodaeiye Nader az Simin, 2011) inspiré de Depardon, des Dardenne et de Mungiu, dure 20 minutes : une JAF (juge des affaires familiales, « Il ne s’agit pas de savoir qui ment dans cette histoire, mais qui ment le moins »), deux camps, la mère, visage dur, fermé (Léa Drucker, une Lassie qui a la peau sur les os, femme fragile mais aucunement victime, mère forte aux yeux bleus paniqués qui joua déjà l’ambiguë Laurène Balmes dans Le bureau des légendes d’Eric Rochant, 2015 suite au repérage dans le court de Legrand), le père, grosse masse en survêt’ aux yeux de cocker devant l’institution, inspiré de Ne pas avaler (Nil by Mouth, Gary Oldman, 1997), a déménagé et changé de boulot pour se rapprocher de son fils, flanqués de deux baveuses qui s’étripent de conserve selon la procédure et l’enfant, pris en étau (juste Thomas Giora). Cette scène, digne de Pialat, dont Legrand n’a pas vu les films, puise, par le positionnement de la caméra, dans les origines du cinéma, chez les frères Lumière. Xavier Legrand a mené son enquête auprès de juges (audiences de conciliation), d’avocats, de police secours (sidérante scène finale d’un flic au bout du fil en montage alterné tenant le spectateur en haleine), de femmes battues, de psychologues, de travailleurs sociaux, de groupes de paroles pour hommes violents. La dextérité de la mise en scène, étonnante pour un premier long métrage, laisse croire qu’il s’agit d’un long plan-séquence alors que les plans, serrés et fixes, les champs/contrechamps sont nombreux. Yorgos Lamprinos (Mehdi Charef, Costa-Gavras, Panos Koutras) est au montage. Les voix précèdent parfois l’image : le témoignage du petit, contre son père (« J’ai peur pour mamanc’est pas un pèreje veux plus jamais le voir… »), lu par la voix neutre de la juge est poignant. Le réalisateur capte la tension, le malaise grandit. La décision de la juge, d’abord contre l’ex-mari, est finalement en faveur de la garde partagée. Fatale décision pourtant humaine. Nous sommes embarqués et indisposés. « C’était un pari aussi de commencer par cette longue scène de 20 minutes, où l’on n’entend que des plaidoiries, des mots, des mots, des mots, tout en gardant l’attention du spectateur. » déclare Legrand.

             La force du film est d’éviter tout pathos, de travailler la peur par la suggestion, le travail du hors-champ selon la leçon de Tourneur (La féline, Cat People, 1942 ; « Avec les armes du cinéma, cette fiction rend visible la terreur qui ne se voit pas. » selon Léa Drucker). En effet, la musique est absente, les sons quotidiens, mentionnés dans le scénario avec story-board, sont amplifiés (les sonneries de téléphone portable, les horloges, les alertes sécurité de la voiture, le glissement de la ceinture de sécurité, les portes qui claquent, l’interphone, le bruit de l’ascenseur très flippant, les bruits des couverts lors des repas familiaux, etc.), les gros plans en intérieur où alternent fixité et grande mobilité (voiture, maisons, ces dernières étant la marotte du belge Joachim Lafosse dans L’économie du couple, 2016 lui-même inspiré de Dario Argento et Roman Polanski, « Je voulais parler de la maison, ce lieu où l’on est censé être à l’abri, alors que ce n’est pas forcément le cas » souligne Legrand) sont répétés mais sous différents angles pour accentuer l’effet d’anxiété et d’enfermement.

« C’est en inversant le point de vue de l’histoire que j’ai pu mettre en exergue le suspense du quotidien ». Le point de vue central est celui ensuite de l’enfant avec lequel les scènes, chronométrées, ont été tournées dans l’ordre chronologique : tout est grossi jusqu’à l’insupportable, le père, rejeté, devient un ogre, personnage central d’un conte cruel. Le fiston (« Je m’inquiète pour maman ») tente d’esquisser, ment même, pour ne pas être le pion d’une vengeance du père sur la mère. Il est harcelé (« Tu es devenu aussi menteur que ta mère ») par celui dénommé tant par le fils que par l’ex-femme, l’ « autre » : le géniteur parvient à obtenir les informations qu’il veut, sans se soucier de la violence psychologique. « C’est un rôle dur où il doit aborder de front la violence, la manipulation, la noirceur sans qu’on perde son personnage, sans qu’on le rejette et qu’on refuse de le comprendre. Il doit se glisser dans la peau d’un homme malheureux, en butte à lui-même, qui essaye de se faire aimer, mais vit dans le déni » explique Legrand. L’homme n’est donc pas monolithique, il pleure dans les bras de son ex (un sarkosien « J’ai changé »), terrorisée, contrôlant ses propos, ce qui permet de s’identifier ou de le rendre humain et d’expliquer, non pas d’excuser, l’escalade puisque tout le monde est contre lui, y compris ses parents. Chacun a ses raisons (Renoir).

Enfin, le film se décadre vers la femme enfermée pour une scène de terreur, qui marque. Vous n’entrerez plus dans une salle d’eau comme avant !

Le point commun ? L’homme désemparé, faible, aux prises avec ses douleurs d’enfance, rabaissé qu’il est par son père, manipulateur, tentant de reconquérir son ex, est l’axe principal de ces différents points de vue à l’enchaînement irréprochable.

             Archéologie

             Legrand était parti pour composer une trilogie de courts-métrages suite à la thématique et à la réussite d’Avant que de tout perdre (2013, 29’). Mêmes personnages, mêmes comédiens, équipe technique identique. Ne pas changer une équipe qui gagne après quatre prix au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand (Grand prix, prix du public, de la jeunesse, de la presse), César du meilleur court métrage (2014) et sélection pour l’Oscar du court métrage. Le fils d’infirmière et de surveillant-chef de prison tournait déjà la journée tourmentée d’une femme : elle emmenait son jeune fils et sa fille adolescente au supermarché où elle travaillait. Femme battue, Miriam quittait enfin son mari. Alors qu’elle attendait sa sœur, pour les emporter, le mari débarquait suscitant l’angoisse chez tout le monde. Le long était déjà dans la tête lors du tournage du court puisque Jusqu’à la garde a été écrit en 2008.

             Pas petit, Legrand XL

             L’ancien acteur (diplômé du Conservatoire national d’art dramatique de Paris et élève de la tragédienne Nada Strancar qui joua chez Vitez, il intégra fin 2005 le TNP de Villeurbanne du temps de Schiaretti pour jouer dans La Mouette de Tchekhov puis Le Roi Arthur pour le TNS où Alexandre Gavras, fils aîné de Costa-Gravos et producteur de Jusqu’à la garde, était venu ­filmer La Cerisaie d’Anton où Legrand assistait ­Julie Brochen à la mise en scène mais aussi Shakespeare, Molière, Copi, Pinter, Vinaver, Delay, il vient de jouer Auto-accusation de Peter Handke ; « Le fait aussi d’avoir travaillé avec un metteur en scène comme Christian Benedetti, par exemple, qui a un vrai sens de la dramaturgie, a aiguisé mon esprit de construction. » ; au cinéma, il joue des seconds rôles dans Au revoir les enfants, Louis Malle, 1987, Les Mains ­libres de Brigitte Sy, 2010, Les Amants ­réguliers de Philippe Garrel, 2005), amateur de tragédie (« Je me suis très tôt passionné pour les auteurs tragiques grecs, puis pour Corneille, Shakespeare, Victor Hugo. Les liens du sang, le pouvoir et le crime… » ; « Je cherchais ce qui, dans nos sociétés modernes, était l’équivalent de la tragédie grecque »), y compris contemporaine, s’est laissé emporter, en parfaite maîtrise, par son sujet. Ses influences ? « C’est Kramer contre Kramer qui se termine en Shining, en passant par La Nuit du Chasseur. » déclare le metteur en scène. Ajoutons un côté Haneke pour la mise en scène clinique et fluide avec suspense hitchcockien sans omettre ses disciples, Chabrol et Brian de Palma.

             A star is born to be alive

             Ménochet est impressionnant, tout en retenu, il passe en un éclair d’un regard d’agneau à celui d’un tueur. Rêve d’acteur. Pas étonnant pour cet amateur d’Hopkins, Hannibal le cannibale dans Le silence des agneaux (The Silence of the Lambs, Jonathan Demme, 1991), qui joua logiquement un flic dans Hannibal Lecter – Les origines du mal (Hannibal Rising, Peter Webber, 2007). Fils de bibliothécaire et d’ingénieur pétrolier, il a beaucoup voyagé (Norvège, Texas, Uruguay et Emirats arabes unis), ce qui lui vaut un parfait accent anglais. Il a donc joué le serveur dans La Moustache (Emmanuel Carrère, 2005), Le Skylab (en gentil militaire, Julie Delpy, 2011), Dans la maison (François Ozon, 2012), Toni dans l’excellent Grand Central (comme travailleur, la normalienne Rebecca Zlotowski, 2013), Je me suis fait tout petit (en séducteur face à Vanessa Paradis, Cécilia Rouaud, 2012), Les Adoptés (idem avec Mélanie Laurent, 2011) mais aussi dans Robin des bois (Robin Hood, Ridley Scott, 2010), The Program (Stephen Frears, 2015), Assassin’s Creed (Justin Kurzel, 2016). Repéré dans La Môme (Olivier Dahan, 2007 où il joue un journaliste), sa carrière a décollé grâce au rôle de Perrier LaPadite, un fermier résistant face au nazi Waltz dans la scène d’ouverture dans Inglorious Basterds (Quentin Tarantino, 2009). A n’en pas douter, un futur Thom Hardy.

*

             Un film déjà amplement récompensé : longuement ovationné lors de la remise du Lion d’argent de la meilleure mise en scène et du Lion du futur, prix « Luigi de Laurentiis » du meilleur premier film à la Mostra de Venise 2017, prix du Public du Meilleur Film Européen au Festival International du Film de San Sebastiàn 2017, prix du jury au Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz 2017, prix du Meilleur Réalisateur au Festival International du Film de Macao 2017, prix du Public au Festival Premiers Plans d’Angers 2018. Le film a séduit à l’international et sera diffusé dans plusieurs pays européens, aux États-Unis, en Australie, en Chine et au Japon. Legrand travaille sur une comédie noire, ça promet !

 

 

 

[manuscrit, Poésie] cadette des 7 (épisode #52)

soeur à la barre

dit cadette des 7

la plus discrète

parmi 7

pas charge

supplément

terre n’attend

pas à pas

cadette des 7

et pierre fort

jeune couple heureux

maternité aide

petit à petit

capable bien faire

peu à peu

déprime cadette des 7

estime de soi basse

pas choisi sa vie

cadette des 7

la subit sa vie

haut bas fragile

pleurs

président comprendre

souffert ?

mal à trouver ma place

silence

m’isolais pour lire

président comprendre

réel normal mobile

maternité aide

dit sœur

dit cadette des 7

a toujours assuré

pas vu pas su

président comprendre

réel normal mobile

désordre arrivée 3e ?

sœur dit

cadette des 7

toujours assuré

frère à la

barre dit

on a chassé

cadette des 7

pas dit aux enfants

qu’attendre enfants

on a isolé

cadette des 7

peu de souvenirs

de cadette des 7

pas d’anecdote

pas vu pas su

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 (épisode #51)

assume cadette des 7

sans hâte

contreboute

sans déqueuter

assure attaques

président assise

dedans box

voix sûre

posée amaigrie

  • nul corps –

assises dedans box

mari aimant

elle m’aime

audience suspendue

 

audience reprise

aller-retour

silence dedans box

photos dedans 250 m²

au pays du mur

président souligne

désordre 250 m²

président surligne

blanc congélo

noir de crasse noire

à relever empreintes

dit mari

président souligne

lits pas faits

comme on fait son lit on se couche

dit dicton

silence dedans box

pas à pas puzzle

président lit

au fur et à

profil puzzle

cadette des 7

avocat  ah non !

président comprendre

réel normal mobile

ni 461 ni 462

dedans poubelle

dedans box

pas mettre de corps dans la  poubelle

pleurs président

comprendre

plus compliqué que ça

dedans box

silence

je n’aurais pas pu

pleurs

président comprendre

réel normal mobile

fait ça comme ça

box dedans pleure

arrivée à la réalité

président comprendre

quelle réalité ?

assises dedans

box pleurs

mère de mes enfants

laquelle ?

pleurs dedans

que je les ai tués

silence retour

cadette des 7

flashs caméras crépitent

 

aller cadette des 7

dedans box

blanc sur noir

dit acte

monstrueux

mais pas monstre

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 (#épisode 50)

plus garder de suite bébés

processus enclenché de suite

plus maître

dedans pv

noir sur blanc

président comprendre

réel normal mobile

dedans box pleurs

cadette des 7

dans un état psychologique

regard perdu

cadette des 7

dire indicible

jusqu’ blanc

mari perdu

dedans tête

loupé vie rien vu rien fait vie loupée

semi-remorque en pleine poire

dedans tête

pas vu pas su

bébé vit

poumon respire

bébé crie

procureur comprendre

elle a donc entendu les cris des bébés forcément

président comprendre

réel normal mobile

relit pv

accroupie salle de bain

étrangler de suite

main droite étrangler

en les regardant

de suite accroupie

dedans  pv

noir sur blanc

président comprendre

réel normal mobile

cadette des 7

dit inverse

à police

président souligne

un état psychologique

président comprendre

gérer processus accouchement ?

dedans box

gérer rien du tout

dires du box

rien du tout

chose qui glisse

du corps

c’est comme ça

pleure assise

dedans box

président comprendre

réel normal mobile

étouffer ?

non ne sais pas confus

silence

j’étais dans un état psychologique

noir dedans tête

avocat bondit

et dit

parti pris

à président dit

je ne vous permets pas

président souligne

ménagère de moins de

appel assist. mat. exp.

garder cadet des 2

blanc sur noir

bondit et dit

parti pris

femme au foyer

aime calme

c’est tout

dires du box

toujours occupée

des 2 toujours

timide

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Poésie, Manuscrit] Cadette des 7 (#épisode 49)

non dit-elle

dedans box silence

comprendre cadette des 7

dit inverse à police

j’étais dans un état psychologique

président comprendre

réel normal mobile

relit pv

plus garder de suite bébés

processus enclenché de suite

plus maître

dedans pv

noir sur blanc

président comprendre

réel normal mobile

dedans box pleurs

cadette des 7

dans un état psychologique

regard perdu

cadette des 7

dire indicible

jusqu’ blanc

mari perdu

dedans tête

loupé vie rien vu rien fait vie loupée

semi-remorque en pleine poire

dedans tête

pas vu pas su

bébé vit

poumon respire

bébé crie

procureur comprendre

elle a donc entendu les cris des bébés forcément

président comprendre

réel normal mobile

relit pv

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Bing à Ebbing

Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, Martin McDonagh, 2017

index

« Cela me plaisait que le titre soit long, excentrique. Et le fait qu’il soit tellement particulier le rend aussi mémorable. » déclare le réalisateur anglo-irlandais McDonagh. La traduction française de son troisième film est toujours aussi ridicule, il va falloir y remédier un jour, 3 billboards – Les Panneaux de la vengeance. La loi 101 n’est, pour une fois, pas heureuse : Trois Affiches Tout Près d’Ebbing, Missouri au Québec. L’amateur de The Clash, de Ne vous retournez pas de Nicholas Roeg (Don’t Look Now, 1973), où un couple éprouve la disparition brutale de leur jeune fille, et de Paris, Texas (Wim Wenders, 1984), nous décrit au scalpel un patelin perdu dans le trou du cul du Midwest, Missouri, mi-péquenauds, dans la Bible Belt, même si le lieu de tournage est plutôt dans l’ouest de la Caroline du Nord, une bourgade montagnarde. Consciencieux, McDo a visionné ses deux autres films : dans 7 psychopates (Seven psychopaths, 2012), « il manquait une connexion humaine. Dans In Bruges, j’étais avec le personnage de Colin Farrell et laissais de l’espace pour la part triste de l’histoire à travers les silences, les regards. Ce n’était pas simplement drôle, burlesque. ». Mais caution, Lemy, pour ce polar qui n’en est pas un : « Il ne s’agit pas pour autant d’une réaction directe à la situation en Amérique ces dernières années ». Quelques séquences à la Tarantino sont efficaces pour ce film d’1h55 : un passage à tabac avec défenestration, dans un bar pour la bonne cause, le retour de fraise du dentiste qui venge Dustin Hoffman en Babe (Marathon man, John Schlesinger, 1976) ; la peau de vache qui, dans ce rape and revenge mais pas que, balance des cocktails Molotov et cogne des lycéens impertinents devant son fils médusé. Ambiance.

*

Humains, trop humains

Mère ___rage

Outre un humour noir à la Coen, même si McDo s’en défend, et des dialogues à la serpe trempée dans l’acide (« Tu sais ce qu’ils font des tafiottes à Cuba ? Ils les tuent ! – Tu es sûr que ce n’est pas plutôt dans le Wyoming ? »; McDo s’inspirant de Pinter, Shepard, ses personnages forts en gueule et loosers magnifiques, et Mamet a écrit The Leanane Trilogy et The Aran Islands Trilogy, récompensés en 1996 du London Critics Circle Theatre Awards; dès 2003, son univers théâtral se teinte d’humour noir avec The Pillowman, A Behanding in Spokane créé à Broadway en 2010 avec en tête de gondole Christopher Walken; à noter que McDo trouve fort justement que MilkShakespeare est ennuyeux), les personnages sont complexes, évoluent en sondant leur part d’ombre mais aussi leur beauté puisque, selon le metteur en scène, il s’agit d’un film … optimiste ! « Le plus terrible dans ce monde, c’est que chacun a ses raisons. » Renoir l’avait déjà mentionné.

Et voilà que débarque Frances McDormand, déjà auréolée d’un oscar pour son rôle de flic humaine, teigneuse et enceinte jusqu’au cou (Fargo, 1997, Frères Coen dont l’un est marié à Frances qui joua Abby, une femme prise dans un triangle amoureux entre patron de bar texan, barman et tueur à gages au rire sardonique dans Sang pour sang, Blood simple, 1984, dans Arizona Junior, Raising Arizona, 1987, Miller’s Crossing, 1990, The Barber, 2002, Burn After Reading, 2008 où elle a incarné l’employée loufoque d’une salle de gym, collègue de Brad Pitt, rêvant de chirurgie esthétique, Ave, César !, 2016 en passant par l’ami du clan, Sam Raimi, Darkman, 1990, ou encore Ken Loach pour Secret Defense, Hidden Agenda, 1990, John Boorman, Rangoon, Beyond Rangoon, 1995, le thriller Mississippi Burning d’Alan Parker, 1988 où elle est nommée pour l’oscar du meilleur second rôle tout comme dans Presque célèbre, Almost Famous de Cameron Crowe, 2000 où elle est la mère, Père et flic, City by the Sea, Michael Caton-Jones, 2002 où elle dialogue avec Robert de Niro, ou encore la femme de Sean Penn, un rocker gothique vieillissant chasseur de nazi dans This Must Be the Place de Paolo Sorrentino, 2011, Moonrise Kingdom de Wes Anderson, 2012 avec Edward Norton et Bill Murray, le blockbuster de Michael Bay Transformers 3 : La Face cachée de la Lune, Transformers : Dark of the Moon,  2011;  au théâtre, elle incarna un rôle dans Un tramway nommé désir, A Streetcar Named Desire de Tennessee Williams ou encore Lady Macbeth dans la pièce de Shakespeare), en white trash travaillant dans une boutique de souvenirs kitschs avec son bandana en hommage à Walken dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter, Michael Cimino, 1978), son visage figé, la mâchoire serrée à la Calamity Jane avec son bleu de travail. L’un des deux flashbacks indique que les rapports avec son ado, la mal nommée Angela, une sorte de MacGuffin à la Laura Palmer, n’étaient pas simple : elle lui a interdit fermement d’emprunter la voiture le soir fatidique. Balancer des céréales sur la tronche du jeune fiston (celui qui était dans Manchester by the Sea, Kenneth Lonergan, 2016 traite ici sa mère de « vieille pute ». Mildred s’insurge : « Pourquoi vieille ? Je ne suis pas vieille ! ») n’est pas d’une élégance folle bien qu’il soit drôle de se retrouver dans une scène à la Laurel et Hardy dont bien des parents rêvent. « Elle est arrivée avec cette idée de western, et d’une figure de ce type. Sans apprécier John Wayne outre mesure, j’ai trouvé judicieux le choix d’une icône américaine pour qui le job doit être exécuté. Mais du coup, le film a sans doute un peu plus penché du côté du western que je ne l’imaginais au départ. Et Carter Burwell, le compositeur, a dû s’en rendre compte lui aussi, parce que sa partition a apporté des touches de western-spaghetti. Après coup, j’ai dû me rendre à l’évidence : les éléments de western, avec une personne débarquant en ville pour aller débusquer les méchants, sont bel et bien présents, même si je n’avais pas envisagé Three Billboards comme tel au moment de l’écriture. » Western oui, dans la lignée entre autres de Trois enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada, Tommy Lee Jones, 2005) et Comancheria (Hell or High Water, David McKenzie, 2016) mais pas seulement.  Il y a aussi du Spencer Tracy errant dans la bourgade d’Un homme est passé de John Sturges (Bad Day at Black Rock, 1955), à la recherche d’un nippon lynché par les autochtones durant la deuxième guerre mondiale. Cette go and get it, qui pourrait être une Mildred Pierce (Le roman de Mildred Pierce, Michael Curtiz, 1945) n’a pas sa langue dans sa poche, en bravant le code Hayes, en recadrant un prêtre sur le thème de la pédophilie, en remplaçant ces foutus babillards énormes, qui se voient de loin sur une route abandonnée, autour desquels le film est un peu trop axé en plans larges et en perspective : « Agonisante et violée »; sur le deuxième, « Et toujours pas d’arrestation ? »; « Pourquoi, chef Willoughby ? » sur le troisième en lettres noires sur fond carmin. « Ma fille, Angela, s’est fait enlever, violer et assassiner, il y a sept mois le long de cette route. Et apparemment, les policiers de la région sont trop occupés à torturer les Blacks pour avoir le temps de faire leur boulot et d’aller arrêter les vrais criminels. Je me suis dit que ces panneaux les feraient peut-être réfléchir… En fait, je ne sais pas ce qu’ils font. Ce que je sais, c’est que le corps brûlé de ma fille repose six pieds sous terre. Et eux, ils s’enfilent des beignets toute la journée et arrêtent des gosses parce qu’ils font du skate sur les parkings… » Nous pourrions nous passer des photos du corps calciné. C’est pendant un de ces voyages que Martin McDonagh, entre Alabama, Georgie et Floride, a aperçu à travers la vitre du bus qui traversait une ville du sud des Etats-Unis, trois panneaux publicitaires qui reprochaient à la police locale de ne pas avoir élucidé un meurtre. « J’y ai lu de la colère, de la douleur et du courage » souligne McDonagh.

Grillé, le poulet

     Bref échange entre l’incompétent chef de la police, qui se révèle proche des gens, un bon manager rempli de bonté et de philosophie, un père et un époux admirable, à lire sa touchante lettre d’amour, et la mère tant éplorée au point que si on la secoue, elle est pleine de larmes : « Vous saviez que j’étais malade, mais vous avez quand même mis mon nom sur cette affiche ? » demande, incrédule, le robuste flic à Stetson. « Pour que ce soit efficace, il fallait bien le faire avant que vous claquiez, non ? ». Le chief Woody Harrelson était déjà présent dans la série True Detective, Tueurs nés (Natural Born Killers, Oliver Stone, 1994), No Country for Old Men (avec le Stetson de Wells, Frères Cohen, 2007), Insaisissables (Now You See Me, Louis Leterrier, 2013) avec sa stature, sa tronche de traviole qui bouffe ses mots pour en sortir des perles.

     Les flics n’ont pas la part belle. « Tu sais, si on devait dégager tous les flics racistes, il n’en resterait que trois. Et ces trois-là détesteraient les pédés » (Woody Harrelson à Frances McDormand). Dixon cumule : redneck plus ultra fort bas de plafond (pléonasme), raciste (il cogne les noirs mais n’aime pas qu’on les traite de « nègres » car ce sont des « gens de couleur » qu’il tabasse ! « So how’s it all going in the nigger-torturing business, Dixon? -It’s « Persons of color » – torturing business, these days, if you want to know … »), homophobe, fainéant à mettre les talons sur le coin du bureau (avec Abba en fond), alcoolique, fils à maman elle-même alcoolique et autoritaire. « Dans un premier montage, il y avait plus de numéros de Sam Rockwell faisant l’idiot par exemple. C’étaient de super scènes mais cela nous éloignait de la tragédie. » Rockwell prend son pied en adjoint Dixon et nous aussi : « Je suppose qu’il y a une part de dégoût de soi, dont souffrent beaucoup de racistes. Je pense que c’est d’abord cela. Il y a aussi sa relation étrange avec sa mère. » affirme l’acteur qui a travaillé avec un suprématiste blanc repenti. S’il a patrouillé avec de la flicaille pour s’imprégner, il s’inspire également de la série Cops. « Coal Miner’s Daughter est un super film sur la culture hillbilly, Tender Mercies avec son regard sur la country, Lonesome Dove est excellent, d’autres westerns aussi ou même The Right Stuff, qui en a la philosophie. » L’incroyable Rockwell, véritable character actor interpréta des rôles dans le cinéma indépendant new-yorkais (Last Exit to Brooklyn d’Uli Edel, 1989, Basquiat de Julian Schnabel, 1996, Box of Moonlight de Tom DiCillo, 1996) et aussi dans Celebrity de Woody Allen (1998), Galaxy Quest de Dean Parisot (1999), dans La ligne verte (The Green Mile, 1999) de Frank Darabont en psychopate marquant, Confessions d’un homme dangereux (Confessions of a Dangerous Mind, le premier film de Georges Clooney où Rockwell obtint le prix d’interprétation à Berlin en 2002) où il est Chuck Barris l’animateur de tv, Les associés (Matchstick Men, Ridley Scott, 2003), L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (The Assassination of Jesse James, Andrew Dominik, 2007), dans Frost/Nixon, l’heure de vérité (Frost/Nixon, Ron Howard, 2008), Moon (2009) de Duncan Jones, le fils de Bowie, où il est Sam Bell l’astronaute, Iron Man 2 (Jon Favreau, 2010), Cet été-là (The Way, Way Back, Nat Faxon et Jim Rash, 2013), dans The Best of Enemies (Robin Bissell, en cours de tournage) comme membre du Ku Klux Klan. Il ne partage pas que le même goût pour le cinéma indépendant américain des années 70 (Bob Rafelson, Martin Scorsese, Peter Bogdanovich, Terrence Malick, etc.) avec McDo, il a participé à sa pièce A behanding in Spokane et à son deuxième film, 7 Psychopathes (2012). « Sam [Rockwell] et moi, nous apprécions les films avec Robert De Niro jeune, Marlon Brando, James Dean ou Montgomery Clift. Et en écrivant, j’ai réalisé qu’ils n’avaient pas vraiment d’équivalent féminin : les jeunes filles n’ont pas de Travis Bickle [le personnage joué par Robert De Niro dans Taxi Driver, M. Scorsese, 1976] ou de Marlon Brando, quelqu’un pouvant influer sur la façon dont vous allez marcher ou vous tenir, adolescent. » Baste, le poulet cédera à la rédemption, thème américain en diable, grâce à l’un des redoutables et imparables effets de scénario, des arcs, qui nous font tomber dans le panneau.

Željko Ivanek, figure familière des génériques télé et ciné, est également un sergent Rantanplan.

Des seconds rôles pas si seconds

     Les acteurs-trices sont au même niveau. Peter Dinklage, nain viril sorti de Freaks – La monstrueuse parade (Freaks, Tod Browning, 1932), Fellini, Les nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen, Werner Herzog, 1970), également Tyron Lannister dans Game of Thrones, est touchant dans une étrange scène de drague. Le flic, ex-mari de Mildred, Hawkes en Charlie, se tape une jeunette écervelée en short de … 19 ans qui arrive à sortir, à la lecture d’un marque-page, que « La haine attise la haine ». La belle gueule Caleb Landry Jones (Red Welby), aux chemises incroyables, a été vu dans The social Network (David Fincher, 2010) et dans Queen and country (Boorman, 2014), Twin Peaks (David Lynch, 2017), Get Out (Jordan Peele, 2017) et The Florida Project (Sean Baker, 2017). Il a débuté dans No Country for Old Men – Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (No Country for Old Men, Frères Cohen, 2007). Un directeur d’agence de pub qui lit Flannery O’Connor n’est pas fondamentalement mauvais ! Enfin, celui qui remet les pendules à l’heure au commissariat, Clarke Peters, dégage une véritable classe et laisse songer à une réincarnation de Morgan Freeman.

*

     La fin, un road-movie vers l’Idhao, est ouverte et ingénieuse. Par contre, maigres réserves, certains plans avec du flou en second plan font bondir, de même qu’une surexposition aveuglante dans deux scènes. Enfin, l’omniprésente musique de l’habitué des Cohen, Carter Burwell, ponctuée de standards folk ou country pour renforcer l’americana (Townes Van Zandt, Joan Baez, etc.), indispose parfois tant la scène est surlignée. Un bon film bien ficelé.

Bingo pour ce film à 15 millions de dollars financé par la filiale « art et essai » du studio Fox : prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2017; people’s Choice Award au Festival international du film de Toronto 2017 (TIFF); prix du public au festival international du film de La Roche-sur-Yon et à Vesoul (2017); quatre golden globes (meilleure actrice, meilleur film dramatique, meilleur second rôle pour Sam Rockwell, et meilleur scénario) antichambre des oscars pour McDo & McDo, SAG awards, syndicat hollywoodien des acteurs (meilleure actrice pour Frances McDormand, du meilleur second rôle et de la meilleure distribution), Critics choice awards et ce n’est certainement pas fini. Mérité.

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 (#épisode 48)

dires du box

impossible décrire

accouchement rien

images brèves

dire indicible

dedans box

pour police aveux

garde à vue

pleurs enfant

déchirer cordon

étrangler d’une main

dedans pv

noir sur blanc

selon légiste

461 462 morts

par manque d’

comprendre

incompréhensible

dedans box

cadette des 7

impossible décrire

accouchement rien

images brèves

dires du box

blanc sur noir

dit décider tuer

dès enceinte ?

non dit-elle

dedans box silence

comprendre cadette des 7

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit, poésie] Cadette des 7 [#épisode 47]

CV BAC + DEUG

mère au foyer

MGMT

en boucle

que faire ?

trouver boulot

dedans bureau

se réveiller

matin pour

heure pointe ?

cadette des 7

mère de 2 drôles

président comprendre

incompréhensible

dire indicible

noir sur blanc

cadette des 7

dedans box

traits tirés -nul

corps ai-je –

comme ses cheveux

  • nulle descr –

tirer trait

sur comprendre

incompréhensible

dire indicible

relater découverte

461 462

jamais vus

dedans tête

mari perdu

1er tiroir

2e tiroir

3e tiroir

4e tiroir

bac main sac

461 jamais vu

5e tiroir

462 dedans tête

à aucun moment dans votre vie ?

jamais vus

mari perdu

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Superbe film d’esthète

Le portrait interdit, Charles de Meaux, 2016, 1h34

4699234.jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx

Enfin un film délicat et qui dure moins de deux heures !

De Meaux, choisissons le moindre

          Loin de l’évêque meldois aux sermons charpentés, De Meaux semble une personne intéressante : d’abord jockey, non seulement il crée des œuvres d’art plastique exposées au Guggenheim de New York ou à Beaubourg mais il monte aussi en 1997 sa société de prod., Anna Sanders films, avec, entre autres, les plasticiens Philippe Parreno, Pierre Huyghe ou Dominique Gonzales-Foerster. Coproducteur des films du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), Loong Boonmee raleuk chat, Palme d’or, Festival de Cannes 2010), proche de l’installation d’art contemporain, il réalise des films, essentiellement en Asie : au Pamir (Le Pont du trieur, 2000), au Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Kazakhstan (Shimkent hôtel, Shimkent Hotel, 2003 où Melvil Poupaud joua lors d’un tournage éprouvant), à Macao (Stretch, 2011, qui défraya la chronique à cause de la mort de David Carradine, où la star, l’actrice, chanteuse, égérie de marques de luxe et productrice Fan Bingbing apparaissait déjà ; l’ancienne colonie portugaise a nourri la fiction, l’imaginaire populaire chez Ian Fleming, Joseph Kessel, Ernest Hemingway, Antoine Volodine et son post-exotisme entre autres en passant par l’enfer du jeu de toc dans les studios hollywoodiens). Le point commun chez De Meaux ? Les récits énigmatiques, hantés par la perte, l’angoisse de la disparition.

Tribulations d’un tournage

          De Meaux plante l’ambiance : « Chaque jour, il [le tournage] aurait pu s’interrompre définitivement. Les difficultés de dialogue avec les techniciens, une incompréhension dans mes attentes sur le décor, les tracasseries administratives. Nous avons échappé de justesse à la catastrophe à de nombreuses reprises ! Sur le plateau, presque personne ne parlait anglais… » Le chef-opérateur chinois se fâche régulièrement avec le réalisateur, la tension monte ; un technicien français est pris en otage. La chaleur estivale, 38°, n’arrange rien. Bingbing est une telle star (après Buddha Mountain, Guan yin shan, Yu Li, 2010, Far Away : les soldats de l’espoir, Mai wei, Je-kyu Kang, 2011 elle devient, en succédant à Gong Li, la chinoise d’Hollywood avec X-Men, Days of the Future Past, Bryan Singer, 2014) que, dans une petite ville du Nord de la Chine à la frontière de la Mongolie, des milliers de fans de Fan débarquent, les acteurs sont obligés de se réfugier dans une cabane de jardinier, l’équipe s’occupe de faire circuler des faux bruits pour les éloigner, l’armée s’en mêle pour assurer la sécurité des artistes (le chanteur de hip-hop Huang Jue interprète le rôle de l’empereur ; la suivante de gnagna l’impératrice est connue à la télé ; le grand intendant est une star du théâtre de Taïwan). Dans son carnet de tournage, Voyage à Film City chez Pauvert, Melvil Poupaud relate les décors, dans l’immense studio où les bâtiments et les cantines poussent comme des champignons, de la Cité interdite pas terminés à Pékin, les costumes d’époque en soie brodés à la main bloqués à l’atelier, une route qui s’effondre, empêchant l’acheminement du matériel de tournage. Suite à de récurrents problèmes de visa, Melvil doit rebrousser chemin sur le tarmac pour la septième fois suite à un courriel sec des producteurs chinois qui lui ordonne de rester chez lui. Son propre doublage en mandarin générant chez lui des suées d’angoisse, après l’utilisation de codes couleurs pour le parler phonétique, n’est pas simple : « J’ai usé trois coachs, on a refait le film entièrement une dizaine de fois, une torture… » Le supplice chinois. Gageons pour les chinois, puisque le film sort début 2018 dans l’empire du milieu, qu’il soit meilleur que le japonais Eiji Okada pour les français dans Hiroshima mon amour (Resnais/Duras, 1959).

          Et la censure dans cette co-production franco-chinoise ? Le film devait finir sur une scène muette, le jésuite peignant le visage de l’impératrice dans une ambiance érotique. Baste la scène onirique d’amour fantasmée avec Fan Bingbing. Un casse-tête chinois pour le jésuite en proie aux démons de la chaire, pas celle des sermons. Ceci dit, le contournement, avec un nu de dos, avec effets de vitesse et de flouté est des plus intéressants sur le plan artistique : la censure sert, une fois de plus, l’érotisme qui monte depuis les regards troublés entre le peintre et son modèle. La robe de l’impératrice pose problème car les couleurs ne seraient pas les bonnes selon les chinois. Pas le droit non plus de filmer un curé en prière.

          La Cité interdite ? « Mais la façon de représenter aujourd’hui la Cité interdite obéit à des codes, qui veulent que ça soit le plus grand et le plus fastueux possible, sans recherche historique précise, avec tout un imaginaire national en partie créé par les habitudes des décorateurs. Ce qui m’intéressait, c’était la réalité de cet espace, d’après les sources que j’ai consultées : au milieu d’une ville qui était alors déjà très grande et active, cet énorme rectangle de vide, abstrait et symétrique. C’est construit pour être vu du ciel ! On a travaillé dans ce sens sur les décors, mais aussi sur les espaces sonores. L’endroit était baigné dans le silence pour ne pas déranger les pensées de l’empereur. On a donc cherché des ambiances extérieures très dures et réverbérées, et à l’intérieur, le silence confiné de ces petites pièces, conçues pour être chauffées. C’est une ville où il peut faire très froid… » Les plans larges avec grands angles (« une partie de la Cité Interdite construite pour le film de Bertolucci, puis transformée en sorte de parc à thème pour les touristes, et aussi utilisée pour des séries télé chinoises ») laissent songer à Epouse et concubines de Zhang Yimou (Da hong deng long gao gao gua, Raise the Red Lantern, 1991) où l’héroïne affirmait également sa personnalité, son moi, même, contre les traditions. De Meaux ajoute : « C’est étonnant de découvrir leur vision de la Cité interdite : elle est là, sous leurs yeux, mais à l’écran, ils ne la rattachent pas à la réalité historique. Ils l’imaginent et la construisent comme une sorte de vaisseau spatial pour heroic fantasy. » Même si le conservateur du Musée de la Cité interdite l’a traité de fou, le metteur en scène a bénéficié de sa précieuse aide. En effet, l’« histoire connectée » précise que le règne de l’empereur Qianlong équivalait celui de Catherine II en Russie (L’impératrice rouge, Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich, 1934) ou de Frédéric II en Prusse (Le Grand Roi, Der große König, Veit Harlan, 1942) : il a constitué une cour brillante et cosmopolite où le jésuite Giuseppe Castiglione, peintre et architecte, exerça son aura de courtisan cosmopolite. Loin de l’amidonné Ivory, nous nous approchons, bien que l’angle soit plus singulier ici, de The Assassin d’Hou Hsiao-Hsien (Nie Yinniang, 2015 qui évoquait le IXe siècle sous la dynastie Tang). A l’époque où officient Vigée Le Brun, Bouchet et Fragonard en France, les toilettes chinoises de soie brodée dont les robes, non droites à la Tintin dans Le lotus bleu pour l’export, évasées, lourdes, ornées de broderies onéreuses, les meubles sculptés, les vases nous émerveillent. Le softpower chinois est à son comble mais, contrairement à l’ancien publicitaire Jean-Jacques Annaud, ici l’artistique est plus que présent.

A chacun son Dole

De Meaux est attiré en 2012 par hasard par un tableau énigmatique, tel Vertigo d’Hitchcock (Sueurs froides, 1958). « Lors d’une discussion animée, des amis chinois producteurs soutenaient que leur pays n’avait pas besoin des artistes étrangers. Je leur ai rappelé que leurs toiles les plus célèbres, celles qui sont vendues en cartes postales, ont été peintes par des Italiens et des Français. ‘D’ailleurs, je connais une petite ville en France où il y a un tableau chinois’, ai-je ajouté. Ils étaient scotchés. De là est née l’idée que l’on pourrait raconter l’histoire du tableau. » Le portrait d’une concubine, la « Joconde asiatique », avait rejoint, par préemption suite à une vente chez Drouot pour 100 000 euros environ, les collections du musée des beaux-arts dolois (Jura) en 2001. Le tableau attribué au jésuite Jean-Denis Attiret (né à Dole en 1702 ; mort à Pékin, en Chine, en 1768 ; il provenait d’une famille d’artisans, de menuisiers, de sculpteurs, de peintres, il a été envoyé par un mécène à Rome, il intégra ensuite la Compagnie de Jésus puis ira, sur le sillage de Ricci, en Chine pour exercer son prosélytisme somme toute limité ; il a envoyé en Europe un livre de dessins sur le jardin à la chinoise, avec succès non en France mais en Angleterre, le jardin anglais pouvait, grâce à lui, exister, comme en témoigne le réalisateur et plasticien Peter Greenaway dans Meurtre dans un jardin anglais, The Draughtsman’s Contract, 1982) est aujourd’hui le plus précieux du musée.

« C’est une peinture à l’huile sur papier, et elle est frappante par le relief très fort d’un visage occidental, l’effet hypnotique d’un regard à la Joconde, au milieu d’une peinture chinoise sans perspective, complètement à plat. » Peignant son modèle en volume, grâce à l’émergence de la perspective depuis la Renaissance, Attiret a peint un discret point blanc dans les pupilles bien que les yeux soient sans reflet dans les portraits chinois. Le réalisateur ajoute : « le principe de l’art chinois de cette époque serait de représenter l’essence des choses, alors que l’art occidental travaille l’illusion. Si on prend tel objet, le peintre chinois montre toutes ses dimensions en une, y compris sa fonction, son usage, sa place dans l’ordre des choses, alors que le peintre européen va chercher la façon dont il nous apparaît d’un certain point de vue, en une image qui laisse ses autres côtés dans l’ombre, en clair-obscur. On peut penser que l’art chinois, avec son côté absolu ou intégral, est plus proche de l’art conceptuel, si on pense par exemple à la fameuse chaise de Joseph Kosuth [One and Three Chairs, 1965], qui tient ensemble l’image, le mot et l’objet. ». Platon est loin du Tao. Le calligraphe et académicien François Cheng apporte son expertise : il s’agit d’« Un personnage hiératique, un peu impersonnel puisque le portrait sert à montrer la dignité impériale. Dans la tradition picturale chinoise, le personnage est un genre, comme le paysage, les fleurs, les oiseaux, qui ne suppose aucun réalisme. A partir du XIIIe siècle, apparaissent des portraits d’ancêtres ou de sages. Mais on ne représente pas la personne physique. On peint l’essence morale et spirituelle du personnage. […] Le pinceau et l’encre chinois ne permettent pas les ombres. La peinture à l’huile, en jouant de l’ombre crée le relief, et par là la ressemblance. »

De Meaux synthétise : « La tension entre l’incarnation très forte de cette femme qui dit « je » et l’objectivation extrême de la peinture chinoise m’a fait voyager. C’est ce voyage que propose le film. » Le travail plastique est présent dès la scène d’intro : suite à l’accord signé avec Louis XV, les dessins au fusain de scènes de batailles d’Attiret pour représenter les scènes de bataille s’animent devant nous. L’une des dernières scènes montre la promenade lumineuse et cruelle dans un jardin au milieu d’enfants, dont le sien qui le rejette. La fin est d’un gothique que Tim Burton ne renierait pas : se couper les cheveux, par jalousie envers l’impératrice précédente souvent incarnée en figure fantomatique et par dépit amoureux alors qu’une autre concubine lui est préférée, est un suicide social. La vérité historique est terrible : elle sera répudiée, ses enfants retirés ; elle sera exilée dans une province lointaine et finira pauvre et mourra, entourée de deux servantes, le … 14 juillet 1766. Si l’écriture des génériques est peu lisible à cause d’un bleu électrique sur noir, la fin ne peut être appréhendée à cause d’un défilé rapide quasi bureautique mais envoûte par le sombre et hypnotique The Eternal de Joy Division (« Played by the gate at the foot of the garden / My view stretches out from the fence to the wall / No words could explain, no actions determine / Just watching the trees and the leaves as they fall »).

Le passionnant Melvil

La mère de Poupaud était attachée de presse de Marguerite Duras, Serge Daney, le parrain de Melvil dans le monde du ciné, Jacques Lacan, Hervé Guibert, etc. Fan de Moby Dick, elle lui donne le prénom connu de l’auteur. A 9 ans, il joue dans La Ville des pirates du surréel réalisateur-cerveau franco-chilien Raoul Ruiz (1983) avec qui il en tournera une flopée. Il aime la prise de risque et creuse un sillon singulier dans le cinéma d’auteur, d’art et d’essai : Victoria de Justine Triet (2016), en passant par La fille de 15 ans de Jacques Doillon (1989), Conte d’été d’Eric Rohmer (1996), Eros thérapie de Danièle Dubroux (Je suis votre homme, 2004), un homme qui se transforme et on y croit, dans Laurence Anyways de Xavier Dolan (2012). Mais aussi Jacquot, Desplechiant, Ozon, etc. Nous sentons l’investissement de l’acteur, dans la lignée du durassien Michael Lonsdale, d’autant que, suite à une révélation, l’acteur, qui se réfère souvent à L’évangile selon Saint Matthieu de Pasolini (Il Vangelo secondo Matteo, 1964), transporte toujours une petite bible de voyage en plastique bleu offerte par son ex-femme Georgina lors des préparations de leur mariage il y a une vingtaine d’années. De Meaux l’a recruté de nouveau pour son « charme, sans en faire non plus un Rambo avec une croix. Melvil a une finesse de jeu qui est toujours en interrogation et non en affirmation, il a également un rapport vrai au mysticisme et à la religion, ce qui était primordial pour que le personnage soit habité. »

Ce qui ne l’empêche pour autant d’apparaître sur fond vert chez les frères/sœurs Wachowski (Speed Racer, 2008) après avoir été repéré pour ses vidéos low fi. Il gratte la basse pour Benjamin Biolay ou le groupe Black Minou avec le frérot Yarol. Il dessine des vanités et des têtes de mort au stylo Bic façon Jan Fabre; il expose ses dessins dans une galerie. Un artiste complet.

*

 

Rares sont les films réussis sur le rapport peinture et cinéma, même Minelli (La vie passionnée de Vincent van Gogh, Lust for Life, 1956 un biopic avec Kirk malheureusement trop académique dans le rouleau compresseur hollywoodien pour un « suicidé de la société ») et Kurosawa (le raté film à sketchs Rêves, Dreams, Yume, 1990) s’y sont cassés les dents. Le portrait interdit, semble rejoindre Van Gogh du réalisateur et peintre Pialat (1991), La belle noiseuse de Rivette (1991) pour la relation complexe entre le peintre et son modèle, Barry Lyndon de Kubrick (s’inspirant de Gainsborough, Zoffany, Reynolds ou Constable, d’après le roman de Thackeray) pour l’ambiance d’époque sans faire restitution, sans égaler pour autant Le mystère Picasso (1956) du génial Clouzot, à l’actualité florissante, l’un des rares films à capter le créateur dans son geste même si l’appréhension de l’acte en suivant la main de l’artiste est illusoire – le postulat est faux et les feutres américains n’y feront rien. Ici, Silence (M. Scorsese, 2016 d’après le roman de Shusaku Endo) est d’or : la beauté, emprunte de spiritualité, se passe de l’exhibition complaisante de la violence.

https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-20-decembre-2017

https://www.francemusique.fr/emissions/la-chronique-cine/la-chronique-cine-du-mercredi-20-decembre-2017-38795

http://www.nova.fr/melvil-poupaud-lui-se-pense-saint-desprit-mais-est-tous-dingues

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-nuit-revee-de-melvil-poupaud-entretien-33

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/carnet-de-voyage-de-melvil-poupaud

https://www.franceculture.fr/emissions/projection-privee/projection-privee-melvil-poupaud

[Manuscrit poésie] cadette des 7 [#épisode 46]

portrait nom

marital ______

nom jeune

fille      _____

qualité mère

au foyer

gentille, ma fille

taiseuse famille

nombreuse 7

ni heureuse

enfance

ni malheureuse

dires du box

pas su trouver ma place parmi 7

silence président

à mère dit

voulu famille nombreuse ?

ne sais pas ça c’est fait comme ça

pas dit aux enfants

qu’attendre enfants

c’est comme ça

famille laborieuse

débordée mère

au foyer

entre 7 et

travailleuse

c’est comme ça

surmenée mère

sourire complice

on lui pardonne aucun reproche

mère démenée

mieux au fond

du trou dit-elle

pleurs et    elle

l’a dit   dit-elle

c’est tout

président à

comprenez qu’elle craque souvent ?

oui dit-elle

vous ressemblez à votre mère ?

oui dit-elle

sourire papa

ignore couleur yeux

cadette des 7

labeur c’est

comme ça

souligne président

c’est tout

cadette des 7

ignore couleurs

yeux date

anniversaire

frères et sœurs

c’est comme ça

mal à me souvenir

pas sa faute

pas de fête de

famille jamais

c’est tout

sourire à

c’est comme ça

on fêtait pas de cadeau

non rien c’est tout

silence ils s’aiment

en silence

ni alcool

ni violence

sourire de là

cadette des 7

dedans box

assise yeux sur

chaussures

vie s’isoler

pas pour cacher des choses jamais

dedans box

mal à parler d’

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Il a tout raté dans « We blew it » !

We  blew  it, Jean-Baptiste Thoret, 2017.

159401.jpg-c_300_300_x-f_jpg-q_x-xxyxx

 

Loin, Tocqueville. « On a tout foiré » répète le fiston Fonda, avouant lui-même qu’il ne savait pas ce qu’il voulait dire alors qu’il n’avait pas sucé que des glaçons. C’est le seul extrait de film, Easy Rider (Dennis Hopper, lui aussi, dans le même état, incapable d’expliquer cette phrase, 1969, année de la naissance de Thoret), présent dans le documentaire (« J’avais surtout envie de faire un film dont la matière serait documentaire ») du yoda teigneux, mitraillant et sec, critique de cinéma Thoret, spécialiste des films des années 70 (Nouvel Hollywood avec Bonnie and Clyde, 1967, Boxcar Bertha, Martin Scorsese, 1972, Les gens de la pluie, The Rain People, 1969, Francis Ford Coppola, , La dernière corvée, The Last Detail, Hal Ashby, 1973, Le canardeur, Thunderbolt and Lightfoot, Michael Cimino, 1974, Cinq pièces faciles, Five Easy Pieces, Bob Rafelson, 1970; Carpenter, Argento, Hooper, etc.), décade qui le fascine jusqu’à une obsession suspecte (projection sur ses parents, années d’enfance où il aurait préféré être adolescent, « Et un peu inconsolable d’être arrivé après cette période-là. »). Le fondement est donc biaisé : l’hypothèse est fausse. « Je suis parti de ça. C’était une question, une proposition. L’idée était d’aller voir des Américains pour qu’ils me parlent de cette période-là ».

Poncifs

Spécialiste du road movie (Bénoliel, Bernard ; Thoret, Jean-Baptiste. Road movie, USA. Paris : Hoëbeke, 2011. 239 p.), Thoret nous assomme avec un … road movie de … 137 minutes ! Nous sommes très loin du fabuleux et juste Route one USA de Robert Kramer (1989). Nous sommes plus dans un reportage sur la fascination/haine du frenchy pour le pays sans nom, inaugurée par Godard, dans un antiaméricanisme typiquement français, partant avec des idées toutes faites : plans séquences en Scope et format 2:35 trop longs (sur 5 mois, « j’avais 145 heures de rush. J’ai fait un premier montage de neuf heures, puis un autre de trois heures, avant d’arriver à un peu plus de deux heures. ») et répétitifs avec inévitables couchers ou levers de soleil pour saisir l’ampleur de l’espace que le soft power nous a seriné, avec voiture dans le plan ou non, sur la grande route, la 66 évidemment (la nouvelle ou dernière frontière, les pionniers, tout ça) avec deux caméras Alexa avec objectifs des années 70 récupérés non à Berlin mais à Los Angeles ; les bourgades perdues à la Quatrième dimension (The Twilight Zone, 1959-1964), Bagdad Café (Out of Rosenheim, Percy Adlon, 1987) avec un péquin avec une trogne à la Palance ; un long plan séquence carrément contestable où Ronee Blakley, la chanteuse country vedette de Nashville chez Altman en 1975, joue sur son piano au milieu d’une immense pelouse, devant le Parthénon de la ville qui avait servi de décor pour la séquence de concert finale et tire, tire pour essayer de capter l’émotion, la larme qui ne vient pas ; des plans fixes d’interviewés à la Magnolia (Paul Thomas Anderson, 1999) ou à la Depardon, comme il n’est plus possible d’en filmer ; un dernier trop long plan-séquence avec travelling arrière de sept minutes, se référant lourdement à La Horde sauvage (The Wild Bunch, Peckinpah, 1969), Electra Glide in Blue (James William Guercio, 1973) voire l’intro de Lost Highway à l’envers (David Lynch, 1997) ou La route (The Road, John Hillcoat, 2009 d’après le roman de Cormac McCarthy, 2006, prix Pullitzer) suivant une voiture se perdant peu à peu dans l’immensité d’un énième paysage désertique en passant d’un trait de la couleur au noir, de la bile, et blanc, sur Tell Me de Terry Kath au refrain de God Bless America today. Vu et revu. Si le rédacteur en chef de Simulacres (1999-2003) nous épargne son Baudrillard, créateur des merveilleux Cool memories, mal assimilé en des délires abstraits typiques de l’intellectuel français déconnecté des réalités, style Douchet ou Badiou, Thoret plonge dans un pessimisme lyrique à la Virilio où l’apocalypse en devient drôle tant elle devrait nous terrifier, comme un bon giallo. Nous évitons tout de même la voix off et les motels où Thoret logea, forcément à la Marc Augé ou Bruce Bégout teintés d’Hitch. Tous les poncifs y passent : Elm Street à Dallas, l’assassinat de Kennedy, qui était loin d’être un sain derrière la belle gueule, le 22 novembre 1963, avec une caméra voyeuriste, au mauvais sens du terme, montée sur automobile, refaisant le trajet de feu le président, passant devant le célèbre immeuble, la fenêtre d’où étaient tirés les coups de feu, l’endroit d’où Zapruder a filmé, qui pénètre dans un tunnel et plonge dans le noir, avec le thème de Michael Small du thriller paranoïaque À cause d’un assassinat (The Parallax View, Alan J. Pakula, 1974 ; Thoret, auteur de 26 secondes, l’Amérique éclaboussée : l’assassinat de JFK et le cinéma américain, n’a pas réussi à interviewer Warren Beatty qui s’est décommandé au dernier moment pour un problème de calendrier ; Faye Dunaway n’a pas voulu figurer dans un film s’intitulant We blew it, titre négatif, nocif pour son image), jusqu’à un énième type qui développe son énième théorie avec panneaux dans la rue sur le célèbre crime ; les inévitables vétérans du Vietnam à la Trumbo avec séance digne des alcooliques anonymes, aucune comparaison avec d’autres guerres (Corée, Irak, etc.) ; une bande son fatigante de tubes enchaînés à la Scorsese (Jefferson Airplane, Crosby Stills Nash & Young, Simon & Garfunkel, Dylan, avec ou sans The band, The Mamas and the Papas, Creedence Clearwater Revival, Springsteen, Otis Taylor, Sam Cooke, Led Zeppelin, Allman Brothers, etc.).

Flou

Le lyrisme nuit à la rigueur historique, bien qu’une historienne culturelle de l’UCLA intervienne de façon éclectique. Il n’est nulle part indiqué que les Beat, sauf peut-être le plus doué mais le plus publicitaire, Ginsberg, figurant dans le clip ou scopitone de Subterranean Homesick Blues (Bringing It All Back Home, 1965) et dans l’enregistrement de Do The Meditation Rock (1982) de Dylan, haïssaient les dits beatniks et hippies. La fin du soi-disant âge d’or serait l’assassinat de Sharon Tate par la « family » de Charles Manson, le 9 août 1969 au Spahn Ranch à Topanga Canyon en Californie, alors que les chercheurs se réfèrent de façon consensuelle au Festival d’Altamont, en décembre 1969, avec le coup de poignard mortel donné à Meredith Hunter, un jeune étudiant afro de 18 ans, par un hells angel du service d’ordre lors d’un concert des Rolling Stones. Plus fort : si les tours de Watts de Rodia sont évoquées au large de L.A., aucune référence n’est faite aux émeutes afro-américaines sur les mêmes lieux entre le 11 et 17 août 1965 !

L’analyse, d’ailleurs absente, à partir de témoignages, dont l’inévitable ancien militaire virulent (il nous manque Clint « Harry » ou Schwarzy), est binaire malgré la diversité des opinions. C’est la même ligne que Peter Biskind dans son ouvrage Easy riders, raging bulls : how the sex drugs and rock ‘n’ roll generation saved Hollywood. New York, NY : Simon & Schuster, 1998. 506 p. : après le flower power de Woodstock, Hollywood a connu une parenthèse enchantée de liberté créatrice avant que Steven Spielberg et George Lucas ne l’abrègent avec Les Dents de la mer (Jaws, 1975) et La Guerre des étoiles (Star Wars, 1977) initiant une prétendue infantilisation générale que prolongeraient les films de super-héros suite au rachat de la Marvel par Disney. Le Thoret ton ne sied pas : certes Gray, Nichols, somme toute académiques, Tarantino, le recycleur, Mann (en 1972, après six ans d’exil à Londres où il regrette avoir raté les soubresauts de la contre-culture américaine, Michael a parcouru durant trois semaines les routes américaines pour réaliser 17 Days Down the Line, un documentaire moyen prenant le prétexte d’interroger des vétérans du Vietnam pour sonder les reins des Etats-Unis ; « Si vous interrogiez un fermier du Nebraska sur ce qu’il pensait de la vie dans les villes américaines, la conversation pouvait durer deux heures. Ce qui se disait était fondamental, raconte Mann. En comparaison, les débats entre Clinton et Trump ont l’air incroyablement superficiels et médiocres. » Puis viennent des considérations sur l’invention des chemises avec col à pelle à tarte symbolisant le triomphe de l’individualisme dans la culture américaine, « Et puis le disco est arrivé : tout ce que je détestais »), admiré par Jean-Baptiste, Friedkin, qui déteste Michael, mais qui est trop dans le show et le disque rayé, Fincher mais aussi Kenneth Lonergan (Manchester by the Sea, 2016 produit par Amazon, comme quoi !), Nolan pour des blockbusters de qualité, Anderson, les frères Cohen ou Quay, etc. Pour illustrer avec mauvaise foi la lapalissade de l’abandon des rêves de jeunesse, Thoret filme la fin du festival Burning Man, où, comme son nom l’indique, une immense structure éphémère est brûlée sur le Requiem de Zelenka. Il oublie simplement d’expliquer que là se réunissent les grands pontes de la Silicon Valley. Parce que la désindustrialisation à la poupée Cimino (Voyage au bout de l’enfer, The Deer Hunter, 1978 ; Thoret, Jean-Baptiste. Michael Cimino, les voix perdues de l’Amérique. [Paris] : Flammarion, 2013. POP culture. 293 p.) existe avec son cortège de laissés-pour-compte chantés par Dylan ou Springsteen, il oublie de souligner les profondes transformations de la société par le politique et l’économique, non plus la route 66 mais les autoroutes de l’information avec le net, le web et les GAFA et, désormais, l’intelligence artificielle, héritée de Von Neumann, Wiener et Biglow et la cybernétique des années 40 & 50 qui laissera nombre de gens sur le carreau, jusqu’aux délires du trans et post-humanisme, l’économie verte dans un pays tout de même capable d’élire un président noir – ce qui est impensable, pour l’instant, en France. Bref, le film, confus, va dans tous les sens sans ligne cohérente autre que la nostalgie et la mélancolie ainsi que le surgissement d’une campagne électorale en vue de l’élection présidentielle américaine où l’élimination de Sanders a révélé une fracture franche. Nous sommes loin du projet, inabouti, de Clouzot au Brésil, Brasil (1950), pays doté lui aussi de grands espaces.

Testimony

L’analyse, la seule, du peu sympathique mais toujours lucide Paul Schrader, aux scénarios d’une lourdeur sans nom, est la plus intéressante. La spécificité du cinéma américain de la période considérée, tiendrait moins à la supériorité des films d’alors qu’aux attentes que le public plaçait en eux. D’après lui, ils n’étaient pas nécessairement meilleurs, simplement porteurs de réponses à ses questions. Thoret n’est pas d’accord sur le fait que les films tournés aujourd’hui soient meilleurs. Techniquement, c’est pourtant un fait ; ce qui n’en fait pas pour autant systématiquement de l’art. Si l’art changeait le monde, malheureusement, ça se saurait ! Mais alors le chapelet de Thoret lancé dans TéléObs, le supplément médias de L’Obs, comme quoi il n’existe plus de classe moyenne chez les cinéphiles, quelle honte et quel aveuglement de l’intello sus-cité : les salles sont bondées de profs, de CSP, de CSP+, de retraités, les présentations abondent, la cinéphilie en France jouit d’un statut particulier, les émissions radio (le plus que cinquantenaire Masque et la plume sur une chaîne où Thoret officia avec Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert, France culture avec Plan large d’Antoine Guillot qui reprend la suite de Projection privée de Michel Ciment, directeur de Positif, et Mauvais genre où JB faisait le duo avec Rouyer de Positif, La Dispute d’Arnaud Laporte ; Un dimanche de cinéma, plus promotionnel, sur Europe 1, les indéboulonnables Cahiers du cinéma et Positif, Télérama, Septième obsession, Mad Movies, etc.). Cette ineptie aurait pu figurer dans le livre drolatique de Nathalie Quintane, Que faire des classes moyennes ? (POL, 2016). S’ensuivent Peter Bogdanovich, mélancolique devant une piscine ouverte, un peu décrépit, Tobe Hooper, peu avant sa mort, le film lui est dédié, Peter Hyams, qui rappelle que les années 50 étaient infernales, Bob Rafelson, tourné vers l’avenir, James Toback, Jerry Schatzberg, et sa voix éraillée, sur les lieux de Needle Park (Panique à Needle Park, The Panic in Needle Park, 1971 qui lui a valu d’être fâché à mort avec Bob De Niro), ce qui n’apporte pas grand’chose (Noodles Park ?).

Un John Doe a l’honnêteté de déclarer : « Rock, drogue, plus de rock, plus de drogue et sexe ». Les gars manifestaient ou allaient à Woodstock pour se défoncer et faire l’amour, il ne faut quand même pas se leurrer ! Le gars était tout de même un bikerside pro-Nixon-le-mal-rasé. Période bénie, ces glorieuses (1960-1973) ? Le réalisateur afro-américain oublié, Charles Burnett, symbole du militantisme noir américain, modère en remémorant enfin que cette décennie fut aussi celle d’une ségrégation raciale implacable aux États-Unis. Fred Williamson, acteur emblématique des films de la blaxploitation (Black Caesar, le parrain de Harlem, Black Caesar et Casse dans la ville, Hell Up in Harlem, Larry Cohen, 1973), livre sans état d’âme sa vision business des relations entre noirs et blancs aux États-Unis : le billet vert n’a pas d’odeur, la couleur de la peau passe derrière, raison pour laquelle il vote Trump. A Kingston (Tennessee), Summer, une jeune mère de famille bien grassouillette, tient la permanence électorale, digne de celle de Taxi Driver (M. Scorsese, 1976), flanquée de ses deux lardons style kinder. Pour elle, Trump est un sauveur, « Make America great again ». Carl, programmateur d’une radio locale d’une ville sinistrée du Nevada, Brad, le paupérisé ressemblant à Marielle derrière sa vitrine, qui tient une boutique d’articles pour chiens sur fond de Rolling Stones à Dunsmuir (Californie), près de la voie ferrée, votent également pour Donald en adressant un coup de semonce à l’establishment incarné par Hillary Clinton. The sky is grey. Dennis Hopper, référence de la contre-culture, appartenait à la mouvance démocrate dans les années 70, fut républicain en 2000 (ère Bush) et pro Obama en 2008. Angel, barbier de Seligman sur la route 66, défenseur de la contre-culture, répète « We, the people » comme Ma Joad à la fin des Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, John Ford, 1940) ou Patti Smith (People Have the Power, Dream of Life, 1988) ou encore Abraham Lincoln, qui fut d’abord esclavagiste mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis : un « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Bob Mankoff, le caricaturiste du New Yorker, est filmé dans sa tour d’ivoire en haut d’un gratte-ciel. Foi de Piketty, le fossé est patent mais New York n’est pas les Etats-Unis comme Berlin n’est pas l’Allemagne. J’avais discuté avec un cgt qui vota fn dans la célèbre pizzeria, ouverte depuis 1943, Chez Sauveur rue d’Aubagne à Marseille : je n’en ai pas fait un film pour autant avec une enfilade de témoignages à la Gouriot ! Thoret est en outre un peu midinette et fan de la première heure en revisitant la ville de Goldfield (Arizona) où fut tourné le road movie qui se termine, décidément, fort mal, Point limite zéro (Vanishing Point, de l’obèse Richard C. Sarafian, 1971).

Généreux générique

Ce qu’il y a de mieux, c’est le générique finalement. Bon Thoret n’a pas eu les droits de diffuser Star Spangled Banner par Jimi Hendrix lors du Festival de Woodstock à cause des ayant-droits qui ne souhaitent plus que le nom d’Hendrix soit associé à la violence, à la drogue et à la politique. Ce sera un God Save America déjanté avec un montage cut et rapide quasi psyché d’images d’archive où il faut bien garder les yeux ouverts comme Alex dans Orange mécanique (A Clockwork Orange, Stanley Kubrick, 1971). C’est un peu de l’épat’ mais c’est efficace et, parfois, drôle. Le coup du film qui brûle, présent dans le final de Macadam à deux voies (Two-Lane Blacktop, du beckettien et camusien Monte Hellman, 1971), est un poncif du cinéma expérimental mais cela fonctionne bien. « La cime de la vague immense et magnifique » évoquée par Hunter S. Thompson dans Las Vegas Parano (Terry Gilliam, 1998 d’après Fear and Loathing in Las Vegas : a Savage Journey to the Heart of the American Dream, 1972), film ennuyeux à force de scènes de défonce, reprise dans l’épigraphe du film, laisse froid par son lyrisme abscons.

*

C’est tout de même un film à 800 000 euros financé avec l’argent américain, sans aide pécuniaire française, même pas le CNC pour la production ou la distribution, encore moins du fric européen. Thoret a dû se fader, avec force compromis expliquant ce film boiteux, des conseils avec les nombreux executive producers, dont Spyros Niarchos, où Olivier Assayas a dû jouer les intermédiaires en tant que facilitateur pour rassurer. Le distributeur Marc Olry, intermittent du spectacle, directeur de Lost Films, a investi entre 15 000 et 20 000 euros pour sortir le film en salle, même si la diffusion est chiche – dans la 3e ville de France aussi. Mais que fait la société française Section 5 ? Cela promet pour le film que Thoret vient de terminer sur Jean-cul God, 86 printemps.

[Manuscrit poésie] cadette des 7 [#épisode 45]

MGMT en boucle

blanc sur noir

avocat dit

comprendre

incompréhensible

dire indicible

noir sur blanc

ami dit

enjeu émerger souf

france dedans

alors clémence

parler enfin au je

peut-être dit ami

mire perpét’

pour elle

c’est tout

noir c’est noir

avocate

blanche sur noire

dit beaucoup

à expliquer

principal

exprimer émotions

les siennes à elle

être ‘hui a hâte

même si

angoisse dedans box

assises cadette des 7

attend beaucoup

dedans box

proche dit

__________ ou jamais

que pas monstre

attend beaucoup

a hâte anuit

stress bien

qu’angoisse

forcément

dedans box

assise elle seule

chétive même si

pas son âge

fatiguée – nul corps

ai- effacée forcément

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

Salon gastro zéro, Lyon

salon-gastronomique-de-lyon_format_626x331

Jour gris et froid : aller au salon gastronomique, 1ère édition à Eurexpo à Chassieu au milieu des geeks habillés en Pikachu pour Asian expo et Japon touch. Les publics ne se mélangent pas, sauf par erreur, semble-t-il. 5 EUR l’entrée, comme à l’étique salon de la soie en même temps au Palais de la bourse  où enfin des animations à Gadagne (Chine et soie, rencontre organisée par une délicieuse et dynamique prof à l’ENS, spécialisée sur Shanghai, ancienne attachée culturelle en Chine) sont combinés enfin en même temps. Un verre vide vous est fourni pour dégustation.

      Restauration faible

      Ayant les crocs à 14h, après avoir bu un Pu’er des vieux théiers de mon chouchou Cha Yuan qui a inauguré cette année des thés taiwanais (wulong notamment), je me précipite au restaurant « Artisans restaurateurs » : plus de service, me dit un homme avec force publicité pour un hôtel derrière. Je sillonne : outre une charcuterie artisanale assez banale, des hamburgers avec la viande d’un Gaec où une foule monstre (tout est relatif vu le nombre chiche de visiteurs) fait la queue -non de bœuf, je trouve des escargots de Bourgogne chez un petit producteur, servi rapidement et avec soin (7 EUR pour moins de 10 escargots). Malgré la goutte (fort taux naturel d’urée ou acide urique), je dégote un Viré-Clessé, servi en bonne dose, dans ce qui s’avère être l’un des meilleurs stands de vin. Pour le plat de résistance, il me reste l’espace « Restauration Pavillon International » qui s’avère n’être qu’une pauvre enfilade de vendeurs de … kebabs turcs, puisque la Turquie est invitée d’honneur. Je trouve tout de même un gözlem (pâte, épinards où j’ai payé 4 EUR au lieu de 3 EUR annoncé, ce n’est pas pour un 1 EUR mais pour le principe) fait maison par une dame qui pourrait être notre grande tante avec tenue typique qui ne fait pas costume d’apparat. L’honneur est sauf grâce à ce stand venu du Beaujolais, KCT Turquie. Mais enfin tout ceci ne paye pas de mine. Je m’attable, me coltine une fille de 14 ans des plus disgracieuses avec ses parents puis une bourge pétasse jeune à tête de Lassie avec ses mèches blanches à la mode qui, avec son mec, Ken qui, bien sûr, porte une barbe de hipster, change 3 fois de place, la chieuse intégrale pour qui le monde doit se plier pour princesse. Je discute finalement avec une brune stéphanoise qui est affaiblie par les insomnies depuis la mort de ses parents. Nous discutons de Marcon (pas Macron !), qu’elle a connu avant la construction du bâtiment écolo avec vue sur le Mont Blanc à Saint-Bonnet-le-froid, et gastronomie (Point à Vienne, Trois Gros à Roanne, etc.). Nous partageons notre déception sur ce salon assez indigent. Débuter n’excuse pas tout : la première est ratée.

      Huile et Ardèche

      Le reste est franchement pire que décevant : désolant ! Des papys et mamies vous accueillent en tentant en amateur de fabriquer du pain et autre boulangerie. Pathétique. Les principaux exposants sont concentrés sur la restauration Auvergne – Rhône-Alpes et Saône-et-Loire. Un peu de Bretagne, très discret ; l’Alsace est absente ce qui est hallucinant, les Dom-Tom, on en parle même pas ! Franchement pas très original. Des ravioles de Saint-Jean qu’il est possible de trouver en supermarché. Je trouve tout de même une bonne huile de Nyons du domaine Piallat, où le vendeur à fort accent m’apprend, ce dont je me doutais, que la truffe dans l’huile, ne peut être qu’un produit artificiel (et bam pour le stand d’à côté), avec des Côtes du Rhône moyens goutés avec deux vieux aux joues rougeaudes de la confrérie du tastevin du Brouilly en costumes. Et que ça discute sur la cata du vendredi où pas un chat n’est venu. Et vogue vers Dumarcher, très connu, IGP Ardèche de bonne facture, AOP Côte du Vivarais, ce dernier étant peu à mon goût. La fille de la vigneronne, qui se fout de moi, met son rouge à lèvre. Un vin du Bugey, pas loin.

      Je picore quelques carrés de chocolat (de 64% à 80% noir), pas si extraordinaire au regard de Gimenez, Bernachon, Bouillet et un fabuleux choco au yuzu à Privas goûté il y a quelques années au salon du chocolat de Lyon, cher et décevant, décidément, à la Cité internationale.

Grieco, Domaine La Biscarelle

      Un espace peu fréquenté. Beaucoup de côtes du Rhône, les teneurs de stand sont mécontents et l’ont fait savoir à l’orga. La curiosité m’attire : Châteauneuf du Pape. Je tombe sur la perle : un jeune couple, les Grieco (Domaine de la Biscarelle),  dont  la dame est d’une famille de vignerons depuis … 9 générations (XVIIIe d’après une cousinade). On entame une discussion passionnante : ils fournissent Têtedoie, le Crillon et d’autres restaurants/hôtels prestigieux, où le vin est parfois vendu au verre tellement la bouteille est peu chère et de qualité. Leur chiffre d’affaire, fondé sur 60 000 bouteilles (Beaucoup de Côtes du Rhône, peu de Châteauneuf à leur grand regret eu égard à la taille des parcelles), est établi en majorité à l’export (Etats-Unis, pas tellement la Chine ou l’Amérique latine).  Les anglaises 2014 est une tuerie pour une vingtaine d’euros à consommer entre 4 et 8 ans. Un rapport qualité/prix incroyable. Sacré découverte. J’arrête là pour rester sur une bonne impression, à chercher au plus profond de soi tant le néant règne.

      L’espace prestige est nullissime avec Pralus, déjà connu, où l’on cherche ledit prestige, du moins dans la présentation. Si Marcon et Têtedoie, Trotta et ses cocktails sont passés sur une estrade aseptisée où une vente aux enchères se déroule puis une remise de prix professionnels, l’inintérêt gagne, l’ennui prenant le dessus. Au total : peut nettement mieux faire. Quelques Pikachu, désorientés, cherchent de quoi boire pour tenir. Evidemment aucune référence à la cuisine asiatique, à part un misérable chinois perdu au milieu de nulle part, ce qui est vraiment dommage. Nous sommes loin de la deuxième édition du street food festival (LSFF) aux Subsistances, plus conviviale (musique, ouverture sur le monde gastronomique avec Hong-Kong et l’Amérique latine comme le Mexique et la Colombie, Têtedoie, Viannay, le chef de la Mère Brazier, Viola de Denise et René et surtout le sympathique Régis Marcon qui régalent).

Parce que je le Malleval bien

Je me console en pensant à la fabuleuse dégustation annuelle hier chez Malleval qui fait décidément très fort à chaque coup : Sancerre, Givry premier cru avec assemblage de 4 1er crus, L’empreinte Domaine Joblot 2016 (à son sommet dans 4 ans) où le taux de sulfite semble moindre que d’habitude. Un jeune coupe de vignerons dont une très belle vingtenaire-trentenaire. Des Châteauneuf plutôt décevants malgré le prix dépassant parfois les 200 EUR. Que vois-je, un merveilleux Croze, vin dont je n’en peut plus tellement il est servi en gastronomie de la région avec Saint Joseph (Noël est annulé, le père a avoué) très finement travaillé en fût de chêne et, enfin, un Tokay de folie (5 putunios) accompagné d’un foie gras alsacien d’oie et de canard (dont il existe une variété  au champagne et 4 épices) proposé par un jeune commercial insupportable, gomina dans les cheveux, propos offensifs qui ne s’arrêtent jamais, qui me met le grappin dessus. Je lui laisse, amusé intérieurement, faire son numéro à vide. A cause du gras foie, je suis indisposé le lendemain. Tout ça pour ça. Le Monsieur, sorte de Phileas Fogg, fidèle depuis 4 ans, du cognac XO surprend toujours par la maestria de ses alcools forts très très chers mais très très bons, du haut de gamme. Il s’est instauré comme un jeu entre nous, l’année dernière, il m’avait klaxonné de son break alors qu’il repartait vers Bellecour. Comme quoi 7 exposants dans un petit espace font plus qu’un salon entier.

Je file chez mon chéri De l’autre côté de la rue avec leur cave Banastou & Fourquet : je les aime bien mais le fossé ne joue malheureusement pas en leur faveur. Ce n’est pas parce que c’est bio (d’ailleurs le taux de sulfite, fort, est permis en AB), que le vin doit être infâme voire ignoble. Privilégiez Déméter ou Nature et Progrès (ce Vosne-Romanée trop cher mais divin ou la cuvée Alicia de l’Apremont cévenol à la Cave nature chez Dengis rue Romarin au bon rapport qualité/prix) !

 

[manuscrit poésie] Cadette des 7 [# épisode 44]

assises seule

dedans box

noir sur blanc

petite quadra

de brune boulotte

  • nul corps ai-je –

à mince trop

usée jusqu’

air triste

bas fragile

noir c’est noir

toute terne

assise dedans box

tout terne

dehors crise

MGMT en boucle

affaire kerviel

aplomb mayday

n’y pense plus

chut

e

du desk

affaire madoff

aplomb mayday

chutes banques

séquestrés boss

tout tombe

tonnes de plomb

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Lumière 2017] Karlson : le Carlton du western qui file un joyeux coton

index

Le Salaire de la violence, Gunman’s Walk, États-Unis, 1958, Phil Karlson, 1h37, couleur (Technicolor), format 2.35, 35 mm

 

« Petit » maître Karlson

D’abord accessoiriste chez Universal, Karslon, fils de l’actrice populaire irlandaise Lillian O’Brien, a été monteur, assistant-réalisateur pour Costello et Abbott, producteur associé puis réalisateur de courts métrages. Passant de la série B, dont des films historiques qu’il détestait tant les scénarios étaient nuls, à des productions plus friquées, notamment des films noirs (L’inexorable enquête, Scandal sheet, 1951, d’après un scénario de Sam Fuller, Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952, inspiré d’un fait divers, The Phenix city story, 1955, Le tueur de Chicago, The scarface mob, 1959, film tiré du pilote réalisé un an plus tôt pour une série télévisée, par la suite devenue célèbre, Les Incorruptibles, The untouchables, 1959-1963, Justice sauvage, Walking tall, 1973, un thriller violent inspiré d’une histoire vraie, un succès commercial qui se révèlera être son film le plus connu), Phil Karlson (1908-1986), une soixantaine de films sur le paletot, appartient, avec Don Siegel (L’Inspecteur Harry, Dirty Harry, 1971) ou Joseph H. Lewis  (Gun crazy, Gun crazy : Le démon des armes, 1950 ),  à la clique des petits maîtres américains.

Les studios ont perdu leurs réseaux de salles : ils n’avaient plus besoin de films de remplissage bon marché ; le western pouvait passer à la catégorie A et gagner en maturité. Déjà dans Le gagnant du Kentucky (Black gold, 1947), il avait une position forte contre les préjugés raciaux avec le portrait chaleureux de gens tués par des blancs avec Anthony Quinn et sa femme avec qui il vit. Des parents adoptent un chinois dont les géniteurs ont été tués par des blancs. Dans The big cat (1949), il réplique à Les raisins de la colère (The grapes of wrath, 1940, John Ford), un film social dont il est fier tout comme le western qui nous occupe. Dans les années 50, l’Amérique se relève aussi des guerres et commence à remettre en question l’ordre établi. Le mouvement pour les droits civiques commence. Cinéaste engagé, Karlson s’est très tôt intéressé à la politique, abusant de gros plans ici magnifiés par le paysage de Patagonie (Circle Z Ranch) et d’autres endroits en Arizona en un Cinémascope éclatant grâce au Technicolor, à l’éclairage et au cadrage du grand Charles Lawton Jr. Les travellings latéraux lors des poursuites à cheval impressionnent le spectateur, ivre de grands espaces. Plaisir d’une copie en 35 mm avec sous-titrage pour la séance, grâce à Sony Pictures est-il précisé. Selon Tavernier, qui touche un peu sa bille dans le domaine, c’est un film pas connu. C’est l’intérêt du festival : ce film en est l’acmé au milieu de sélection moyenne cette année, les autres westerns choisis étant très connus.

Loi d’Hollywood, Karlson réalisa à la tv plusieurs épisodes de Waterfont (1954-1956) et s’occupa de la production et des scénarios des Incorruptibles (The untouchables, 1959-1963).

Loi, racisme et conflit de famille

Le western psychologique voire freudien  (genre inauguré dès les années 40 avec La Vallée de la peur, Persued, 1947, Raoul Walsh ; La Vallée de la vengeance, Vengeance Valley, 1951, Richard Thorpe ; Coup de fouet en retour, Backlash, 1956, John Sturges qui creusa le sillon ; Les furies, The furies, 1950, Anthony Mann ; La Lance brisée, Broken lance, 1954, Edward Dmytryk ; Le Souffle de la violence, The violent men, 1954, Rudolph Maté, pressenti pour réaliser Le Salaire de la violence; Libre comme le vent, Saddle in the wind, 1958, Robert Parrish ; Le dernier train de Gun Hill, Last train from Gun Hill, 1959, John Sturges ; Le plus sauvage d’entre tous, Hud, 1963, Martin Ritt avec Paul Newman) est articulé autour d’un conflit de générations chez les Hackett (« – Savoir tirer est moins important que savoir quand on doit tirer.- C’est pas du tout la même chose quand t’as un homme armé en face de toi…») : deux jeunes sont joués par des idoles des jeunes (James Darren, alors habitué des films à la Gidget, 1959, Paul Wendkos, ici doux et rêveur – mais il sera aussi Spyros Pappadimos dans Les canons de Navarone, The guns of Navarone, 1961,  J. Lee Thompson, sa meilleure incarnation selon lui-même, et Tab Hunter, à contre-emploi des rôles de jeunes premiers comme dans Collines brûlantes, The burning hills, 1956, Stuart Heisler) ; Van Eflin (dans 3h10 pour Yuma, 3:10 to Yuma, 1957,  Delmer Daves, avec le même musicien George Duning, entre autres ; Tavernier le décrit comme un élève d’E. Decroux grâce à qui il devient un Charles Vanel américain) campe un cow-boy à la dur, king of gun, restant le premier pour le plaisir macho d’être le premier. Dès la première séquence, plutôt bonhomme, la tension est palpable : la tragédie est dans le fruit. Le père aiguise l’esprit de compétition, typiquement américain, en cherchant qui est le meilleur cavalier, lors d’une chasse au mustang, lorsque Ed pousse de sang-froid son rival indien intégré, le frère de Clee, dans un ravin où il meurt. Jugé pour assassinat, Ed est relaxé, à son grand dam à cause de la dépendance d’un père dont il voulait s’affranchir en le dépassant au lasso et au pistolet, suite au faux témoignage d’un maquignon véreux (Ray Teal) qui, en échange de ce parjure, se fait offrir en pot-de-vin quelques chevaux par Lee, dont l’un superbe, d’un blanc immaculé, dompté par Ed pour son frère. Mais, victime de la spirale de la violence, soulignée par des bagarres âpres par des hommes teigneux, dans laquelle Ed s’est enfermée, le corrompu se fait descendre par Ed. Le scénariste Frank S. Nugent développe des thèmes déjà abordés chez John Ford (Fort Apache, Le massacre de Fort Apache, 1948, La charge héroïque, She wore a yellow ribbon, 1949, L’homme tranquille, The quiet man, 1952, La Prisonnière du désert, The searchers, 1956), mais de façon plus fine, avec des dialogues au cordeau. Comme dirait Renoir, chacun a ses raisons.

La société, toute en nuance, est incarnée par le shérif (Robert F. Simon), son adjoint (Mickey Shaughnessy, le boxeur l’année précédente dans La femme modèle, Designing woman, 1957, Vincente Minnelli), l’agent aux affaires indiennes (Edward Platt), le juge (Will Wright). Le shérif tente par tous les moyens de faire respecter la loi sans effusion de sang, tenaillé entre son estime pour les Hackett et la paix de la ville. Son adjoint est un ex-boxeur qui prend sur lui, fait des efforts pour essayer de remettre le jeune chien fou, « a rebel without cause », dans le droit chemin. Le représentant aux affaires indiennes n’est enfin pas caricaturé puisqu’il s’agit d’un homme noble et défendant les indiens qu’il a en charge. Le docteur et le juge sont également complexes.

Jamais le racisme quotidien contre les Indiens, qui cohabitent avec les blancs, n’a été montré de cette façon. Le plus jeune, Davy (James Darren), s’émancipe de la tutelle du père en refusant l’usage de la violence et, ce qui ne gâte rien, tombe amoureux de Clee (Kathryn Grant, miss Bing Crosby à la ville), une métisse. Le scénariste Frank Nugent développe, d’après une histoire de Ric Hardman, les thèmes chers également à John Ford, comme dans La Prisonnière du désert (The searchers, 1956), mais de façon subtile, avec des dialogues d’une intelligence peu commune.

Une perle

Il est temps de rétablir la réputation de ce film accueilli tièdement par les critiques et omis des anthologies du western alors que Karlson en fit 7, certes de série B. De l’eau a coulé sous les ponts. Surtout que, selon la légende, le film aurait tiré des larmes au patron de la Columbia, Harry Cohn, doté d’un cœur de marbre.  Sa description de la société d’alors fait preuve d’un réalisme qui anticipe bon nombre de néo-westerns des années 60-70.

[Manuscrit, Poésie] Cadette des 7 [épisode #43]

en procès

écriture au fil de la

pas à pas

noir sur blanc

risque perpét’

en boucle

dedans tête

flashs caméras

aller-retour

mari aime encore

se constitue

partie civile

aide comme

mande huis

clos ‘hui

couperet

rejet nul

huis clos point

mire réclus

ion crimin

elle à perpétuité

le pire

compter dedans tête

broyer noir

mari amère

aime encore

et ________

le clame

mari reclus

calme ____ et

fort pierre

caméras flashs

aller-retour

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Poésie, manuscrit] Cadette des 7 [#épisode 42]

cortège tribunal

flashs crépitent

insultes foule

monstre en boucle

gros plan

gens insultent

cadette des 7

fait montre

s’engouffre dedans

détention provisoire

cadette des 7

sang dedans baignoire

flashs caméras

gros plan

en boucle-la

monstre

enfants en pleurs

tic-tac du temps

réclament maman leur

aimant mari attend

à côté perpét’

15 ans

dedans tête

décompter

461 462

c’est pas un nom

pierre sérieux

reconnaît fœtus morts

sépulture fœtus

état civil

drôles donnent noms

461 462

silence attente assises

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques, Espace(s). » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [#épisode 41]

pour cadette des 7

alors compter

dedans tête

en boucle

sang dedans baignoire

flashs caméras

gros plan

en boucle

enfants réclament

maman pleurent

à côté

aimant mari attend

15 ans pour police

routine alors

compter 461 462

aveux garde à vue

accroupie salle de bain

étrangler de suite

main droite étrangler

en les regardant

de suite accroupie

dedans pv pleure

film d’avant

film d’après

quinze ans routine

enfants réclament

maman leur

aimant mari

instant aveu

garde à vue

bébé dedans

insert cheminée

policiers surpris

15 ans ferme routine

dernier aveux

dedans pv pleurs

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [épisode #40]

enfants réclament

maman leur

aimant mari attend

à côté

congeler 461 462

s’en débarrasser

à   vue    461 462

au __   et au su

aveux garde à vue

pleurs cadette des 7

acculée pleure

garde à vue couple

c’est pas toi

qui a fait ça ?

si c’est moi

prise dans mes bras

cadette des 7

mari mis

en examen

complice assassinat

dedans bras

cadette des 7

si c’est moi

film d’avant

film d’après

pierre sérieux

s’ingénie

à côté

risque perpét’

en boucle

dedans tête

cadette des 7

pleure aveux

garde à vue

plus tarder de suite bébés

processus enclenché de suite

dedans pv pleurs

film d’avant

film d’après

mari à côté

en examen

s’ingénie

risque perpét’

en boucle

dedans tête

pour police

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [#Feuilleton 39]

cadette des 7

s’

é

c

r

o

u

l

e

pleurs

tonnes de plomb

tombe sur

cadette des 7

flashes

crépitent gros plan

lunettes noires

cadette des 7

été innocente

sang dedans

baignoire rouge

sur blanc

flashs caméras

gros plan

lunettes soleil

en boucle

enfants réclament

maman pleurs

aimant mari attend

à côté

aveux garde à vue

résultats adn

pleurs étouffer

461 462

enfants de moi tous les droits

silence

461 462

donner mort enfants de moi

pleurs étouffer

dedans salle de bain

silence

sang dedans baignoire

flashs caméras

gros plan

en boucle

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [#Feuilleton 38]

innocents

mari à côté

pas retourner

pays du mur

ferme adn police

conférence de presse

aplomb

adn pays

du mur contre

adn hexagone

analyses flashs

crépitent ferme

cadette des 7

  • deux drôles –

nie en bloc

en boucle

dedans micros

machination innocents

gros plan

mari à côté

experts police

adn formels

résultats analyses

fœtus 461 462

même adn

aplomb

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 (#Feuilleton 37)

conférence de presse

aplomb

cadette des 7

convaincre

flashs crépitent

été gros plan

en boucle

lunettes

soleil de plomb

cadette des 7

convaincre

flashes crépitent

machination dit-elle

en boucle

devant micros

gros plans

lunettes soleil

aplomb

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton #36]

au pays du mur

-aller-retour-

pas bien passé

dit-il à

belle-mère en pleurs

mieux au fond du

trou dit-elle

silence

sortie table

au fond du trou

2 babies in my freezer

adn police

sac plastique

dit-il à

cadette des 7

au téléphone

soulagée choquée

dedans tête ressort

adn police

sac plastique

en boucle

pierre qui roule

allers-retours

au pays du mur

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 #Feuilleton 35

essuie-mains blancs

dedans mains givre dessus

séparer mains

fermer sac

blanc + tiroirs

ses menottes

dedans congélo blanc

mettre 3 kilos maquereaux

ensemble dedans

congélo blanc

pays matins frais

1er tiroir

2e tiroir

3e tiroir

4e tiroir

5e tiroir

1 autre bac

sac plastique blanc

mains silence

2 fœtus dedans

congélo blanc

ferme tout ressort

pays matins calmes

panique qui a introduit ?

appelle police

pierre qui roule

aller-retour

ne sait dire

ni bébé ni congélo

ni police ni ____

dans la langue

du pays du mur

malgré prof’

de langue

aux 3 kilos

maquereaux

babies in my freezer

au téléphone

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Gastro] Happy Lyon street food festival #2

Must for place to be : en place !

index

Parfum de vacances estivales. Il y eut les fines gueules aux Subsistances où je découvris le Gallety, un fameux vin ardéchois, assis sur une botte de foin. Deuxième édition du street food festival (dire LSFF, pour faire hype dans un pays qui adore les acronymes), le premier étant victime de son succès, la rupture de stock arrivant très vite. Colombie, Mexique, avant un ouragan fameux, et Hong Kong, qui n’est pas un grand singe, sont invités. La biennale d’art contemporain va pointer son nez : une hype chasse l’autre mais ne se croise pas forcément même si Vianney fit ses compositions culinaires sur tableaux blancs pour une expo rétrospective Yoko Ono au MAC.

Halte à la Halle des Subs

Chefs oui chefs

Vendredi dans la Halle en temps idyllique avant qu’il ne se gâte. Les chefs et MOF sont là : Régis Marcon, très sympa avec qui on discute de l’Hôtel dieu et sa Cité de la gastronomie, qu’il préside, pendant que le Musée de la médecine des HCL, seul musée de France virtuel car dans des cartons à cause de Collomb et Képénékian, médecin de son état, croupisse dans l’inexistant, du giba, champignon qui vient de changer de nom et de passer comme non comestible alors qu’il fut comestible selon des mycologues et déterminateurs, j’en ai encore mangé cet été ; Têtedoie qui me mate, s’évertue à montrer des photos sur son portable, et nous gratifie de son plat signature, malheureusement dénaturé, le H.T.V. ou homard tête de veau selon l’accord ressassé en gastronomie terre/mer en encornet peu ragoûtants avec morceaux panés et sauce à la coriandre comme si c’était une sauce MacGerbal ; le présent pendant trois jours Viannay de la mère Brazier, toujours dandy à faire de simples grillades de travers de porcs avec une main gantée noire pour ne pas se brûler dans son épicerie – petit joueur ; Joseph Viola de « Denise et René » s’affaire en cochonaille grillée.

La palme revient allégrement à Marcon, qui n’est pas Macron : non seulement le type est sympa et abordable, il plaisante avec Viola, mais son plat se détache allégrement par sa simplicité et sa délicatesse : une brochette d’une simple et délicieuse viande entrecoupée de champis, Marcon ne serait pas Marcon sinon, posée sur une feuille de châtaignier alors que trône à côté un sabayon onctueux de champignon. Sa brochette payait pas de mine et pourtant. Comme quoi il est possible de produire en quantité en créant de la qualité. Marcon n’est présent que ce vendredi, c’est pour cela que je suis venu aujourd’hui. Nous devisons avec un quidam de la cueillette des champignons : Qatarstrophique dans le Jura, très sec malgré une certaine verdeur, mais allègre chez le Chi et Hollande, la Corrèze plutôt que le Zambèze.

HK

Après avoir vu jouer au Mah-Jong, je me hisse au pays de la révolution des parapluies où Lord Mounbaten céda la place, Honk Kong. C’est parti pour un Guabao de poulet dans une pâte presque sucrée, servi par un parfait franco-hongkongais alors que les femmes s’affairent à l’arrière dans une pâte informe brune à base de riz et le cuisinier asiatique se débat avec ses pâtes qui enroberont les mets. Traditionnel avec M . et Mme Cho, le Sieur étant attiré par le chocolat lyonnais, pas de doute on est à Hong Kong avec le souvenir de Kwanlon : nouilles à manger comme chez Johnny To avec beignets de crevettes et baguettes de rigueur sans la célérité digne d’un Woo. Trois Miams (contre 2,5 pour Marcon), la monnaie utilisée pendant la manifestation (1 Miam = 2 €), quand même, même si c’est roboratif ! Je m’assois sans le savoir à côté du notable lyonnais Guy Walter, directeur des Subsistances, maître de cérémonie donc, et de la Villa Gillet (dans cette Halle se déroulent les Assises Internationales du Roman que Pireyre évoque de façon drôle, une histoire de couverture ou plaid, dans sa géniale Féérie générale), dont la mauvaise gestion a été pointée par la Cour des Comptes.

ColMex

Côté Amérique latine, je squizze la typique Liz Galicia, avec de très beaux épis de maïs chauffés et un plat avec des filets d’avocats, très bon pour la santé, pour Piquin et sa quesadilla au huetlacachas ou « truffe mexicaine », c’est-à-dire un champignon qui pousse à proximité des champs de maïs, au goût très fort et pas aussi raffiné qu’une truffe, blanche ou noire ; derechef, j’en réfère au chef Marcon, intéressé.

Foi de Farc, je file côté colombien chez Santiago Torrijos, qui a un resto à Paris mais qui vient de déménager toujours à Paname, et Clément Bidard. Ce sera un incroyable et rafraîchissant ceviche ou filet de dorade crue, marinée, comme quoi il n’y a pas que les japonais. Je vois que le Mexique en propose aussi, Escobar m’aura eu. Pas vu le grand chef Juan Arbelaez quoiqu’un type à tête d’Ho Chi Minh dans un costume bizarre et sans doute traditionnel tape la discute avec le MOF Têtedoie.

Sucré pour note salée

J’ai réussi à placer tout ceci dans mon ventre déjà rempli à midi de taboulé délicieusement persillé, de petites tartes arméniennes et de poulet mariné au citron, le tout entre Arménie, Liban chez Sassoun, une marque valentinoise implantée depuis une dizaine d’années à Villeurbanne et récemment arrivée dans le quartier Lumière, grâce à une paleta au citron chez Unico qui vient de s’installer à Lyon. Le tout glisse grâce à un jus de fruit Milliat d’Orliénas dans le Beaujolais : qu’est-ce que vous voulez, impossible de résister à ce pêche de vigne, le premier que l’agriculteur a mis en bouteille dans les années 90, son meilleur à mon avis. On ne rendra jamais assez hommage à ce maître du jus de fruit. Une belle fille avec robe à petits carreaux bleus engage la conversation, elle s’applique à son métier, le relationnel, la vente ; elle prend l’intérieur de la Halle en photo avec son portable.

Au sugar Hangar, Bouillet ne se foule pas trop avec une barbe à papa ou une gaufre (comment égaler les gaufres nancéennes à la finesse d’une dentelle dans d’anciens moules à gaufres ayant échappés à la collection de Breton ou encore les gaufres belges à tomber par terre comme leur frites, cuites deux fois). Par contre Bernachon est fidèle à sa réputation (alors que plutôt décevant lors du salon au chocolat) : un gâteau au chocolat praliné posé sur une signature calligraphique au chocolat. La grande classe avec simplicité, donc la grande classe. Quelle bonne idée cette nouvelle halle sucrée dans le côté boulangerie des Subs.

Un dj mix une musique latino un peu trop forte mais pas trop envahissante, malheureusement certaines baffles sont défectueuses et crachent un son atroce. Couple de nanas qui cherchent un mec, d’ami-e-s qui s’éclatent entre eux, mecs bons vivants en troupes, de nanas exhibis perchées sur des talons qui leur vont parfois si mal mais il faut être à la hauteur même si on est grande, de familles bobos qui se remplissent la panse dans un esprit vacances, de mecs seuls, qui parfois parlent tout seul.

Cours et atelier

Erudiqueur

Je réussis à m’incruster au dernier moment dans un atelier incroyable : dégustation de liqueurs anciennes par Guillaume Ferroni (de la même famille que Nicole, marseillaise, la comique électrique et soulante ?). Pancrace, hydromel ? Que nenni ! Le type, ancien barman, travaille sur des manuscrits du XVIIIe, développe un anis millésimé ; là, c’est du haut de gamme et de la dégustation de haute volée. Un type de chez Chartreuse s’incruste. Une jeune mariée à la chemise rayée bourge, qui doit bien rougir quand elle fait l’amour, et aux grandes oreilles, quoiqu’aux lèvres fines et sèches et yeux banalement marrons, pas très belle mais avec un charme froid nonobstant, s’adosse à son mec, un bellâtre à pâtes indifférent, à qui elle semble bizarrement accroc tant ils ne se correspondent pas – les feux de la jeunesse où elle croit au prince charmant et tombera de haut. La plupart des liqueurs viennent de médicaments ou de raffinerie de moines. On goûte, après moult explications savantes (les alcools viennent d’Italie, les premiers à distiller depuis la Renaissance, de Hollande, d’Allemagne et enfin des Antilles quand il n’y a pas d’ouragan ; où l’on apprend que whisky vient du gaélique « eau béate » ; la prohibition a permis le développement de bitter ou extrait de gentiane mais d’où vient aussi le coca, dépossédé de l’alcool mais gardant la coco ou coca, conformément au pharmacien-inventeur – vue la canicule, 2017 deuxième été le plus chaud depuis 1900, un coca, même s’il développe l’obésité, n’est pas de trop ; la confrérie des limonadiers proche des pharmaciens), un fernet dont le goût, très fort, est celui d’un infâme expectorant, un sublime ratafia de Marseille (car il existe notamment le bourgogne) à base de fruits rouges (cerises, fraises, etc.) parmi 4 échantillons. Du coup, je file goûter au Carry nation, un bar marseillais qui craint dégun entre le cours Puget et rue Notre-Dame, à la Cocktail factory, un Ferroni Downfall : jus de poire de Milliat, pêche plus quelques alcools développés par Ferroni, goût plutôt étrange, impression de rentrer dans un monde inconnu, passionnant. Quelle bonne idée, cet ajout côté pianocktails. Je m’assieds sur un transat avec des jeunes bons enfants, déjà venus l’année dernière, qui sirotent quelques cocktails de Citrojito.

Cours minute papilles-ons

J’enchaîne sur un cours minute « Sens et papilles », mené par la belle Marie, le tout coordonné par le dynamique poète Emmanuel Campo, qui fait parfois du rap avec Igor Myrtille ou nom, bosse avec des théâtreux, du NTH8 notamment, et invite le flegmatique et cycliste Bernard Deglet, du collectif Les poètes qui vont mourir un jour, pour une conférence pataphysique sur le tango colombien de Hong Kong le dimanche, tout un programme ! Avec des jeunes, on s’attaque au goût mais la coquine a travaillé les liquides avec du colorant alimentaire bio. Le premier est de l’orgeat, le deuxième de la menthe, mais je n’identifie pas la bergamote ; la troisième est piège, un agrume (yuzu ? kombawa ? simple citron vert) mais avec un colorant rouge à base de betterave. La fin en forme de cours de relaxation afin de développer ses sens (sentir le grain de raisin, ressentir sa forme, le rouler dans la bouche et l’éclater lentement) tombe un   peu à plat. On discute de l’umami, je lui offre la référence de Ryoko Sekiguchi. J’échange avec une taiwanaise sur cette fameuse omelette aux moules et sur le thé vert oolong alors que sa copine hongkongaise semble me dire qu’il existe un thé hongkongais planté là-bas, ce dont je doute vu le manque de place. Elle me soutient que le thé le plus important est le japonais, mouais …

Foodtrucks allee

Je passe les foodtrucks, les écossais de Dewars sont ingénieux : ils présentent une infâme boulette … avec un whisky plutôt recherché dans une camionnette à la déco sympathique. Grand succès. Je mange à côté une glace à la figue et à l’huile agrémentée d’une boule à la fleur d’oranger. Ca a beau être bio, c’est insipide. Qui tente rien n’a rien ; ce sera rien. Dommage.

Musique : on the rock

Dans l’odeur de graillon du Floyd’s et du New World Smoke côté BBQ Corner, la chanteuse d’Hilldale s’époumone en un chant plutôt faux, just around the corner, je m’avais entendue en répét’, elle ne s’est pas améliorée en 5 minutes ! Requin chagrin, parfois un peu DX7, s’en sort plutôt bien, musique surf garage parfois péchue, Metallica vient début septembre à la Halle Tony Garnier merde ! et l’amer indien Link Wray rôde au-dessus exactement, et recherchée. Les belges de BRNS, des potes d’Hilldale, envoient du bois grave, le crame même, vu le nom où la voyelle a sauté, avec des synthés rétros qui virent au délire psyché à force d’entremêlements en canons. Le chanteur est souvent le batteur, mis en avant. Trois musiciens sont multiinstrumentistes : 2 guitares, synthés, voix, souvent en anglais, et une fille synthés, clochettes qui sonnent comme un xylophone, jamais vu, son très pur. Un fort potentiel. A noter que Requin chagrin et BRNS appartiennent au label montant creusois, engagé et couillu, La Souterraine. Demain Lescop s’y collera.

Rien à dire : la bouffe est vraiment une religion dans ce pays laïc. C’est vraiment une curiosité plutôt attachante, un art de vivre, même si le peuple est sempiternellement grincheux quoiqu’avalant sans cesse des couleuvres.

[performance / expo peinture] figur’action : pinceaux pandore

1,2,3 / La mac, c’est ma came ! / sainte natacha / ça décroche ‘hui / clac-clac / hors cimaises / estivales / regardeur fait œuvre / moi, c’est figuration
loin du tarmac / étoile mer / méduses / en hamac / flottez hippocampe / droit comme des i / sur portée disparue / râteau plage / en suspens / aby abyculteurs / dedans dehors / se frotter occiput / cahiers vacances / se mettre au vert / loin tarmac / suspense / rond carré triangle / jouer morpion / pat / 1, 2, 3 soleil / ciel ! / clic-clic sur icônes / donnez-moi des nouvelles données / souris jaune / mouche décoche / dossiers ouverts / aude a la poésie : / « j’aperçois des fenêtres. je me penche et regarde à travers. » / double clic / fresh widows / accords terre-mer / turquoise bleu phtalo / terre verte de véronèse / aude a de la poésie : « je chante. je crée des repères. un collier de perles, quelque chose qui s’égrène, je perds mes graines. je persévère » / portes d’entrées / dans enfer al dante de ma marelle / crispy bacon cuit

alphonse, allez je vais voir ailleurs / si, j’y suis ici / tea time ! / famille, je vous hais ! / île du doc moreau, gustave / végétal/minéral / for antérieur / autre, cet antre / rue du for / liquide / stalagtite/mite / grotte gothique / musique dany elfman / sleepy holopherne / saigneur des agneaux / rouge nuit est mis / rue turpin / c’est peinture ! / cuir crépin / slop slap / tupiniers : bout poterie puzzle = symboles/ clic-clic / smile is smiley / période incubation / ça fume / aire de broca / hippocampe / boîte pandore ouverte / clé conserves de sardines / portes d’entrées / brasse petit verni / étoiles de mer / brasse couleurs / sur coton-lin / enduit colle papier peint / et gesso / lin huile / essence écorces d’orange / oxydes / incubes, chose [au carré] & tarasques / boule bas haut fragile / au cube / passé rhône / face : danger beaucaire / aubrac tourné dans crépin rue turpin / expo g. braque château / oiseaux vifs / succubes lents / aude à la vie / ode à la poésie / celui qui ne cherche mais trouve dit / « poètes n’expliquent mais rentrent dedans » / entrer en fer enclos / rousseau, pas le douanier dit : / le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile / division de la joie / murs barbelés / lafarge-copé / us-mex / murs érigés murs en tête / empâtements marrons / crème mont blanc / marée noire / à nu homme se grime / fragile grand migrant giacom / brut de décoffr / matière gris / empreinte / homme qui marche / teint hâlé / debout digne / voir ailleurs / rejeté aux pieds lourds / 1,2,3 soleil cou coupé / en radeau méduse / brasse petit gabarit / lesbos lampedusa / nouvelle odyssée / tout change pour que rien ne change / clic-clic / brasse / 300 rejetés à l’eau / par passeurs / enfants morts / mer cadavres / râteau plage / châteaux sable s’écroulent / point sur les i / poète atterré : où liberté-égalité-fraternité ? / où patrie droits de l’homme ? / conseil d’état pour droit douche ? / amerditerrannée /  aux rivages sans nuages / au ciel enchanté / méditerranée / écouter mer morte / dans coquillage / rouge, belle bleue / elle est pleine de marins, elle est pleine de marins / ils s’en vont d’afrique / ils s’en vont d’asie / mais qu’elle est bleue, mais qu’elle est belle / qu’elle est belle, mais qu’elle est bleue / qu’importe / des lubies en libye / l’acide coule à mes oreilles / 1,2,3 lune

pendant ce temps / coïts / entrer en champ clos / faire le groupe de carpeaux / fragonarder / se la passer au bleu / traverser la mer rouge / lever le cotte verte / taper dans le blanc / faire le groupe de canova / jouer au petit savoyard / délaissant les grands axes / pris la contre allée / madame rêve / madame coite / ciel ! / moite prend son pied coite / cyprine m’était conté / tentation de saint antoinette / feu ! / chacun sa croix / quoique / madame rêve d’artifices / plaisir ? / l’un dans l’autre / nidification derrière bosquets ? / dans l’ain, monte voir les estampes / 1,2,3 / mariée mise à nue / choit : talons aiguilles sur galets trottoirs / photos immortalisée / 1,2,3

comme rocky / sur fond écarlate pyrrole / catcheurs pop comics / big cass vs bo dallas / enzo amor vs kalisto et rhyno / arbitré par danilo anfibio / pow splat bam / rancillac / au pays du nougat / « je suis le dernier peintre » / boum / opération fureur du dragon / rob zapata arbitre / chris jericho vs fandango et epico colon / gran metallic vs rich swann / catcheurs s’entraînent bam boum en chambre froide rembrandt / sur morceaux de viande / 1,2,3 frappe frappe / sur bœuf aubrac fou sodexo / ou cheval de mer devenu cheval roumain / hippocampes hippophages / such a chaïm / états généraux alimentation / lutte sans quartier / mandrin / 3 mousquetaires / mickey cassé / vos luttes partent en fumée / vers des flûtes enchantées / et de cruelles espérances / nuits debout ne nuit / total : demande totem / peuple réclame attirail à la redresse / de tout temps / déjà vu / les luttes de tulle, on connaît / doum-doum gun crazy / caput mortuum / ça décoche / adrienne ! / longtemps rocky a dégorgé le poireau de bonne heure / alors à quoi ça sert la frite si t’as pas la moule / à ostende / prochaine expo début septembre, collectif bruxellois : fluid boundaries between us / laissez-vous porter / par l’extrême obligeance /

1,2,3 soleil noir   c’est noir / masson pierre à pierre / black hole sun / trou noir / cygnus x-1 / horizons d’évènements / outre noir / trou de ver / carnaval des animaux carnivores / chat cheshire ou schrödinger rit / ratelier décroche / bouche crie / poisson-chat / polir angles morts / les casser / elle m’a dit polie polisson ces gravillons / dans l’ain, à l’ombre de la centrale du bugey / j’ai bu / jaune indien dizaso / regard absent / iris absinthe ? / non pas / couleurs crépitent / : violet ultra-marin / jaune / blanc / toile à nu / tableaux se répondent / vincent est là

anthropocène / 1,2,3 soleil / météo tourmentée / nuages / degrés / hors normales saisonnières / rares champignons / mycélium radioactifs / pissenlits / vert … de peur / jardin ouvrier / monsanto / bottes râteau gants couteau / rébus /  rear window / suspense / château de sable s’écroule / crac-crac nicolas le jardinier déterre cadavre / fenêtre sur cour / raymond burr homme de fer / cadavre bouge encore / médaillon communion / vierge à l’enfant / je suis jaune / citron dirait troncy / les anges passent / ça décroche, hein ?

1,2,3 soleil / tout autour de pérouges / graines s’égrènent / apéro / plonger couleurs pures matière / corniche kennedy / pointes rouge et bleu / milieu poil pinceaux en ébriété jaune tournesol / or bronzé / image scrute matière brute / girasol : peinture huile pour huile tournesol / c’est léger, léger ! / tout tourne / van gogh / nourris de vortex / fenêtre sur / tovrons & poimates / pizza palette pour / motif pas hors sol / plus clair que mat / temps du hamac / rond, c’est l’été / car le monde est rond / ça décroche ! / buffet arrive, impatients ! / galettes de pérouges-la-rouge / 1,2,3 descendons !

sommes arrivés / les gogues sont dans la salle du fond à gauche / sombre héros / chapeau de paille est là / 12 bougies dessus / 1,2,3 el loco / araignée dans la coloquinte / pour ne pas en finir avec / les paysages montrent leur chair hostile / la hargne de leur repli éventré / pureté sentiment peinture / vert émeraude / brut / scratch scratch / vert, j’ai ! / nuit hallucinée / nature extérieure avec ses climats, ses marées, et ses tempêtes d’équinoxe ne peut plus garder la même gravitation / auvers et passe : revers / chapeau van / artiste laisse empreinte

1,2,3 soleil oreille coupée / vertu cardinale post apocalypse / incandescente lave / herbe bleue comme un orage / trompettes de la mort / deux mondes sont ronds / doigt coupé / j’accusa / sur autel grolles de labeur / dehors / sur austèroïde / laureline / cut / bagouse / ou fin d’alliance / elle fait chapelle, elle sous trulli d’homme bandelotté / corps supplicié / faudra se mêler / nos lianes infinies / monstroplantes / famille, je vous hais / de tout temps / roi découronné / tératologie wagner / où petit prince où ? / ring ring /  bagouse ou anneau pénien ?

well, well / des vergers aux verges / doigts dans prise / 1,2,3 juge trône / sur-moi sûrement / motif se prend dans tapis / messieurs les censeurs, bonsoir ! / perroquet boire / période vache / pan-pan dans contrevents / bambi sourit poupée / générations enfants traumatisés / petit poney princesse cadance / a pris cher poney run run / succube / avec pendards / oranges sur étagère / espoitrinement façon venise / avant-scènes / triperie / monts d’ivoire / tertres bessons / mottes de chair / bel avenir / pamplemousses en devanture / belle livraison bois devant porte / blanches collines / igloos / herbe à grimper / mou de veau / amuse-gueules / laiterie saint-hubert / geyser pétrole / elle pense queue / cucurbite / rocco et ses frères / 7 / : tout sur zizi / face, profil / perchoirs à perroquet / arcon / guillery / barnum / fifrelot / petit frère / mahomet / suspension / pauvre petit chanteur de la chapelle sixtine / cheville ouvrière ou d’adam / cordon de saint françois / virolet / jean-chouart / tiriliberly / rubis cabochon / mentule / frère jacques / premier rôle / jésus dans sa crèche / écouvillon / frimante / jean-jeudi /  ardillon / callabristi / péplum / mickey / popeye / brandon / clysoir galant / manche à gigot / mistigouri / jean-farine / frétillon / karagheuz / moineau de catulle / champignon de braguette / bolet comestible / cèpe / arc-boutant / niphleth / pastanade / vivandier de nature / cognée / bidet de culbute / perchoir à cigogne / sorbet cassis / mât de cocagne / mont blanc / pays-bas / obélisque / mandarin / branche de corail / licorne / fifrelin / cucurbite de culbute / pince monseigneur / petit chaud / scoubidou / os à moelle / locataire du dessous / petit cosaque / mètre-ruban / cure-dent d’auvergne / anchois / anguille / mulet / rat, raton, ratonnet / plume / cromagnon / in gode you trust

part maudite / art rut / dom. huss. : 1,2,3 serpent menace vénus primordiale à queue de cheval / devant val d’enfer / splash splash / aspire au petit colorado / cœur en flèche / en paume / évasée du buffet / hanches fécondes / la gironde / cheveux en diablotin à crinière / petit four / volcan / tablier en forgeron / schnecke / trésor à crinière / caverne d’ali baba / sadinet / maître-hôtel / anneau d’hans carvel / antre / loupeuse / verger / crevasse / distributeur gillette / terre de marais / buisson ardent / grotte de vénus / cave / demoiselle d’avignon / trou punais / continent noir / grotte de cythère / dans les annales / reine est nue / 1,2,3 croisée : / carrière ? / procréer ? / les 2 ?

nuit / paroi noire façon dali / j’étais à me morfondre / dans quelque pub anglais / nuit / c’est l’heure où je me glisse / dans les interstices / baffle crache / 1,2,3 elle remue du buffet, l’empâtée / se lovera-t-elle autour barre ? / où courge ? / nature morte : cucurbite / sans saveur / végétal quasi marin / automne arrive / sachants se réunissent en coloquinte sur sens / splish splash / nick nolte sur toile / sonic youth / il se lâche sur l’ufo / vaisseau amiral /

ghost in the shell / enfants sirotent coquillage roudoudou / sur fond arc-en-ciel moretti à la bombe / hopi hopiculteurs / navajos / exotique / petit, grand colorado / caipirhana / copacabana / avoir la banane / brasse petit gabarit / enfants ne s’échouent pas / sur plage paradis fiscaux / mettre les voiles / golfe de lyon / embladed / mer forte à très forte / bord déborde, tourmenté / milkshakespeare / caliban, prospero dépassés / tempête dans crâne / rouleaux / peinture en tube à la truelle dépasse cadre / couteau / barques sos sos

3 en 1 / monde mystère / sortie tenue léopard / couleurs chaudes / femme fontaine / cascade déverse / brève poupée pliée / regards inquisiteurs / dans affres / madama a ses fantasmes giant / vannes ouvertes / envie t-bone et tant d’autres choses / bigger than life / bas couleurs vitrail / ange gradien mate derrière porte / parabole kafka procès / immeubles chagall ensemble jugulent ménagère de moins de / barrière / : protège ? / limite ?

enigma décrypte secrets : niveau 0, O° / pli sur pli / feu follet / 0 est indien / angles mort, rayures, lignes / dehors / dedans / sublimation / être un beau 0, cher walser / rire est chaos dans paume / rire se décline / emoticon smile / anges volent / titi rit /  rouge non de falün / en enfer gris où végétal sourd / gong / 50 ans summer of love / couleurs psyché / l’un dans l’autre / devant derrière / avec épuisette / capturer dedans tableau / papillon / epitecia nabokovi / ne pas épingler / malgré caméléon / plante carnivore / vénus milo beauté en string / sculpte rapa-nui / court derrière / de tout temps / lucky in the sky with diamonds / épopée / transfo chrysalide / fini-pas-sage / sortie mythe caverne platon / ton plat sera galette / ding dong / heure du goûter !

[Ciné] Et dieu dans tout ça ?

Que dios nos perdone, Roberto Sorogoyen, Espagne, 2h05.

QueDiosnosperdone_Poster_11989

Noir & chaud

Merci les conseils du Masque et la plume ! L’été 2017 est résolument noir et chaud.

Hot hot hot, « some like it hot » comme une climatisation de voiture en panne en plein cagnard ou Madrid en été 2011, personnage principal du film, plus réussi que Paris dans La bataille de Solferino (Justine Triet, 2013), entre les Indignados manifestant à la centrale et symbolique Puerta del Sol suite à la crise économique et à l’impuissance des politiques conservateurs corrompus (la hiérarchie, incompétente, préfère étouffer l’affaire pour des raisons d’image et de catholicisme ; les flics virés sont réengagés au noir tant les collègues sont nullissimes ; une réunion management fait froid dans le dos sans parler de la non prise en compte du handicap), et la venue du pape hispanisant Benoît XVI (finalement habemus papam au 2e tour suite à démission !) lors des journées mondiales de la Jeunesse (JMJ). Le metteur en scène précise : « L’été 2011, avec son atmosphère chaotique, extrêmement tendue, était très intéressante d’un point de vue dramaturgique : pas facile de mener une enquête au milieu de milliers de manifestants. Il était intéressant aussi de situer cette histoire dans le centre ancien de Madrid, un quartier où vivent de nombreuses personnes âgées qui sont des proies faciles pour le personnage du tueur. » Le film commence par une scène en plongée le petit matin où les employés municipaux de Madrid nettoient à grands jets d’eau le lieu d’une de ces manifestations, en référence au nettoyage à grande eau de la place après l’évacuation musclée des indignés avant l’arrivée du pape et de la foule des pèlerins. Amis touristes, savourons ces habitations sordides à lumière jaunasse où des familles entières vivent entassées pour 300 € par mois dans des caves sans aucune ouverture extérieure, le propriétaire, un péquin moyen tentant lui aussi de survivre, ne voyant pas où est le problème. Sorogoyen avoue : « Au départ, je voulais que certains plans représentent des tableaux de Goya ».

Noir car la ressortie de Memories of murder (Bong Joon-ho, 2003 ; Sorogoyen avoue : « Un autre film déterminant a été le coréen Memories of Murder, particulièrement pour sa capacité à donner de la chair aux personnages – ce qui manque souvent dans les films hollywoodiens. Comme Bong Joon-ho, nous avons décidé de montrer souvent les personnages en train de manger, de boire, ce qui leur donne beaucoup d’humanité. ») remémore un couple de flics dont un violent ; le toujours coréen jouissif Sans pitié (Bulhandang, Sung-hyun Byun, 2017), entre Scorsese et Tarantino.

Passée la vague ibérique des films d’horreurs cultes (Amenabar, Balagueró, Álex de la Iglesia dont l’excellent Balada triste de trompeta, 2010, où joua déjà Antonio de la Torre), voici un tsunami de polars réalistes sur fond historique (Alejandro Amenabar, La isla minima, Alberto Rodriguez, 2014 où de la Torre jouait un père de famille bourru, incapable de communiquer avec ses deux filles adolescentes ; Enrique Urbizu ; le glaçant Niña de fuego, Carlos Vermut, 2015 ; La colère d’un homme patient, Raúl Arévalo, 2016, Goya du Meilleur film, où le même de la Torre était un vengeur froid, méthodique et taciturne ; Daniel Monzon).

Néo-polar

Le schéma classique du polar est respecté : couple de flics aux personnalités opposées, originalité du serial killer apparaissant à la 90e minute, amoureux des chats comme le célibataire commissaire Bourvil dans Le cercle rouge (Melville, 1970), inquiétant au visage d’ange, jeune et émacié n’ayant pas résolu son Œdipe auprès d’une mère, auquel il est dévoué, dominatrice et castratrice (« À chaque fois qu’on parle d’un psychopathe qui l’est en raison d’un traumatisme lié à ses relations à sa mère, on pense à Psychose. Il y a toujours des références conscientes et inconscientes, mais j’ai tout fait pour ne pas copier » précise Sorogoyen), de Javier Pereira, jouant un charmeur dans le deuxième film de Sorogoyen, Stockholm (2013), triangle de violences interrogeant la virilité masculine, rivalités avec la hiérarchie policière, dans le commissariat, catholicisme interrogé dans sa rigidité.

L’originalité se fonde sur l’ambiguïté des personnages. Le binôme de policiers est impayable. Mieux que dans L 627 (B. Tavernier, 1992), l’ambiance du commissariat est brossée de façon contrastée avec les conflits internes. De la Torre a travaillé son rôle avec des policiers, déjà interrogés pour préparer Groupe d’élite (Unit 7, Grupo 7, Alberto Rodríguez, 2012), une autre histoire d’agents aux méthodes douteuses. « Au début de Que dios nos perdone, quand je réalise l’inspection oculaire de la vieille dame assassinée et que j’éteins la lumière, mon contact m’a dit exactement comment procéder. » Se mettre à la place des personnes âgées souillées par un gérontophile, bien membré mesdames, est une idée incroyable. Quant au défaut d’élocution, l’acteur, tel un introverti à la Keyser Söze à la mine de Dustin Hoffman, l’a travaillé avec une association de bègues, benêt Bayrou, si tu nous lis ! Il joue un célibataire, très solitaire, renfermé qui voit le mal partout. Avec ses intuitions, les collègues le surnomment le « Génie ». Velarde, avec son unique costume étriqué, écoute un disque vinyle de fado d’Amália Rodrigues (« Que deus me perdoe », tiens, tiens !) tout en observant par le judas la gardienne, qu’il harcèle, nettoyant le palier.

Le bodybuildé Alfaro, incarné par Roberto Alamo, déjà présent dans La piel que habito, Almodóvar, 2011 d’après le roman de Thierry Jonquet, auréolé ici du Goya du Meilleur acteur, cohabite avec sa fille adolescente, insupportable, sort promener son chien. Le flic à l’ancienne, ami des putes, est fébrile, inquiet et révolté. Sa femme le trompe comme toutes femmes de flics qui se respectent dans les films. Alfaro est sanguin, susceptible, se bagarre avec ses collègues mais se révèle réactif et volontaire, un peu trop, peut-être. Il est sanctionné par le Conseil de discipline pour coups et blessures infligés à un collègue qu’« il ne peut pas sentir ». Une pièce pour un distributeur de café, lieu de sociabilité au travail, cause des embrouilles. Les emmerdes arrivent en escadrille. Viré, il se saoule, se ramasse quelques cocards, essaye d’enterrer son chien dans le jardin de son immeuble. Les résolutions des histoires intimes et parallèles est un peu trop simple à mon goût. Une scène de blague qui tombe à plat à côté d’un bar à tapas est inutile pour un film un tantinet trop long.

Fils de douanier, ex journaliste, de la Torre, jouissant d’ubiquité tel l’argentin Ricardo Darín succédant à l’espagnol Javier Bardem en haut de l’affiche, inspiré du jeu d’Alfredo Landa, résume : « Je crois que les grands personnages sont polysémiques. En gagnant en maturité, j’ai appris à fuir le manichéisme. Dans ce film, les deux policiers ne sont peut-être pas très différents du criminel qu’ils poursuivent. »

Structure

Le metteur en scène, qui a co-écrit le scénario, d’après des faits réels, avec Isabel Peña, décrypte son film : « La première partie montre en quelque sorte la routine des policiers, dans leur travail comme dans leur vie privée. Certes, on voit des cadavres, mais il y a aussi quelques moments comiques. J’ai eu envie de filmer cela de manière « documentaire », caméra à l’épaule. La deuxième partie est beaucoup plus sombre : j’ai pensé qu’une mise en scène davantage « fiction », plus stylisées, plus sophistiquée, exprimerait mieux cette dimension plus obscure, plus violente. C’est un paradoxe intéressant : plus on s’enfonce dans le chaos des personnages, plus la mise en scène est posée ». Caméra nerveuse sur scénario tendu avec dialogue au cordeau (humour –noir ; pas de fuck mais beaucoup de « corones »), mise en scène et montage efficaces, musique flippante quasi indus du français Olivier Arson, abus de plans-séquences et grands angles, une scène de poursuite à pied à la Se7en (1995) et Zodiac (2007) de David Fincher dans la foule madrilène chauffée à blanc. « Au niveau visuel, nous nous sommes inspirés aussi de La French, le thriller du Français Cédric Jimenez consacré au trafic de drogue à Marseille dans les années 70 ». Enfin, un curieux épilogue pluvieux rendant jaloux le gouvernement qui taxe l’énergie solaire.

Prix du Meilleur scénario au dernier Festival de San Sebastian ; prix Sang neuf au Festival international du film policier de Beaune 2017, ville où s’est récemment implanté, je vous la sors Beaune, hum Lelouche, le tâcheron du cinéma français mais ne tirons pas sur l’ambulance. Pas mal pour un 3e film, non ? La monstration de corps nus de personnes âgées, tant cachés, se généralise avec l’augmentation de l’espérance de vie en occident et la pyramide démographique : Quelques heures de printemps (Stéphane Brizé, 2012), Amour (Haneke, 2012), etc.

Reste à regretter cette riquiqui salle 6, même rénovée, au Comœdia. A noter une critique indigente du Monde, journal malheureusement en perpétuelle décadence, qui se permet en outre un jugement moral sidérant au XXIe siècle (« film aussi nauséabond qu’ennuyeux »).

[expo peinture] Cézâne : chou blanc à Martigny

Fondation Gianadda à Martigny : Cézanne (1839-1906), le chant de la terre

index

Nature et bunker

Dans la cuvette émaillée de montagnes édentées, passé le magnifique jardin des sculptures (sensuel Maillol, Moore, Laurens, Brancusi trône et reflète les roches environnantes, étonnant et monumental Tapiès ; quelques atroces Rodin et Bourdelle, Renoir-Guino ; Ipoustéguy, Chillida, Max Bill du cru, Stahly, Etienne-Martin, découvertes de Penalba, Segal, Dubach, Rouiller, Cognet qui répond à Lalanne, un Paul Bury massif qui date, manger des figues du jardin devant Tommasini, etc.) où s’offrent les multiples essences d’arbres (Japon, Amérique du Nord, pays de l’Est, etc.), l’expo Cézanne, qui clôt le cycle impressionnistes (Degas, 1993, peintre qui ne me lasse pas de m’étonner d’être étiqueté ainsi, doute confirmé encore par l’exposition de Degas, être cassant et amateur de putes, et le nu au Musée d’Orsay ; Manet et Gauguin, 1996, Van Gogh, 2000, mais est-il, lui aussi, impressionniste à part une courte période ?, Berthe Morisot, 2002, Monet, 2011, Renoir, 2014), quota de visiteurs garantis notamment avec Monet, sous-titré « le chant de la terre », Malher à lui, s’offre au bunker de septante, digne des pires architectures lyonnaises commandées par Pradel, décliné à toutes les sauces en logo. Forteresse imprenable à la forme primitive entre assyriens et  moyen-âge. Un lieu plus propice aux concerts (cf. Clair, Jean. « Dans l’amitié de la peinture : le « bunker » Gianadda », Le Temps, Opinions/Invités, jeudi 3 octobre 2013), si tu n’as pas vu Cecilia Bartoli avant 50 ans, c’est que tu as raté ta vie, à l’aune du sponsor mentionné en gros, puisque les sièges, en évidence, émergent en position centrale tant leur nombre dépasse celui des tableaux. Une vue panoptique de l’expo ?

Avant, une promenade à l’étage, le long des vitrines remplies de petites merveilles archéologiques quand elles ne sont pas condamnées, bien qu’éclairées, par des sièges. A noter une magnifique sculpture Hercule Léontè enfant (période Hadrien, marbre blanc cristallin de Paros), où personne ne s’arrête malgré la mise en valeur évidente par la lumière, trouvée dans la ville romaine de Martigny, prêtée par le Musée Barbier-Mueller pour commémorer l’anniversaire quadra de la création de l’espace d’exposition alors que son créateur est mort en 2016.

Cette forme en quadrilatère pour des tableaux dans leurs cadres anciens alignés sur fond rouge bordeaux, comme un salon ancien où Cézanne fut souvent refusé, amène à entrechoquer des personnes qui s’esquichent, à slalomer pour espérer avoir une seconde d’intimité, sans recul, devant un tableau souvent ébloui par la lumière, comme au Grand Palais alors qu’ici l’espace est moindre, personnes en surnombre, en apparence seulement, qui, en outre, nous abreuvent de leurs paroles pseudo-savantes, une anglaise parlant français par exemple ou une dame qui me bouscule pour prendre des photos avec son portable et finit par s’excuser au bout de la dixième fois. Possibilité de rejoindre le tatami où des peintures se nichent derrière les piliers. Ainsi, une haute peinture agrandie de Cézanne laissant plus songer curieusement à un Nabis. Une impression d’expo annexe dans un espace aussi grand qu’un quai de gare de La Part-Dieu.

Déçu dessous

Exposition décevante : peu de tableaux finis (les ciels comportent de nombreux blancs non volontaires) où l’huile ressemble plus à de l’aquarelle, beaucoup d’esquisses jusqu’à se demander si Paul savait peindre – ce qui est le comble-, mais douter certainement, les fonds de tiroirs sont grattés pour qui fut chiche avec moins de 1000 tableaux en tout (des dessins dans une pièce annexe décevante pour un Paul qui ne savait pas dessiner au sens classique, comme il fut souligné dans une « Grande traversée » de France culture), peu voire pas du tout d’œuvres majeures (publicité mensongère dans la plaquette : « riche d’une centaine d’œuvres majeures »), une chronologie (1860-1906) respectée initialement puis curieusement chamboulée par des thématiques (paysages, Estaque, Auvers-sur-Oise, Verdon, Valhermeil, Château Noir, Jas de Bouffan dont l’inévitable Sainte-Victoire qui remémore cette magnifique exposition, elle, au Musée Granet), natures mortes avec fameuses pommes et poires où il saisit en un instant la totalité du cycle de vie du fruit, baigneuses dont un tableau quasi baconnien, préfigurant aussi les expressionnistes Schiele et Kokoschka, le coude redressé retrouvé dans Les demoiselles d’Avignon de Picasso, (auto)portraits, etc.), l’inévitable « père de l’art moderne » dont De Staël paraît finalement un héritier évident, un beau titre d’exposition mais peu pertinent dont la justification est tirée par les cheveux (la nature, tout ça).

A prendre

Revers intéressants : voir les chemins de traverses du peintre, ses hésitations. Du jamais vu et passionnant : la mention sur les cartels du premier propriétaire du tableau (Degas, Pissarro, Denis, Signac, Picasso avec ChâteauNoir, Cinq baigneuses et Vue de la cathédrale d’AixenProvence, Gauguin, « brooker » ou financier prospère à la Jeff Koons dont ce tableau de Cézanne acquis en 1883 l’aidait à vivre en lui indiquant la direction, puis dans les mains de Vuillard, comme Montagnes en Provence – Barrage de François Zola, un des rares tableau réussi de l’expo avec paysage au rythme tonique avec des touches rapides et saturées en couleurs où la douceur des plans contraste avec la rude construction des cabanes, toits, peint en 1879 et venue de Cardiff, référence à une amitié plus tard brisée par la publication de L’œuvre de Zola qui qualifiait pertinemment son ami de « géni avorté », etc.) à généraliser dans les autres expos car permet des mises en relation intéressantes.

Autre point positif : des tableaux peu vus comme, par exemple, Objets en cuivre et vase de fleurs en lien avec Ribera. Selon Léonard Gianadda, la nature morte étant à l’inventaire des collections de la Fondation, « L’huile a appartenu à Auguste Pellerin [l’un des plus importants admirateurs de Manet et de Cézanne] et n’avait plus été vue en public depuis 1931. Quand j’ai su qu’elle était à vendre chez Kornfeld à Berne, on travaillait sur le projet Cézanne. D’ailleurs c’est un peu l’essence de notre collection bizarroïde, on achète pour s’éviter de convaincre un prêteur supplémentaire, mais toujours motivés par un coup de cœur. Or, il y a déjà tout Cézanne dans cette toile ! ». Autres exemples : un tableau acheté en 2008 par la famille princière de Monaco, L’arbre tordu, 1888-90 venu du musée d’Hiroshima, L’aqueduc du canal du Verdon au nord d’Aix caché chez un privé suisse ou Le hameau du Valhermeil chez un privé japonais ; Musée Pouchkine, Granet, d’art et d’histoire de Genève, Philadelphia Museum of Art, Fuji Art Museum, etc.

Si les influences de Delacroix (déformation des corps, composition agitée) et le voisin de Martigny, Courbet (touche picturale affirmée notamment dans la période plus impressionniste avec des longues touches de pinceaux quasi tachistes sous l’influence de Pissarro dans Le bassin de Jas de Bouffan, 1878 lieu en marge d’Aix que son père, banquier, avait acquis et que Paul a vendu en 1899 pour s’installer au centre d’Aix, Chemin à l’entrée de la forêt, 1879, La Côte des Jalais à Pontoise, 1879-1881; dispositions massives des paysages), sont prégnantes, les espagnols prédominent tout un côté avec ceux du Siècle d’or, Velazquez et Goya enfin.

Les années 1860 sont bien présentes avec leurs maladresses et les débuts  laborieux, permettant de saisir le long cheminement. Cézanne part de loin ! Voir à titre uniquement informatif la copie scolaire, naïve de Jeu de cache-cache du galant Nicolas Lancret (1690-1743). Madame Cézanne à l’éventail, offre un jeu des volumes, des teintes diverses où transparaissent les tonalités bleutées. La tentation de saint Antoine, 1875-77, avec un fond de Provence rocheuse, rejoint la future exagération flaubertienne, inspirée de Bosch, avec les taches blafardes des chairs, les figurants grotesques réduites à 5 (« facture couillarde » : sombres, sexués, hallucinés, revisités en « période vache » chez Magritte). Progressivement sa palette s’éclaircit (bleu gris, ocre de la pierre aixoise de Rogne, rouge). Les jeux de construction (maisons, arbres, perspectives contorsionnées, etc.) se radicalisent tout comme les lignes directrices du paysage. Compléter ses connaissances, ses goûts : un panoramique tel que La barque et les baigneurs, un Garçon accoudé avec empâtements au couteau, la solitude du Jardinier Vallier, l’une des peintures les plus abouties dans l’exposition avec le portrait (1885-89) de Victor Choquet, nanti grâce aux filateurs lillois, collectionneur amateur de Cézanne et également  admirateur de Delacroix.

Last but not least

L’ampleur du parcours est couronné par le dernier tableau de Cézanne en 1906 : Le Cabanon de Jourdan  avec géométries (plans en transparences, composition désarticulée en aplats, etc.) et touffes de bleu et d’ocre. Ceci annonce Matisse présent dans le couloir sur les photos de Cartier-Bresson avec Giacometti (seul et avec sa maman), Léonor Fini nue, Mauriac, Flaherty et tutti quanti. Dans la dernière section « le père de la peinture moderne », un superbe feu d’artifices de couleurs, que gâche l’inachevé non voulu, préfigurant Kandinsky et Mondrian.

Pour finir

Un couloir inintéressant avec des photographies en face de reproduction de portraits, laisse place enfin à une salle lumineuse où s’offrent de superbes aquarelles sur des murs crème gâchées par de mauvais dessins de Cézanne, probablement à usage personnel, exposés dans une vitrine basse où nous nous penchons pour le pire.

Reste un catalogue mal fait entre les contributions scientifiques, rédigées comme des brouillons, et les « notices techniques des œuvres exposées ».

Produit dérivé ? Un fendant du Valais « Cézanne Le chant de la terre ». No comment.

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 34]

trou plâtré

en rêve

en boucle

colchide dans près

mari resté

dedans 250 m²

pays du mur

35e // dmz

pierre sérieux

construire

français fréquentent

français prof

de langue offre

3 kilos maquereaux

frais péchés

du pays du mur

pierre sérieux

met maquereaux

ensemble dedans

congélo blanc

1er tiroir

2e tiroir

3e tiroir

4e tiroir

chose dedans

bac sac blanc

essuie-mains blancs

dedans mains givre dessus

séparer mains

fermer sac

blanc + tiroirs

ses menottes

dedans congélo blanc

mettre 3 kilos maquereaux

ensemble dedans

congélo blanc

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Wall of sound vers les étoiles

index

Ambiance

Je me vêtis d’une chemise, de beau style pas le truc beauf à la Magnum, à fleurs offerte par une amie allée à Hawaï. Pas de première partie. Juste une musique symphonique des tubes des Beach Boys en easy listening diffusée dans les baffles, limite mauvais goût. Une ambiance bon enfant où les générations se mêlent sans problème. Arrivé en avance, pas la queue des grands jours comme Radiohead, Björk, PJ Harvey ou d’autres. Echapper à la nana qui garde constamment ses lunettes de soleil et qui tente de resquiller en bout de rangée à l’aide d’un vieux à bouc qui passe son temps en selfies, tout comme un célibattant dans la queue d’entrée. Une beauté au teint laiteux et tâches de rousseurs qui contrastent avec les yeux verts sous cheveux noirs ébènes, genre échangiste, me mate alors que son mec, qui enverra de nombreux messages pendant le concert sur son téléphone, se force en bisous. La chieuse, probablement manipulatrice, lui semble attachée en apparence; grand bien lui fasse, chacun sa merde. Le côté femme fatale de toc nous plonge dans l’Hollywood classique.

21h tapante, le concert commence : la tournée Pet sounds, initiée en mars 2016, atterrit aux Nuits de Fourvière, au théâtre antique. C’est le seul concert que je verrai en 2017, contrairement à la richesse de la programmation l’année dernière (Radiohead, la déroutante PJ Harvey, Polni, Thindersticks … dans le petit théâtre, l’odéon, tout comme Bertrand Belin, etc.). 11 musiciens + le cabotin Chaplin, habillé en chemise verte et t-shirt rose pour que nous le remarquions bien, venu des Rolling stones, qui avait rejoint jadis les Beach Boys. Pendant ce temps-là, le cousin Mike Love, chemise bariolée à manches courtes, continue, en tant que co-créateur de chansons, sa tournée avec Bruce Johnston (Belgique avec inauguration récente d’une plage à Knokke suite à un concert mémorable il y a 30 ans ; l’Olympia, Picardie, etc.) sous le nom Beach Boys, suite à un long procès.

Alentours

Deux homos de grande taille vapotent et n’arrêtent pas de parler en commentant comme les vieux du Muppet show; devant, le gars s’affaire à filmer sur sa tablette plutôt qu’à regarder et écouter pendant qu’à côté les voisins usent du velcro pendant les chansons et chaussent leurs jumelles alors qu’ils sont au 6e rang.  Derrière des asiatiques s’excitent en français en inaugurant une chorale de cacophonies pendant que la musique, qui semble les gêner, est exécutée. Le théâtre se remplit pour finir lentement par être complet, ce qui n’était pas gagné. 50 € la place.

L’équipe de choc

      Un type joue de la guitare, du theremin, usité par Add N to (X) et Bashung (Madame rêve, La laiterie, Strasbourg pour la tournée des grands espaces), ou ondes Martenot, impossible de voir, et de la trompette. Un gars en gilet noir et chemise rose, portant à bout de bras le morse à baskets blanches Wilson, le seul qui reste puisque les 2 frères sont morts au grand dam d’une superbe basse disparue (Kokomo, chanson du retour des années 80, dont on oubliera l’inexpressif Tom Cruise dans le film dispensable Cocktail, Roger Donaldson, 1988, passera à la trappe), s’époumone en présentations façon show Las Vegas, limite ridicule et éculée, et en instruments à vent (saxos, clarinette, flûte, flûte traversière, harmonica) ; un petit jeune, le seul black, arrive à placer sa sauce grâce à son charisme avec son clavier et son omniprésent xylophone ; un autre gars se concentre sur ses deux claviers ; un batteur exceptionnel aux pompes bleues doublé d’un percussionniste qui délire parfois à la Sheila E. sur le rythme cubain joue également de la sonnette à vélo, Tour de France oblige; un grand musicien joue une grande basse blanche qui semble d’origine (celle de Brian ?), un peu trop forte au début. Al Jardin, cool bien qu’un peu scolaire en s’aidant de ses mains comme en répétitions, vieux beau avec sa trogne ravagée de Kennedy, chemise rose et pantalon bleu, joue de la guitare et arrive à pousser sa voix de belle manière en tirant sur le ratelier; son fils Matt, décontracté en noir, attaque avec maestria les aigus (le concert n’aurait pu avoir lieu sans lui) dans une tessiture incroyablement proche de Brian jeune; Wilson, à cause de l’obésité, se déplace difficilement mais arrive à se hisser à son piano blanc, tel Penguin contre Batman ou Beth Dito de feu Gossip, où il reste constamment assis, égaré parfois. Malgré ses 75 ans, Brian accuse l’âge, écarte parfois les bras au-dessus du piano tel un gourou égaré, et n’arrive pas à pousser la chansonnette, sauf à la fin puisque le ton est enfin juste, à part un étrange slam californien peu gangsta en repons ou curieux talk-over initié par Gainsbourg, mais désaccordé ici, tout le long du concert où il arrive tout de même à malheureusement gâcher la plus jolie chanson du monde, la sienne, God only knows. Les cordonniers sont décidément les plus mal chaussés. Il semble en effet parfois absent mais heureux d’être là, sentiment d’étrangeté de la part du spectateur.

Les jeux de lumières sont sobres avec 6 rideaux derrière, parfois un ton psyché avec cercles virant au rotorelief duchampien. Une gironde s’exhibe et se laisse éclairer par les portables qui ont remplacé les briquets.

Opéra

      Les instrumentaux Let’s go away for awhile et Pet sounds, concept que le regretté Pierre Henry n’aurait pas renié, car il s’agit de fêter tout de même les 50 ans de l’album mythique, permettent de saisir la dimension opératique de la musique de celui qui est sourd d’une oreille, le Mozart du XXe siècle, Brian Wilson. La sophistication est telle que le spectateur doit se concentrer un maximum et mesurer le génie de Wilson. Nous avons l’impression de rentrer dans le cerveau compositionnel de Brian, cette conception simultanée et symphonique avec effets de reliefs, auxquels seuls les sillons d’un disque vinyl savent rendre hommage, dus également au positionnement des instrumentistes et à l’enchevêtrement millimétré des phrases musicales. Cependant les morceaux, bien que dans l’exact enchaînement de Pet sounds, ne sont pas placés au bon endroit lors du concert. Plus de trompettes et surtout plus de cordes (dont violons, harpes) n’auraient pas nui, sans céder à l’inévitable orchestre symphonique quand un artiste ou un groupe est un peu essoufflé, mais le prix, abordable, n’aurait sans doute pas été le même. Aboiements de chien, Amtrack en doppler, les musiciens sortent pour un entracte forcé de 15 mn à 22h. L’âge se fait sentir.

Si Romero vient de mourir, Chaplin, le « mort vivant » (sic), qui n’a pas sucé que des glaçons tant il est ruiné par l’héro et ressemble à Keith Richards sans arriver à son niveau, affaiblit le concert pendant un tunnel de 3 chansons dans un cabotinage à coups de pelvis et de soli agaçants de guitare sur un emportement rock’n roll assez vain. Un cheveu sur la soupe. Un morceau émerge toutefois avec l’usage du theremin et crescendo musical. Tel Timothy Carey, même mort, il semble encore bouger pour se faire remarquer, à l’occasion des saluts également. Un singulier contraste avec Brian Wilson qui semble adopter la scène et en prendre son parti.

Surf

      Enfin, alors que le concert aurait pu se terminer sur le génial Good vibrations, les tubes, surf d’abord (Barbara Ann, Surfin’ USA, Fun, Fun, Fun), s’enchaînent à la vitesse de pointe d’un Amtrack, pour terminer sur un slow déchirant, mélancolie oblige, que Wilson entonne de bouche en biais comme pour s’excuser d’exister. Le public, assis, s’est précipité dans la fosse. Les ponts entre phrases musicales, le travail des transitions, sidèrent par leur inventivité et leur modernité. Seul un David Bowie, Queen dans la foulée, ou encore un Vannier ou Goraguer y arriveront.

Le wall of sound aura décidément été fatal entre la taule pour Phil suite à l’assassinat d’une femme et Brian qui, sous l’influence du psy-gourou Landy et quelques drogues agrémentées d’alcools (voir le biopic Love and mercy, Bill Pohlad, 2014), joua du piano à queue dans sa chambre, entouré d’un bac à sable couvert des crottes de son chien, Satie n’y voyant pas à redire de sa tombe. Voilà qui comble les 50 ans du summer of love où la canicule bat son plein, la pierre chaude du théâtre antique en est témoin, en espérant que, comme le regretté Bashung à la fin de sa vie, Wilson puisse accepter derrière son piano, comme un paravent pour le timide, et recevoir les vagues d’amours et de sympathie voire d’empathie du public généreux chauffé à blanc. Drôle d’attitude pour celui qui a dépassé le mur du son, traversé le miroir d’Alice. Un concert mémorable pour celui que nous sommes certains de saluer pour la dernière fois. 23h30, fin du concert ; un peu plus de 2h15 de pur bonheur stéréo en direct. Aux produits dérivés, un anglo-saxon peste contre la chaleur en enchaînant plus de « fuck » que chez Tarantino ou Scorsese.

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 33]

voilà l’été

voici vacances

colchide dans prés

peu sur photo

mère au foyer

peu sûre

en hexagone

retirance

aller-retour

là-bas

au carroué

avec 2 drôles

basse-cour

s’isole en

silence

fidèle nini

au râle

tutuce

fixer long

pieds de vent

et fleuve près

impraticable remous

sables mouvants

fleuve ses lacets

papy taiseux

pudique dit-on

mieux au fond

du trou dit-elle

des on-dits

qu’il est grandet le drôle, l’aîné

noce de pain

‘vec chinchée d’

ils sont safs

pekiot fait du miotte

avec la tête de l’âne

ça rouille

noyau de

ça saque des

dents miottée

pour drôles

tic-tac du temps

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 32]

placard à côté

2 fœtus dedans

langues glissent

lors soupe

c’est comme ça

sexe plâtré

en rêve

comme ça

en boucle

tic-tac du temps

déménager dedans

pays du mur

pour 250 m²

avec 2 drôles

expat’ avec

2 fœtus à côté

dedans congélo blanc

n’y pense plus

c’est tout

tic-tac du temps

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 31]

inspirer expirer

faire vide dedans

par terre sale

tout vide

fœtus dedans

congélo blanc

au-dessous

de l’autre

n’y pense plus

emmailloté fœtus

dedans serviette

fœtus emballés

dedans sacs

plastiques blancs

dedans congélo

blanc à côté

au fond

n’y pense plus

c’est comme ça

tic-tac du temps

enlever utérus

à force

du corps

comme ça

sexe plâtré

en rêve

en boucle

tic-tac du temps

pays matins frais

panne congélo

blanc bug

court-jus à

l’insu de

transfert fœtus

dedans placard

jamais 2 sans

au vu et au

su silence

à table

2 drôles autour

odeur nappe acrylique

rouge sur blanc

synthétique

congélo blanc

à côté

n’y pense plus

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

« Sans pitié » : jouissif au pays du matin pas très calme !

Sans pitié, Bulhandang, Sung-hyun Byun, Corée du Sud, 2017, 1h57

AFR20170428001500884_04_i

  Vous avez aimé Les affranchis (Goodfellas, M. Scorsese, 1990) et Reservoir dogs (Q. Tarantino, 1992) ? Même baffe ici avec une entrée en matière fulgurante : « J’aime pas les poissons morts, t’as l’impression qu’ils se foutent de ta gueule ». Les chères bêtes aquatiques meurent les yeux grand ouverts, réflexion que je me fais à moi-même souvent, « et j’ai l’impression qu’ils me racontent des conneries ». A peine terminée cette évocation piscicole, que le type est buté tout de go. Le rouge est mis, le film de genre bien planté (le parrain qui mange du caviar à la cuillère en écoutant de l’opéra tout en narguant la flic), tendu comme un string : la buitoni (film interdit aux moins de 12 ans : voir la scène de torture à l’huile bouillante) s’étale dans de réjouissants gunfights où la chorégraphie est superbement réglée à la To ou Woo, sans omettre Ringo Lam (Prison on fire, Gam yuk fung wan, 1987; City on Fire, Lung foo fong wan, 1987 avec Yun-Fat Chow). Malgré un effet clipé et très stylisé, des mouvements de caméras (plans-séquences en boîte de nuit, travellings en prison, fusillade dans le noir ; courte focale, éclairage artificiel, balance des blancs peu naturelle ; recours à la Gopro pour suivre la projection des corps ou des savates; plans subjectifs d’un homme encagoulé, caméra qui colle au corps d’un personnage propulsé de l’autre côté d’une pièce) sont à couper le souffle. Pas de doute : le réalisateur sait filmer et digérer ses influences. La pointe d’humour affleure avec une cène suivant l’annonce de la voix off.

      La trame narrative, à tiroirs, est génialement déstructurée avec de nombreux flash-backs et flash forewards (trois époques : une antérieure à l’emprisonnement du flic infiltré, une durant la prison et enfin la période ultime des mois suivants la sortie de prison), à côté d’Infernal Affairs (Andrew Lau & Alan Mak, 2002) ou Raid 2 (Gareth Evans, 2014). Juste assez pour désorienter, pas trop pour ne pas perdre le spectateur. Les nombreux rebondissements, jusqu’à la fin, tiennent en haleine comme dans un manhwa, le manga coréen. L’âpre milieu carcéral avec son trafic de méth’ bleue comme dans Breaking Bad est mieux campé que dans Un prophète (Jacques Audiard, 2009). Infiltré, trahisons (« Ne fais confiance à personne, fais confiance aux circonstances »). Un chef de gang d’arnaqueurs est joué par la K-pop star Yim Si-wan. Jae-ho, homme de main d’un chef de gang passé caïd débonnaire en prison avec son rire de hyène caractéristique, comme dans Sang pour sang (Blood simple, Joel Coen, Ethan Coen, 1984) est joué par Seol Kyeong-gu, souvent présent dans les films de Lee Chang-dong dont l’excellent Peppermint Candy (Bakha satang, 1999) mais aussi Public enemy (Woo-Suk Kang, 2002)  et The last day (Je-Gyun Yun, 2005). Une relation ambiguë, teintée d’homosexualité latente, se joue entre les deux protagonistes dont l’expérimenté sait que l’éphèbe est un flic infiltré. Film d’hommes ? C’est oublier une flic teigneuse, obligée de rappeler à sa manière sa nouvelle recrue à l’ordre.  L’actrice Jeon Hye-Jin avait joué dans Fantasmes (Jang Sun-Woo, 2000).

      Ce troisième film, après une comédie musicale sur le rap coréen et une comédie romantique chaude, inédites hors de Corée, présenté à Cannes hors compétition à une séance de minuit avec standing ovation de 7 minutes, était l’une des révélations de la fête du cinéma, comme Black Coal (Bai ri yan huo, Yi’nan Diao, 2014) il y a trois ans. Une tuerie !

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 30]

un jour bug

compliqué dedans

silence organes

cadette des 7

se met en 2

dedans baignoire

se vide

leçons yoga cris

expirer inspirer

expulser chose

  • cordon rouge

glissent jamais

sans 3 drôles

morts loin

dedans lignée loin

compliqué dedans

du corps

dedans baignoire

rouge sur blanc

  • rouge chose

encore 1

par terre -traces

n’ y pense plus

faire vide

fruit entrailles

dedans baignoire

masse molle

humide salle

de bain sale

de sang noire

faire vide

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 29]

p’tit déj’

allers-retours

boulot maison

quartier sécurisé

pays du mur

mère au foyer

tête corps

dmz 35e //

faire vide

lotus yoga

inspirer expirer

français fréquentent

français pays

du mur

vivre heureux

vivre cachés

mère au foyer

balade les 2

au pays du mur

reste longtemps

dedans baignoire

du corps dedans

eau expirer inspirer

allers-retours

tic-tac du temps

sérieux pierre

flopée d’enfants

projet pierre

pas vu pas su

1 an après

pays matins frais

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 28]

maman elle est champion

du gratin fraise

cadette des 7

attention pour

ses 2 drôles

colchide dans prés

tic-tac du temps

sexe plâtré

en rêve

en boucle

tv jt

pays du mur

daewoo clos

en hexagone

usines malgré

argent public

à perte

dedans vallée veuve

patron a emporté

PFFTTT

tous sur carreau

CRAC plateau

tv regarder

autant en emporte le vent

pleurs puis

dedans noir

langues glissent

projet pierre

s’ingénie

flopée d’enfants

pas su pas vu

sérieux pierre

ne la satisfait

pas rancune

c’est comme ça

simuler forcément

trou plâtré

en rêve

en boucle

se résigne

c’est tout

tic-tac du temps

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 27]

sexe plâtré

en rêve

en boucle

tic-tac du temps

cuisine intégrée

high tech

aliments sous

cellophane

casser

œufs jaune

à part maman

cordon bleu

  • autour cou

failli y –

silence à table

expat’ autour

odeur nappe acrylique

rouge sur blanc

synthétique

2 drôles autour

congélo blanc

à côté

n’y pense plus

langues glissent

lors soupes

c’est comme ça

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 26]

faire vide

fruit entrailles

dedans baignoire

masse molle

humide salle

de bain sale

de sang noire

faire vide

c’est comme ça

inspirer expirer

faire vide dedans

par terre sale

tout vide

fœtus dedans

congélo blanc

au-dessous

de l’autre

n’y pense plus

emmailloté fœtus

dedans serviette

fœtus emballés

dedans sacs

plastiques blancs

dedans congélo

blanc à côté

au fond

n’y pense plus

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 25]

1 an après

pays matins frais

un jour bug

compliqué dedans

silence organes

cadette des 7

se met en 2

dedans baignoire

se vide

leçons yoga cris

expirer inspirer

expulser chose

  • cordon rouge

glissent jamais

sans 3 drôles

morts loin

dedans lignée loin

compliqué dedans

du corps

dedans baignoire

rouge sur blanc

  • rouge chose

encore 1

par terre -traces

n’ y pense plus

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[chronique Livre] Bonfanti, Brice. « Chants d’utopie ». L’une et l’autre, 2017

cv

Toupet de Bonfanti : l’odyssée d’utoupie

« Nous voulons modifier la matière du monde » Chant XIII, Debôrâh, Qui devine un bien meilleur, devient bien meilleur, Israël, p. 139.

               L’ « œuvrier » et rousseauiste Bonfanti[1] offre une première œuvre séminale et capitale – cela rime – riche : Chants d’utopie. Dans le cadre d’un patient et long travail initié depuis le début du millénaire à Milan, le premier cycle en appelle au moins un deuxième, non un second. Imprégnés de littérature[2] (hétérogénéité fluide : chants, genre épistolaire[3], essai à la Montaigne[4], vers[5], théâtre[6], chanson[7], etc.), de nombreuses références politiques[8], de philosophie (concepts, comme œuvrier, poïésophème de Dante, Commun-e-s, rené, idiopinion pour doxa, moyeu, asymptote, alors qu’ « Un peintre abstrait se concrète »[9]), de religion[10] et de sciences[11], les chants de l’indisciplinaire, dont les numéros ne se suivent logiquement pas puisque l’ordre est chamboulé, ne sont pas chiants.

L’apostrophe du titre se réfère à l’omniprésente ‘pataphysique d’une langue-protée ouvrant l’horizon d’évènements : sous le patronage de Jarry, les jeux de mots[12] et néologismes[13], jamais gratuits, potaches parfois[14], à la Brisset, compris dans un dispositif rousselien, où la langue hoquète avec chiasmes, effet d’accumulations, de listes[15], force et réjouissantes répétitions tendant vers la variation – où l’univers est enserré façon Stein, et d’acrobaties zutiques lorgnant vers l’art brut[16], où la profondeur est omniprésente[17], permettent à lalalangue, frisant souvent la poésie sonore, de chanter de façon oblique[18] et de conserver toute sa fraîcheur et pertinence dans un cadre bien établi. Le souffle épique emprunte un respire[19], tout en spirales comme un serpent symbole d’éternité, laissant songer aux psaumes de la Bible[20] où le pneuma se libère tout comme l’humain de ses chaînes. La lecture, psalmodiée, devient parlée-chantée[21].

Sur invitation du voyant, prenons le colimaçon. Issu de la nuit (Laylâ) féconde sur les braises des révoltes millénaires, de la révolution centenaire et des luttes récentes, l’hominidé[22] sort de la récurrente sylv-ill-e (sylvillisé), métaphore tant dantesque que rousseauiste[23], devient humain dans l’athanor de la beauté[24], et, avers/revers, de l’indissociable violence à la Lautréamont inspirant le so sade Guyotat[25]. Les spires vous emportent en une rythmique soutenue et inexorable alors que les deux points, comme une guillotine à la Arno Schmidt, saccadent le cours en un point exact[26] : de la prose combat. Ancré dans une histoire mondiale au long cours où s’articulent en je-nous personne-symbole libératrice et collectif révolté en u-topos ou non-lieux du non devenant un autre oui sans être oui-oui[27], Bonfanti atteint sans peine l’universel grâce au passage insensible du muthos au logos : « Le mythe lui est véridique, dit le vrai, il dit vrai et il est vérifié, est fait vrai, et il ne dit que les faits vrais »[28]. La mise en garde critique est partout présente : « Et la foule, affolée par le gouvernement gouverné par la foule, dénaturait le mot commun en mot banal »[29].

*

               Une nouvelle voix forte et singulière est entrée en poésie. Tous les âges sont concernés mais je vois bien des adulescents en faire leur bréviaire (praxispoiesis est création), tant grandes sont les incandescences, pour repenser notre monde à l’aune de la colère qui gronde. De Rêvolutions du compositeur sétois Céleste Boursier-Mougenot[30] à L’esprit français Contre-cultures 1969-1989[31], les signes ne trompent pas tant ils convergent. Bonfanti, en plongeant des racines jusqu’aux sommets des mangroves, a su capter l’esprit du temps, le scandalisme. Bonfanti deviendra un classique, c’est écrit.

Bonfanti, Brice. Chants d’utopie. Paris : L’une et l’autre, édition, Sens et Tonka et Cie, 2017. 172 p. 978-2-35729-103-4

[1] Bonfanti, Brice ; Burel, Ludovic (Codir.).  Avatars de Rousseau. Villeurbanne : It Editions, 2015, 238 p. J’ajoute que l’œuvre de Jean-Jacques est dominée par la figure du cercle, pas seulement dans les Rêveries du promeneur solitaire, préfigurant, à l’aide des schémas d’Alexis Philonenko et de Jean-François Mattei, l’universel kantien et l’universel concret hégélien.

Si la figure du cercle ici domine partout, tel dans la Divine comédie de Dante, il ne faut point négliger le rapport entre centre (moyeu) et circonférence (excentricité). Le cercle devient également « cercle-fenêtre » p. 171.

[2] La Fontaine par exemple avec « milliards de détails grenouillards dilatés comme bœuf », Chant XIV, Voltairine de Cleyre, Des fenêtres des portes des ponts des jardins, Etats-Unis d’Amérique, III, p. 99 là où la bibliothèque apposera son administratif estampillage.

[3] p. 35 sous forme de graffiti long, p. 103-104.

[4] L’universelle librairie et ses sentences (Essais, III, 3) : les épigraphes de chaque chant, à part le chant V consacré à Dante, sont traduites par des amis de l’auteur puis retravaillées par Brice Bonfanti dans l’esprit du texte d’origine, un peu, toute proportion gardée, comme la Bible de Bayard coordonnée par Boyer (philologues, théologiens/écrivains).

[5] De la Bible à Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche en passant par Homère, Hésiode, Virgile, Dante, le communard Rimbaud, les zaoum, Essenine et Artaud notamment.

[6] Monologues, intérieurs ou non (p. 28, p. 31, p. 34, p. 41-44, p. 56, p. 73-81, etc.) ; dialogues (p. 38, p. 41, p. 161-165, etc.) en diffractés, avec son double parfois, dans le dernier chant où sont invoqués « les éveillés et levés, verticaux libres vers l’équilibre », p. 164.

[7] p. 40, p. 66, p. 92.

[8] Platon, More, Spinoza, qui contrairement à ce qu’écrit Pouy, « n’encule pas Hegel », Rousseau, Condorcet, Kant, G.W.F., Nietzsche, Bakounine, Fourier, Marx, le Lamartine de 1848, H. D. Thoreau, Nancy, Rancière et tant d’autres et tant d’autres more and more.

[9] Chant XVI, Antônio Conselheiro, Au désert dans le rêve commun d’une mer, Brésil, X, p. 90.

[10] Mélange du catholicisme chez Dante et le bouddhisme, souvenir du Grand Jeu volet ésotérisme puisque Bonfanti travailla à l’Imec sur le fonds André Rolland de Renéville (1903-1962), Chant V, Mon enfant à nous tous, III, p. 55-56 ; Chant XIII, Debôrâh, ibid., Israël ; Chant XV, Synclétique, Egypte, composé lors d’une retraite dans les contrées de Saint François d’Assise, l’Ombrie.

[11] Biologie (Félix d’Hérelle, biologiste franco-canadien spécialisé en microbiologie et bactériologie), physique (optique avec les microscopes du hollandais Antoni van Leeuwenhoek, biologiste cellulaire et microbiologiste) dans les publications à venir si nous explorons La Revue des Archers, Sarrazine, Recours au poème, Phœnix. Cahiers littéraires internationaux, Nunc ainsi que le site www.bricebonfanti.com.

[12] « avoir commis un vol d’oiseau », p. 13 ; « d’ère rance en ère rance », p. 15 ; « le rez de sa chaussée », p. 30, « Doté du bât, Pedro était bâté comme une bête », p. 67 ; « villes, vos viles vies d’envies, dans la vile ville vide », p. 80 ; « boussola les sans-boussole qui cherchaient le double sol », p. 133 laissant songer au « En Ecosse des gosses écossent » (Que n’ai-je, Bashung/Fauque, Chatterton, 1994). Ceci sans fumisterie lacanienne (pléonasme) alors que la langue de Prigent exsude par trop la psychanalyse; Lacan-dira-t-on aspirait à être un orateur politique ou comment dominer les gens en les manipulant et les tromper par la parole.

[13] « se messervaient », p. 18 ; « malentendrons », p. 21 ; « cogénérons », p. 22 ; «  achrésique », « acalique » p. 28, « souvie » p. 28, 30, p. 95, « surrection », p. 33, «  Cœliaque nuit », p. 34, « tonicardiaque », p. 42, « philiatique et agapique », « conjouissent », « Gnomédiathèque », p. 49, « angélocratie », p. 50, « aqueducoformée », p. 54,  « défonderait », p. 56, « luce », p. 59, « plérophorie », p. 60, « torticoleux », p. 67, « obstaculaire », p.71, « organismerons », p. 74, « dépolitique », p. 82, « permane », p. 86, « mégénéré », p. 95, « chrestocalique », p. 101-102, « vivifère », p. 139, « tectoniquent », p. 170, etc. laissant songer, par la langue excentrée voire excentrique, à la créativité francophone des Caraïbes comme, par exemple, chez l’haïtien Frankétienne et sa spirale infinie (L’oiseau schizophone : spirale. Paris : J.-M. Place, 1998. 812 p.).

[14] « Son enfant                         aîné                                est né », p. 51; « Ah ça suffit hein la soufie ! », p. 165 ; cf. le fanzine potache Fangeannnce ainsi que l’invention du double acariâtre Professeur Birdasse, bracelet pataphysique au poignet.

[15] Les mots, hors paroles gelées ne sont pas au frigo : François Rabelais, dont il est héritier, et Valère Novarina même si Bonfanti le découvrit il y a peu en Avignon lors d’un Festival.

[16] Dédicace finale : « aux simples d’esprit ». Cf. p. 40. « Et celui qui le dit, il est celui qui est, car c’est celui qui est qui dit […] Le mot commun est un mot simple, il est simple comme un, comme un bon, comme un bon jour, simple comme un, bon jour simple comme un » Chant XIV, ibid., VII, p. 108 ; « C’est tant pis ! c’est tant pis ! tant pis pour les faits / C’est tant pis ! c’est tant pis ! pis pour le effets », p. 66.

Cf. Blavier, André. Les fous littéraires. [Paris] : Éd. des Cendres, 2000. 1147 p.; Queneau, Raymond. Les fous littéraires français du XIXe siècle : aux confins des ténèbres.        Edition présentée et annotée par Madeleine Velguth. Paris : Gallimard, 2002. Les Cahiers de la NRF. 431 p.  ; Halle Saint-Pierre ; Musée international d’art naïf Anatole Jakovsky. Ecriture en délire. Collection de l’art brut. Lausanne : Collection de l’Art Brut ; Milan : 5 continents Éditions, 2004. 127 p.; Dansel, Michel. Les excentriques. Paris : R. Laffont, 2012. Bouquins. 826 p.

[17] Un mot fait de silence, Chant XV, ibid., p. 158.

[18] Si l’oblique se positionne par rapport à la transcendance de la Poésie verticale de Roberto Juarroz, c’est aussi une référence à la technique de création « Stratégie oblique », un Grand Jeu de cartes permettant de casser les habitudes des musiciens qui échangeaient également leurs instruments, de Brian Eno, venu de Roxy music et inspiré tant par Satie/Cage que par le cut-up de Burroughs/Gysin puis fold-in et permutations (cf. Blackout sur Heroes, Berlin, 1977 ; le verbasizer, un logiciel développé spécialement pour Bowie, à l’instar de Ian Sommerville (1940-1976) devenu « conseiller système » en tant qu’électronicien, programmateur informatique d’un générateur de séquences aléatoires et amant de Bill,  dans les années 90, générant des phrases aléatoires où Bowie piochait au hasard dans 5 colonnes lors de ses concerts) avec l’aide de l’artiste Peter Schmidt, au service de David Bowie (Low, 1977, titre provisoire New music : night and day, au sein de la trilogie dite berlinoise bien que l’album cité fut enregistré au studio vers Pontoise près de Paris créé par Michel Magne, le château d’Hérouville, selon la méthode fondée sur des rythmiques jetées sur bande à la hâte, avec beaucoup de temps consacré à l’enrichissement du son et des prises de voix rapides; 1. Outside, 1995 avec l’ultime avatar Nathan Nadler pour le dernier concept-album).

[19] « l’air est froid, au dehors, mais l’inspir le conduit jusqu’aux poumons calorifères, au chaud du corps, d’où l’expir reconduit, au dehors, l’air chaud » Chant XV, Synclétique, Ramener l’asymptote espérant le bien mieux au milieu de l’abscisse ordonnée par le pire, Egypte, VI, p. 152 ; p. 156-157.

[20] Chant XIII, Debôrâh, Qui devine un bien meilleur, devient bien meilleur, Israël ; Juges, V, 4-5.

[21] Les éprouvettes et Galerie Alter-Art, Grenoble, ville où officia Bonfanti en charge du fonds Stendhal, qui mit en épigraphe du Rouge et le noir la phrase de Danton qui pourrait résumer Chants d’utopie : « La vérité, l’âpre vérité » préfigurant l’aphorisme 169 des Feuillets d’Hypnos de René Char ; salle Olivier Messiaen / Musiciens du Louvre ; Villa Médicis, Rome ; Université Galatasaray, Istanbul ; Giboulé&s, Caluire. Cf. https://www.youtube.com/channel/UCmZj7zBDb-OAGST0z0msZSg/feed

[22] Répétitions des « temps arriérés, des animaux hominidés » en début de chant (XI, p. 13 ; XIV, p. 95 ; XIII, p. 131) dans chacun des 3 livres.

[23] « Au milieu du chemin d’une syville », p. 49 se référant évidemment au célèbre « Nel mezzo del cammin di nostra vita / mi ritrovai per una selva oscura, / ché la diritta via era smarrita.» (Dante Alighieri, La Divina Commedia, Inferno, Canto 1).

Le normatif, au sens sociologique, état de nature chez Rousseau.

[24] Kalos kagathos, tant l’ésotérisme est ici présent, foi de Guénon où le Grand Jeu n’est pas très loin ; p. 36-37, figure du cône et du sablier Chant V, Dante, ibid.

[25] « coupure des paupières, les ongles arrachés, et la bouche agrandie au couteau, et le crâne écrasé à l’étau, les testicules enroulés entre les cordes de guitare puis coupés, la peau brûlée au chalumeau […] Chant XIV, ibid., V, p. 103 ; Chant XV, Synclétique, ibid., I-IV, p. 143-149.

[26] focus dit-on [au jour d’]aujourd’hui.

[27] Analyse spectrale de l’Oxydant avec l’Europe dont la France, de Mandrin (Chant à venir) à Nuit debout avec l’épigraphe du Chant XVIIII, Laylâ (la nuit) (debout) Nous sommes ce que nous ne sommes pas encore Syrie-France, p. 26 et le zine de Poésie debout Paris avec Eligert, Bertina, Alféri, Bérard et alii, la Grèce antique et moderne, le Saint Empire romain germanique de Gutenberg pour l’auteur, ancien conservateur de bibliothèque, (cf. p. 52) où la poésie visuelle, fondée sur la fluidité du caractère mobile, pointe à l’aide des typographies Vinne de G. F. Schoeder (1890), Bodoni BE et mistral de R. Excoffon (1953) – précisions pour Jacques Barbaut, en jouant sur l’écrit noir sur blanc  de la page interrogée; l’Italie cardinale de Dante, l’Espagne, la Hollande, la Pologne – pays le plus envahi d’Europe ; la Turquie d’Elie Shafak ; la Russie d’Essenine; l’Amérique latine avec l’Argentine, le tropisme brésilien avec Conselheiro; le pays sans nom dit Etats-Unis d’Amérique avec Voltairine de Cleyre, Israël avec la Blondie Debbie hardie, etc.

[28] p.65. Attention au mythe errant puisque cyclique est le cours !

[29] Chant XIV, ibid., VII, p. 108-109.

[30] Pièce inspirée des théories du botaniste Francis Hallé, au Pavillon français de la Biennale de Venise 2015 (« All the World’s Futures » par le curateur américano-nigérian Okwui Enwezor) où les pins sylvestres se meuvent sur roulettes dans leur motte de terre, grâce à l’émission de leur propre énergie à bas voltage ou courant différentiel à basse tension, et émettent des sons. La révolution est alors retour aux origines, au point de départ, conformément au sens premier emprunté à l’astronomie (macrocosme/microcosme).

[31] Guillaume Désanges et François Piron (Sous la dir.). La Maison rouge – Fondation Antoine de Galbert. Contre-cultures, 1969-1989 : l’esprit français : [exposition, Paris, La maison rouge, 24 février-21 mai 2017]. Avant-propos Antoine de Galbert. Paris : La Découverte ; La maison rouge, 2017. 319 p. A noter un texte de Nathalie Quintane, auteur-e entre autres du brûlot Que faire des classes moyennes ? Paris : POL, 2016. 112 p. dans le catalogue : « Au bonheur des scélérats : poésie et presse libre des années 1971-1980 en province », p. 294-305, avec mention de Geranonymo puis de Doc(k)s de Blaine, actuellement dirigé par Castellin (cf. Castellin, Philippe. Doc(k)s, mode d’emploi : histoire, formes et sens des poésies expérimentales au XXe siècle.  Romainville : Al Dante, 2002. Collection &. Texte remanié de : Thèse de doctorat : Littérature comparée : Paris 4 : 1997. Sous la direction de Georges Molinié. 495 p.), de Moue de veau du beat-jardin ouvrier des Hauts-de-France Lucien Suel, œuvrant également au recueil d’hétéronymes délirants avec son acolyte picard Ch’Vavar (Cadavre grand m’a raconté La poésie des fous et des crétins dans le Nord et la Picardie. [textes choisis et présentés par] Abbé Henri Lepécuchel, Ivar Ch’Vavar, Alix Tassememouille ; avec la collaboration de Lucien Suel. Amiens : L’Invention de la Picardie, 1987 ; réédition 2016 au Corridor Bleu), de Quetton de Rocking Yaset et enfin de Pey en passant par Banana Split de Giraudon-Viton), l’ultime exposition de la Maison rouge-Fondation Antoine de Galbert.

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 24]

tic-tac du temps

p’tit déj’

allers-retours

boulot maison

quartier sécurisé

pays du mur

mère au foyer

tête corps

dmz 35e //

faire vide

lotus yoga

inspirer expirer

français fréquentent

français pays

du mur

vivre heureux

vivre cachés

mère au foyer

balade les 2

au pays du mur

reste longtemps

dedans baignoire

du corps dedans

eau expirer inspirer

allers-retours

tic-tac du temps

sérieux pierre

flopée d’enfants

projet pierre

pas vu pas su

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 23]

tic-tac du temps

sexe plâtré

en rêve

en boucle

tv jt

pays du mur

daewoo clos

en hexagone

usines malgré

argent public

à perte

dedans vallée veuve

patron a emporté

PFFTTT

tous sur carreau

CRAC plateau

tv regarder

autant en emporte le vent

pleurs puis

dedans noir

langues glissent

projet pierre

s’ingénie

flopée d’enfants

pas su pas vu

sérieux pierre

ne la satisfait

pas rancune

c’est comme ça

simuler forcément

trou plâtré

en rêve

en boucle

se résigne

c’est tout

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[ciné] Laidie Macbest : « The young lady », « Lady Macbeth », William Oldroyd, 2016

The young lady, Lady Macbeth, William Oldroyd, 2016, anglais, couleurs, 89mn, 2:39

The YL

Vive le loto d’Albion ! « Rape and revenge » subversif et classique dans la lande, récit d’apprentissage ou anti-conte cruel tel Les Diaboliques de Jules Barbey d’Aurevilly (1895), avec 580.000 EUR, budget dérisoire, ce premier film, financé grâce à iFeatures, un programme d’aide géré par le BFI et BBC Films, est un bijou sec, tiré au cordeau qui contrecarre une fois de plus l’assertion débile de Truffaut.

*

Un couple créatif

Le jeune William Oldroyd avant plusieurs courts-métrages, dont Best (2014), primé lors du Festival Sundance Channel Shorts de Londres, a été metteur en scène de pièces de Shakespeare, Ibsen, Beckett, Sartre et Donizetti au sein du Young Vic Theater de Londres et à la Royal Shakespeare Company (RSC). En 2004, à 23 ans, il a assisté son mentor, Deborah Warner, influencée par la pratique des quakers, sur la superproduction Jules César, créée au Barbican Centre, à Londres. Il n’est donc pas étonnant que la direction d’acteurs soit dans le film impeccable. La scénariste, Alice Birch a été dramaturge pour la Court Royal et l’idem RSC. « La relation entre les personnages et leur environnement m’a fascinée. Ce dernier est intégré à leur monde : la bruyère, les collines, les landes, la rivière sont tous des éléments vitaux qui évoluent au fur et à mesure que Katherine prend conscience de son existence et développe ses sens » indique la scénariste qui a soigné un final féministe sidérant, très différent du livre dont le film émane.

Du grand Will, le metteur en scène emprunte lointainement au Macbeth pour la trahison, le meurtre, la perfidie, la femme à poigne, déterminée et la folie, aux rebelles Hedda Gabler (1891) ou Nora dans Une maison de poupée (Et Dukkehjem, 1879) se révoltant contre le patriarcat chez Henrik, au silence et à l’absurde chez Samuel. Et ici aucune impression de théâtre filmé !

Séminal Leskov

En 1847, Les hauts de Hurlevent (Wuthering Heights) d’Emily Brontë, filmé de façon peu convaincante en 2011 par Andrea Arnold et où joue déjà Paul Hilton en Mr Earnshaw, exalte, au milieu de la lande écossaise, l’amour passionné de Catherine Earnshaw pour Heathcliff. En 1857, Madame Bovary de Gustave Flaubert, en procès face à Pinard, était une femme malheureuse engoncée dans les conventions. Alors que Jane Austen publiait, un maître, bien oublié mais de retour en grâce actuellement, de la facture de Gogol, de Dostoïevski (le texte a été publié dans la revue Epoch de Fiodor et son frère) ou de Tolstoï, Nikolaï Semionovitch Leskov (Никола́й Семёнович Леско́в, 16 février/4 février 1831, Gorokhovo – 21/02/1895, année de la création du cinéma, à Saint-Pétersbourg), écrivain, conservateur au même titre que Gontcharov (Иван Aлeксандрович Гончаров), et journaliste, éditait en 1865 La Lady Macbeth du district de Mtsensk (Леди Макбет Мценского уезда). Les thèmes abordés sont la soumission des femmes dans la société, la vie dans les communautés rurales, inspirées des contes oraux populaires ou skaz, et la passion interdite. L’histoire originale avait été adaptée en opéra russe en quatre actes par Chostakovitch en 1934, classé par Staline, tout comme l’œuvre originale de Leskov, comme « ennemi du peuple » (film de Toni Bargalló, Lady Macbeth of Mtsensk, 2002). Si Andrzej Wajda l’adapta au cinéma en 1962 (Lady Macbeth sibérienne, Sibirska Ledi Magbet), il y eut notamment deux films, Katia Ismailova (Podmoskovnye vetchera, Подмосковные вечера) en Russie en 1967 (Mikhail Shapiro) et en 1994 (Valeri Todorovski) mais aussi Ledi Makbet Mtsenskogo uezda (Леди Макбет Мценского уезда, l’azerbaijanais Roman Balayan, 1989), le tchèque Petr Weigl (Lady Macbeth von Mzensk, 1992) et déjà en 1927 par Cheslav Sabinsky (muet). 1928 vit la sulfureuse création de L’amant de Lady Chatterley de D. H. Lawrence (Lady Chatterley’s Lover) où une femme, Constance, redécouvre l’amour et le bonheur avec un garde-chasse, un homme extérieur à son milieu. Souvenons-nous de la belle adaptation de Pascale Ferran (Lady Chatterley, 2006) avec la révélation de Marina Hands, fille de la claudélienne Ludmila Mikaël, et le toujours impeccable Hippolyte Girardot.

Adaptation clinique

Ici la Russie d’Alexandre II (abolition du servage, réforme de la justice, de l’administration et de l’enseignement ; la capitale, Saint Pétersbourg, est en ébullition) est transposée en Angleterre du nord, à Lambton Castle, château datant du début du XIXe, ère victorienne, décidément très inspiratrice, vers Chester, déjà utilisé pour la série Bienvenue au paradis (The Paradise, 1992), près de l’université de Durham où Oldroyd fit des études de théologie et de théâtre, après un an d’école d’art. Northumberland est une région sauvage des Îles Britanniques.

            La mariée de 19 ans est comprise dans l’opération immobilière organisée par Boris (Christopher Fairbank, Nic dans Batman, Tim Burton, 1989 ; Chasseur blanc, cœur noir, White hunter black heart, Clint Eastwood, 1990 ; Murphy dans Alien 3, David Fincher, 1992 ; Mactilburgh dans Le cinquième élément, Luc Besson, 1997 ; The broker dans Les gardiens de la galaxie, Guardians of the galaxy, James Gunn, 2016), le père méprisant, grincheux et autoritaire avec son fils Lord (Paul Hilton, Dr. Faustus dans Doctor Faustus, Matthew Dunster, 2012 ; Duke Octave dans Klimt, Raoul Ruiz, 2016), taciturne, alcoolique, sinistre, dédaigneux (voir Jeanne d’Une vie de Maupassant adapté, de façon controversée, récemment par Stéphane Brizé, 2016 avec Judith Chemla, Jean-Pierre Darroussin et Yolande Moreau), distant, méchant et violent : « Achetée pour un lopin de terre sur lequel pas même une vache ne brouterait ». « La nuit du mariage, c’est noir, quand Katherine est humiliée sexuellement par son mari, c’est la nuit… J’ai voulu jouer sur le contraste. Dans ce monde victorien très austère, le sexe devait aussi être viscéral. » déclare le metteur en scène. Les deux hommes se haïssent ; ils sont entourés de domestiques dont ils ignorent l’existence. Le décor est planté.

Le mari interdit à sa nouvelle femme de sortir de nouveau, cheveux au vent, de leur demeure, sur le « moor », la lande filmée en caméra à l’épaule en grand format inconnu, le 2:39. Il refuse de la toucher (après ordre de déshabillage sans effeuillage, il se masturbe devant son corps nu, de dos, avec son gros popotin et son en hors champ) : fort marrie, elle est complètement isolée. Le climax du patriarcat. Las !

British humour : un chat laid contemple Katherine attablée ou alanguie à la place de la précédente femme, probablement antipathique et désagréable, dans ce manoir tendance Manderley, froid comme une de Winter, dans Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940 d’après le roman de Daphné Du Maurier, 1938) ; le vieux prêtre du comté, vient visiter la jeune femme et lui demande si son beau-père ne lui manque pas trop ; « Que nenni ! » répond-t-elle du tac au tac après la fringale de la bagatelle (« J’aime l’idée d’une séquence coupable », s’amuse le metteur en scène); Katherine s’occupe de son sévère beau-père, continue à prendre son thé comme si de rien n’était, tandis que des cris de détresse sont perceptibles devant une servante médusée ; quand elle se met à chevaucher son amant devant son mari, les bras nous en tombent – Buñuel aurait adoré ! Elle boit du vin à grandes gorgées jusqu’à épuiser les réserves et consomme ses désirs sans demander la permission à personne et sans le moindre scrupule. Le spectateur sait, il devient complice et voyeur. Pire, si le tabou de l’assassinat d’un enfant est levé, le meurtre d’un animal nous touche paradoxalement plus que celui d’un humain. C’est la force du film : « Ce qu’elle fait est mal mais, malgré tout, le spectateur ressent de la sympathie pour elle et veut qu’elle réussisse » souligne Florence Pugh. Empathique à l’insu de son plein gré, le spectateur assiste pas à pas à la fabrication et à la naissance d’un monstre, la mariée qui n’était pas en noir, en passant de victime à coupable avec son visage poupin et son regard impertinent, sombre presque hautain avec une pointe d’ironie, errant au loin derrière la fenêtre. Elle répercute les mêmes ordres que son mari (« Debout, face au mur ! ») osait lui donner tant sur les serviteurs, dont le palefrenier (le musculeux Cosmos Jarvis, MI-5 Infiltration, Spooks : The Greater Good, Bharat Nalluri, 2015), obsédé par les femmes, qui mène un jeu rustre et pervers sur Anna dans l’écurie, pour affirmer son autorité et imposer sa hiérarchie, que sur la servante métisse exploitée, même si la maîtresse lui ordonne de manger à la même table pour lui tenir compagnie. Elle se révèle manquer de conscience sociale, ce qui deviendra un atout, et de moralité – égoïste en outre. C’est finalement la soumise Anna (Naomi Ackie, actrice dans les séries Docteur Who, Doctor Who, 2015 ; The Five, 2016), devenue muette, qui sera la victime du patriarcat, du pouvoir (rapport maître/esclave au centre du roman de Leskov). La servante ne prend même pas la peine de se défendre lorsqu’elle se voit accusée, consciente que sa condition en fait une coupable idéale. Ceci dit, effrayée par l’audace de sa maîtresse, elle regarde par le trou de la serrure ses ébats. Personne n’est innocent, juste des personnes plus coupables que d’autres dans un monde clos et figé.

La révélation Pugh

            Sœur des jeunes acteurs Toby Sebastian, Arabella Gibbins et Rafaela Pugh, la Pugh fit des études à Oxford, tout en apparaissant dans des pièces jouées au North Wall Theater (Oxford). Oldroyd avait repéré celle qui a « beaucoup d’instinct et une excellente technique », la comédienne de 19 ans en 2014 dans The Falling, de sa compatriote Carol Morley. Elle y jouait une écolière rebelle menacée par une mystérieuse épidémie dans les années 1960. Elle a été nominée dans la catégorie du meilleur espoir féminin au BFI London Film Festival Awards. Plus récemment, Florence Pugh a rejoint le casting de la série télévisée Marcella avec Anna Friel et Laura Carmichael. Elle va apparaître en catcheuse british, devenue star aux Etats-Unis dans Flirting with my family (Stephen Merchant, 2018).

Travail d’équipe

Mise en valeur par de longs plans-séquences, souvent fixes et en plans serrés, parfois répétés (scènes reprises exactement du même point de vue : par exemple, au moins quatre fois, nous voyons la servante Anna entrer dans la chambre de Katherine exactement de la même façon), la photo d’Ari Wegner (beaucoup de courts-métrages et quelques films dont The Tragedy of Hamlet Prince of Denmark, Oscar Redding, 2007), clinique à la scandinave (les tableaux mélancoliques de Vilhelm Hammershøi) et jouant sur la symétrie, oscillant entre De la Tour, le Caravage pour le côté canaille sournois, et Vermeer, est superbe. Les tons gris et froids contrastent avec le bleu de la robe, telle une corolle de pétales alanguie et fanée.

Jacqueline Abrahams, la chef décoratrice avait travaillé sur The lobster (Yorgos Lanthimos, 2015) et La dame en noir 2 : L’ange de la mort (The woman in black 2 : Angel of death, Tom Harper, 2014). « Nous avons utilisé des pièces d’époque autant que possible et nous nous sommes procurés des tissus et des imprimés un peu partout, dans des collections de costumes, des boutiques vintage et des magasins d’antiquités » détaille Holly Waddington, chef-costumière dans deux films de Mike Leigh (Happy-Go-Lucky, 2008 ; Another year, 2010) et de Steven Spielberg, Lincoln (2012 avec Daniel Day-Lewis), et Cheval de guerre (War horse, 2011).

*

            La musique est quasi absente, ce qui est fort agréable. Le travail du son est centré sur le silence total ponctué par les bruits quotidiens, le frou-frou de la robe bleue devenue celle d’une femme libérée et triomphante, quoique menteuse et répondant avec des répliques cinglantes. Le bruit du vent de la lande devient obsédant. Un film à savourer d’autant qu’il ne dure que 89mn (1h29), nous épargnant tous ces longs longs-métrages de plus de deux heures. Comme quoi, il est possible de tourner un bon film court avec peu de moyens. Les festivals ne s’y sont pas trompés tant les prix pleuvent : meilleur film au Festival de Cinéma Européen des Arcs 2016, au San Sebastián International Film Festival 2016, au Thessaloniki Film Festival 2016 et au Zurich Film Festival 2016, meilleur metteur en scène au Palm Springs International Film Festival 2017, meilleure actrice pour Pugh au Dublin Film Critics Circle Awards 2017, etc.

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 22]

sexe plâtré

en rêve

en boucle

tic-tac du temps

cuisine intégrée

high tech

aliments sous

cellophane

casser

œufs jaune

à part maman

cordon bleu

  • autour cou

failli y –

silence à table

expat’ autour

odeur nappe acrylique

rouge sur blanc

synthétique

2 drôles autour

congélo blanc

à côté

n’y pense plus

langues glissent

lors soupes

c’est comme ça

maman elle est champion

du gratin fraise

cadette des 7

attention pour

ses 2 drôles

colchide dans prés

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 21]

plus su

pays matins frais

n’y pense plus

pierre qui roule

allers-retours boulot

s’ingénie

pas vu pas su

tic-tac du temps

allers-retours

tête corps

compliqué dedans

silence sexe

plâtré en

rêve en boucle

un jour bogue

cadette des 7

se met en 2

dedans baignoire

se vide

expirer inspirer

expulser masse

molle humide

  • cordon glissent

ici du corps

dedans baignoire

rouge sur blanc

  • rouge panique

au pays des matins calmes

dedans noire de sang

par terre -traces

n’y pense plus

du corps

dedans baignoire

salle de bain

sale de sang noire

c’est comme ça

fœtus dedans

congélo blanc

n’y pense plus

emmailloté fœtus

dedans essuie-

tout blanc

enrobé n’y

pense plus

tête corps

fœtus emballé

dedans sac

plastique blanc

dedans congélo blanc

pays matins frais

plus su

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 20]

verte se calcine

sang -et si ?

failli y

frémit à

n’y pense plus

tête corps

pierre qui roule

allers-retours boulot

cadette des 7

balade les 2

affection matern

elle pays du mur

heureux cachés

zone délimit__

p’tit déj’ bus

allers-retours

colline maternelle

attention pour

d’autres drôles

pays du mur

français fréquentent

français s’invitent

réservée forcément

cours yoga

inspirer expirer

corps se retourne

fœtus vert

ical lon git

udinal

habits amples

avec – nul

corps – n’

y pense plus

pas feu vert

tête corps

dedans silence organes

c’est comme ça

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Ciné] Bien/mal Aki : Kaurismäki fait du Kaurismäki : « De l’autre côté de l’espoir »

L’autre côté de l’espoir, Toivon tuolla puolen, Aki Kaurismäki, 2017, Finlande/Allemagne, 1h38

b_1_q_0_p_0

Vieilles recettes

Un générique avec incrustation digne des truculentes séries B voire Z – des nanars, parfois réjouissants ou non. Fatigué (« Je suis fatigué, je veux commencer à vivre ma propre vie. »), au point de laisser tomber sa trilogie sur les réfugiés et les ports, Kaurismäki fatigue également ses spectateurs en un film d’1h38 qui paraît malgré tout trop long. Si L’autre côté de l’espoir (Toivon tuolla puolen, 2017) commence comme Le Havre (2011, Prix Delluc 2011), tourné il y a 6 ans déjà, il se prolonge en un remake d’Au loin s’en vont les nuages (Kauas pilvet karkaavat, 1996). A la Berlinale, où le batave Verhoeven, rentré de nouveau en grâce depuis Elle (2016), lui offrit le prix de la mise en scène auréolé de l’Ours d’argent, Aki-le-poivrot, sexagénaire, a déclaré raccrocher pour profiter de la vie au Portugal au milieu de ses coteaux (« depuis 1986, je ne vais plus au cinéma. Je suis parti vivre à la campagne. » ; c’est peut-être le problème de ce cinéphile qui vit sur ses acquis dans un système bien posé). La lassitude du réalisateur est patente, tout comme son impuissance. Le jugement du réalisateur sur lui-même est juste : « Il [le film] est honnête. Je ne peux pas dire que j’en ai honte. ». Mais ce n’est pas la grande eau de L’homme sans passé (Mies vailla menneisyyttä, 2002), grand prix au Festival de Cannes 2002.

            Les mêmes uniformes boutonnés sur des ambiances postsoviétiques et murs bariolés de couleurs tranchantes, n’eût été un poster d’Hendrix et un juke-box, servent une rengaine qui sent, fût-elle d’intermèdes de rocks de rue, de potes ou de bars enfumés (le Wall street café avec, entre autres, un blues finlandais, Oi Mutsi mutsi datant de la fin des années 1970 signé du folksinger Tuomari Nurmio, très populaire en son pays, qui dit ceci : « Maman, maman, allume la lumière / Je vais mourir bientôt / et quitter la compagnie / Peut-être quelque part / tu me trouveras un complet blanc / On me jettera bientôt dans un trou noir…) comme pour remplir à tout prix en un montage maladroit, le réchauffé, l’artificiel ou le saumure du hareng-saur. Une séquence émouvante : lorsque Khaled joue du saz dans le centre de rétention. C’est toujours la même histoire : celle d’opprimés qui tentent de s’évader, de s’offrir une nouvelle condition. Les mêmes plans dépouillés, les aubes ou crépuscules brumeux, les visages blafards, la gomina dans les cheveux. Pas de doute, nous sommes en Kaurismäki. Le monde se divise en deux : ceux qui inventent constamment et ceux qui creusent leur sillon. Lui, il creuse.

Le rire fuse tout de même dans ce bouiboui à la déco flashy sauce Demy et Almodovar, très studio quoi : trois bras cassés limite jean-foutres à la Marx Brothers, une serveuse, un portier lugubre qui sert de boute-en-train lors de l’arrivée du froid et bureaucratique service d’hygiène et un cuistot qui, clope au bec dans une cuisine agrémentée d’une niche de chien, mitonne ses spécialités telle la sardine dans sa boîte accompagnée de sa patate bouillie pour faire local avec un prix en marks finlandais, font le sketch, caricatural, à la Tati – plans fixes, du cendrier en aluminium comme les pieds des danseurs en passant par la porte des toilettes et le serveur du restaurant – comme éternelle marque de fabrique désormais éculée, tournant à vide, et jeu de brique, figé, des acteurs – lassant. La Chope dorée, gagnée grâce à un poker, devient un sushi bar où les pieds nickelés servant de personnel, déguisés de façon ridicule en nippons, collent sur des puddings de riz des filets de hareng saur badigeonnés d’une épaisse couche de wasabi, de cette sorte qui essaye de nous tirer les larmes le long du film tant la dose est forte. Après le débarquement d’un car de japonais, le resto deviendra indien. Bien vu et irrésistible. Remercions le chien d’Aki qui lui a fait découvrir ce resto, devenu le modèle, par hasard en faisant pleurer le mérinos. Malgré le minimalisme des effets du walshien et hawksien mâtiné de Capra et Chaplin, d’éclaboussures chromatiques en dialogues mutiques, la densité idéologique semble dissoute dans l’avachissement philosophique. Aki n’a plus la foi bien qu’il ait les foies.

Coups de poings

            Il s’agit d’un film politique sans être à thèse, didactique ou dénonciateur, sans dialogue militant (cf. Costa Gravos, Ken-le-survivant-Loach). Dans cette tentative de rencontre entre un univers autosuffisant et une actualité, la fable grossit le trait avec une certaine lourdeur et manichéisme cependant. La colère du « punk et anarchiste » est ici son moteur. « La façon dont on traite les migrants en Europe est criminel. Et les crimes contre l’humanité, je ne les accepte pas. ». Aki ajoute : « les Finlandais sont très suivistes, très soumis, ils se conforment à l’autorité ». Enfin un qui s’y colle même si le lucide (« Je n’accorde plus l’indulgence à l’humanité. Elle ne le mérite pas, elle est trop cruelle. Il n’y a pas de pitié, dans l’homme. Aucun joli trait. Quelquefois, une grâce tombée d’en haut. C’est tout.») encense Mutti Merkel, chancelière du pays co-producteur du film, en omettant toutefois une dose de cynisme (obtenir de la main d’œuvre pas cher pour maintenir la croissance). Le syrien Khaled, mécano d’Alep (le kurde d’un village du Nord-Est de la Syrie, Sherwan Haji, acteur de téléfilms dans son pays natal qui découvrit Aki en cours d’art dramatique de Damas; il vit aujourd’hui en Finlande, arrivé par amour, où il réalise et produit des films et des installations vidéo via sa société Lion’s Line ; parti en Grande-Bretagne, il a étudié la mise en scène et il a écrit un mémoire sur les méthodes de travail des cinéastes avec leurs comédiens puis a animé des stages sur les techniques de jeu), se dirige illico vers les douches publiques puis au commissariat le plus proche, pour demander asile, où il est accueilli par les flics de Finlande se fendant d’un sobre « welcome » avec un barbu blond en uniforme qui, caché derrière sa machine à écrire et la fumée de sa cigarette, lui répond : « ça coûte rien d’essayer. Vous êtes pas le premier. », il est enjoint de raconter avec neutralité, par le truchement d’un questionnaire serré, son épopée (il a perdu tout ce qu’il avait et tente de retrouver sa sœur dont il a été séparé lors d’un contrôle à une frontière), son passé, son parcours, sa religion dans un lieu neutre excluant toute compassion (« état-bureaucratique », voire « légale-rationnel » selon Max Weber) puis sommé de rentrer chez lui par une décision aussi absurde qu’irrévocable alors qu’un énième massacre en Syrie est diffusé en même temps à la tv.

            « Mon message au gouvernement de ce pays vieillissant, qui se dépeuple et se désertifie, est qu’il est absurde d’empêcher des jeunes gens diplômés et dynamiques de s’installer en Finlande », a récemment écrit le cinéaste au quotidien finlandais Helsingin Sanomat. Le gouvernement finlandais a géré, sous la pression du parti anti-immigration Les Vrais Finlandais, la crise des réfugiés en 2015, quand elle a dû accueillir 32 500 demandeurs d’asile. C’est l’une des proportions par habitant les plus élevées d’Europe pour ce pays de 5,4 millions d’habitants. Les mesures prises ? Décourager les candidats à l’immigration en réduisant en 2016 les prestations sociales et en durcissant les critères d’obtention de l’asile. L’ambition de Kaurismäki est grande : « Je ne veux pas seulement changer le public, je veux changer le monde. En tout cas l’Europe. Ou au moins la Finlande. Ou cinq ou six personnes en Finlande ».

            Le syrien rencontre l’irakien Mazdak en centre de rétention. Il noue amitié dans le centre d’accueil (Simon al-Bazoon). « C’est le hasard qui les a réunis, mais ils fonctionnent bien ensemble, parce que lorsque l’Irakien parle [et que] le Syrien reste en retrait. » selon le metteur en scène. Conseil de Mazdak : « sourire, car ici on renvoie les gens tristes ». Khaled réplique : « Je suis tombé amoureux de la Finlande, mais si tu savais comment s’enfuir d’ici je t’en serais reconnaissant.». Même une habitante native de Finlande, une actrice pilier de la troupe Kaurismäki dont la trogne ne s’oublie pas, Kati Outinen, veut quitter au plus vite son pays pour boire du saké à Mexico.

            La violence est présente comme un effet de réalité. Une brute néonazie, un skinhead, traite un réfugié syrien de « youpin », ce qui prête, malgré la triste situation, à sourire. Stupidité du racisme en une seule réplique. Harcelé par les skins, Khaled est provisoirement sauvé par une troupe de loqueteux, d’éclopés et d’ivrognes surgissant des tréfonds du parking, tels des zombis, où ils croupissent. Le sel de la terre (Herbert J. Biberman, Salt of the earth, 1954) s’éveille.

            De l’autre côté, dans un appartement modeste, un homme, Wikström (Sakari Kuosmanen, un acteur fidèle depuis Calamari union en 1985), vendeur de chemises comme le père de Kaurismäki, et une femme se séparent sans mots, encadrés de l’un de ces légers décalages qui composent l’univers burlesque et grave de Kaurismäki. Il lui jette des clés sur la table. Elle avise sa dive et terrible bouteille, le cendrier qu’elle continue de remplir frénétiquement, et laisse transparaître un sourire fataliste qui cligne de l’œil sous ses bigoudis en écrasant une cigarette sur le symbole de leur amour défunt. Tout est dit, montré plutôt.

*

            La rencontre entre Khaled et Wikström se déroule dans un lieu beckettien : « C’est ma chambre. – Non, c’est mon local poubelle. ». L’humanité de l’un sauvera l’autre, grâce à la solidarité, alors que rien ne l’y prédisposait. Ce sont les actes des hommes dans certaines situations qui révèlent leur vraie nature. La fin, limite Arlequin, est dite ouverte même si j’en connais un qui n’en sortira pas en bon état. Un peu facilement lacrymal sans être pour autant mélo.

[manuscrit] Cadette des 7 [Feuilleton 19]

projet pierre

s’ingénie

flopée d’enfants

pas vu pas su

pas  à  pas

s’invitent

français fréquentent

français en asie

pays du mur

intégrée mère

au foyer

compliqué dedans

silence organes

cours yoga

souffle tête corps

en silence

allers-retours

faire vide dedans

pays matins calmes

timide sur elle-même

c’est comme ça

entrelacs

se libérer

rester longtemps

dedans baignoire

inspirer expirer

allers-retours

tic-tac du temps

jeune couple heureux

au pays du mur

tv écran plat

jt 11/09

chut

e

des

t           t

o          o

u          u

r          r

s          s

en boucle

high tech

cuisine intégrée

vivre heureux

c’est comme ça

loin chute des tours

tv en fond

mère au

cordon bleu

  • autour cou

failli y –

attention pour

ses drôles

maman elle est champion

du gratin fraise

 

[Ciné] Fade to Gray

The lost city of Z, James Gray, USA, 2016, 2h21

the-lost-city-of-z-affiche-976389

Tournage épique

Le projet date de 2009, suite à la sortie, bien accueillie, du livre du journaliste du New Yorker, qui s’y consacra trois ans, Grann, via une enquête sur la mort mystérieuse d’un spécialiste de Conan Doyle où surgit Le monde perdu (The lost world, 1912) et un certain Percy Harrison Fawcett. Gray, sorti du plat Two lovers (2008), lointainement inspiré paraît-il de Les nuits blanches : roman sentimental (souvenir d’un rêveur) (Белые ночи, 1848 ; adapté par Luchino Visconti, Le notti bianche, 1957) de Dostoïevski, écrit un scénario, sa première adaptation d’un texte, où il ne garde que l’épopée de l’exploration, abandonnant la partie contemporaine du livre qui montre le journaliste aux prises avec les difficultés de la jungle et la menace des dernières tribus d’Indiens. « Je voudrais faire un genre d’Indiana Jones,  mais avec un héros qui réfléchit à ce qui lui arrive ». Selon Grann, Gray travaille la « question de la dernière frontière et met en avant l’idée que le progrès humain va de pair avec l’exploration ». L’écologiste Brad Pitt, producteur du film, détenteur, à travers sa société Plan B, des droits du livre, voulait jouer le rôle-titre. Ses collaborateurs ont envoyé le livre à Gray. En ce sens, c’était une commande. L’acteur hollywoodien a dû abandonner le rôle principal en raison d’un agenda trop chargé. Finis les repérages au Mato Grosso (Brésil). Idem pour Benedict Cumberbatch qui privilégia le tournage de Doctor Strange (Scott Derrickson, 2016). Gray repéra Charlie Hunnam, acteur britannique né en 1980 à Newcastle qui fit ses débuts à la télévision à l’âge de neuf ans, chez Guillermo del Toro (Pacific Rim,  2013 et Crimson Peak, 2015). Il avait joué auparavant dans Hooligans (Lexi Alexander, 2005), un biker dans la série Sons of Anarchy (Kurt Sutter, 2008). Il est arrivé sur le plateau dix jours après la fin du tournage de Le roi Arthur: La légende d’Excalibur (King Arthur: Legend of the Sword, Guy Ritchie, 2017). Nous le verrons dans un  remake de Papillon (Michael Noer) dans lequel il reprend le rôle du roi de l’évasion qui fut incarné par Steve McQueen.

Les studios sont réticents : 80 et 100 millions de dollars d’investissement plus 50 millions en frais de sortie. La Paramount s’y colla puis se retira. Un temps, le projet sembla même abandonné. La ténacité de Gray, cet homme hypersensible et dur selon son biographe Jordan Mintzer, qui porte le projet pendant 9 ans, lui permettra de quitter New York et affronter 38° C avec 100 % d’humidité, des insectes, des crocodiles, des serpents, des araignées en Colombie, dans la région de Santa Martha au lieu de la Bolivie, pauvre en infrastructures cinématographiques. Il a attendu l’été 2015 pour pouvoir commencer à tourner. Pourtant, avant de se lancer, James Gray a écrit à Francis Ford Coppola, réalisateur d’Apocalypse Now (1979), pour lui demander des conseils pour un tournage dans la jungle. C’est l’un des films qui a donné à Gray l’envie de faire du cinéma : « Encore aujourd’hui, il correspond exactement à ce que j’aime, c’est-à-dire un mélange de spectacle et de vérité. » Coppola, se souvenant des conditions déplorables aux Philippines, n’a répondu que par deux mots « Don’t go » (« n’y allez pas »). Il avait reçu le même conseil de la part de Roger Corman au moment de se lancer dans Apocalypse Now (1979). Gray a plus approché, dans la scène finale notamment, l’esprit de Conrad que Coppola mais moins que Brooks (Lord Jim, 1965) ; la pointe Kipling affleure. Finalement, c’est Amazon qui a acheté, à l’automne 2016, les droits de distribution, tout comme ceux de Manchester by the sea (Kenneth Lonergan, 2016).

Le Livingstone de l’Amazonie

            Agé de 39 ans, Percy, aristocrate britannique et officier d’artillerie, né en 1867 à Torquay dans le Devon et expert en topographie, auparavant basé à Ceylan et à Malte, est envoyé par la Société royale de géographie (RGS) en 1906 pour cartographier une zone frontière encore inexplorée entre le Brésil et la Bolivie, pays au bord de la guerre à cause du caoutchouc. Fawcett est perçu comme « mal avisé quant au choix de ses ancêtres » : fantasque, son père, né en Inde et un temps proche du prince de Galles, est mort alcoolique, après avoir ruiné sa réputation et sa famille. La jungle, surtout après une magnifique scène de chasse à courre en Irlande contre un cerf suivie d’une scène de bal amidonné au milieu des boiseries et des lustres avec humiliation à la clé, est aussi celle de la haute société britannique du début du XXe siècle : « J’aimais l’idée de choc entre classes sociales, ou plutôt entre planètes, car on dirait vraiment que l’Angleterre victorienne, d’une part, et l’Amazonie, d’autre part, étaient deux planètes distinctes ». « Les couronnes ont disparu, mais pour le reste, on est à peu près revenu aux structures de la monarchie » constate aujourd’hui avec justesse Gray. Il se fonde sur un complexe de classe et sur un besoin de reconnaissance pour justifier le désir de gloire qui dévore l’explorateur. Celui-ci se heurtera, dans une scène digne de Cimino (La porte du paradis, Heaven’s gate, 1980), à l’incompréhension de la communauté scientifique pétrie de certitudes et d’ethnocentrisme teinté de colonialisme et de racisme lorsque l’explorateur évoque « Une civilisation cachée dont la découverte permettrait à l’humanité d’ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. ».

La célébrité fraîchement acquise de Fawcett est concurrencée par celle de l’historien américain Hiram Bingham, qui, en 1911, vient de révéler au monde l’ampleur du site inca de Machu Picchu, l’ancienne citadelle nichée dans les Andes péruviennes. Ernest Shackelton part également à la même époque à la découverte de l’Antarctique. C’est reparti pour une deuxième expédition en 1912 grâce à un aventurier mécène, spécialiste des pôles, arriviste, égoïste et lâche, enfermé dans une vision colonialiste, James Murray (Angus Macfadyen). James Murray, affaibli par la maladie, délire. Fawcett doit abandonner ses recherches.

À la tête d’un régiment d’artillerie, Fawcett l’officier s’illustre pendant les combats sur le champ de bataille dans la Somme (« À la mort, le sel de la vie ! »)  et gagne ses galons de colonel. Le fidèle aide de camp Henry Costin, barbu, sale, suant, désinvolte et résigné (Robert Pattinson, formé au théâtre britannique, laissant loin Twilight et ses conquêtes féminines dont la Stewart qui fit son coming-out depuis) le suit de l’enfer vert à celui des tranchées. Nous n’avons pas pu échapper à une russe, Gray restant fidèle à ses origines : « Ce que vous cherchez est plus grand que ce que vous n’avez jamais imaginé », prédit une voyante dans un boyau lors de la Grande guerre. Les crucifiés sur le champ de bataille remémorent J’accuse d’Abel Gance (1919).

En 1925, retraité vieillissant de 57 ans, l’explorateur monte son ultime expédition, après avoir peiné à lever des fonds auprès de Rockefeller et de journaux américains. Pour cette dernière mission, Percy Fawcett entraîne avec lui son fils aîné Jack, 21 ans, à moins que cela ne soit l’inverse, qu’il a à peine vu grandir, mais qui partage son rêve. Le jeune homme est accompagné de son meilleur ami, Raleigh Rimell. Dans Le continent perdu : dans l’enfer amazonien (Exploration Fawcett) de Percy Harrison Fawcett, selon un texte établi par le fils de l’explorateur, Brian Fawcett, il s’agit de huit missions qui furent menées en Amazonie. Plusieurs équipes ont tenté de marcher en vain sur ses traces : ils sont tous tombés comme des mouches, de faim ou de maladie ; une expédition lancée juste avant celle de Grann s’était retrouvée prise en otage par les indigènes. Les récentes découvertes de l’anthropologue Michael J. Heckenberger démontrent qu’il existait bien une civilisation en Amazonie.

Le spectateur retrouve les obsessions pour la tragédie, le mélo parfois avec des scènes d’hystérie (l’enfant qui se rebelle ; la femme lettrée et polyglotte, jouée par Sienna Miller dans un rôle analogue à celui qu’elle tenait dans American Sniper de Clint Eastwood, 2014, dite indépendante à l’heure des suffragettes, affirmant que « La peur n’a jamais déterminé notre avenir », qui accepte sa condition de bobonne alors qu’elle voudrait l’accompagner, Gray voulant « rendre compte de la tragédie que ce fut pour elle »), les liens du sang, les ambiguïtés de la transmission, y compris le cannibalisme : « Je m’identifie beaucoup à ce personnage qui cherche son chemin dans le monde, à sa lutte pour faire ses preuves, se débarrasser d’une certaine dose de honte… Ses rêves se heurtent à ce besoin nauséeux, terrifiant, qu’ont les humains de classer leurs semblables, de les hiérarchiser. » déclare Gray qui, fils de prolétaires au milieu d’ouvriers allemands WASP, fut honteux d’habiter au Queens à New York, de n’être ni un étalon ni un Apollon tout en nourrissant une soif infinie de reconnaissance.

Image soignée

Le chef opérateur franco-iranien Darius Khondji, au style pictorialiste reconnaissable, travaille ici sur un clair-obscur digne de Caravage. Gray recherche constamment dans sa filmographie le tenebroso qui évoque les tableaux de Georges de La Tour. Claude Lorrain,  Rembrandt, le Douanier Rousseau, Turner, Corot sont parfois mentionnés en vrac. Outre les scènes de jungle, l’image sombre domine tout au long du film. Darius avait travaillé sur certains films de Caro et Jeunet (Delicatessen, 1991 ; La cité des enfants perdus, 1995 ; Alien, la résurrection, Alien: resurrection, 1997 du seul Jeunet), Bernardo Bertolucci (Beauté volée, Stealing beauty, 1996), Alan Parker (Evita, 1996), Roman Polanski (La neuvième porte, The ninth gate, 1999), David Fincher (Seven, Se7en, 1995 ; Panic Room, 2002), Michael Haneke (Funny Games U.S., Funny Games, 2007 ; Amour, 2012), Sydney Pollack (L’interprète, The interpreter, 2005), Wong Kar Wai (My blueberry nights, 2007), Woody Allen (Minuit à Paris, Midnight in Paris, 2011; To Rome with love, 2012 ; L’homme irrationnel ; Magic in the moonlight, 2014 ; Irrational man, 2015), Stephan Frears (Chéri, 2009), James Gray (The immigrant, 2013). Il a toujours revendiqué sa passion pour les acteurs et leurs visages, qu’il rend opalescents et fascinants. Cela tombe bien car Gray porte une grande attention particulière aux visages. Darius est habité par la musique, il a écouté Ma mère l’oye de Ravel (1910) dans la jungle.

            Amateur d’opéra, Gray nous offre une scène d’opéra fantôme en pleine jungle, référence aux barons du caoutchouc qui inspirèrent le Fitzcarraldo (1982) de Werner Herzog. Un bateau échoué sur le Rio Verde laisse songer à Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der zorn gottes, 1972) qui toucha au sublime kantien. Si ce film est évidemment un point de départ, Gray souhaite s’en détacher : « Car il y a aussi une forme d’accomplissement pour un homme comme Fawcett de parvenir à comprendre un autre monde. Même dans son échec, il y a une forme de transcendance qu’il n’y a pas dans les autres films. Dans Aguirre, il y a par exemple la question de l’avidité. Je ne pense pas, in fine, que c’était une motivation pour Fawcett. Son obsession est liée à un besoin d’échapper aux structures de la société d’où il émerge. »

            A noter un superbe raccord osé, digne de Lean voire de Kubrick, entre une goutte en gros plan et un train qui roule à toute vapeur vers l’exotique.

            Comme Nolan et quelques autres, Gray affectionne le 35mm, pellicule avec laquelle il s’entête pertinemment à tourner. « Le processus photochimique est un processus archaïque, organique, le seul à même de transmettre cette mélancolie qui est au cœur du film. A la différence du numérique, qui a à voir avec l’immédiateté, le celluloïd capture un passé à jamais révolu. Le numérique peut produire des choses magnifiques, comme le prouve Pedro Costa par exemple, mais ce n’est pas le même outil. ».

So what ?

Si le spectateur ne s’ennuie pas, le film est toutefois trop long, sans que les trois expéditions soient répétitives pour autant.

Gray oppose sentimental, où l’effet recherché est facile, comme un besoin primaire, à cause d’un dispositif scénaristique raté dominé par le « désir de se faire aimer du spectateur à travers l’œuvre d’art », et émotion où « L’émotionnel, c’est lorsque l’artiste y croit » lorsqu’il « créée organiquement à partir de la situation montrée dans le film ». « Dans les films sincères, les dilemmes et les décisions que doivent prendre les personnages ne sont jamais grossiers. » Malheureusement, cet amateur de La Tosca et de La bohême de Puccini force sur la corde sensible, ça ne passe décidément pas. Gray n’aime pas L’année dernière à Marienbad (A. Resnais ; A. Robbe-Grillet, qui évite précisément toute psychologie, point central du Nouveau Roman, 1961), qu’il oppose à Sueurs froides (Vertigo, A. Hitchcock, 1958) : « en surface, le film est incroyablement subversif, mais en réalité il est assez vain et creux, parce qu’il n’implique aucun investissement émotionnel – c’est comme observer quelque chose au microscope ». Il devrait pourtant en prendre de la graine pour neutraliser cette sensiblerie mélo de femme de ménage de plus de 50 ans. Depuis La nuit nous appartient (We own the night, 2007), Gray est constamment décevant. S’il reconnaît qu’« Au début de ma carrière, j’utilisais le genre comme une protection. », il n’en est pas sorti contrairement à Kubrick qui redéfinissait chaque genre investi. Comme Jeff Nichols, le spectateur est devant un « Rare exemple de cinéma classique contemporain » comme l’indique justement le Hollywood Reporter. Dans la lignée de Clint Eastwood ? C’est dire le niveau du cinéma actuel !

Influences

L’histoire de Fawcett a inspiré nombre de récits, de romans, de films et de séries. George Lucas s’en souviendra pour imaginer l’Indiana Jones (1981, 1984, 1989, 2008) de sa saga, comme avant lui Hergé pour le professeur Ridgewell que croise Tintin dans L’Oreille cassée (1935-37 ; 1943),  ou encore Hugo Pratt pour la figure d’Eliah Corbett dans Corto toujours un peu plus loin.  Quant au dessinateur Henri Vernes, il envoie Bob Morane Sur la piste de Fawcett (1954).

Un an après le raté The immigrant (2013), Gray écrivait Ad Astra, film de science-fiction actuellement en post-production.

 

[Manuscrit] « Cadette des 7 » [feuilleton 18]

soirée tv

écran plat

autant en emporte le vent

pleurs forcément

plateau tv

ils s’aiment

dedans noir

corps le tourne

écarte membres

la retourne

le dresse

le corps

la redresse

allers-retours

ne la satisfait

pas rancune

forcément

c’est comme ça

simuler en rêve

sexe plâtré en boucle

se résigne c’est tout

pour pierre qui roule

allers-retours boulot

tic-tac du temps

pays matins calmes

high tech

cuisine intégrée

forcément

femme au foyer

prépare poulet

zone délimit__

ciseaux sur

le tourne

écarte membres

le retourne

silence à table

expat’ autour

odeur nappe acrylique

synthétique zone

délimitée jeune

couple heureux

forcément

vivre cachés

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] « Cadette des 7 » [feuilleton 17]

intégrée

cadette des 7

français fréquentent

français en asie

au pays du mur

35e // dmz

qualité vie expat’

quartier sécurisé

vivre heureux

vivre cachés

femme au foyer

forcément intégrée aimante

au pays des matins calmes

pas un bruit ne sourd

tic-tac du temps

soirée tv

écran plat

autant en emporte le vent

pleurs forcément

plateau tv

ils s’aiment

dedans noir

corps le tourne

écarte membres

la retourne

le dresse

le corps

la redresse

allers-retours

ne la satisfait

pas rancune

forcément

c’est comme ça

simuler en rêve

sexe plâtré en boucle

se résigne c’est tout

pour pierre qui roule

allers-retours boulot

tic-tac du temps

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

En moi coule l’Arno

7761948-cm

entre hypophyse et hypothalamus coule l’arno / jamais vecchio, le ponte / fleuve charrie boue du réel / en son épaisseur en tableaux / synoptiques dans calculs / vitesses : paradoxe de zénon / que nul n’entre s’il n’est schmidtomètre / (sujet pour thésard : / confronter conception du temps chez bergson et schmidt / (notre autodidacte hurlerait de rire !-)) / anneaux de berechnungen / sa tératologie ? / entre autres : trilogie “ enfants de nobodaddy ” / + soir bordé d’or : une farce-féerie / : 55 tableaux des confins rust(r)iques pour amateurs de crocs-en-langue / hommage à nadeau, et alii, jusqu’à tristram / ( :éditeur, race tant adorée par schmidt !) / entrer en schmidtie, c’est / se nourrir du rire du chaos / en jubilation des mots / peau du monde à l’étal noir sur blanc / digresser en abîmes / plurivers singuliers / après sterne, c’est la star

schmidt, c’est comme dupont, martin, moretti ou smith / ? – : oui mais celui là est vraiment spécial / pasbanallebougre / ≠ chancelier helmut ~ / — ! journaliste écrit : joyce allemand / cliché ! cliché ! / schmidt, c’est la cantatrice chauve à la voix discordante de l’allemagne / supernova du crépuscule / c’est l’escrimeur qui touche juste, toujours / d’où ponctuation inédite et adéquate / nicht die nacht notte nicht die nacht night nicht die nacht noche / en chambre de discernement trotte / à toute vitesse phrase de celan / “ la mort est un maître venu d’allemagne ” / schmidt tripote l’humus / de la mauvaise conscience allemande / déterre les cloportes au grand jour / c’est celle là, la voie de la cantatrice / schmidt est un solœil lucide / journaliste écrit : bern hard allemand / cliché ! cliché ! / lampe de poche dans tunnel d’oxydant / jean wahl jean l’a écrit son / malheur de la conscience dans la philosophie de hegel / l’élève juif de bergson / introducteur d’heildegger en france / refusa de serrer la main de martin / il l’a évité de justesse l’arbeit macht frei / de la transascendance chez schmidt / affirme le thésard / mais qui en france / (depuis bien longtemps / notre pays a perdu sa majuscule) / aurait les c_______ de dire / que nous sommes un pays profondément antisémite / où sont nées les idéologies totalitaires ,, qui ? / pendu ! haut et court _ / oui oui la patrie des droits de l’homme bien sûr / bhl ? bhv de la pensée / schnaps schmidt brûle boyaux / pour plaisir nôtre

à défaut de gwf, parlons de jw von / c’est sans pitié qu’il le cancelle / quel culot, l’arno ; c’est revigorant / il lui préfère wieland holberg moritz schnabel tieck wezel cooper swift scott cramer / noir d’amis d’entre temps / la librairie d’autodidacte / château eyquem à la main / magna servitus est magna fortuna / vers l’épiquaresque / ours du lande de lunebourg / ça sonne ça : ? lande de lunebourg ? lande de lunebourg / mieux vaut fouqué que fouquet / alors, il s’y consacre, l’enfant terrible / il traduit cooper more and more / et problèmes pour pornographie / pour remises en cause / censures encore et encore / arno passe outre les on-dines / il est comptable à personne, l’exhaustif / esprit libre / la liberté a un prix / droiture du subversif / : schmidt & wesson / se con fesse au renard / schmidt = posture

un jour beckett conseilla à federman / d’écrire à fond sans se soucier de / d’outre tombe ;;depuis 1979 ; a.s. intime / et j’ai tiré la bonne carte / : “ poète, écris à coups de poing ” / c’est dans aus dem leben eines fauns / ça c’est comme gravé là / arno m’a légué courage d’écrire / d’aller jusqu’au bout / pas de concession / cryogénie au panthéon personnel / serendipity / en moi coule l’arno / mon maître est venu d’allemagne / “ un crime derrière chaque mot ! ” / écrit novarina dans le / drame de la langue française / dans le théâtre des paroles / arno c’est de la bonne / débuts de phrase = injections / sic : dixit lui ! / un fixe sur papier / mots en guêpière / et là, c’est l’extase / arno, contre-poison en cornue / chute du mur de berlin / érection de murs / en têtes, en israël / arno abat cloisons

et la poésie quelle poésie / lune est déclinée / comme jamais comme jamais / – lande de lunebourg – / c’est mordant, c’est tordant / bargfeld follies / télécharger son riehl player / travail de titan la traduction dudit / dur de restituer réel digéré et vomi d’arno / de lillo rêve d’écrire un livre / sur trois minutes de vie d’une personne / avec somme d’affects / avec sommes de nos nous / arno l’a fait / paraphrase adorno : il est impossible d’écrire après arschmidt / arno est un passeur / il est le ponte vecchio / frais debout / un jour un magnat / lui donna la $omme égale au nobel / de la dynamite car nécessaire, arno / an = bn + cn / il m’inciterait presque à me mettre à l’allemand / ne pas connaître uniquement blaß mir einen / premier mot : weltanschauung / puis volksgeist / arno militerait-il pour le maintient du ß ? / parles-tu le schmidt ?

in Sitaudis, Célébrations.

Le commentaire de sitaudis.fr

Extrait de Vers o, épiquaresque roème (inédit)

à l’occasion de la réédition d’ouvrages d’A.S. dont Brand’s haide. Traduit de l’allemand par Claude Riehl. Annoté par Hubertus Biermann. Postface de Friedhelm Rathjen. Auch : Tristram, 2017. 183 p.  978-2-36719-038-9  19 €

Le cœur de Pierre. Roman historique de l’an de grâce 1954. Traduction de l’allemand, notes et postface de Claude Riehl. Auch : Tristram, 2017. Collection souple. 295 p.  978-2-36719-049-5. 11,40 €.

[Manuscrit] « Cadette des 7 » [feuilleton 16]

millénium

son bug

mobile mari

cadre employable

compétence savoir-

faire savoir-être

ch. ingé.

exp. motiv.

opportunité

valoriser

qualité vie

à mode de lui

mis à gré

appétit pierre

se fixe objectif

partir travail

cadre asie

pays du mur

avec femme

au foyer

aimante forcément

ménagère de

moins       de

attentive   et

2 drôles   de

moins       de

expat’ pays

matins calmes

c’est comme ça

pierre s’ingénie dur

bonne paye

allers-retours

building grues échafaud

ages murs construire

vers haut et fort pierre

de touche à tout

pierre assure

pierre sérieux

pierre cadre

mobile pour

s’adapter à

allers-retours

boulot maison

bonne qualité vie

pays matins frais

c’est comme ça

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 16]

un jour

l’un des drôles

tombe nez

dedans assiette

comme ça

rouge sur blanc

mère poule

hurle mort

autour table

ils s’aiment

attention

pour ses drôles

c’est comme ça

j’aime mes enfants tous les deux

chacun a sa personnalité différente

c’est tout

rouge sur blanc

l’autre a

eczéma panique

je les aime mes enfants

et fleuve près

impraticable remous

sables mouvants

fleuve ses lacets

tout s’enlace

pierre qui roule

allers-retours boulot

que pierre aime

s’ingénie

pierre aime

cadette des 7

qui aime ses

2 drôles

comme pierre

à pierre famille

tic-tac du temps

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 15]

drôles dorment

à côté feu

fœtus dedans

insert cheminée

2 heures

ça comme ça

fixer foyer

feu contrecœur

abrier le feu

le tuer feu

plus su mère

brandon brûle

crépite

tic-tac du temps

ça va

comme ça

vient rando

week-end moto

n’y pense plus

c’est tout

partie finie

hors du temps

pierre qui roule

allers-retours boulot

tic-tac du temps

silence à table

odeur nappe acrylique

synthétique rouge

sur blanc ronds

serviettes deux

drôles autour

c’est tout

pain du bourreau

dit-il au pain inverse

couteau dedans

langues glissent

lors soupe

c’est comme ça

un jour

l’un des drôles

tombe nez

dedans assiette

comme ça

rouge sur blanc

mère poule

hurle mort

autour table

ils s’aiment

attention

pour ses drôles

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 14]

tic-tac du temps

intervalle 2 ans

pas programmé

mois après mois

n’y pense plus

1 + 1

dénouer fils

silence plus su

fœtus de côté

dedans se recroqueville

vertical dedans

s’ingénie pierre

qui roule

allers-retours boulot

c’est tout

cadette des 7

n’y pense plus

tête corps

compliqué dedans

silence organes

un jour

cadette des 7

se met en 2

de la cacrotte

se vide

dedans baignoire

expulser chose

  • cordon

glissent dedans

baignoire   rouge

sur blanc – rouge

panique du corps

dedans baignoire

jeter bébé

avec eau bain

dit dicton

n’y pense plus

mieux au fond

du trou dit-elle

femme au foyer

n’y pense plus

pierre qui roule

allers-retours boulot

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Géant vie

Géant, Giant, Georges Stevens, USA, couleur, 3h21

index

Tout de go : j’adore ce film, comme un saignant T-bone pure softpower, qui berça mon adolescence au point de le revoir sans se lasser une bonne vingtaine de fois. Première fois au ciné : le film tient le choc. Puisse le dossier de février 2017 de Positif réhabiliter un Stevens un peu tombé dans les oubliettes, foi de Laurel & Hardy !

Format

            Un regret : le format 1:66. Désireux de souligner la hauteur du manoir (en fait, près de Marfa, Texas, une façade, trois murs transportés sur 1 600 km dans 6 wagons puis maintenus par 4 poteaux téléphoniques, pas de toit et pas d’intérieur, tourné lui à Burbank dans les studios de la Warner), digne d’une peinture d’Edward Hopper,  La Maison près de la voie ferrée (House by the railroad, 1925) hantant Rebecca (1940) et Psychose (Psycho, 1960) d’Hitchcock, Les moissons du ciel (Days of heaven, Terrence Malick, 1978), les puits de pétrole et l’hôtel de Rink, George Stevens a évité l’utilisation du format CinemaScope, car il a estimé que les lentilles avaient tendance à déformer l’image. Il a estimé que la hauteur était beaucoup plus importante que la largeur. C’était l’une des rares épopées, plus réussie je trouve qu’Autant en emporte le vent (Go with the wind, 1939) aux couleurs trop expressionnistes voire flashy côté kitsh, des années 50 non filmées en scope. Reste à savourer le Warnercolor, véritable peinture typiquement américaine, à l’instar de Barry Lindon (Stanley Kubrick, 1975) so british avec Gainsborough et Turner en inspiration. Pour l’horizontalité, Stevens utilise la profondeur de champ : il y a toujours une fenêtre ou une porte dans le fond qui ouvre sur l’horizon. Stevens a encore monté pendant un an après le tournage ! Le budget, délirant, a été dépassé mais le succès fut au rendez-vous, le prochain de la Warner étant … Superman (Richard Donner, 1978). De quoi gagner un oscar (1957) ! Yul (Le roi et moi, The king and i, 1956, Walter Lang) aura eu la peau de Rock & Dean. Le film a été choisi en 2005 pour la conservation dans l’enregistrement national de films des États-Unis par la Library of Congress (Washington) pour son apport culturel, historique et esthétique. Orson Welles a été inspiré par Géant pour réaliser le film inachevé qui va bientôt être restauré, De l’autre côté du vent (The other side of the wind).

Adaptation

            Il s’agit d’une adaptation d’un roman d’Edna Ferber publié en France en 1954 par Stock. La Prix Pulitzer 1924 pour son roman So big a déjà des best-sellers à son actif, Show Boat (Harry A. Pollard, Arch Heath, 1929 ; James Whale, 1936 ; George Sidney, 1951), La Ruée vers l’Ouest (Cimarron, Wesley Ruggles, 1931 ; Anthony Mann, Charles Walters, 1960). Dans le roman qui nous occupe, les hommes apparaissent moins que les femmes : Jett Rink, élaboré à partir de la vie du pétrolier texan Glenn H. McCarthy (1907-1988), surnommé « King of the wildcatters », un immigrant irlandais qui sera plus tard associé à un symbole d’opulence au Texas en construisant en 1949 à Houston l’hôtel Shamrock qui coûta 21 millions de dollars et dépensa un million supplémentaire pour la cérémonie d’inauguration, est plus dur, moins sensible ; dans la scène de castagne dans le « restaurant », Bick, dont les coups de poing sont légèrement plus bruyants que ceux de l’adversaire, suggérant ainsi qu’il gagnerait peut-être la bagarre, n’est pas présent car seules son épouse, sa fille et sa belle-fille mexicaine sont là, partant sans causer de problème quand le propriétaire leur ordonne de sortir. Femme de caractère, Ferber suggère Alan Ladd comme personnage principal. L’acteur dans L’homme des vallées perdues (Shane, G. Stevens, 1953) refuse.

Listes

Allons-y pour le name dropping, une expression que le benêt Frémaux vient de découvrir pour son Sélection officielle et que tel un bourgeois gentillhomme, il serine à qui veut en dénigrant les journalistes censés ignorer l’expression. Pour Bick, ont été approchés : John Wayne, William Holden, Clark Gable, jugés trop vieux, Forrest Tucker, Sterling Hayden, Gary Cooper, Errol Flynn, Henry Fonda, Charlton Heston, Tyrone Power, Robert Taylor, Jeff Chandler, Victor Mature, Gordon MacRae, Charles Bronson, James Stewart, Burt Lancaster, Kirk Douglas et Richard Burton, futur mari de Liz T. George Stevens a amené Rock Hudson, qu’il a repéré grâce à Victime du destin (The Lawless breed, Raoul Walsh, 1952) où il avait été vieilli de 30 ans, à des projections de films avec Gary Cooper et Spencer Tracy en rôle-titre en soulignant les éléments de jeu qu’il voulait voir. Quand Rock Hudson, prêté par Universal moyennant une prolongation de contrat de 4 ans, a été choisi, bravant un maître-chanteur, finalement passé à tabac (nez et côtes cassés) par les flics, décidé à révéler l’homosexualité de l’acteur faussement marié pour les apparences et pour favoriser sa carrière, le réalisateur George Stevens lui a demandé qui il préférait comme interlocutrice. Grace Kelly, désirée par le metteur en scène ? Elizabeth Taylor, devenue amie de Rock ?

Ont été envisagées pour le rôle de Leslie, Ava Gardner, incapable de quitter le Pakistan où elle tournait La croisée des destins (Bhowani junction, Georges Cukor, 1956), Marlene Dietrich, Katharine Hepburn, Joan Fontaine, Irene Dunne, Olivia de Havilland, Deborah Kerr, Maureen O’Hara, June Allyson, Anne Baxter, Ann Blyth, Jane Greer, Susan Hayward, Rita Hayworth, Jennifer Jones, Vivien Leigh, Dorothy McGuire, Patricia Neal, Eleanor Parker, Gene Tierney, Janet Leigh, Donna Reed, Jean Simmons, Joanne Woodward, Jane Wyman, Betsy Drake et Virginia Mayo. Pour Luz Benedict : Judith Anderson, Bette Davis, Ann Harding, Angela Lansbury, Agnes Moorehead, Claire Trevor et Jo Van Fleet. Pour Judy Benedict : Dawn Addams, Carroll Baker, Joanne Dru, Martha Hyer, Piper Laurie, Elizabeth Montgomery, Inger Stevens et Susan Strasberg. Finalement, Baker a été choisie pour incarner Luz. Gloria Grahame a été contactée pour les rôles de Leslie, Luz Benedict et Vashti Snythe. Pour cette dernière, Shelley Winters a été vue mais ce n’est pas un canon de beauté. Vera Miles et Natalie Wood ont été considérées pour Lacey Lynnton. Fran Bennett a essayé pour le rôle, mais a elle a été plutôt vue pour Judy.

Pour Jett Rinck, dont les initiales auraient inspirées JR de Dallas, 1978 (dans le genre, il y eut Le riche et le pauvre, Rich man, poor man, 1976 puis Dynastie, Dynasty, 1981 et autres séries du même tonneau inaugurant les années Reagan) plus que la bière de la Brasserie Georges : Marlon Brando, que Dean parodie à la fin au point d’être re post synchronisé par Nick Adams, pote de fiesta de Dennis Hopper, outre l’accident de voiture mortel intervenu peu après au point d’engager un figurant pour les scènes de dos et les plans de raccords, Montgomery Clift, Anthony Quinn, Sydney Chaplin, Richard Basehart, José Ferrer, Van Heflin, Cameron Mitchell, Richard Boone, John Ireland, Brian Keith, Robert Mitchum, Jack Palance (Re-Shane), Rod Steiger, Ben Gazzara, Rick Jason, Alex Nicol, Aldo Ray et Frank Sinatra (mais que fit la Mafia ?). Pour l’oncle Bawley ? Morris Ankrum, Ralph Bellamy, Charles Bickford, Ward Bond, Walter Brennan, Johnny Mack Brown, Albert Dekker, Arthur Hunnicutt, Boris Karloff, Fredric March, Raymond Massey, Adolphe Menjou, Thomas Mitchell, Pat O’Brien and Walter Pidgeon. Charles Bronson, Richard Davalos, James Best, Claude Jarman Jr., Jack Lord, Fess Parker, Russ Tamblyn et Jimmy Lydon pour Bob Dale.

            Dean dong !

Pour son 3e et dernier film, Dean, qui avait peur de donner de lui-même, a eu des relations tendues avec Stevens et Rock, ponctuel, amusant et charmant mais allergique aux techniques de l’Actor’s studio pourtant appliquées par la jeune garde, Carroll Baker, la Baby Doll (1956) d’Elia Kazan, ou encore Dennis Hopper et Sal Mineo, déjà présents dans La fureur de vivre (Rebel without a cause, N. Ray, 1955) et n’arrêtant pas de se saouler et festoyer la nuit. Le rebelle Dean, fort taciturne, prend la mouche quand le metteur en scène ne fait pas appel à lui pendant 3 jours. Du coup, il chasse les lapins sur le toit d’une jeep en marche façon Réveil dans la terreur (Wake in fright, Ted Kotcheff, 1971), joue de la guitare, relit Hamlet, qu’il veut jouer à la rentrée à Broadway. D’où son retrait dans le jeu du début où Dean, acteur que je goûte moyennement, éclate et, au pire, joue d’égal à égal avec Liz et Rock. James Dean était tellement désespéré d’être dans le film qu’il a proposé de travailler pour un salaire minimum ! C’est James Dean lui-même qui aurait suggéré à George Stevens, peu ouvert aux conseils de James, que Jett Rink devait, ivre, soliloquer dans la scène finale pour souligner l’isolement complet du personnage. James Dean avait surnommé la façon de travailler de George Stevens « around the clock » (« le tour de l’horloge ») car le réalisateur faisait de multiples prises de la même scène en variant à chaque fois les angles. (Malgré cela, une scène surprend : dans la chambre à coucher, probablement tournée en studio, où Liz et Rock déballent leur vie, nous entendons un bruit d’avion ! Problème de piste son ? Les acteurs ont été épuisés après une énième prise ?) James Dean a refusé de subir un long moment de maquillage pour ses scènes plus tardives, affirmant qu’« un homme de 45 ans montre son âge dans les pensées et les actions, pas dans les rides ». Il ne leur permettait que de griser ses tempes et de mettre quelques lignes sur son front.

            Le comportement insupportable de James Dean a commencé avec la conférence de presse annonçant le début de la production. Non seulement, il est arrivé en retard mais quand un photographe lui a demandé de retirer ses lunettes, il a répondu de façon déplaisante. Plus tard, il a tenté de rationaliser son comportement en affirmant qu’il était venu directement du tournage de La fureur de vivre (Rebel without a cause, N. Ray, 1955) et qu’il était préoccupé par le fait d’être vu rasé. En fait, il avait fini de travailler sur le film la veille et était épuisé. Il n’a pas obtenu un congé promis entre les deux films. Cela a commencé à dégénérer quand Stevens lui a ordonné de se débarrasser des manières de l’Actor’s studio comme déplacer sa tête d’un côté à l’autre ou sauter en marchant. Dean a même ordonné à son agent de venir pour l’aider à traiter avec le metteur en scène. Pour bien marquer son mépris envers George Stevens, il mit un point d’honneur à crier « cut » puis pissa en public. Ursula Andress, qui l’attendait à Hollywood, était mal à l’aise : à 19 ans, elle ne comprenait pas, contrairement à Liz, ses problèmes. James Dean a refusé de se présenter à un appel un samedi parce qu’il avait prévu de déménager ce jour-là. Une semaine plus tard, il arriva tard le jour où Mercedes McCambridge était à l’heure, même si la veille, elle avait été envoyée à l’hôpital pour des points de suture après une mauvaise chute. George Stevens l’a habillé puis a quitté l’ensemble et a laissé un assistant pour diriger les scènes de l’acteur.

            Au cours du tournage James Dean est apparu dans une publicité de télévision en noir et blanc dans laquelle il a répondu aux questions posées par l’acteur Gig Young. Ironiquement, Dean était en train de promouvoir la conduite en toute sécurité et a informé les téléspectateurs: « Les gens disent que la course est dangereuse, mais je préfère tenter ma chance sur la piste n’importe quel jour plutôt que sur l’autoroute ». Avant de quitter le studio, il ajouta un conseil : « Conduis en toute sécurité, car la vie que tu sauves peut être la mienne ». Dean portait le chapeau et les vêtements qu’il portait pour ce film tout au long de la publicité. Trois jours avant le début du tournage, James Dean avait pourtant participé à une course automobile à Palm Springs. Quand Stevens l’a découvert, il a insisté pour que l’acteur ne soit autorisé à courir qu’après la fin de la production. Le jour où il a terminé sa dernière scène, James Dean avait une nouvelle Porsche Spyder. Mercedes McCambridge a été la première personne à monter avec lui. Quand il a accéléré sur le champignon, la Warner l’a empêché de la conduire le temps du tournage.

Makinf off

Sortant de Johnny Guitare (N. Ray, 1954), Mercedes McCambridge, indécrottable démocrate, apprécie peu le réactionnaire Texas. Mal mariée à un producteur, elle s’abrutit au bourbon. Son mari, plus tard, se suicidera après avoir tué sa deuxième femme et ses deux filles. Elle n’a pas eu de chance sur le tournage : la chaleur était si grande que son maquillage a fondu sur sa peau, créant une grave infection qui lui a laissé le cou cicatrisé. Les risques du métier ! Une nuit pendant le tournage, Mercedes McCambridge et James Dean, qu’il nommait hors champ « Madama » et qui a été intégré dans le film, étaient si fâchés contre George Stevens qu’ils se sont assis en consommant un pot de beurre d’arachide, une boîte de crackers, six milkyways et 12 coca.

La date de début du film a été retardée de quelques mois afin que Elizabeth Taylor puisse donner naissance à un fils. Cela permit à Warner Bros de laisser tourner James Dean dans La fureur de vivre (Rebel without a cause, N. Ray, 1955). Liz Taylor est effondrée à la mort de Dean qu’elle couva en de longues nuits de confessions de l’abusé. Les yeux rougis, elle consent à travailler un jour de plus, puis se fait hospitaliser pour dépression. Il est vrai que les divers problèmes de santé, y compris une infection des jambes n’ont pas aidé outre le fait d’être désemparée par des problèmes maritaux avec Michael Wilding. Dans les abîmes, Liz invente un cocktail : vodka, Martini, sirop au chocolat Hershey’s & Kahlua. Cela ne se passe pas mieux avec Stevens : il exige des prises multiples sans expliquer pourquoi ; il offre une nouvelle direction aux acteurs.

Ivan Moffat, le fils de la poétesse Iris Tree, amie de Man Ray, modèle pour Modigliani, est l’un des scénaristes et adaptateur. Il avait travaillé sur Au sixième jour (D-Day the sixth of june, Henry Koster, 1956). Il est communiste américain né à La Havane. Il a vécu à Paris, où il a épousé Nathalie Sorokine, l’amante de Simone de Beauvoir et la maîtresse de Sartre. C’est l’époque de la chasse aux sorcières à Hollywood, et McCarthy traque les dits cocos. Moffat échappe à la purge, et, pour se changer les idées, devient l’amant d’Elizabeth Taylor (23 ans !).

Si dans les films à thèmes concernant le pétrole, il existe Le port des passions (Thunder bay, Anthony Mann, 1953 avec James Stewart et Dan Duryea), il semble que There will be blood (Paul Thomas Anderson, 2007), avec l’exceptionnel musique de Johnny Greenwood de Radiohead ait beaucoup emprunté à Géant, tout en étant original, y compris dans la scène finale avec le duel au sommet entre Daniel Day-Lewis et Paul Dano.

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 13]

tic-tac du temps

et second

pas programmé

flash début

puis plus su

oubli déclare

grossesse – plus

su – qu’au 5e mois

second -verte

frémit à

que 5e – et si ?

failli

2 garçons

1 + 1

bien accueillis

forcément aimante

pierre à pierre

famille

les border les 2

dedans dodelinette

attention pour ses drôles

failli y

mère poule

au parc vert jouasson

au pays des matins calmes

pas un bruit ne sourd

et fleuve près impraticable

remous sables mouvants

fleuve ses lacets

tout s’enlace

pierre qui roule

allers-retours boulot

tic-tac du temps

silence à table

un de plus

autour 4

ronds serviettes

sur nappe

odeur acrylique

synthétique

langues glissent

lors soupe

c’est comme ça

plateau tv regarder

autant en emporte le vent

en boucle

pleurs – neige

puis nuit noire

pierre ne la satisfait

pas rancune

c’est comme ça

simule se résigne

sexe plâtré

en rêve en boucle

pierre qui roule

allers-retours boulot

c’est tout

colchide dans près

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 12]

3 drôles morts

loin dedans

lignée loin

comme ça

fonder famille

pas à pas

sexe plâtré

en rêve

en boucle

silence

tic-tac du temps

début premier flash

ventre rond

se débat dedans

tendu assiette dessus

rires renoué par fils

de 3,7 kg plus

bru-mâle et si ?

se calcine sangs

tic-tac du temps

silence à table

odeur nappe acrylique

rouge sur blanc

synthétique

ronds serviettes

un drôle autour

pain du bourreau

dit-il au

pain inverse

couteau dedans

langues glissent

lors soupe

au lit

dedans noir

ne la satisfait

pas rancune

alors simule

se résigne

cadette des 7

en rêve

sexe plâtré

en boucle

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 11]

pudeur pierre

veut beaucoup d’enfants

assure fonder

famille pierre

à pierre

c’est comme ça

amour pudeur point

sexe plâtre

en rêve

en boucle

couée d’enfants

rando week-ends

moto allers-retours

jeune couple

heureux forcément

vivre cachés

sérieux pierre

ne la satisfait

pas rancune

c’est comme ça

s’enzute

lors devoir conjug

imparfait alors

simule jusqu’au bout

se résigne forcément

amour pudeur

en silence

c’est comme ça

jeune couple

heureux cachés

ménagère de

moins de

tv en fond

en boucle

vivre cachés

tic-tac du temps

et 2 garçons

c’est tout

1 + 1

pas programmés

pierre à

pierre famille

prend comme

ça vient

un à un

intervalle

2 ans

bien accueillis

ça va

comme

ça vient

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 10]

rando week-end

allers-retours moto

tête corps

sexe plâtré

en rêve

en boucle

pierre assure

en silence

bon parti

dit-il – papa –

a un bout d’benasse

puis bancher

tic-tac du temps

cadette des 7

devient madame

bouquet blanc sur

robe noire

effacée en

silence

tous priés de la noce

l’oiseau va sortir

pierre fixe objectif

dragées des mondes

ouistiti

elle sur photo

en négatif

en noir

effacée forcément

toute crachée

totale pour la der

________________ et pour le pire

s’assument

petit à petit

oiseau fait

pas à pas

jeune couple

heureux forcément

vivre cachés

plus-que-parfait

pierre sérieux

pierre diplômes

pierre cadre

pierre fort

ils s’aiment

en silence

c’est comme ça

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Poésie, compte rendu] Quelle performance « À voix haute » !

Publié sur Sitaudis de Pierre Le Pillouër : http://www.sitaudis.fr/Parutions/a-voix-haute-de-jan-baetens.php

Une œuvre cohérente

            Dans son projet d’exercice systématique de lucidité salutaire à l’égard de la poésie contemporaine, À voix haute complète Pour une poésie du dimanche (2009), une pochade critiquant avec drôlerie et contraintes les pièges de la professionnalisation du poète contemporain, et Pour en finir avec la poésie dite minimaliste (2014), livre polémique et important contre la poésie se pensant essentialiste sous couvert de philosophie avec force blancs.

La structure d’À voix haute est identique à celle de Pour en finir : un essai, ici plus développé, puis un panorama de la poésie contemporaine dont Vincent Tholomé, que le compatriote Jan Baetens admire, est un point commun (Tholomé improvisateur, entre Tarkos et Cage ; Retour au livre : Vincent Tholomé). Les parties du diptyque se répondent outre quelques redites.

C(H)annibal lecteur

Le cadre est net : « À voix haute n’est pas un pamphlet contre la lecture publique de la poésie » ; il s’agit « d’examiner le pour et le contre des lectures publiques, devenues aujourd’hui presque banales » ; « sans prétendre que la seule lecture valable est la lecture silencieuse, on a voulu lire comment les auteurs eux-mêmes décrivent les rapports entre l’écrit et l’oral ». Le ton n’est cependant pas neutre puisque Jan Baetens se propose « d’attirer l’attention sur les dangers de l’esprit du temps qui force les poètes à se produire en public » (p. 10), « d’examiner les malentendus qui naissent d’une approche peu réfléchie des liens entre l’écrit et l’oral » (p. 22). En résumé, la lecture publique n’ose pas aller au bout de sa logique, qui serait de cesser de se penser comme « mise en voix d’un texte ». Elle est surtout devenue un rite imposé de force à des formes de poésie qui ne peuvent qu’en pâtir. A bon entendeur ! Le regretté Denis Roche aurait opiné du chef.

« Flip-flap » vs « vroum-vroum »

            Le sous-titre est explicite : poésie et lecture publique. Lecture en public serait plus juste. La consistante introduction énonce, de façon balancée, les arguments du débat (p. 13-16, p. 22) entre les « flip-flap » (Christian Prigent), Roubaud, Smirou et consorts, et les « vroum-vroum » (selon le bourreau Roubaud) comme Blaine, Bobillot et alii. Si la bibliographie est roborative, il est à regretter, côté « vroum-vroum », l’absence de la mention de Disputatio XXI[1].

Sans prendre parti, cela n’est pas aussi simple ! Le livre repose essentiellement sur Dire la poésie[2], ouvrage dirigé par Jean-François Puff. Ce dernier, clairement partisan de Roubaud, puisqu’il en est l’un des spécialistes, n’a-t-il pas largement collaboré à Formes Poétiques Contemporaines (FPC) et Formules, revues dont Jan Baetens fut respectivement rédacteur en chef adjoint et membre du comité de lecture ?

Jan Baetens semble parfois plus du côté des Anciens que des Modernes, si cette partition a encore un sens, quant aux rapports entre écrit et oralité. Ainsi il évoque son scepticisme suite à la crise du vers (Mallarmé/Valéry, Roubaud) et de la langue (rejet du phonocentrisme au profit d’une vision grammatextuelle, cf. Derrida) : « Que la poésie d’avant-garde devienne objet à voir ou chose à écouter, la lecture à voix haute devient toujours problématique » jusqu’à mentionner des « Expériences souvent fascinantes, mais tournant parfois à court » (p. 19). Ce passage assez théorique et abstrait est ponctué par une référence BD, dont Jan Baetens est aussi spécialiste[3] comme Benoît Peeters. Heureux mélange dont, à part peut-être Michel Serre, seuls les belges sont capables !

D’autre part, à propos du poème fondateur Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, césure fondamentale, c’est omettre un peu vite le fructueux « verbi-voco-visuel » des frères De Campos. Quid du rapport entre la voix et la poésie visuelle ? Où sont les simultanéistes (Divoire, Voirol, Barzun, Beauduin, etc.) si peu étudiés sauf par Bobillot et Krzywkowski ?

Histoire de la lecture publique

Si la première partie, consacrée à l’histoire de la lecture publique, est qualifiée justement de petite, il est à regretter l’impasse sur les aèdes (p. 13)[4], la glossolalie[5], les troubadours[6] et autres[7].

            L’étude du régime rhétorique traditionnel débute avec l’inévitable histoire des salons vers 1830 et la statue du commandeur de l’ogre de Saché, cité en épigraphe, et ses Illusions perdues. Si l’(auto)critique est féroce à l’égard des romantiques, la récitation n’est aucunement remise en cause. Seules sont interrogées la sociabilité artistique et ses stratégies sociales. Voici que pointe la référence obligée : Proust. Ici, « le lien entre lecture et sociabilité se dilue », l’anonymat règne et « le rapport entre récitant et public se perd au profit de la seule relation entre les assistants » (p. 47). Résultat : une « comédie sociale et goût de flatterie, rivalités mondaines et paternalisme » (p. 52). Chez Joyce, c’est la « croyance rhétorique à l’échange entre l’écrit et l’oral » (p. 36) qui compte.

Le point commun entre ces trois auteurs ? « La présentation de la poésie sous forme de lecture à voix haute est un repoussoir au travail des écrivains eux-mêmes » (p. 55).

            Un heureux pas de côté est esquissé avec le chapitre Lire en librairie (La Maison des Amis des Livres d’Adrienne Monnier) où se croisent « l’aller-retour entre l’écrit et l’oral » et « l’oralisation croissante de la poésie » (p. 57).

            La voix retrouve sa place après la seconde guerre mondiale grâce au Black Mountain College (1933-1957 ; le « projective verse » d’une poésie « open field » d’Olson avec improvisations et poétique du rythme produites par le corps), aux soirées beat (Howl de Ginsberg, Six Gallery, Frisco, 1955), au disque et à la radio (Poésie ininterrompue, Claude Royet-Journoud, 1975-1979), au slam (Marc Smith, Chicago, 1984 mais les Last poets avant). Sur ce dernier point : quid des scènes plus vastes du spoken world dans le monde anglo-saxon, de David Antin ou encore de Christophe Tarkos ? La poétesse Katia Bouchoueva, membre du Syndicat des poètes qui vont mourir un jour et médiatrice culturelle à la Maison de la poésie Rhône-Alpes, slame-t-elle lorsqu’elle récite en scandant (p. 67, p. 79, p. 90, p. 128-129) ?

            Hommage au centenaire du Cabaret Voltaire, est évoqué l’ « homme approximatif », Tzara. L’avant-garde « s’attaque aussi bien aux formes de la poésie qu’à la poésie comme pratique sociale » (p. 71) par « la conversion du langage en  « chose à voir«  », par « l’intégration de sons et de bruits » (p. 72). Futurisme, dada (via un sobre Bobillot également, pas si « vroum-vroum », en regard des expressions de Lespinasse), lettrisme, Ubuweb de Goldsmith sont survolés. Jan Baetens, dans le sillage de Roubaud, se méfie des effets gratuits.

Réflexions

L’actuelle tyrannie de la lecture, parfois mentionnée dans les contrats d’édition dans la partie promotion/communication, est décortiquée (sociologie, politique, histoire) alors que, à l’ère de la digitalisation (p. 85), le besoin de lecture en public n’a jamais été aussi pressant. Les acteurs publics (Etat, collectivités territoriales, softpower) sont omniprésents. Le système anglo-saxon n’est-il pas différent (scène et édition universitaires, scènes libres, philanthropie, mécénat) ? Les structures de médiations augmentent cependant, tout comme l’offre. Jan Baetens dénonce les effets de système : publicités, marketing, communication où l’homme l’emporte sur l’œuvre (p. 84 : Houellebecq qui se targue d’être poète par exemple ?) au sein d’un système capitaliste. Baetens critique la hiérarchie rigide inhérente aux lectures publiques. Certains comme Jean-Marie Gleize (Lire la post-poésie, p.123-130) ou Patrice Luchet (collectif BoXoN) arrivent à dépasser cette séparation arbitraire. Sur les limites de la lecture, fondées en partie sur une citation d’Hanna (p. 88-89), qu’il soit permis de remémorer ceci : M², participant à la première Nuit blanche à Metz à la médiathèque du Pontiffroy, avait lu un texte sur les bibliothèques qui mit en fureur le directeur de l’établissement culturel ; quand il vit la participation de Fiat, il a lu un texte critique, armé d’un fusil d’enfant en guise de guitare, qui excita violemment certains artistes excédés. L’exception confirme la règle ?

La dimension littéraire est abordée avec la focale réglée sur la rupture entre l’écrit (imprimé) et l’oral (scène) où le conflit « flip-flap »/« vroum-vroum » ressurgit. Si Baetens démonte la thèse stupide de la disparition de l’avant-garde et de la modernité après 1980, notamment dans Providence de Cadiot (p. 91-93), suivent des redites (p. 93-94) nourrissant la thèse discutable de l’omniprésence de la « poésie extrême-contemporaine » (mais qu’est-ce donc, outre les exemples cités ?) dans les lectures publiques alors que la poésie lyrique revient malheureusement en force. Plus intéressante est l’approche transmédiale (p. 95-96), déjà théorisée par Dick Higgins (« intermedia », Fluxus, années 60) et l’ « œuvre ouverte » (1962) d’Umberto Eco, de l’ « espace augmenté de la poésie » (Rosalind Krauss, 1979), de la logique du texte « différentiel » (Marjorie Perloff, 2006).

            Qu’est-ce que lire et performer ? Pour Siméon, « lire, c’est transmettre un sens [souligné] » (p. 99). Et s’il s’agit plutôt, contre cette conception classique, de transmettre des impressions ? Le décalage revient à la charge : le refus de « bien lire » (Hocquard), le rythme et le volume chez Prigent, même si cela sonne faux et systématique voire dogmatique (la lecture à haute voix « cesse d’être naturelle », p. 19). Enfin, les solutions intermédiaires apparaissent : la littéralité chez Molnar avec son écriture phonétique, Godard d’Une femme est une femme (1961). L’enjeu devient esthétique et politique avec la mise en espace et la mise en scène de la voix qui lit un texte littéraire (p. 103). S’opposent la « forme simple » (voix) et la « forme augmentée » (paramètres et signes ; corps, dispositifs). Entre, interviennent des solutions intermédiaires (images, mime, musique). Un développement aurait été utile. A noter que la musique illustre souvent le texte sans apport réel. Ce passage théorique sert de transition à un bref panorama de la poésie contemporaine, nourri parfois de l’expérience de spectateur. Les études sont inégales. Certains passages remémorent les commentaires composés, bien nécessaires cependant pour la précision de l’analyse. Deux chapitres sont issus d’article (Documents, circonstance, poésie : Florence Pazzottu, p. 131-139) ou de colloque (Le « dépliage parlé » : Vincent Broqua, p. 169-174).

Instantanés

Mises en abyme

            Danielle Mémoire, dans Lecture publique suivie d’un débat « explore l’impossible coïncidence de l’écrit et de l’oral » (p. 110). Baetens déploie la boîte à outils sur l’aspect fictionnel : l’autotélique, la métalepse, les récits à tiroirs ; la question des rôles, des liens voix/vue, de la ponctuation. « Mais ce qui se lira ne sera ni le même texte, ni la même expérience » (p. 114). Affublé de l’étiquette de « poète extrême-contemporain » (p. 115), J.-J. Viton est analysé à son tour à propos du conceptuel Les Poètes (Vestiaires). Viton utilise l’approche anthropologique des festivals, selon le principe de la liste, avec l’observation participante dont est exclu le public. Selon le critique, « le problème de l’oralisation du texte est seulement pensé en termes de mise en scène de la parole, non des frictions entre voix et imprimé » (p. 121).

Entre documentarisation de la littérature et document littérarisé, Florence Pazzottu, du côté de la littéralisation indirecte du document dans Alors, rejette « l’idée que la poésie serait capable de transformer tout et n’importe quoi en littérature. Elle attire par contre l’attention sur le geste critique de la poésie, qui ne laisse jamais intact le discours non littéraire. » (p. 138). Dans un retournement final, « Pazzottu « redocumentarise«  sa propre poésie, exhibant ainsi la tension fondamentale entre littérature et document qui maintient l’énergie post-poétique à l’œuvre dans sa récriture d’une performance » (p. 139).

Dans Toxic, son roman graphique – hétérogénéité des sujets d’étude, Charles Burns, comme chez Balzac et Proust, transcrit « la duplicité de la lecture, à la fois genre littéraire et pratique sociale » (p. 160) où l’identité de Doug tente de s’affirmer sur les scènes punk et slam.

Expériences

            Baetens ne cache pas son admiration (différences prises en compte entre voix et imprimé ; posture démocratique) pour le promoteur de la « post-poésie », Jean-Marie Gleize. Il s’agit d’ « une forme d’écriture à la fois tournée vers le monde [poésie objective, minimaliste] et détournée de la littérature comme pratique institutionnelle des belles-lettres et du bien écrire [documents hétérogènes] » (p. 125). L’opposition entre livre et hors livre s’estompe (p. 130). Les frontières entre auteur et public sont également effacées : le débat, souvent plus long, s’intègre dans la lecture et la modifie, sans populisme. Gleize casse la « disciplinarisation du public », son infantilisation donc. Le texte est transformé par la lecture publique, idée majeure d’À voix haute. L’auteur s’affranchit souvent du texte. Le matérialisme se caractérise par la prise en compte des propriétés du lieu. Pour ma part, je n’ai malheureusement pas été sensible à ces aspects, bercé dans les bras de Morphée grâce à une voix faible, douce et atone.

            La marotte de Jan Baetens est le branchouille K. Goldsmith et son écriture « non-créatrice » (uncreative writing). Le dandy transformiste (apparence, diction, gestion du corps) réfléchit sur les rapports entre littérature et technologie. S’inspirant du centon, des montages dada et des cut-up beat, il découvre la fonction « copier-coller » dans la prolifération, la répétition – notamment des gestes qui ont servi à la production du texte, l’exhaustivité. Pour KG, « la question n’est pas de refaire sur scène ce qui se trouve dans le livre, mais de le refaire en répétant les gestes qui ont servi à la production de ce dernier. […] Le rapport entre texte imprimé et représentation à voix haute prend ainsi une forme diagrammatique […] Elle [sa lecture publique] ne donne pas à voir ce qu’est le poème, mais elle montre ce qu’il fait » (p. 152-153). Sceptique de Fos dirait qu’il s’agit de post néo-objectivisme par un poète pétri d’effets creux qui a suffisamment bien compris les codes de la société du spectacle pour en profiter. Dans une partie plus faible, se situant dans cette mouvance, les vidéos d’Alferi et Cadiot, qui déclara dans une entrevue à Radio France qu’il ne connaissait pas le cut-up pendant l’écriture d’Art poétic’, sont analysées.

Rapports inversés

            Chez le proche et « less is more » Tholomé, aux moyens minimalistes et aux effets maximalistes, « la performance sonore déclenche une production de papier sui generis » (p. 161). Le « flip-back » et « flip-book » Vuaz, avec le rapport inversé entre lettres et ponctuation, en est la preuve avec ses combinatoires infinies. « Vuaz réinvente la lecture à voix haute en régime imprimé, tout en redéfinissant ce que nous entendons par typographie et ponctuation » (p. 167).

Spécialiste des avant-gardes américaines, de Charles Bernstein notamment, à Paris 8, Vincent Broqua développe, dans Récupérer, un livre liquide de « dépliage parlé » à partir de la littérature brésilienne de cordel qui a inspiré l’excellente revue Contra Maint de P. Poyet. Le livre, « où s’assemble ce qui ne se ressemble pas [souligné] » (p. 170) grâce au sampling et à l’uncreative writing, devient processus : « le livre déplié modifie le texte, dont il révèle les potentialités différentielles, puis ces instances d’une nature plus générale que sont l’auteur, le lecteur et tous les intermédiaires de l’acte de lire et d’écrire » (p. 174). C’est le texte, décloisonné, qui prend l’initiative de la performance.

*

À voix haute donne envie de lire, voir et entendre d’autres poètes. Ce livre, instructif, affine ma conception, et donc ma pratique, de la lecture en public : lire transforme le texte ; les personnes ne doivent pas ressortir de la même manière qu’elles sont rentrées ; l’auteur s’efface ; peu performer dans peu d’endroits. Y tendre du moins. Jan Baetens est plus du côté du beau – un minimalisme sincère et non de posture – que du sublime. Le lecteur pourra se reporter vers un utile index. Il est dommage qu’un livre aussi sérieux et important comporte des coquilles (p. 58, p. 109, p. 127).

Baetens, Jan. À Voix haute poésie et lecture publique. Les Impressions nouvelles. 185 p. 978-2-87449-325-6. 17 EUR.

Recensions sur le même livre :

https://le-carnet-et-les-instants.net/…/baetens-a-voix…/ https://dissidences.hypotheses.org/7252

Leduc, Florent. « Aujourd’hui à quoi bon la poésie », Le Soir, 30 juillet 2016

Tholomé, Vincent. « Jan Baetens : À voix haute », CCP, 33-1, Novembre 2016 (http://cahiercritiquedepoesie.fr/…/jan-baetens-a-voix…).

Théval, Gaëlle. « Note de lecture ». Revue Littérature, 4, n° 184, décembre 2016, p. 112-116.

NOTES

[1] Lequette, Samuel (Sous la dir.). Disputatio XXI. Aubenas : Hapax éditions, 2010. Langage critique. 146 p.

[2] Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’expression contemporaine ; Université Jean Monnet (Saint-Étienne) ; Puff, Jean-François (Sous la dir.). Dire la poésie ? Nantes : Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2015. 383 p. L’ouvrage est issu d’un colloque, organisé par le CIEREC dans le cadre de l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, qui s’est tenu du 12 au 14 septembre 2013 au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole et à la médiathèque Tarentaize. Voir la recension de Gaëlle Théval : Fabula

A noter que la bibliographie d’A voix haute est gonflée à cause de diverses mentions de contributions dudit colloque et livre ; une seule référence aurait suffi.

[3] Baetens, Jan. Cent ans et plus de bande dessinée. Impressions Nouvelles, 2007.

[4] Svenbro, Jesper. Phrasikleia : anthropologie de la lecture en Grèce ancienne. Paris : Ed. La Découverte, 1988. Textes à l’appui. Histoire classique; n°188. 266 p.

Gentili, Bruno. Poesia e pubblico nella grecia antica : da Omero al V secolo. Roma : Ed. Laterza, 1989. Edizione riveduta e ampliata Biblioteca Universale Laterza ; n° 294. VIII-430 p.-[7] p. de pl.

Valette-Cagnac, Emmanuelle. La lecture à Rome : rites et pratiques. Thèse de doctorat : École pratique des hautes études : Sciences religieuses : 1993. Thèse soutenue sous le titre Anthropologie de la lecture à Rome. [Paris] : Belin, 1997. L’Antiquité au présent. 332 p.

[5] Pozzo, Alessandra. La glossolalie en Occident. Préface de Jacques Roubaud. Paris : les Belles lettres, 2013. 449 p.

[6] Roubaud, Jacques. La fleur inverse : l’art des troubadours. Paris : les Belles lettres, 2009. 2e tirage de la 2e édition révisée et augmentée d’une postface. Architecture du verbe ; n°2. 357 p.

Vitz, Evelyn Birge; Regalado, Nancy Freeman et Lawrence, Marilyn. Performing medieval narrative. Cambridge; Rochester, NY : D.S. Brewer, 2005.

[7] Manguel, Alberto. Une histoire de la lecture. Essai trad. de l’anglais par Christine Le Bœuf. Arles : Actes Sud, 2012. Babel ; n°416. 515 p.

Hoffman, Tyler. American poetry in performance : from Walt Whitman to hip hop. Ann Arbor : University of Michigan Press, 2011. 271 p.

Ghazzali, Lahouari. La poésie à voix haute : pour une poétique de la récitation arabe moderne. Sous la direction de Madame le Professeur Rita Mazen. Thèse de doctorat : Cultures et sociétés dans le monde arabe et musulman : Bordeaux 3 : 2010. Université Bordeaux Montaigne. 2010. 490 f. + un DVD audio.

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 9]

tic-tac du temps

chute de la place

en boucle

acoustant pierre

chute du mur

en boucle

au fur accolés

et à bises

partout se binent

ils s’aiment

en silence

c’est comme ça

pierre à pierre

amour pudeur

c’est tout

s’accointer

charissant pierre

tic-tac du temps

première fois

se débillent

perce cri

rouge sur blanc

compliqué dedans

tête corps

silence organes

sexe plâtré

en rêve

en boucle

sang sur

dedans baignoire

  • nul corps –

femme donc

amour pudeur

ils s’aiment

c’est tout

accordailles

pierre assume

cadette des 7

vit en couple

cadette des 7

s’isole lire

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

Faire Diligence pour l’étoile

th

La Diligence à Montpellier, repris par Jérôme Chaneguier et Cédric Lavergne,  dans un charmant palais XIVe du pote de Jacques Cœur avec une exceptionnelle cave à wiskhy.

Une mise en bouche avec crème de potiron et gressins, un samossa de veau. Un bouillon de bœuf au coriandre. A travailler.

J’en pince pour le homard qui m’a tué avec le jeune d’œuf, iode, concombre, poirot, aneth, céleri et le jeune tatoué Thomas Réa aux fourneaux. Un old Purdney de 10 ans d’âge avec.

Noisette de cerf rôti, digne du kvarnen de Stockholm, et sa croquette de civet, céleri rave, trompettes de la mort de la renommée et coing avec changement de verre pour un fameux Highland Park distilled de … 20 ans d’âge ! Exceptionnel bouquet.

Granité Jean-Louis Denois : champagne et pamplemousse pour trou normand.

Tarte au chocolat fumé au thé du Tigre, un thé noir chinois, du Palais des thés avec un drôle d’arrangement wiskhy, The spice tree (compass box).

Février, le Michelin y décernera son étoile ou pas.

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 8]

allers-retours

compliqué dedans

ça ne sort pas

même comme ça

tête corps silence

rien à faire

stress est masse

bru-mâle

tic-tac du temps

un devant tanks

chute de la place

en boucle sur tv

dedans cafét

cadette des 7

effacée forcément

vu pierre

qui roule

dedans cafét’

au devant de

chut

e

du mur

09/11

pierre blanche

étudie pierre

forcément

allers-retours

assidu pierre

tout doucieux

parle pour deux

désennui écoute 

dur être cadette des 7

et veille au soir

balades à moto

fleuve ses lacets

allers-retours

s’enlacent au

fur et à

sérieux pierre de

touche au cœur

gaie simple

calme douce

rires complices

tout tourne si rond

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 7]

tic-tac du temps

au fur et à

poils + seins

pas à pas

sexe plâtré

en boucle

en rêve sang

dedans pubère

dedans baignoire

cris panique

silence organes

dégoût

impure de ses règles

dit livre des livres

femme donc à c’t’heure

fleuve près

sables mouvants

remous sang dedans

elle dehors là

dedans baignoire

rouge sur blanc

taiseuse forcément

pleurs plaintes

pis brume plante

mieux au fond

du trou a-t-elle dit

tampon serviette hygiénique

dedans baignoire

brune boulotte

se sent sale

dedans salle

de bain en silence

malgré elle

  • nul corps ai –

compliqué dedans

silence organes

ne se livre

effacée forcément

le nier le corps

il ment dedans

tête sexe plâtré

en rêve en boucle

corps dernière nié

dedans tête

tampon serviette hygiénique

thriller zombies

en boucle

remous sables mouvants

tout bouge dedans

tout tourne

téléphone cendrillon

elle oublie le temps

dans ce palais d’argent

  • la ferme –

en boucle

tube tourne

mais autour de moi

tout tourne si rond

ça (ça)

c’est vraiment toi

ça se sent

p’tit déj’ bus

bon an mal

fac socio

IN-DIS-PEN-SABLE

la fac

allers-retours

sans conviction

trop socio

social sociétal

faut diplôme

dit-il études

parc’qu’il faut

c’est comme ça

juste ce qu’il

ni plus ni

allers-retours

deux ans DEUG

fin quelle util

si pas boulot

à la clé mieux

au fond du trou

dit-elle effacée

s’isole lire

panique oral

trop timide avec

trouver clef silence

CV BAC + DEUG

juste ce qu’il

ni plus ni

redoubler encore

allers-retours

tête corps

compliqué dedans

sexe plâtré

en rêve

en boucle-la

silence

c’est comme ça

panique redouble

en boucle

avaler livres

IN

DIS

PEN

SABLE

un à un

en silence

parce qu’il faut

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 6]

fleuve près impraticable

remous sables mouvants

au fond du trou dit-elle

camper décor

nulle description

tout s’enlise

en silence

fleuve ses lacets

tout s’enlace

au fond du trou

p’tit déj’ bus

dictée passable

craie sur

tableau crisse

blanc sur noir

réciter vite

prince poète d’à côté

dans laquelle il fait son nid

bien garni

de laine et de fine soie

où ses petits écloront

qui seront

de mes mains la douce proie

mur classe

carte monde

où europe

au milieu

de là chorale

colchide dans les prés

colle cléopâtre

spatule amande synthétique

compo passable

entrelacs juste

ce qu’il ni plus ni

à part ne se

confier à qu’à soi

pas récré

vivre heureux

vivre cachés

en boucle

juste basse-cour

enclos rassure

fidèle fifi

jouer en carroué

au râle

fixer long

pieds de vent

fixer foyer feu

contrecœur

faire veillon

s’agrouer au feu

7 autour

abrier le feu

brandon brûle

le tuer

sœur du jour

au lendemain

crépite

sans annonce

cadette des 7

connaît pas

date anniversaire

couleur yeux

ses frères et sœurs

mal à parler de

aucune anecdote

sur cadette des 7

yeux sur chaussures

c’est comme ça

silence dur

trouver place

parmi 7 peu

sur photos de famille

une de plus même

à demi ils s’aiment

pas dit aux enfants

qu’attendre enfant

c’est comme ça

préau dessous

à part cadet

de parmi récré

timide sur

elle-même

enfer marelle

colchide dans les prés

à la der

cadette des 7

-nière chassée

s’en faire passe-

inaperçue passe

sur négatif

aucune anecdote

blanc sur blanc

carnet passable

élève timide

en boucle

noir sur blanc

effacée l’élève

forcément

c’est comme ça

s’isole lire l’élève

ça passe

vivre heureux

en boucle

pas pour cacher jamais

se fondre dedans

jusqu’effacée

silence

c’est comme ça

récré exclue

discussions entre

chez à soi

s’isole en silence

devoirs avec tv

en fond en boucle

odeur nappe acrylique

synthétique p’tit déj’

bus drôlière

yeux – quelle couleur ? –

sur chaussures

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 5]

ils s’aiment

c’est tout

ni mariage

ni baptême

nulle dragée

pas de fête

de famille jamais

pas de temps

vaquer à

pis brume plante

pas besoin

ils s’aiment

c’est tout

heureux cachés

en boucle discret

aucune anecdote

sur cadette des 7

effacée forcément

ne pas s’étaler

devant famille

peur on-dits

ne pas étaler

des fois que

cadette des 7

connaît pas

couleurs yeux

ses frères

ses sœurs

vacance mémoire

vaquer à

pis brume plante

cadette des 7

connaît pas

date anniversaire

ses sœurs

ses frères

pas le temps

vacances parfois

courtes forcément

VROUM à la mer

7 dedans 2 CV

la mer la voir

et revenir

7 c’est cher

pas de temps

terre n’attend

pas d’anecdote

peu souvenirs

sur cadette des 7

peu sur photos

famille effacée forcément

pas sûre

toute crachée

cadette des 7

pis brume plante

air vague

pas raconter vacances

au préau dessous

ne pas récré à part

timide cadette des 7

réservée forcément

rédac’ difficile

sur vacances

noir sur blanc

passable sur

photo classe

en négatif

brune boulotte déjà

  • nul corps ai-je dit –

à part

s’inventer ami

comme confident

pas sûre

cadette des 7

s’isole lire

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[ciné] Une découverte : Propriété privée

Propriété privée, Private Property, USA, 1960, 1h19, N & B, 1:66

image-1

Who’s Leslie ?

Fils d’un vice-amiral de la marine américaine, Leslie Stevens écrivit une pièce au Mercury Theatre d’Orson Welles, avec qui il collabora quelques temps. Il devint scénariste pour Arthur Penn notamment (Le Gaucher, The left handed gun, 1958 d’après la pièce de Gore Vidal). Il tournera, sans succès également, peu de films : Incubus (1966), un film d’horreur dialogué en espéranto avec William Shatner, le capitaine Kirk de Star Trek, et l’ultime Three kinds of heat  (1987). Il est plus connu à la télévision grâce à la série de science-fiction Au-delà du réel (1963-1965), Le Virginien, L’Homme invisible.

Conditions spéciales

C’est en voyant la maison d’à côté, inoccupée, que lui vint cette image de deux hommes en train d’espionner leur voisine, ce qui ne laissera pas insensible Brian de Palma (Body double, 1984). Ce sera son premier film : Propriété privée. Il a été retrouvé récemment dans les archives de UCLA alors que tout le monde le croyait perdu. Si la copie est en 4k, nous distinguons des traitements différents pour la restauration de certaines scènes, plus ou moins détériorées, mises bout-à-bout.

Le polar, à l’intrigue qui tient sur un timbre-poste, est écrit, coproduit et réalisé par son auteur pour 60 000 dollars, tourné en 10 jours dans sa propre maison de Beverly Hills à Los Angeles avec sa propre femme, Kate Manx, pour son premier des deux films qu’elle tournera. La Nouvelle vague est passée par là. Il inaugure, en outre, un genre exploré ensuite dans Orange mécanique (A clockwork orange, S. Kubrick, 1971), Les chiens de paille (Straw dogs, S. Peckinpah, 1971), Les nerfs à vif (Cape fear, J. Lee Thompson, 1962 ; M. Scorsese, 1991) ou encore Funny games  (M. Haneke, 1997).

S’il s’agit d’une critique radicale de l’american way of life et du conflit de classe (le mari, agent d’assurance dépensant sans compter, qui ne regarde plus sa femme-trophée, parfumée et en nouveau « négligé », dame au foyer, faisant partie des meubles et attendant son argent de poche; « Cette femme-là ne poserait pas un regard sur vous. Laissez-moi vous dire une chose : tout est divisé en groupes, bien séparés, comme les oiseaux, les animaux, les reptiles. Un oiseau ne féconde pas un serpent. C’est impossible. Idem chez les humains. On ne mélange pas les groupes » dit le riche directeur commercial enlevé dans sa Buick skylark, dont il est si fier, dès une station-service par deux hommes semblant sortir de La route, The road, de Kerouac), il est également question, dans cette série B plus digne d’Alfred Hitchcock présente (Alfred Hitchcock Presents ; l’un des deux garçons se renseigne sur la présence dans les environs de la villa d’un certain Mr Hitchcock), qui a nourri Psychose (Psycho, 1960) que de Fenêtre sur cour (Rear window, 1954), du délitement d’un couple, certes pas sur le mode rosselinien ou bergmanien. Stevens refit jouer à Kate Manx un autre rôle de femme assaillie, chair à viol, dans Hero’s island (1962), film moins maîtrisé formellement. La réalité dépassa la fiction : elle demanda le divorce en 1962, juridiquement sordide, accusant son mari de cruauté ; elle se suicida en 1964 en avalant une dose massive de médicaments, laissant derrière elle un fils en bas âge.

Dans une ambiance qui remémore Le voyage de la peur (The hitch-iker, 1953, Ida Lupino, d’après des faits réels ; Festival Lumière 2014) et Reflets dans un œil d’or (Reflections in a golden eye, J. Huston, 1967 d’après le célèbre roman de Carson Mac Cullers), Corey Allen joue dans un rôle de sale type, Ducke –  amoureux ou méprisant, travaille-t-il pour son complice ou pour lui ? -, déjà inauguré chez Nicholas Ray, face à James Dean, dans La Fureur de vivre  (Rebel without a cause, 1955) et Traquenard (Party Girl, 1958), et Warren Oates, débute ici pour son 3e film, en puceau frustré, une carrière qui sera marquée par le Nouvel Hollywood, Sam Peckinpah et Monte Hellman notamment. La lecture homosexuelle est permise d’autant que, dans l’esprit de Des souris et des hommes de Steinbeck, le fruste, riant bêtement et faisant des reproches enfantins, et le malin dragueur, inséparables, l’un interprète un impuissant lors du viol pour sa première relation avec une femme, Duke raille Boots en lui lançant qu’il préférerait un vieux mec riche.

Image impeccable

     Le magnifique noir et blanc, jeux d’ombres et de lumières wellsiens, est signé du chef opérateur Ted McCord, directeur de la photographie du Trésor de la Sierra Madre de John Huston (1948) et d’À l’est d’Éden d’Elia Kazan (East of Eden, 1955 d’après un écrit de Steinbeck) ou encore chez Curtiz. Sans atteindre le formalisme du flippant Seconds, l’opération diabolique (Seconds, J. Frankenheimer, 1966), où la thématique prédomine dans le cinéma américain des années 70 ou Nouvel Hollywood, avec un danger qui ne vient plus d’étrangers lointains mais s’immisce, à la Théorème ( Teorema, P. P. Pasolini, 1968) dans un décor quotidien et s’introduit au cœur même du foyer, la scène de bataille dans l’eau et à l’air libre est incroyable avec ses prises de vue où les corps s’entremêlent comme une sculpture.

Le jeune cameraman Conrad L. Hall, futur directeur de la photographie de Luke la main froide (Cool hand Luke, Stuart Rosenberg, 1967), Butch Cassidy et le Kid (George Roy Hill, 1969) et American beauty (Sam Mendes, 1999), multiplie les gros plans, de visages notamment, la profondeur de champ, les contre-plongées qui changent le sens du film en une bascule étouffante. Un travelling montrant Ann et Duke danser jusqu’à se placer derrière une cage à oiseaux est lourd de sens. Il est rare de voir un filet de fumée sortant du fut du canon après le coup tiré. Dans une scène voyeuriste, métaphore d’Hollywood, la caméra cadre comme un ensemble, une scène télévisuelle, depuis l’arrière du canapé posté devant une fenêtre de la maison vide, les deux voyeurs et leurs commentaires lamentables, la bourgeoise esseulée blonde aux doigts et aux jambes interminables qui s’offre ingénument à leur propos salaces, puis une colline de Los Angeles comme décor en contrebas.

     So what ?

     Le film, bref, scandalisa avec ses références sexuelles explicites, son voyeurisme (femme se dandinant au bord de la piscine, caressant lascivement une bougie lorsque son mari lui parle d’opération financière, sa posture offerte devant le canapé, son relevé de jupe pour tenter de séduire son mari, spectateur en attente de viol).

Un film intéressant oblitéré par la répétition d’une parodie de Boléro de Ravel pour suggérer la montée de tension williamsienne.

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 4]

zoom

cadette des 7

née cordon

autour cou

bleu bébé

failli

cadette des 7

taiseuse forcément

brune boulotte

  • nul corps ai-je dit –

couleur yeux ?

papa pudique

ne sait pas

  • nul corps ai-

réservé forcément

père

cadette des 7

taiseux pis

brume plante

ils s’aiment

c’est tout

famille peu

démonstrative

tic-tac du temps

pas dit aux enfants

qu’attendre enfant

failli y

sœur du jour

au lendemain

crépite sans

annonce à

veille ou soir

fête enfants

ne sait pas

chassée

cadette des 7

veille au soir

fête enfants

ne sait plus

peu importe

se sent en trop

cadette des 7

réservée forcément

on-dits

vivre heureux vivre cachés

en boucle sa

phrase à lui

père taiseux

tic-tac du temps

pas fêter

anniversaire

failli y

nul fumet

souffler bougies

gâteau pas

en trop

cadette des 7

réservée forcément

peu sur

photos famille

peu sûre

où c’est qu’il est le rara

le tutuce et le cokoi

en boucle

failli y

veille au soir

chassée cadette des 7

effacée forcément

photos famille

toute crachée

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 3]

se joindre à

rebours foyer

au sortir table

pleurs plaintes

sans cesse

dur 7

mieux au fond

du trou dit-elle

juste la vie

épaule mari

tic-tac du temps

1 + 1

foyer labeur

au jour le jour

c’est la vie

pas à pas

famille unie pour

ils s’aiment

en silence

c’est comme ça

peu de bises

pas fêter anniversaire

ni mariage

ni baptême

c’est comme ça

pas de fête de

famille jamais

inutile s’adonne

terre seule

ils s’aiment

plaintes pleurs

pis brume plante

pas une vie

mieux au fond

du trou dit

maman à bout

sang baignoire

un à un

dedans trou

pas à pas

8 ans

enfants réclament

maman leur

3 drôles morts

côté mère loin

fond du trou

derrière loin

silence râles pleurs

à bout

ni fleur

ni couronne

rouge sur blanc

baignoire

papa taiseux

pudique forcément

on-dits

1 + 1

drôles réclament

maman leur

famille nombreuse : 7

un de plus

un de moins

c’est tout

au fond du trou

dit comme ça

3 drôles morts

loin dedans

lignée loin

c’est comme ça

au trou 8 ans

flashes caméras

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

 

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 2]

prendre temps

aller vite

planter décor

pas à pas

nulle description

pas corps

planter agriculteur

taiseux forcément

qualité monsieur

peu importe

taiseux forcément

agriculteur

pudique dit-on

des on-dits

peu importe

famille nombreuse

prend comme

ça vient

pas à pas

1 + 1

ça va

comme

ça vient

pas à pas

7 enfants

pas forcément désirés

jusqu’à 7

bien accueillis

toujours

un à un

pas dit aux enfants

qu’attendre enfant

c’est comme ça

pas le temps

peu importe

un à un

ça c’est fait comme ça

pas à pas

annonce à

1 + 1

taiseuse la

famille forcément

tic-tac du temps

silence à table

7 autour au

fur et à

odeur nappe

acrylique synthétique

ronds serviettes

pain du bourreau

dit-il au pain inverse

couteau dedans

langues glissent

lors soupe

noce de pain

‘vec chinchée d’

elle est saf ça rouille

noyau de

ça saque des dents

luxe miotte

tic-tac du temps

mère au foyer

le fixer là

autour du feu

faire veillon

s’agrouer

au feu

7 autour

brandon brûle

tic-tac du temps

1 + 1

crépite 2

filles cachées

pas dit aux enfants

qu’attendre enfant

dont demi-sœur

pas le temps

maman vaiss

elle effacée

famille travailleuse

jusqu’à que

laborieuse pleure

pis brume plante

papa fier

silencieux

pudique forcément

mère au foyer

sortir table

pleurs plaintes

7 pis en pis

entre biberons

puis labeur

plaintes pleurs

pis brume plante

avec mari taiseux

 

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

 

[ciné] Festival Lumière 2016 Pietrangeli, la découverte

Le bel Antonio

antonio_pietrangeli

Qui est le chaînon manquant, Antonio Pietrangeli (1919, Roma – 1968, Gaeta, noyé sur le tournage de Quand, comment et avec qui ?, Come, quando, perché, 1969, un film sur un couple turinois en crise, terminé par Zurlini) ? L’un des cinéastes italiens les plus novateurs des années 50 et 60 : les plans-séquences, l’usage d’angles non conventionnels, un scénario et un montage fluides évoquant une pluralité de situations sans céder au film à sketchs, un soin particulier dans l’écriture narrative non linéaire, proche de la littérature contemporaine (langues locales, discours subjectif et intérieur, inventions syntaxiques), avec une nette focalisation sur les personnages féminins. A noter un rapport particulier aux autres arts (high et low culture) : chansons de variété, mode, design, architecture.

Après des études de médecine, Pietrangeli devient critique de cinéma dans la pure orthodoxie néoréaliste pour différents journaux (Bianco e nero, Cinema, Fotogrammi et Star). Il fut assistant réalisateur sur Les Amants diaboliques (Ossessione, L. Visconti, 1943) et travailla également sur La terre tremble (La terra trema, L. Visconti, 1948), œuvre-phare du néoréalisme dont Antonio sera emprunt à ses débuts avec une attention particulière sur les costumes, une construction solide des personnages. Il collabora à l’écriture de scénarios notamment pour Gianni Franciolini (Amanti senza amore, 1948; Anselme est pressé, Anselmo ha fretta; La sposa non può attendere, 1949; Dernier rendez-vous, Ultimo incontro, 1951; Les anges déchus, Il mondo le condanna, 1953), Roberto Rossellini (Europe 51, Europa 51, 1952; Où est la liberté ?, Dov’è la libertà…?; Voyage en Italie, Viaggio in Italia, 1954) mais aussi Pietro Germi (Jeunesse perdue, Gioventù perduta, 1948), Alessandro Blasetti (Fabiola, 1949), Lattuada (Sans pitié, Senza pietà, 1948; La louve de Calabre, La lupa, 1953), William Dieterle (Vulcano, 1950 avec le volcan Anna Magnani), Mario Camerini (Due mogli sono troppe, 1950), Camillo Mastrocinque (Quel fantasma di mio marito, 1950), Luigi Comencini (La traite des blanches, La tratta delle bianche, 1952), Giuliano Biagetti (Rivalità/Medico, 1953). Alors qu’il commence en 1953, pour un total de 11 films en 15 ans, il vire souvent dans la comédie dès 1955 (Le célibataire, Lo scapolo avec le romain Alberto Sordi et Sandra Milo, Nino Manfredi). Outre Suso Cecchi d’Amico, scénariste entre autres de Visconti, avec qui il se penchera sur La carrozza del S.S. Sacramento finalement réalisé par J. Renoir (Le carrosse d’or, 1952 avec Anna Magnani), il s’y collera, même quand les films sont plus dramatiques, avec Ettore Scola, qui débuta au cinéma avec Antonio, et Ruggero Maccari, parfois avec Agenore Incrocci et Furio Scarpelli (Age et Scarpelli), les quatre grands scénaristes et piliers de la comédie à l’italienne. Il côtoya aussi les auteurs Lucio Battistrada, Ugo Pirro, Franco Solinas et Cesare Zavattini.

Il réalisa Souvenir d’Italie (1957; œuvre chorale mais la moins personnelle avec Vittorio de Sica, Massimo Girotti et Alberto Sordi). Le portrait de femme, trait dominant, entre mélodrame et comédie, de son cinéma en plein boom déclinant avec exode rurale et nouvelle bourgeoisie, peu présent dans le cinéma italien à part Le chemin de l’espérance (Il viale della speranza, Dino Risi, 1953 avé Marcello) ou Le Signe de Vénus (Il segno di Venere , Dino Risi, 1955 avec Sophia Loren, Vittorio de Sica et Raf Vallone) se poursuivit avec l’étude d’un couple milanais (Les époux terribles, Nata di marzo, 1958). Adua et ses compagnes (Adua e le compagne, 1960) évoque 4 putes qui ouvrent un resto après la fermeture des maisons closes suite à l’adoption de la loi Merlin. Dans La fille de Parme (La parmigiana, 1963), d’après le roman de B. Piatti, Catherine Spaak incarne Dora, une femme spontanée, innocente en butte à des hommes mesquins et opportunistes voire lâches. Annonces matrimoniales (La visita, 1963) évoque une histoire d’amour impossible entre Sandra Milo et François Périer. Le cocu magnifique (Il magnifico cornuto, 1964) est une comédie d’après une pièce de F. Crommelynck.

Fantômes à Rome, Fantasmi a Roma, Jour 8, samedi 15/10/16, Pathé Bellecour, salle 2

Fantômes à Rome, Joyeux fantômes, Fantasmi a Roma, Antonio Pietrangeli, 1961, couleur (Estmacolor), numérique, 1h45, 1:85.

 index

Charmants fantômes

 Présentation

       C’est l’une des rares personnes sympa, quoique branchouille, de l’équipe de l’Institut Lumière, qui présente. C’est une comédie italienne à effets spéciaux de Pietrangeli. Il lui sera reproché de ne faire que des comédies pures et simples, ce qui est faux. Scola et Risi, plus décapant, seront ses héritiers. Le film a également été traduit en France par Joyeux fantômes. Sorti en 1961 en Italie, le film ne sera sur les écrans français qu’en 1965. C’est l’un de ses films les plus

connus, notamment par le nouveau procédé couleur avec surimpression. Ce sera un échec en France.

Fantômes en plein boom

Fantômes à Rome est un film singulier au regard de la riche filmographie concernant les fantômes, héros dès le début du cinéma avec Méliès, comme un négatif révélant l’image sur la pellicule. Le fantôme est inquiétant dans Que la bête meure (Claude Chabrol, 1969), déchirant dans Crossing Guard (The Crossing Guard, Sean Penn, 1995 avec Jack Nicholson, Anjelica Huston), tourmenteur dans Fantôme à vendre (René Clair, 1935) et L’esprit s’amuse (Blithe spirit, David Lean et Noël Coward, 1945 avec Rex Harrison et un oscar pour les effets spéciaux), passionné dans Sueurs froides (Vertigo, Hitchcock, 1958), Obsession (Brian de Palma, 1976) et sublime dans l’Aventure de Mme Muir (The ghost and Mrs Muir, Joseph L. Mankiewicz, 1947). Ils connaissent les crises conjugales (Le Couple invisible, Topper, Norman Z. McLeod, 1937 avec Cary Grant), les problèmes de voisinage (Beetlejuice, Tim Burton, 1988).

Ambiance d’époque

C’est un film gai, enlevé, spirituel, superbement interprété et rehaussé par la musique de Nino Rota, qui se déroule lors du boom économique en dénonçant avec une légèreté appréciable les effets nocifs, initiant ainsi la mise en lumière de la corruption immobilière, également présente dans Una vita difficile (Dino Risi, 1961 avec Alberto Sordi, Lea Massari, Franco Fabrizi), Le fanfaron (Il sorpasso, Dino Risi, 1962 avec Vittorio Gassman, Catherine Spaak, Jean-Louis Trintignant et Scola au scénario), Play-boy party (L’ombrellone, 1965, Dino Risi avec Sandra Milo), Il posto (Ermanno Olmi, 1961), Mains basse sur la ville (Le mani sulla città, Francesco Rosi, 1963 avec le sobre Rod Steiger, qui même mort, bouge encore), Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli, Luchino Visconti, 1960), Le boom (Il boom, Vittorio de Sica, 1963 avec Alberto Sordi, Gianna Maria Canale). A l’époque, le maire démocrate-chrétien de Rome, Rinaldo Santini, avait quelques démêlés liés au scandale de la gestion de l’ONMI (Opera Nazionale per la Maternità e l’Infanzia). En outre, il s’agit de la confrontation entre la bourgeoisie de nouveaux riches, incarnée par l’un des rôles joués par Marcello Mastroianni le Maestro, flanqué d’une potiche vénale, avec l’aristocratie décadente interprétée par le grand metteur en scène et acteur napolitain Eduardo de Filippo. « Laisser les vieilles choses comme elles sont » est sa devise. Car « si on les modernise, on risque de ne plus les aimer ».

Les acteurs

Si Ettore Scola, a écrit, avec Maccari et Flaianno sur une idée de l’amateur d’Histoire Amidei, un scénario inventif et intelligent et aida au tournage et au montage, Marcello Mastroianni, ici en fantôme à la Casanova et Vittorio Gassman, peintre en marge confondu par des experts incompétents avec le Caravage, seront présents dans La Terrasse (La terrazza, 1980). Telle était l’ambiance du cinéma italien : tout le monde se connaissait metteurs en scène, acteurs, scénaristes, producteurs, machinistes; ils mangeaient ensemble, s’amusaient ensemble.

La blonde Sandra Milo, celle de Huit et demi (8½, 1963) ou Juliette des esprits (Giulietta degli spiriti, 1965) de F. Fellini, a connu une brève carrière au cinéma en se retirant à 35 ans en 1968.

Ayant tourné avec Val Guest, Terence Fisher, Francesco Rosi, Vittorio Cottafavi, Florestano Vancini et Damiano Damiani, Belinda Lee ne verra pas la sortie de Fantômes à Rome car elle se tua dans un accident de voiture en Californie le 12 mars 1961. Le conducteur, son compagnon, le réalisateur Gualtiero Jacopetti lui dédicacera La femme à travers le monde (La donna nel mondo, 1963) où elle figure au générique avec Ustinov.

Divertissante beauté

L’image de Rotunno, inaugurant l’un des premiers films italiens en couleurs, est magnifique avec les nuances rouges et dorées, profondément romaines ou en blanchissant les fantômes et en blondissant les cheveux en hommage au baroque italien. Les costumes surannés de Maria de Matteis, les décors déliquescents du vieux palais italien de Mario Chiari renforcent l’atmosphère élégiaque. Un film à diffuser absolument à la tv pendant les fêtes au lieu des éternels mêmes titres.

Je la connaissais bien, Antonio Pietrangeli, Jour 9, dimanche 16/10/16, Institut Lumière, Hangar, 14h30

Je la connaissais bien, Io la conosceva bene, Antonio Pietrangeli, 1965, 1h37, noir et blanc, numérique, 1:66

 index1

Attention : chef d’œuvre !

Ferenczi dit

       Le pertinent ambassadeur Aurélien Ferenczi présente en insistant sur le fait que Pietrangeli est le trait d’union entre Risi et Fellini. Les frontières sont poreuses entre la comédie et les films dits sérieux. La bande-son est exceptionnelle dans le domaine de la variété italienne (Mina, Sergio Endrigo, Benedetto Ghiglia, Mia Genberg, Peppino di Capri, Piero Piccioni, Millie, les sœurs Kessler, Ornella Vanoni, etc.), n’eût été une chanson de Bécaud en italien, au point que le film a failli se nommer Le tourne-disque. Le travail sur la narration, grâce à Scola au scénario, qu’il aurait bien aimé réaliser mais dont il se souviendra pour Une journée particulière (Una giornata particolare, 1977), est très fin avec flashback, effet de mosaïques voire de puzzle en une élégante fragmentation de la narration. La Sandrelli change souvent de visages. Bardot devait jouer aussi. Dans ce portrait tragique, Nino Manfredi et Ugo Tognazzi ont des rôles comiques. Ce film, qui fut le premier de Pietrangeli à être reconnu par le public français, tenait particulièrement à cœur à son metteur en scène. Io la conosceva bene aurait dû être un diptyque avec Le fanfaron (Il sorpasso, Dino Risi, 1962).

Incroyable Sandrelli, 17 ans, 6e film

Rome des sixties, la dolce vita, le revers du film de Fellini (La dolce vita, 1960), Cinecittà. La Sandrelli en Adriana de Pistoia émigrant à Rome avec vue sur le Tibre est éclatante de talent et de beauté à 17 ans seulement, après 5 films déjà ! Elle change de coiffures, d’attitudes. Elle pose dans chacun des plans, lance parfois des petits regards mutins à la caméra. Et quand elle est nue en train de bronzer sur la plage … Elle est une coiffeuse, une ouvreuse de cinéma dans le quartier branché de l’Eur à Rome, une caissière de bowling à la limite de la prostitution. Si elle vogue de fêtes en fêtes, papillonne d’hommes en hommes, elle n’est pas capable de céder à un jeune garagiste (Franco Nero) qui l’aime et s’occupe nuit et jour de sa Fiat 500. Elle mise toujours sur le mauvais cheval pour réussir.

L’autre côté de la dolce vita

       Ce film appartient à une trilogie avec Annonces matrimoniales (La visita, 1963), La fille de Parme (La parmigiana, (1963). Les portraits sont sans cession dans une dénonciation radicale de la société du spectacle et ses illusions : des photographes qui veulent jouer aux agents-maquereaux, les bons vieux pervers-pépère qui attendent leur part du gâteau ou encore les petits cinéastes qui profitent de ce corps, cette chaire fraîche en soirée bonga-bonga, et de cette malléabilité pour tourner des films publicitaires prenant en dérision ces pauvres petites starlettes dont le plus grand défaut est sûrement, dans leur grande naïveté, de faire confiance aux hommes. Terrible scène comique où Ugo Tognazzi, en Baggini, acteur recherchant du travail lors de la fête de Paganelli / Fabrizi, monte sur une table devant un mécène pour faire des claquettes en imitant un train en risquant une attaque cardiaque pour divertir des gros porcs. Tognazzi continue ses suppliques peu de temps après et se fait rembarrer comme un malpropre. Brialy en Dario ne sauve pas la vision des hommes.

Un écrivain qui veut la prendre en main dresse un portrait cynique des jeunes femmes ambitieuses bercées d’illusions : « Tout lui va bien. Elle ne désire jamais rien, elle n’envie personne, elle n’a aucune curiosité. Elle n’est surprise par rien. Elle est indolore aux humiliations. Aucune ambition. Aucune morale même quand il s’agit d’argent parce qu’elle n’en est pas moins une pute. » (« Le va tutto bene. Non desidera mai niente, non invidia nessuno, è senza curiosità. Non si sorprende mai. Le umiliazioni non le sente… Ambizioni zero. Morale nessuna, neppure quella dei soldi perché non è nemmeno una puttana. Per lei ieri e domani non esistono. »).

Pietrangeli anticipe les observations de Pasolini qui analysera les changements dus à la modernisation lors du miracle économique dans les années 60 avec son lot de confrontations de concurrences citadines.

La photographie d’Armando Nannuzzi, magnifiée par une rutilante numérisation en 4k par Criterion, la Cineteca di Bologna et Titanus à partir du négatif original et d’un positif 35mm, porte un soin particulier au noir et blanc avec une recherche de contraste avec ce qui doit apparaître sur l’écran. Jeux d’adultes (Il padre di famiglia, Nanni Loy, 1967) évoque également l’urbanisation féroce de l’Urbs, Roma, dite La louve.

Du soleil dans les yeux, Antonio Pietrangeli, Institut Lumière, Hangar

Du soleil dans les yeux, Il sole negli occhi, Antonio Pietrangeli, Institut Lumière, Hangar

444671-jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx

       Le premier film de Pietrangeli est un mélo néoréaliste, dans la continuité de ses critiques cinématographiques, et féministe alors que le néoréalisme est simultanément en crise. C’est l’Italie du début des années 1950 façon Journal d’une femme de chambre de Mirbeau aidé d’un scénariste et romancier Ugo Pirro en sus de Suso Cecchi d’Amico. Le film a failli se nommer Celestina mais la censure italienne n’a pas voulu. L’axe choisi par rapport à une société machiste est : « quelle histoire peut-on raconter pour que le spectateur se pose des questions ? ». Sorti en 1953, le film ne sera sur les écrans français qu’en 1955.

Galter / Celestina

« Fiancée idéale des italiens », Irène Galter, en réalité Patuzzi, avait été découverte par Giuseppe De Santis dans Onze heures sonnaient (Roma, ore 11, 1952 avec la magnifique Lucia Bosé). Elle ne tourna qu’entre 1952 et 1958 où elle se maria avec un industriel.

Celestina, belle jeune fille, rustique, naïve (le car qu’elle prend, dans le film, pour la première fois; se perdre dans les immeubles qu’elle découvre; mettre le gaz pour calmer un bébé; son inexpérience de l’amour) et croyante, quitte à contrecœur son village de Castelluccio (Ombrie) pour trouver du travail dans la capitale. Ses deux frères aînés doivent partir pour l’Australie, pays d’immigration italienne, pour tondre des moutons. Ils échouent, vendent la maison; Celestina est sacrifiée et bloquée. Elle casse la statuette d’ange dès le départ de son village, signe d’une descente progressive en enfer. L’Eglise et ses œuvres, incitant ses ouailles à la soumission et au respect des mœurs, y fait office d’agence de placement. Elle sera « Séduite et abandonnée » (Sedotta e abbandonata, Pietro Germi, 1964).

Une scène forte d’amour au bord du lac est somptueuse. Casque d’or (Becker, 1952) ou Partie de campagne (Renoir, 1936) ne sont pas loin.

Sociologie acide

Pietrangeli décrit avec humour un petit monde catholique, très hypocrite. Les notations psychologiques sont précises; il évoque les différents milieux sociaux. La nouvelle bourgeoisie snob (homme intempérant, femme harpie et leurs trois enfants) est symbolisée par l’immeuble moderne où elle vit. Les riches commerçants bedonnants au ton rieur et populaire annoncent les nouveaux riches du miracle économique italien. Le professeur à la retraite chez lequel elle officie s’avère paternel et bienveillant, mais illustre à sa manière cette vieillesse rejetée dans l’Italie pauvre et en reconstruction que montrait Vittorio de Sica dans Umberto D (1952). Elle sort avec un conformiste et ennuyeux policier. Les héritiers du vieux professeur la menacent de procès en découvrant que celui-ci envisage de lui léguer ces terres, possibilité qui semble nourrir la passion du prétendant policier.

Ferzetti, le mâle veul

Fernando, lâche, bien que sincèrement amoureux, hésite ainsi avec une fiancée richissime qui le couvre de cadeaux et l’associera à un commerce lucratif. Gabriele Ferzetti interprète Fernando le plombier dragueur. Il trouvera bientôt chez Antonioni (Femmes entre elles, Le amiche, 1955 ; L’avventura, 1960) des rôles portant la veulerie du mâle italien aux sommets du septième art.

Solidarité féminine

Les seules relations fiables, synonymes d’amitiés (balade à Castel Gandolfo, danser au bal), s’illustrent à travers les femmes et leurs divers dialectes, les ouvrières entre elles. Les exemples d’émancipation avec Marcella (Pina Bottin) qui élève son fils seule, d’entraide lorsque cette même Marcella achève son film sur une vraie note d’espoir contrairement à Je la connaissais bien (Io la conoscevo bene, 1965)

Roma

Le personnage principal, c’est finalement Rome, où est né Pietrangeli, une ville qui change à marche forcée. Nous découvrons, comme Celestina, la proche banlieue (Flaminio) et non les borgate de Pasolini. La Rome nouvelle est brossée grâce à un mouvement de caméra sur une petite place balayée par le vent. Nous voyons la piazza Cantù, le petit orchestre de la piazza Esedra, de la piazza Bologna, du Nomentano, du Salario, des Monti Parioli. Les petits détaillent abondent : « abbasso Lazio » (« à bas la Lazio », « è vietato ballare il boogie-woogie » (« il est interdit de danser le boogie-woogie »), « è vietato sostare davanti all’orchestra » (« il est interdit de se tenir devant l’orchestre »), les volontaires du PCI qui envahissent les quartiers populaires. Toute une ambiance !

 

 

[Manuscrit] Cadette des 7 [feuilleton 1]

Slimani, prix Goncourt avec Chanson douce ? Alors voici ceci, avec quelques extraits sur Sitaudis et dans Nioques n°13, 2015 :

nulle description

noir sur blanc

baignoire dedans

rouge sur blanc

silence verdict

prison huit ans

pleure flashs

caméras gros plan

pleurs en boucle

enfants réclament

maman leur

aimant mari

attend huit ans

noir sur blanc

silence aller à

l’os jusqu’    à

silence rouge

sur blanc – polar ?

trop compliqué à

trop genre

socio social sociétal

trop code

se confronter silences

à barbaque les mots

noir sur blanc

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

[ciné] Festival Lumière 2016 Jour 5 Chance de voir « Lucky Jo »

Lucky Jo, Michel Deville, 1964, 1h31, noir et blanc, 1:66, Comœdia, salle 1

lucky-jo-affiche-originale-120x160cm-mascii-michel-deville-1964-eddie-constantine-pierre-brasseur-francoise-arnoul-1040161355_ml

Que de duos !

       Le film est présenté par Tavernier, qui parle du côté écologique du film (« des cerises au goût de cerises ? » demande Eddie Constantine / Lucky à Georges Wil(l)son / Simon rangé des voitures dans son jardin de banlieue) dans Voyage à travers le cinéma français (1930-1970) (Bertrand Tavernier, 2016 pour qui Lucky Jo est « vif, amusant, intelligent inventif. Je l’avais sous-estimé et il gagne beaucoup à être revu. »), des jeux de mots, comme dans La femme en bleu (1972), considéré par Deville lui-même comme un second premier film, et Jean-Paul Salomé, réalisateur (Restons groupés, 1998; Belphégor – Le fantôme du Louvre, 2001; Arsène Lupin, 2004) et acteur (Le petit lieutenant, 2005), assistant (La lectrice, 1988) et ami de Michel Deville, qui écrit actuellement des haïkus, rencontré sur Péril en la demeure (1985 avec Nicole Garcia, Michel Piccoli, Christophe Malavoy). Salomé insiste sur l’invention par Deville d’une ponctuation en fin de plans-séquences. Il filme avec élégance à coups de petits panoramiques rapides. Il commence toujours par un gros plan. Il ne fait pas plus de 4 prises.

Il adore tellement les comédiens (par exemple l’excellent Dossier 51, 1978, qui le dispute à La jetée, C. Marker, 1962, d’après une enquête de Gilles Perrault sur laquelle plusieurs metteurs en scène se sont cassés les dents quant à l’adaptation, avec François Marthouret, Didier Sauvegrain, Patrick Chesnais, Roger Planchon, présenté par Michel Deville au Zola à Villeurbanne au Festival Lumière 2010 près de la salle Planchon au TNP dont il fut directeur), qu’il allait au Conservatoire en repérage ou voir des pièces de théâtres, comme Tavernier. Deville faisait lui-même ses castings. Il n’est qu’à voir ici la distribution : le duo Brasseur père, sobre et tenu – ce qui est rare, et fils, qui rend hommage à Deville pour l’avoir laissé improviser son personnage et ses dialogues avec papa, réunis pour la première fois à l’écran, en flics Loudéac philosophes; Françoise Arnoul (Mimi qui pousse la chansonnette triste : « J’aime mon Totor, mon picador, mon bouton d’or, mon duc d’Windsor. C’est lui le plus fort et je l’adore… »), Georges Wilson (Simon) et Christiane Minazzoli (Adeline; présente déjà dans Casque d’Or, J. Becker, 1952 et A toi de faire, mignonne, Bernard Borderie, 1963) du TNP; Jean-Pierre Darras (Napo), Christian Barbier (le commissaire).

Deville en campagne

Michel Deville, réalisateur, co-scénariste et souvent co-producteur, hérita, pour son sixième long-métrage, d’un film de commande par un producteur débutant, Jacques Roitfeld, avec Eddie Constantine en vedette imposée. Il s’agit d’une adaptation de Main pleine de Pierre Lesou, également auteur du Doulos porté à l’écran par Jean-Pierre Melville (Le doulos, 1963). Le scénario, avec adaptation, les dialogues (« Demain il y aura peut-être de l’impondérable, si vous voyez ce que je veux dire… J’ai un horoscope dégueulasse… »; les nombreuses citations latines apprises en prison dans les pages roses du dictionnaire comme Fugit irreparabile tempus) et le montage, rapide, sont travaillés par Nina Companeez ou Kompaneitzeff (1937-2015), fille de Jacques Companeez, scénariste de Casque d’or (Jacques Becker, 1952), la collaboratrice de Michel Deville pour une décennie sur une douzaine de films. Elle porte ici une attention aux femmes, à leur sensualité voire à leur érotisme.

Lucky Lucky

Lucky Jo est plus réussi que les Constantine traditionnels car les codes du film de gangsters sont ici inversés : Constantine porte la scoumoune. Avec son chapeau à la Al Capone au petit pied, avec ses combats à la Don Quichotte sans moulin à vent, ratant ses créneaux, qui a « les mêmes horaires que les flics » et arrivant toujours en même temps qu’eux sur les lieux, il devient tricard : « A force, on devient superstitieux, les types qui ont travaillé avec toi, ça leur a pas réussi ». Les bagarres mises en scènes par Claude Carliez, aussi crédibles que celles d’un film de Bruce Lee, sont nettement meilleures que chez Lemmy Caution, y’a pas d’mal. Et pour cause le chorégraphe et cascadeur n’est pas le même ! Le dilemme est cornélien : Constantine veut moins de bagarres, Deville en rajoute tous les quart d’heures sous la pression du producteur; Michou veut sortir des films de femmes, Companeez en rajoute une couche.

Tout sur Eddie

Après plusieurs cures de désintoxication alcoolique, tant le Caution au lüger et aux prises avec les Cigarettes, whisky et p’tites pépées lui collait à la peau au point d’être désagréable avec le petit personnel, Constantine était ravi de jouer ce rôle. Sauf que Deville lui rajoutait des scènes de bagarres !

Un sacré coco, Eddie (1917-1993) ! Fils et petit-fils d’émigrés russes, chanteurs d’opéra, il est devenu chorus-boy à Broadway et à la MGM où il sera crooner dans les comédies musicales. Il est arrivé en Europe en 1949 en suivant sa femme danseuse, Hélène Musil. Il est engagé dans des cabarets parisiens. En 1952, Edith Piaf le choisit pour partenaire dans la comédie musicale la P’tite Lily, de Marcel Achard et Marguerite Monod. Eddie Constantine enchaîne les tubes à force de tours musicaux : Enfant de la balle, Et bâiller… et dormir, L’homme et l’enfant, Ah ! les femmes, etc.

       Il est Caution dès 1952 dans le nanar de Borderie, La môme vert-de-gris où Georges Wilson est déjà présent. Il empile Cet homme est dangereux (Jean Sacha, 1953), encensé par Tavernier (dans une entrevue, il déclare « une bouffée d’air frais dans les polars engoncés de l’époque. Jean Sacha était cultivé. Il avait même fondé, dans les années 1930, une revue de cinéma où il interviewait Rouben Mamoulian, celui de La Reine Christine (1933), avec Garbo, où il célébrait les travellings de Raoul Walsh… Après Cet homme est dangereux, il s’est embarqué dans une série de scénarios plus catastrophiques les uns que les autres. Et il a fini comme roi de la bande-annonce, notamment pour les films de François Truffaut, qui l’adorait. » suite à son évocation truculente dans Voyage à travers le cinéma français (1930-1970), Bertrand Tavernier, 2016), Les femmes s’en balancent (Bernard Borderie, 1954), Vous pigez ? (Pierre Chevalier, 1955), Comment qu’elle est (Bernard Borderie, 1960), Lemmy pour les dames (Bernard Borderie, 1962), A toi de faire, mignonne (Bernard Borderie, 1963). Caution se transforme en Bruck Bridford le temps de Ces dames préfèrent le mambo (1957), en Larry Blake (Votre dévoué Blake, Jean Laviron, 1954), en Barry Morgan (Je suis un sentimental, John Berry, 1955, un metteur en scène blacklisté, comme Losey qui devait louer des noms différents, ou Dassin, même en France que Constantine fait tourner), Fred Barker (L’homme et l’enfant, Raoul André, 1956, film où il chante avec sa fille Tania), en Eddie Morgan (Le grand Bluff, Patrice Dally, 1957), en Bob Stanley (Incognito, Patrice Dally, 1959), en Eddie McAvoy (Me faire ça à moi, Pierre Grimblat, 1960), en Jackson le ventriloque (Cause toujours mon lapin, Guy Lefranc, 1961), en Billy Caro (Les femmes d’abord, Raoul André, 1962), en Jeff Gordon (Des frissons partout, 1963 et Ces dames s’en mêlent, 1964, Raoul André) et aussi en Nick Carter dans Nick Carter va tout casser (Henri Decoin, 1964) et Nick Carter et le trèfle rouge (Jean-Paul Savignac, 1965).

       Certains metteurs en scène tentent de le sortir de son personnage : Henri Decoin (Folies-Bergère devenu, par la suite, Un soir au music-hall, 1956), Alvin Rakoff (Passeport pour la honte, 1958), Claude de Givray (Une grosse tête, 1961), Jean-Louis Richard (Bonne chance, Charlie, 1961).

Apparaissant dans le sketch la Paresse de Godard pour Sept Péchés capitaux (1961), il est réemployé dans Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965).

Après l’échec du film de Godard, il revient à son rôle de prédilection : Je vous salue Mafia (Raoul Lévy, 1965), Feu à volonté (Marcel Ophuls, 1965) et A tout casser (John Berry, 1968) dont la vedette était Johnny Hallyday en pleine période Yé-yé SLC Salut les copains.

       Vivant avec une jeune productrice de télévision en Allemagne, il entame dans les années 70-80 une autre carrière : Peter Lilienthal (Malatesta, 1970), Rainer Werner Fassbinder (Prenez garde à la saint putain, 1971; La troisième génération, 1979), Ulli Lommel (Der zweite frühling, 1975), Ulrike Ottinger (Bildnis einer Trinkerin, 1979; Freak Orlando, 1981), Lutz Mommartz (Tango durch Deutschland, 1981), Rosa von Praunheim (Rote liebe, 1982), Ottokar Runze (Der schuffler, 1983).

Il joue des personnages étranges dans les films de l’Anglais Christopher Petit (Flight to Berlin, 1984), le Finlandais Mika Kaurismaki (Helsinki-Napoli, 1987), le Danois Lars von Trier (Europa, 1991 avec Jean-Marc Barr). Il reprend du service pour Godard dans Allemagne, année 90 (1990).

Plaisant

       Lucky Jo est un film étrange, pour notre plus grand plaisir, car il mélange des tons différents (policier, comédie et drame). Pour Michel Deville, « Jo est un personnage plus fouillé que ceux qu’interprète Constantine ; un homme doué d’une grande sensibilité, plein de bonne volonté, de gentillesse et qui se bat contre le sort ». Constantine, attachant et touchant donc, erre dans un Paname, irréel pour décor grâce à la magnifique photo de Claude Lecomte, dans une petite 500 accompagné d’un cocker. « C’est une comédie policière et sentimentale dans le ton poétique […] une tristesse diffuse […] apparaissant sous l’humour » (le regretté J. Siclier). Normal pour une sortie … un 11 novembre 1964 ! Nous retrouvons les thèmes récurrents dans les films de Deville : la désillusion, le rêve impossible, l’imagination comme recours et comme survie – et l’association du désir assouvi, de la féminité et de la mort. La musique ironique de fête foraine de Georges Delerue insiste sur le côté comique et allège le fond.

 

[ciné] Festival Lumière Jour 6 Ça arrache !

Le Masque arraché, Sudden fear, David Miller, 1952, noir et blanc, 1h50, 1:37, numérique, Institut Lumière, Hangar

 le-masque-arrache-poster_476357_21741

Magie de la traduction : Le Masque arraché n’apparaît pas comme tel au générique, même en traduction ; Sudden fear, titre original, est plus juste. Une sacrée découverte : après une passionnante installation de personnages, le scénario vire et vous prend littéralement. Un hommage à la poésie sonore avec Palance / Blaine ?

L’ambassadrice Delphine Gleize (Carnage, 2002 avec Chiara Mastroianni ; L’homme qui rêvait d’un enfant, 2006 ; La permission de minuit, 2011 avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos) présente.

Miller’s crossing

David Miller (1909, le Paterson de W. C. Williams, New Jersey ; 1992, Hollywood, Los Angeles, Californie), réalisateur, producteur de cinéma et scénariste américain, vient du documentaire. Solide technicien, il a été assistant sur la série de propagande (Pourquoi nous combattons, 1941-1944, Capra, Litvak, Ford, etc.). Montrant les prémisses de la seconde guerre mondiale, coté Pacifique, il tournera Les tigres volants (Flying Tigers 1942) avec John Wayne et Le défilé de la mort (China, John Farrow, 1943 avec Loretta Young et Alan Ladd). Il y eut aussi le film de guerre Le Combat du Capitaine Newman (Captain Newman M.D., 1963) avec Gregory Peck, Tony Curtis, Angie Dickinson et Robert Duvall.

Bertrand Tavernier défend Saturday’s Hero (1951). Le Réfractaire (Billy the Kid, 1941) ne reste pas dans les annales tant le film a vieilli, à cause d’un Robert Taylor qui ne correspondait pas au rôle. David Miller se montre à l’aise dans tous les genres, de la comédie burlesque comme le navrant La pêche au trésor (Love happy, 1949), un pastiche de film policier, l’un des derniers films des Marx brothers, et pour la première fois à l’écran Marilyn Monroe, le thriller dispensable en couleurs avec Doris Day et Rex Harrison qui reprend le thème de Sudden fear, Piège à minuit (Midnight lace, 1960), le film historique avec Diane de Poitiers incarnée de façon très glamour par Lana Turner ou le film de politique-fiction comme Executive action (1973), inspiré de l’assassinat du président Kennedy avec Burt Lancaster et Robert Ryan.

David Miller était apprécié du scénariste blacklisté Dalton Trumbo. Après avoir écrit Seuls sont les indomptés (Lonely are the brave, 1962, avec Walter Matthau, Gena Rowlands, Michael Kane, Georges Kennedy), Dalton exigea qu’il fut chargé de la mise en scène d’un autre de ses scénarios, Complot à Dallas (Executive action, 1973) avec Burt Lancaster. En outre, pour rassurer les assurances durant le tournage de Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny got his gun, 1971), Trumbo nomma Miller comme la personne chargée de terminer le film en cas de problèmes.

Elle a les Craw, Joan

Si Miller fut le metteur en scène du western crépusculaire à succès Seuls sont les indomptés (Lonely are the brave, 1962), où il fut éclipsé par le producteur et acteur principal du film, Kirk Douglas, tel n’est pas le cas ici, alors que c’est le premier film de Joan, comme productrice s’entend, en tant qu’indépendante après avoir pris congé de la Warner, en osmose avec David. Elle a personnellement engagé Lenore J. Coffee comme scénariste du film, suggéré Elmer Bernstein, dont c’est l’une des premières compositions, reprise en partie dans Robot monster (Phil Tucker, 1953), en tant que musicien. Elle a insisté pour que Charles Lang soit embauché comme directeur de la photographie du film et a demandé à jouer avec Jack Palance, même si Clark Gable fut un premier choix puis Marlon Brando, et Gloria Grahame, deuxième choix après Jean Rogers.

Pour Antoine Sire, « Joan Crawford eut au moins cinq carrières : vamp des Années folles, femme du peuple au parcours sulfureux de l’ère pré-Code, vedette flamboyante de l’avant-guerre, héroïne de films noirs et de mélodrames dans l’après-guerre, monstre vieillissant pour thrillers grand-guignolesques dans les années 1960. Ses yeux immenses sont la constante de son physique à toutes ces époques. Ils sont des fenêtres ouvertes sur le tréfonds d’une âme féminine, souvent noircie par des scénarios misogynes. » (Sire, Antoine. Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €).

Lucille LeSueur dite Joan Crawford (1907, Texas ; 1977, New York) a été très tôt attirée par la scène car son beau-père était propriétaire d’un théâtre à Lawton (Oklahoma). A l’âge de treize ans, elle remporte un premier concours de danse puis œuvrera à Broadway. Repérée par la MGM, c’est l’une des stars les plus représentatives de l’âge d’or d’Hollywood. Elle débute en 1925 dans le muet, dans de petits rôles de figurantes (Les feux de la rampe, Pretty ladies, Monta Bell). Les studios s’intéressent surtout à son physique de pin-up : visage carré, grande bouche, yeux immenses. Elle cumule les rôles de petite amie du caïd dans des films de gangsters. Après d’être battue, elle arrache son premier rôle important dans Old clothes (Edward F. Cline, 1925). Elle interprète Diane dans Les nouvelles vierges (Our dancing daughters, Harry Beaumont, 1928).

Elle incarne la jeunesse américaine des années 1930, insouciante et assoiffée de vie comme chez F. S. Fitzgerald, et fait rêver une génération de midinettes. Jusqu’en 1943, elle reste fidèle à la MGM, pour laquelle elle tourne une trentaine de films, dont Mannequin (1937) de Frank Borzage.

     Elle démarre une deuxième carrière après la Seconde Guerre mondiale où tous types d’interprétations lui sont confiées : de la femme cynique à l’intrigante, en passant par la femme fatale sophistiquée ou aventureuse. Elle gagne l’oscar de la meilleure interprétation féminine grâce à son personnage de mère meurtrière par amour pour sa fille dans le remarquable Le roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce, Michael Curtiz, 1945). Toutes ses apparitions se soldent alors par un succès commercial. Elle enchaîne les mélodrames dans lesquels elle personnifie la femme qui a vécu seule pendant les années de guerre et qui rêve d’amour.

Joan fut nominée pour l’Oscar face à Bette Davis, leur seul et unique face à face. La majorité des films suivants de Crawford étaient des productions mercantiles sans grand intérêt.

Entre deux âges, elle n’hésite pas ici à se montrer vieillissante. Elle multiplie les expressions : la peur, la trahison, le désespoir, la haine. L’essentiel réside dans sa réaction aux évènements dans le film. Elle joue deux visages, rêve de toute actrice : l’un, rassurant et amoureux, pour son amant Lester quand elle lui fait face, un autre plus cynique dès qu’il a le dos tourné. De vieille fille frustrée, seule, méfiante, sèche et réservée avec ses regards durs et ses mâchoires crispées, elle devient une femme fatale. Elle est omniprésente (seule dans son bureau, en répétition, dans sa chambre ; elle manigance un plan machiavélique ; elle est coincée dans un placard ; elle s’enfuit) et parfois exaspérante avec ses grands yeux et sa bouche qui se tord, comme plus tard Laura Dern (Inland empire, D. Lynch, 2006), remémorant dans certains gros plans, où elle mime l’effroi par exemple (voir les expressions terrifiées dix ans plus tard dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, What ever happened to Baby Jane ?, Robert Aldrich, 1962), Gloria Swanson imitant excellemment le muet dans Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard, Billy Wilder, 1950). Dans le dernier tiers du film, le rôle de Joan est presque entièrement muet. Deux moments forts : quand elle apprend son infortune dans une scène où le son est mis en scène, avec parfois une peur générée par des bruits communs, comme plus tard, Conversation secrète (The Conversation, F. F. Coppola, 1974) ; quand elle va finalement renoncer à son projet. A la fin, les gros plans, qui se reflètent dans un miroir, s’accumulent sur son visage ravagé par la haine à cause des deux amants.

Qui s’en Palance ?

Vladimir Palahnuik (1919, Lattimer, Pennsylvanie ; 2006, Montecito, Californie) dit Palance, second couteau d’Hollywood, fils d’un mineur d’origine ukrainienne, fut un boxeur professionnel dès 13 ans, un cuistot, un réparateur de radios, un vendeur de glaces, un maître-nageur, un garde du corps qui intégra l’Air Force en tant que pilote de bombardier où il hérita de ce visage suite à une opération de chirurgie esthétique à cause de l’incendie de son avion. Il bénéficia d’une bourse et s’inscrivit à l’université où il suivit des cours d’arts dramatiques et décrocha un diplôme en 1947.

C’est la doublure d’Anthony Quinn, qui a repris en tournée le rôle de Stanley Kowalski, créé par Marlon Brando, qui s’entraînait à la boxe en attendant de monter sur scène, dans Un tramway nommé désir (A streetcar named desire), pièce de Tennessee Williams mise en scène par Elia Kazan. C’est ce dernier qui lui donne sa chance au cinéma avec un rôle de méchant dans Panique dans la rue (Panic in the streets, 1950). Grand (1,93 m), mince, cheveux noirs, nez cassé, pommettes saillantes, yeux enfoncés sous des arcades proéminentes, doté d’une voix profonde, il devint l’interprète idéal de personnages de tueurs (L’homme des vallées perdues, Shane, George Stevens, 1953 où, en tant que tueur aux gants noirs au sourire sadique, il donne la réplique à un Alan Ladd monté sur un escabeau ; en 1955, reprise, dans la Peur au ventre, I died a thousand times, Stuart Heisler, 1955, du rôle de Roy Earle qu’avait tenu Bogart dans La grande évasion, High Sierra, Raoul Walsh, 1941; Les Professionnels, The Professionals, Richard Brooks, 1966, où il incarne ce hors-la-loi mexicain qui a enlevé Claudia Cardinale, recherchée par la bande de mercenaires menés par Burt Lancaster), d’indiens (Le sorcier du Rio Grande, Arrowhead, Charles-Marquis Warren, 1953), de tête brûlées (Attaque, Attack, Robert Aldrich, 1956) ou de Mongols (Les Mongols, I mongoli, André de Toth, Leopoldo Savona, Riccardo Freda, 1961).

C’est Robert Aldrich qui lui donne d’autres rôles : l’acteur hagard et survolté dans Le Grand Couteau (The big knife, 1955), d’après une pièce de Clifford Odets (1955), le lieutenant intègre et désespéré dans Attaque ! (Attack, 1956).

Il débuta sa carrière européenne dans Austerlitz (Abel Gance, 1960) et joua, en 1963, Jeremiah Prokosch, un producteur américain brutal et cynique dans Le mépris (Jean-Luc Godard, 1963 qui évoquait « son visage d’oiseau de proie asiatique [qui] s’est légèrement amolli. »).

Après une longue parenthèse, Jack Palance reparut en peintre excentrique dans Bagdad Café (Bagdad Cafe, Percy Adlon, 1987), comédie allemande située aux Etats-Unis qui connaît un succès étonnant. Deux ans plus tard, Tim Burton lui donne le rôle du père du Joker dans Batman (1989). En 1990, il est devenu un homme de l’Ouest parodique dans La vie, l’amour … les vaches (City Slickers, Ron Underwood, Billy Cristal, 1991) où il gagna l’oscar du meilleur second rôle et accomplit ainsi son souhait de réussir dans une comédie.

Palance apparaît ici comme un séducteur crédible, cultivé et raffiné, rôle peu commun vu la carrière de l’acteur conditionnée par son physique, pour devenir un gigolo.

A noter Touch Connors, qui ne se nomme pas encore Mike Connors, celui qui deviendra plus tard, ce n’est pas une marque de capotes, pour la télé le célèbre Mannix (1967).

Gloria

Gloria Grahame incarne un de ses innombrables rôles de femme fatale. Une sacrée garce ! Tout est dans le regard. Une grande actrice. Elle est plus imparfaite physiquement, presque banale car identifiable par rien, plus vulnérable, insiste Gleize qui la préfère largement. Elle crève l’écran, celle qui joua dans Sous le plus grand chapiteau du monde (The greatest show on earth , Cecil B. DeMille, 1952), Les ensorcelés (The bad and the beautiful, Vincente Minelli, 1952), Règlement de compte (The big heat, Fritz Lang, 1953). Elle était mariée au metteur en scène Nicholas Ray, puis à son beau-fils. Elle a eu deux oscars.

Dans une de ses premières critiques, François Truffaut soulignera, pour une fois de façon pertinente : «  Pas un plan dans ce film qui ne soit nécessaire à la progression dramatique. Pas un plan non plus qui ne soit passionnant et ne nous donne à penser qu’il est le clou du film. […] Un scénario ingénieux et d’une belle rigueur, une mise en scène davantage qu’honorable, le visage de Gloria Grahame et cette rue de Frisco dont la pente est si rude, prestiges d’un cinéma qui nous prouve chaque semaine qu’il est le plus grand du monde. » (Cahiers du cinéma n° 21, mars 1953). Le film commence comme une comédie dramatique traditionnelle avec un portrait de Myra.

L’Hollywood classique en son âge d’or offre une galerie de femmes instables mais séduisantes, qui veulent toutes échapper au carcan d’un monde d’hommes, mais n’y arrivent jamais, piégées par leurs doutes et leurs névroses (Secret de femme, A Woman’s secret, 1949, Le Violent, In a lonely place, 1950 de Nicholas Ray ; Règlement de comptes, The big heat, 1953, Désirs humains, Human desire, 1954, Fritz Lang ; Alibi meurtrier, Naked alibi, Jerry Hooper, 1954 ; Le Coup de l’escalier, Odds against tomorrow, Robert Wise, 1959).

Les qualités

Le scénario, plein de rebondissements, écrit par Lenore J. Coffee et Robert Smith, d’après le roman Ils ne m’auront pas (Sudden Fear) d’Edna Sherry, déroule une structure classique en trois actes : l’amour, la méprise, le châtiment. Quelques sommets approchent le suspense hitchcockien avec l’utilisation du hors champ, la séquence notamment de l’emploi du temps qui prépare le spectateur à une version forcément moins fluide des faits à cause du nécessaire grain de sable. Respiration suspendue lorsque le chat, évidemment noir, risque de révéler la présence de Myra, planquée à côté. J’ai éprouvé une peur semblable à celle ressentie lors de la projection de Raccrochez c’est une erreur, Sorry wrong number, Anatole Litvak, 1948 avec l’excellente Barbara Stanwyck et le sourire carnassier de Burt Lancaster, film projeté dans la très prisée section Art of noir avec Eddie Muller de Frisco et Phil Garnier lors du Festival Lumière 2013).

Charles Lang (Les 7 Mercenaires, The magnificent seven, John Sturges, 1960), ainsi que Loyal Griggs, directeur non crédité de la seconde équipe, magnifie le film grâce à sa photographie impeccable notamment pour les éclairages d’intérieurs et pour les magnifiques scènes nocturnes de course folle de la seconde partie du film dans un Frisco offrant ses vues panoramiques et ses perspectives naturelles. Des plans sont répétés où l’aiguille de l’horloge se balance sur le visage entre les deux, ce que les surréalistes, comme Man Ray, ne renieraient point.

Un autre film avec Bette Davis traite des desseins criminels d’une romancière, Jezebel (Another man’s poison, Irving Rapper, 1951).

[Manuscrit] Vers o, épicaresque roème [feuilleton 18]

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

on-craint-degun

grammé pour ena, oint à l’anpe point                      tétine avec pur’ennui             (                      )

     fini état de grâce, les trois, pour huis clos                humeur seiche         colimaçon en régressif

vingt mètres carré d’espé(lucidité citron ; quasi mis’en bière)rance                             – plafond bas     au-delà velux, colonnes de ‘cule       , grand saut ver’horizon (   non événement      )     et l’état quitte               ciel purée de mirages griffé  cadre -brisé- de béton blanc     lucarn’isole

dormir          manger           boire   pleurer gracieuse       couler bronze             :c’est autarcie

se rabattre, avachi, tempes lourdes, sur sa télécommande, pitonner                      comm’ultime pouvoir

:mond’en judas                      miserere pour cathode                         zappe comme béquille

♪ le rose qu’on nous propose   on nous inflige   des désirs qui nous affligent   on nous claudia schiffer   on nous paul-loup sulitzer   on nous

   s’enfoncer en glandouneux                                               surtout ne pas penser sinon

êtr’un chien : aimé simplement                   soliloques                                      osselet du temps

                        en mar(g)elle                                                en blanc de pied

se précipiter mollement        ,tel un toc,     au   lavabo inter innocentes manus meas   s’en laver

les mains du rmi, cette poisse                       remords coupable toujours COUPABLE       dixit eux

            rognures d’ongles )   (   ( aux bords carmins’qu’aux peaux     se purifier     faire éjaculer pousse-mousse       tapis de lidl gris                     prendre douche ( jusqu’aux doigts fumants ) « 2 jours en heures creuses – économiser un max’                     rideau moisi d’angoisses           chasse d’eau récalcitrante, tirée « 3 urinances   cuvette oblique   océan mer (ventre torturé )   aller aux gogues :

bran mont blanc cagade liquide selles disparates chiasse dripping foire résidus

briques étron étalé bronze d’obus lisse raidy-merde maillol étron dégazage fèces

longues d’aspérités excréments troglodytes crottes perlées fécale courte verdo-

yante déjection chiure cactus blanchi de sèche cercle vicieux_moyeu_papier

cul chiffres rouges et noirs : compteur

nous entendons par excrétions ou exhalaisons, ou éjections ou exosmose, tout ce qui sort du corps de l’homme. ainsi en premier lieu, la respiration ou expiration, puis les excréments et vomissements, ou matières fécales, les vents du haut et du bas du corps, la salive, les crachats, la sueur, la morve, les émanations et exhalaisons invisibles de tous genres qui sortent de notre corps, soit à l’état de vie ou de mort, les émissions de l’urine, du sperme, des larmes et autres ; les pertes de sang, d’eaux, de flux ou flueurs, de pus et humeurs, et autres ; la transpiration ou l’exhalation, les évacuations de tout genre ; l’humeur sébacée de la peau, et les acides et graisses qui en suintent ; écoulement, la sanie, la barbe, les cheveux, les poils, les cornes, les ongles, peau morte, ulcères, cal, calus, durillons, indurations, fistules, boutons, abcès, excroissances, monstruosités, syphilides, chancres, bosses, enflures, ampoules, loupes, feux, glandes extérieures, aphtes, tubérosités, bubons, pustules, et les exutoires de tous genres, sanie, eaux fétides ou autres, les expulsions et vidanges qui précèdent ou qui suivent la parturition ; le placenta, les eaux de l’amnios, l’avortement, les monstruosités, les lochies, les pus et venins, vaccins et virus de tous genres ; la transsudation, la perspication, les mucosités ; en un mot toute diaphorèse et tout ce qui sort par tous les orifices du corps, pores et vaisseaux lymphatiques, et même toutes les sécrétions intérieures qui produisent les matières ci-dessus, toute sérosité quelconque, les glaires, la matière des nodus, la boue, les graviers et pierres de la vessie. nous sous-entendons aussi, sous le nom d’excrétions, les mêmes émissions et émanations qui se manifestent chez l’homme telles que nous venons de les décrire, et qui se produisent chez tous les êtres, les corps, les engins de tous genres, les choses et les phénomènes de la nature et des arts. car toute matière organique ou non organique, gazeux, liquide ou solide, morte ou vivante, a ses émanations produites par les courants de calorique ou de magnétisme qui la pénètrent, ou la vivifient, ou la décomposent. toute matière impure est sujette à la fermentation et le globe entier, est dans une fermentation permanente, et l’atmosphère n’est que la sueur excrétionnelle de la terre. et observez bien que c’est cette atmosphère excrétionnelle de la terre, qui, en vertu de la loi 41.111 – l’impureté fait fuir la grâce -, en fait fuir l’hydrogène, ou la grâce, ou l’éther céleste, ou l’agent sublime qui s’en tient éloigné, mais qui néanmoins en vertu de la loi 76.20 – plus un corps a d’analogie avec un autre, ou de ressemblance de matière, moins il a tendance à se combiner avec lui ; c’est-à-dire moins il a d’attraction et d’affinité pour lui – presse la terre de tous côtés, parce qu’il voudrait la vivifier par son amour pour la molécule pure qu’elle contient. voilà ce qui produit la pression atmosphérique. aussi, comme la sueur de la terre est moins sensible de nuit, voilà pourquoi l’agent sublime abonde ou s’abat sur l’hémisphère nocturne, de même qu’il le fait d’une manière si manifeste sur la calotte nocturne des pôles dans les aurores boréales. et si l’éther céleste ne venait pas sans cesse vivifier l’atmosphère, tous les êtres y seraient étouffés ; c’est ce qui arrive dans les enfers, plus impurs que la terre. toutes les graisses de tous genres et l’écume sont très impures, ce sont des excrétions. toutes les émanations de la terre. les excrétions sont plus dangereuses et pestilentielles chez les êtres et les choses vieux que chez les jeunes, parce que la matière y est plus corrompue. les excrétions des gens vierges sont moins corrosives et épidémiques que celles des gens non vierges qui sont tous plus ou moins empestés de syphilis mondaine. les excrétions des lieux bas et humides sont plus mauvaises que celle des lieux élevés et secs. d’après ce qui précède, on voit que tous les poisons et matières impures ou sales du globe sont comprises sous le nom d’excrétions ; telles sont la boue, la terre, l’ordure, la raclure, le rebut, les déchets, les chiffons, les balayures, la poussière, la saleté, la manipulation, l’impureté, les levains, la crasse, la vermine, la crapule, les vieilles maisons, les débris, les remblais, le vieux plâtre, les êtres du bas de l’échelle, la pourriture, la fermentation, la crotte, la lie, la vase, les dépôts, l’écume, la matière verte, les matières colorées, et surtout celles colorées par les impuretés désignées ci-dessus, les acides, toute matière infecte et corrompue, le fumier, les mauvaises compagnies, les impies, les impurs, les hypocrites, les trompeurs, les corrupteurs, les voleurs ou tous ceux qui se rangent sous les drapeaux de satan, c’est-à-dire les charnels, ou sensuels, ou mondains, et qui malheureusement forment les 99 centièmes de l’humanité ; c’est l’écume du monde, comme dit la bible ; le monde entier est soumis à satan, dit-elle encore, la vermoulure, la putréfaction, l’oxydation, la veille, l’air impur, la mollesse, l’insuffisance de mouvement, les péchés vénériens, les mauvaises coutumes, le vêtement impur, les passions. nous répéterons encore ici une grande vérité que nous avons prouvée à maint endroit dans tous nos ouvrages, et spécialement dans les traités 38.38.36.36 / 6.41.19° et dans l’hygiène pure, c’est qu’il faut savoir que les mots suivants : virus rabifique, syphilis, poison, magnétisme, morve, fermentation, feu, calorique, fournaise ardente, écharde de la chair, lion rugissant, férocité, empyreume ; pourriture d’hôpital, peste, épidémies, passions, contagions, typhus, gale, infection, puanteur, azote, acide carbonique, miasmes impurs, noir, foncé, pourriture, jaunisse, électricité impure, levain, vaccin, claveau, ferment virus, venin, poison, ténèbres, mort, gaz, directeur de l’empire de satan, humeurs corrompues, sang impur, mal maladie, excréments, immondices, fumier, satan, démon, diable – ou leurs bras, serpent ancien, ténèbres, chair, chair impure, impureté, saleté, crasse, musc, etc. et mille autres du même genre sont entièrement synonymes, puisqu’ils sont tous des figures ou des représentations, ou des causes, ou des effets, d’une seule et même chose : c’est-à-dire l’agent morbifique plus ou moins corrosif qui ronge l’humanité depuis le premier péché de fornication d’adam, qui produisit ensuite – par le travail ou le manger auquel l’homme fut assujetti pour sa punition – le mélange plus ou moins impur – selon l’hygiène des divers peuples – des excrétions avec les injections, et partant : la fermentation, qui fait fuir le saint-esprit, ou électricité pure, et cause les maux de tous genres, tant au physique qu’au moral, ainsi que le prouve la loi 41.111, qui est fondamentalement de toute la physiologie avec celle 76.20. ces deux lois sont réunies en une seule 73.97 : il y a une purification ou une perfectibilité et une élévation de la matière impure et elle s’opère par le calorique ou mouvement. le soleil est un des satans de l’univers, partant : comme un vrai tartufe, il porte le manteau de dieu. c’est un sépulcre blanchi qui au-dedans est plein d’ossements et de pourriture, satan pour tromper les hommes s’habille en ange de lumière. le soleil est impur, le noyau est excrémentiel, c’est la fosse d’aisances de notre système, mais l’enveloppe est formée par les âmes des damnés des différentes planètes, et ces âmes sont composées de S.E. et de matière impure. elles vivent dans un frottement acrimonieux et terrible, et sont nourries par les exhalaisons du noyau. mais ce mouvement fiévreux semblable aux coussinets d’une machine électrique, attire le S.E. des espaces interstellaires en vertu de la loi 76.20 et cette même attraction produit aussi l’orbe des planètes et des comètes. le S.E. arrivé dans le soleil ne peut pas y demeurer, en vertu de notre loi 41.111 ; il s’empare donc de son épouse, le carbone contenu dans les âmes des condamnés, et en rayonnant de toutes parts, va porter la vie et l’être sur tous les globes de notre système. une ville comme paris, par exemple, est un soleil, car il y a un et demi million de diables, qui s’ébattent sur cinquante mille et plus de fosses d’aisances. les hommes sont de petits soleils ambulants, leur bassin est une fosse d’aisances, la fermentation ou les frottements s’opèrent dans les poumons, dans l’estomac et les intestins, et en vertu de notre loi 41.111 la grâce fuit et monte par la circulation dans le cerveau, qui est le chapiteau de l’alambic ou l’écorce du soleil, et de là s’émane par les sens et se répartit dans tout le corps par le système nerveux. l’hydrogène du sang est le moteur. tels sont lus par l’inénarrable voix de jean topart les extraits d’hygiène pure et nouvelle, ou le miroir de la société ou études et pensées sur le monde spirituel, la nature en général, la société et l’homme en particulier et le traité de la science de dieu ou découverte des causes premières, ouvrage révélant le grand mystère de l’électricité et du magnétisme pour l’émission une vie une œuvre sur france culture consacrée à pierre roux. rémi enfin comprend sa constipation chronique.

 

 

 

 

[ciné] Festival Lumière 2016 La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil : road polar pop

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, The lady in the car with glasses and a gun, 1970, 1h45, couleurs (Eastmancolor), 35mm, 2:35, CNP Terreaux

075111-jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx

La présentation s’est conclue par un échange informel et très bon enfant entre Quentin Tarantino, qui cite les derniers films en 1970 d’H. Hawks (Rio lobo), J. Negulesco (Hello-Goodbye), R. Corman (Le baron rouge, Von Richthofen and Brown), W. Wyler (On n’achète pas le silence, The liberation of L.B. Jones également présent au Festival Lumière cette année), Bertrand Tavernier, traducteur, qui ajoute sa pâte sur le Litvak français. Le film semble démodé, ce qui lui donne un charme certain, tout en y échappant. Le film est similaire à un giallo car on dirait ici un roman de gare. Thierry Frémaux, heureux d’annoncer une copie 35mm en présence du féru Quentin mais très rosée, ce qui va fort bien avec l’ambiance du film, avant probablement de tirer vers le rouge, comme La mort en direct (Tavernier, 1980), par exemple, avant numérisation. Isabelle Hubert, toute petite et emmitouflée dans ses vêtements, est dans la salle car elle tourne au même moment un film à Oullins.

     Si le marseillais Jean-Baptiste Rossi dit Japrisot est l’auteur de scénarios oubliés tels que Adieu l’ami (Jean Herman, 1968 avec Alain Delon et Charles Bronson), La course du lièvre à travers les champs (1972 avec Goodis) et Le passager de la pluie (René Clément, 1970 avec Marlène Jobert et Charles Bronson), Les enfants du marais (Jean Becker, 1999 avec Jacques Villeret, Jacques Gamblin et André Dussollier), il est, avec Simenon, l’auteur le plus adapté au cinéma avec Compartiment tueurs (Costa Gavras, 1965), Piège pour Cendrillon (André Cayatte, 1965 avec Jean Anouilh à l’adaptation), L’Eté meurtrier (Jean Becker, 1983), Un long dimanche de fiançailles (Jean-Pierre Jeunet, 2004) et bien sûr le film franco-américain La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Anatole Litvak, 1970).

C’est le dernier film d’Anatole (1902-1974), réalisateur américain d’origine ukrainienne de 33 films (après la UFA, il tourne Cœur de lilas, 1932 avec Jean Gabin ; Mayerling, 1936 avec Danielle Darrieux et Charles Boyer ; Pourquoi nous combattons, The Nazis strike, Divide and conquer, 1943-1945 films de propagande au côté de Franck Capra ; le mélodrame Un acte d’amour, 1953 ; un excellent thriller Raccrochez, c’est une erreur, Sorry, Wrong Number, 1948 avec Barbara Stanwyck, Burt Lancaster, film projeté dans la très prisée section Art of noir avec Eddie Muller de Frisco et Phil Garnier lors du Festival Lumière 2013 avec remise de prix à Tarantino ; un film sur la folie La Fosse aux serpents, The Snake Pit, 1948, avec Olivia de Havilland ; une délicieuse adaptation de Sagan avec Aimez-vous Brahms ?, Good-bye again, 1961 avec Ingrid Bergman, Yves Montand et Anthony Perkins ; La Nuit des généraux, The night of the generals, 1967 avec Peter O’Toole, Omar Sharif et Donald Pleasence, un film criminel aux ramifications psychologiques et historiques), doué d’un solide savoir-faire s’accommodant des impératifs commerciaux à la réputation d’artisan superficiel, qui a été « surpris et amusé » par le roman. Il faut dire que dans son roman publié en 1966, Sébastien Japrisot s’amusait à détourner les codes du noir. « La seule langue que je comprends, en dehors du français, est celle des images » déclarait Japrisot. Ici, nous vivons la leçon des films d’Hitchcock : plus un humain est innocent, plus les autres le croient coupables, à un point tel que l’individu se met à douter de lui-même et finit par se perdre dans le labyrinthe de la culpabilité qu’on lui attribue.

     Il s’agit, Ford thunderbird automatique bleue à l’appui, d’un road-movie pop voire psyché, peut-être une influence Boileau-Narcejac, sur la fameuse route du soleil, entre Paris et Villefranche-sur-Mer où la Côte d’Azur est fantasmée par un anglo-saxon. Nous voyons et sentons un parler ouvrier, les lieux de vie, les bals populaires du 14 juillet avé Pont d’Avignon. Il faut dire que le directeur de la photographie est Claude Renoir.

     Puisque Tarantino fantasme sur Samantha Eggar (1939-), trop sous-estimée selon lui, allons-y sur la belle. La britannique Victoria Louise Samantha Marie Elizabeth Thérèse, fille d’un père major dans l’armée de la majesté et d’une mère d’origine néerlandaise, sort du couvent. Après avoir joué au théâtre (Cecil Beaton, Shakespeare, Tchekhov), elle se lance dans le cinéma pour éclater dans L’obsédé (The Collector, William Wyler, 1965 cherchant à battre Psychose, Psycho, Hitchcock, sur son propre terrain, avec Golden Globe de la meilleure actrice, un prix d’interprétation féminine au festival de Cannes à la clé) aux côtés de Terence Stamp, un ancien camarade d’école éconduit qui tenait envers Samantha une rancœur tenace. Après une comédie (Rien ne sert de courir, Walk don’t run, Walters, 1966, aux côtés de Cary Grant qui signe ici sa dernière apparition au cinéma), une comédie musicale (L’extravagant Docteur Dolittle, Doctor Dolittle, Fleischer, 1967 avec le cabotin Rex Harrison dans le rôle-titre), elle tourne pour la télévision (6ème épisode de la saison 2 du Saint par exemple) tout en continuant avec Sean Connery et Richard Harris dans Traître sur commande (The Molly Maguires, Ritt, 197) ainsi qu’aux côtés de Kirk Douglas et Yul Brynner dans Le phare du bout du monde (The light at the edge of the world, Billington, 1971), une œuvre adaptée du roman du même nom de Jules Verne. Après quelques films en Italie (le giallo Overtime d’Armando Crispino, 1971), Samantha Eggar se retrouve à nouveau face à Oliver Reed, déjà rencontré dans le Litvak qui nous occupe, dans une œuvre singulière de David Cronenberg : Chromosome 3 (The brood,1979). Elle continuera à la tv dans les 80’s : Falcon Crest, Magnum ou Santa Barbara. La brune Samantha joue ici celle qui était blonde dans le roman où elle se nomme Dany Longo ; la secrétaire est d’origine italienne chez Japrisot.

     Si Stéphane Audran éclate de beauté snob, les seconds rôles sont croquignolets : Bernard Fresson en routier sympa, Marcel Bozzuffi en garagiste, Philippe Nicaud en policier suspicieux de la route à côté de … Jacques Legras, Jacques Fabbri en Docteur, André Oumansky en Bernard Thorr, l’amant maître chanteur et la jeune et jolie Martine Kelly.

La bande-son pop voire funcky de Legrand est, pour une fois, en adéquation avec le film : Je roule (chant : Petula Clark) ; Auxerre ; Mi, sol, mi, mi, re, re, mi ; Auberge Inn à Salieu ; Chalon-sur-blues ; Macon-sur-Marche ; Jerk-les-Avignon ; Le pont du Gard ; On the road (chant : Petula Clark) ; 14 Juillet 1970 ; Un cœur ; Deux piques ; Guatamalteque ; O-No-Ma-To-Pe ; La dame dans l’auto ; Les lunettes ; Le fusil.

Si nous nous doutons rapidement de l’intrigue, la résolution, didactique, est trop longue, comme dans le livre où Japrisot a besoin de soixante pages pour révéler qui a fait quoi quand comment. Cette séance était l’une des meilleures du Festival : intimiste, avec des invités passionnés, une copie 35mm rare, un public intéressé, l’impression d’être privilégié en voyant une rareté.

[Manuscrit] Vers o, épicaresque roème [feuilleton 17]

« Je vous conseille de lire Erik Wahl. C’est un excellent poète. Il n’a pas encore publié de livre mais, on peut découvrir ses textes dans des revues comme Nioques. » Cyrille Martinez, D-Fiction

on-craint-degun

encore pérégrin’ / côté belges / arrêt terrasse caravelle / panorama rade  / d’haut : défilé λ / comm’aquarium / le bas de casse / : filles parfois de belle tournure / mod’anorexiques mode semelles compensées (h=f(x)crise) mode lin mode XXL mode mao l’col mode botte mode coiffure ♂ chimio mode roller mode piercing mode pattes d’éph’ mode trottinettes mode espèce de spice mode longue jupe-basquettes®-collant mode ciré faux mode baggy mode jean rayé mode capuche mode justauxmollets mode anasthasia mode doudoune longue mode tatouage maori mode sac choubaka (bandoulière) mode lunettes 70’s mode pantalon corsaire mode chemises bûcheron à carreaux et les autres / que feuilles mortes / qui sont dans le vent / ferry boite relie / tapas : tomates de puglie pichoulines pimentées poivrons provençaux calamars grimaçants / et pique, atout / fond jazz joão / voitures swinguent / klaxon en ut / peu ou proue, don du vent / à quai comme trois mâts / ciel : morsures par nappes / gars fait son bosso / cultureux discutent / lolita d’ongles multicolores drague / trône notre dame / (nuit : comme touristique boule de neige) / deux filles discutent / face à face avec portables

rew : affronter éclairs sur balcon avec histrione belge, cabourde (vite dis ouite :∞)
rew : sax’ live d’elangué sur moleskine vert suranné
rew : vue enviée sur’artifices (not. fêt’nat’)
rew : mafieux transpercé comme passoire
rew : arrivée catamaran the race blédard

prendre d’arcades pouillon / longe plaisance / contemplatif, rémi, content / hôtel de ville / maison diamantée / s’enfonce / rue de la prison / hôtel dieu vide / rire daumier droit / fontaine poiscailles / à st jean église s’embrase / et grimpe / marches d’accoules / acculent rémi / vir’au lenche /  place de ~  / théâtre de ~ / quartier authentique / label bleue / pitchounes épanouis / dam la garde, encore / siroter ici / Σ trognes pittoresques/ (aveu d’un marin / : rital né ici / 70’s fuite ‘cause mafia / émigrés par vagues) / quartier populaire / lingesuspendus / – mairie interdirait – / cohabiter en décrépis / crachats du péquin / (⇒  turberculose) / justin de mars. en entrelacs : / rue des repenties come on comores  rue des belles écuelles pauvres pauvres rue des muettes échos télé raï et percus rue des mauvestis chéchia boubou blédard tarbouche rue puits du denier (sur mur : “ lutte pot-de-terre contre pot-de-vin ”) place des 13 cantons bar des 13 coins chocolats à l’oignon à tomates séchées au poivre rue du bouleau taxiphone rue de l’abadie santonnier d’art rue du refuge (cahiers du ~ ) place du ~  ccas été cinéma plein air rue des pistoles fragrances d’orient place des ~  (regrets grand tag cancelé / petit train touriste / dit promène-couillon / attaqué par artiste / performance art contemporain) et enfin charité, facture puget / = panier  (quartier du ~) d’aisance / entre naples et bab el oued / marseille : pastrami de communautés / nul mélange / beaucoup racismes / bonne intégration maghrébine / intermariages / point obstacle religion / (fin XIXe  massacres / catholiques ritals / aigue-mortes / vêpres marseillaises) / racines rémi tremblent / vers bercail

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 8 ça bande pour « La Momie » !

La Momie, The Mummy, Karl Freund, 1932, 1h13, noir et blanc, 1:37, numérique, Pathé Bellecour, salle 6.

la_momie

Universal monsters

Le roboratif Aurélien Ferenczi, ex Le Monde et actuellement Télérama, présente. En 1928, lorsque Carl Laemmle Jr., alors âgé de vingt ans, succède à son père, fondateur d’Universal Pictures, il manifeste une prédilection assumée pour les films de genre produits de façon industrielle mais confectionnés avec une qualité artisanale, une inventivité plastique qui confine au label esthétique sans omettre un côté mercantile avoué. La concurrence faisait rage : la Paramount proposait Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde , Robert Mamoulian , 1931) et L’île du docteur Moreau (Island of Lost Souls, Erle C. Kenton, 1932) ; la MGM employait le terrible personnage du professeur Fu Manchu avec Le masque d’or (The Mask of Fu Manchu, Charles Brabin, celui du Ben-Hur de 1925 et dont plusieurs films, projetés lors du Festival Lumière 2012 et présentés par Phil Garnier, auteur, entre autres, de Passera pas Ben-Hur, vie et oeuvre de Charles Brabin, et Charles Vidor, non crédité, 1932 avec Karloff en rôle titre) ; la RKO produisait Les chasses du comte Zaroff (The most dangerous game, Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, 1932).

Ferenczi insiste sur la 3e série d’Universal monsters : après Dracula, Frankenstein, les studios Universal se lancent dans la série de La Momie (La Main de la momie, The Mummy’s Hand, Christy Cabanne, 1940 ; La Tombe de la Momie, The Mummy’s Tomb, Harold Young, 1942 ; Le Fantôme de la Momie, The Mummy’s Ghost, Reginald LeBorg, 1942 avec J. Carradine ; La Malédiction de la Momie, The Mummy’s Curse, Leslie Goodwins, 1944 avec Lon Chaney Jr), reprise ensuite par le studio anglais Hammer. Si les autres aventures de La Momie, sorties entre 1940 et 1955, ne sont pas du même calibre, elles conservent le charme des serials d’antan. Le film sera tout de même interdit au moins de 16 ans à sa sortie !

Pierce du monstre

Le point commun entre Frankenstein (James Whale, 1931) et La Momie est, entre autres, le chef du département maquillage (1936-1946), Jack Pierce (1889-1968), ancien acteur et cascadeur. C’est l’un des plus grands maquilleurs du cinéma américain des années 30 et 40 : L’Homme invisible (The invisible man, James Whale, 1933), Le Corbeau (The raven, Louis Friedlander aka Lew Landers avec Boris Karloff et Bela Lugosi, 1935), Le Fantôme de l’Opéra (Phantom of the Opera, Arthur Lubin, 1943 avec encore Claude Rains), Le Fils de Dracula (Son of Dracula, Robert Siodmak, 1943 avec Lon Chaney Jr). Il se fait virer car les techniques de maquillage ont évolué, Jack Pierce n’a pas suivi. Selon l’égyptologue Liliane Aït-Kaci, Pierce a réussi dans la composition du masque de Karloff à « sentir l’épaisseur derrière la surface, à restituer parfaitement un aspect parcheminé [à propos de parchemin, le film, du moins dans sa traduction, fait la confusion entre rouleau de papyrus et parchemin] où transparaît néanmoins l’être ». Il existe deux visages de la momie : avec et sans bandelettes. Les préparations demandent ici encore plus de temps que pour Frankestein, soit huit heures, pour un masque basé sur l’apparence de Ramsès III. Outre les morceaux de boue, de multiples tranches de viande en tous genres, des matériaux nocifs étaient utilisés comme le collodion avec de l’éther qui embrumait un peu Boris Karloff. Il avait tant de couches de coton pour obtenir l’effet ridé qu’il était incapable de bouger ses muscles faciaux, même pour parler. Il se nomme Ardath Bey car c’est l’anagramme de Death by Ra (Ra apporte la mort ; Ra est le dieu Egyptien du soleil).

Contexte

Après la crise de 1929, les Etats-Unis plongent dans la Dépression. Les gens aiment se faire peur pour exorciser leurs angoisses d’où la vague de films d’horreur en adéquation avec la demande. Le cinéma d’épouvante dans les années 30 était un genre aussi populaire, a fortiori avec une pointe d’exotisme en pleine égyptomania et égyptophilie déjà ancienne (Cléopâtre, Georges Méliès, 1899 ; The Mummy, William Garwood, 1911), que le sera le film noir dans les années 40. L’égyptologue adhère au « complexe de la momie » d’André Bazin, qui assigne au cinéma le même le rôle que celui des embaumeurs : éterniser la beauté et l’individu.

Le début d’une série originale

La première idée se fonde sur Cagliostro ou Balsamo, un alchimiste immortel et menteur du XVIIIe siècle présent chez Dumas ainsi que chez le romantique Gérard de Nerval et ses illuminés. Le journaliste anglais John L. Balderston, créateur de la pièce de théâtre contant les aventures du célèbre comte Dracula dont Browning s’est inspiré pour son film, se dirige vers une autre idée : en 1922, lord Carnarvon et Howard Carter découvraient le tombeau de Toutânkhamon, onzième pharaon de la XVIIIe dynastie, avec la « malédiction du Pharaon » (une vingtaine de morts liés à l’expédition peut-être due, selon l’hypothèse du docteur Iskander, à des bactéries et des virus ayant survécu aux siècles avec une virulence inconnue ; Lord Carnarvon, pris de fièvres dues à une infection consécutive à une piqure d’insecte, meurt le 5 avril 1923 ; le canari d’Howard Carter est avalé par un cobra) qui s’ensuivit. John L. Balderston était présent en tant que journaliste pour le New York Times lors de la découverte. Agatha Christie, mariée à un archéologue, s’en est inspirée dès 1923 pour son roman L’aventure du tombeau égyptien (The adventure of the Egyptian tomb). Balderston s’inspire d’une histoire retravaillée par Nina Wilcox Putnam et Richard Schayer.

Cagliostro, un égyptien âgé de 3 500 ans, se maintient en vie grâce à des injections de nitrate. Il tue toute femme à l’image de celle qui l’avait trahi. Plusieurs titres sont envisagés : The King of the Dead (Le roi des morts) et Imhotep, du nom du personnage principal d’après l’architecte qui a conçu les pyramides. Dans les crédits du générique de fin, on peut voir le nom de l’acteur Henry Victor dans le rôle du « guerrier saxon », bien qu’aucun personnage de ce genre n’apparaisse dans La Momie. En effet, le guerrier saxon était un personnage inclus dans une longue séquence montrant toutes les vies passées de l’héroïne, de l’Egypte ancienne au monde moderne. Cette séquence n’a pas été gardée lors du montage final.

Le scénario remémore Dracula car Balderston transforme l’histoire initiale en creusant le scénario de Dracula : la puissance hypnotique (gros plan effrayant, le regard de Karloff, l’effet de suggestion), la momie se lève ; l’histoire d’amour entre les deux jeunes suit son cours ; le triangle amoureux avec la momie qui possède une emprise totale sur la jeune femme qu’il tente d’attirer dans ses rets, au détriment de son fiancé actuel ; il veut retrouver celle qui ravit à l’époque son cœur, quitte à braver les interdits des dieux. Les grandes séquences du film sont parallèles scène par scène au Dracula : le symbole ankh d’Isis, l’ancien hiéroglyphe égyptien pour la « vie », correspond au crucifix ou à l’ail anti vampires; le personnage d’Edward Van Sloan, le Dr Muller, est tout à fait analogue au Dr Van Helsing du film de vampire. John P. Fulton, responsables des effets spéciaux sur tous les films du cycle, ainsi que dans Sueurs froides, (Alfred Hitchcock, Vertigo, 1958), gratifie notamment le spectateur de sublimes volutes de fumées, s’évaporant en d’innombrables arabesques, au début du long flash-back au milieu du film. Les critiques à l’époque de la sortie du film de Karl Freund dénonçaient La Momie comme un remake déguisé de Dracula. Balderston puise aussi dans diverses sources : les manuels d’histoire, des nouvelles de Conan Doyle dont L’anneau de Toth (1890), des œuvres cinématographiques de son temps. La vision audacieuse du monstre, dénué de toute substance métaphysique, mène sa vie propre, ne devient monstrueux qu’en regard de la réalité sociale. Nous retrouverons trois acteurs de ce film dans des rôles proches, Edward Van Sloan, Van Helsing ainsi que David Manners, canadien mort en 1999 à l’âge de 98 ans, dans le rôle du jeune homme transi, rival du monstre dans les deux films. Il s’agit d’une histoire originale à partir de faits divers et non une adaptation, ce qui est rare. Le film se déroule lors d’une époque contemporaine au tournage : l’art Déco à la Belle époque est présent lors de la scène de la réception à laquelle participe Helen Grovesnor, en tunique légère et échancrée, sans soutien-gorge et, d’après les témoignages, sans culotte.

L’ami Karl Freund

Il était d’abord question de confier la réalisation à Tod Browning mais celui-ci refusa en craignant d’être accusé de tourner un « Dracula-bis ». Karl Freund, célèbre chef opérateur allemand (Le dernier des hommes, Der letzte mann, F.W. Murnau, 1924; Metropolis, Fritz Lang, 1927 ; Berlin, symphonie d’une grande ville, Berlin: Die Sinfonie der Grosstadt, Walter Ruttman, 1927 projeté au Festival Lumière 2014; Dracula, Tod Browning, 1931 ; Double assassinat dans la rue morgue, Murders in the Rue Morgue, Robert Florey, 1932 ou encore Le Golem, Der Golem, wie er in die Welt kam, Paul Wegener et Carl Boese, 1920 ; Les mains d’Orlac, Mad Love, Karl Freund, 1935, etc.), réalise sept films de 1932 à 1935. La Momie est son premier film en tant que réalisateur, deux ans après son arrivée aux États-Unis. L’expressionnisme est patent dans l’utilisation d’éclairages avec les nombreux clair-obscurs, et ombres savantes, les contre-plongées enténébrées, les suggestions (le réveil d’Imhotep ; un gros plan sur son visage, puis un panoramique vertical nous montre ses yeux s’ouvrir, puis ses bras se libérer lentement de ses bandelettes. Puis une main poussiéreuse s’abat sur le parchemin qui l’a réveillé), le hors-champ (une main émaciée qui apparaît dans un coin de l’image, des bandelettes qui traînent sur le sol, le rire de Norton devenu fou ; le meurtre d’un garde du musée n’est signifié que par sa disparition du cadre puis son cri cinglant), accentuant l’horreur, la scène en flashback où Imhotep fait découvrir sa vie antérieure à travers un bassin d’eau (le réalisateur utilisa pour ce film dans le film de 6mn, où se succèdent des vignette sans paroles, des caméras utilisées à l’époque du muet, avec ce que cela implique d’accélération de l’image, de 24 à 18 images par seconde, et utilisa même des acteurs de cette période, comme James Crane, qui joue ici le pharaon. Le maquillage, l’éclairage, le jeu théâtral, la composition des plans, avec peu de gros plans, beaucoup de plans d’ensemble, des images volontairement coupées pour que le raccord dans le mouvement soit saccadé, rappellent le muet également), les thèmes musicaux.

Qui est Karloff ?

A noter le soin apporté dans la direction d’acteurs. Karloff a été choisi car il est plus malléable, plus modeste que Bela Lugosi qui refusa. Ici, il développe un jeu sobre : peu de paroles ; une stature figée avec un corps et une tête fixes, droits et les bras le long du corps. Il évolue et se spécialise dans le film d’horreur avec force retenue, immobilité, puissance du regard et intensité dramatique. S’il est symbolisé par un point d’interrogation au début, il est crédité au générique de fin, l’effet de surprise passé.

De famille aisée, William Henry Pratt (1887, Camberwell-1969, Midhurst) aka Karloff the Uncanny ou Karloff, étudie à l’université de Londres. Destiné à une carrière dans la diplomatie, il émigre contre toute attente au Canada à l’âge de 22 ans pour devenir fermier. Suivant des cours de comédie, il devient figurant et apparaît à l’écran en 1916 dans The dumb girl of Portici (Lois Weber, Phillips Smalley). Homme de scène, Boris monte régulièrement sur les planches, notamment dans Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace), une pièce de théâtre américaine de Joseph Kesselring, créée à Broadway (New York) en 1941 et adaptée évidemment par Capra (1944 avec Carry Grant et Peter Lorre).

Zita & Manners

Zita Johann, épouse de John Houseman et amie de Welles puisque actrice au Mercury Theater, accentue la dramaturgie. Elle se prend au jeu d’autant qu’elle croit dans l’occultisme et la métempsychose. Cette actrice, née à Temesvar en Autriche-Hongrie (aujourd’hui Timisoara, en Roumanie), fille d’un officier hussard émigré aux Etats-Unis en 1911, monta sur les planches de Broadway pour la première fois en 1924 et fit ses débuts au cinéma en 1931 sous la direction de D.W. Griffith dans L’Assomoir (The struggle). Le problème est qu’elle ne s’entendait pas du tout avec le petit et gros Freund. Parmi les humiliations, Karl Freund a laissé Zita Johann dans une arène avec des lions alors que lui et l’équipage étaient protégés à l’intérieur des cages – la scène a finalement été coupée. Lors d’une intense journée de tournage, Zita Johann s’est évanouie sur le plateau. Dans une interview à Fantastyka, elle a déclaré qu’elle avait fait deux arrêts cardiaques pendant le tournage parce que Freund l’avait forcé à rester debout pendant 48h car il ne voulait pas que sa robe soit froissée. Elle était liée contractuellement puisqu’elle avait signé avec Universal pour participer à Laughing Boy (1934) à partir d’un scénario de John Huston qu’elle admirait. Comme elle avait déjà été payée, elle a accepté de remplir son obligation en tournant dans La Momie. Elle reviendra au théâtre en 1934 après seulement 7 films, scène vue comme moins superficielle.

Poster-ité

La Momie reçut lors de sa sortie un accueil timide, tant de la part du public que de celle de la critique.

Terence Fisher revisitait en couleurs rouges et bleues, sur un scénario de Jimmy Sangster, le mythe original avec La Malédiction des pharaons (The mummy, Terence Fisher, 1959) où jouent les acteurs maisons de la Hammer, compagnie créée en 1934 par William Hinds, un bijoutier qui faisait du théâtre amateur sous le nom de Will Hammer et Enrique Carreras, Peter Cushing, Christopher Lee et en plus Yvonne Furneaux.

Dans les griffes de la momie (The Mummy’s Shroud, 1967), Gilling met en scène une métaphore de la dégénérescence de l’Empire britannique sous la forme de fables fantastiques décrivant l’érosion de la bourgeoisie coloniale par une irrépressible malédiction venue de loin.

Il y eut enfin le blockbuster La Momie (The Mummy, 1999) de Stephen Sommers, également au scénario pour une production Universal Pictures et avec Brendan Fraser.

« John Sayles avait écrit pour moi un remake de La Momie, de Karl Freund. Le patron d’Universal nous a dit : mais pourquoi ne pas en faire un film en costumes, comme l’original ? On lui a répondu que l’original n’était un film en costumes de 1932 que parce qu’il avait été tourné en 1932. Ça n’a pas marché… » déclare, dépité, Joe Dante.

2017 verra le reboot de la franchise La Momie (The Mummy) par Alex Kurtzman avec Tom Cruise.

A part la série des Indiana Jones, les inspirations dépassent le cinéma avec les nombreuses scènes de la bande-dessinée Blake et Mortimer : Le mystère de la Grande Pyramide (1954-1955), les jeux de rôles l’Appel de Cthulhu et Chill et des jeux virtuels.

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 4 Pas vilain, le « Jeux de mains »

Jeux de mains, Hands across the table, Mitchell Leisen, 1935, noir et blanc, 1h19, 35mm, format 1:37, Institut Lumière, Hangar.

index.jpg

Sire Sire

Antoine Sire, conteur comme son père à la radio, présente de façon passionnante le film à la croisée entre la rétrospective Hollywood, la cité des femmes lors du Festival Lumière et la sortie concomitante du livre du pas triste Sire, Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €.

Who is Leisen ?

Leisen (1898-1972), s’il est célèbre aux Etats-Unis, est peu connu en France. Il fait partie pourtant des grands de la comédie romantique avec une pointe de mélancolie : sa compassion; le rêve américain est dynamité. C’est un cinéaste populaire de la Paramount. C’était un militaire devenu architecte puis dessinateur employé par le théâtre (L’admirable Crichton, 1919, costumes ; Le roi des rois, 1927, décoration ou Le signe de la croix, 1932, costumes et décoration) puis un ancien costumier et décorateur de DeMille entre autres, boosté par Fairbanks, un homosexuel qui était adoré de ses actrices pour sa direction, n’eût été sa sale réputation de « sagouilleur de brillant scénario », colportée par les médisants Wilder et Sturges car Mitch osait les retoucher (les scénarios, voyons !). Il est parfois vu également comme un cinéaste décoratif avec force accessoires, superficiel, trop attaché à enluminer ses arrière-plans et à transformer ses acteurs en gravures de mode. Il s’en tire avec une réputation de vaine « préciosité ». Cinéaste réputé futile et esthétisant, son œuvre fut vite oubliée. Il a pourtant également tourné des mélodrames (Swing High, Swing Low, 1937), Par la porte d’or, Hold back the dawn, 1941 avec Boyer, De Havilland et Goddard ou encore À chacun son destin, To each his own, 1946). Sa carrière déclinant à Hollywood dès 1946, il la termine par une abondante production télévisée. Une sacrée découverte, c’est tout l’intérêt de ce Festival.

Under depression

Nous sommes après la crise de 1929 et l’adoption du Code Hayes à Hollywood. N.T. Binh souligne ailleurs que la figure récurrente de la comédie hollywoodienne post-Grande Dépression est la gold digger, la « chercheuse d’or » qui espère la fortune par le mariage.

Les acteurs

Sax MacMurray

Fred MacMurray, cet ancien saxo et chanteur dont c’est le troisième film et la première comédie, est spontané au téléphone : c’est une scène improvisée. De même celle de son fou rire, irrésistible. Dire que l’excellent Gary Cooper a été le premier choix ! Leisen raconte (Chierichetti, David. Hollywood director : the career of Mitchell Leisen. New York : Curtis Books, 1973. Préface de Dorothy Lamour. 398 p.; Mitchell Leisen : Hollywood director. Los Angeles, Calif. : Photoventures Press, 1995, 343 p. d’après sa thèse) que Lombard faisait littéralement des pieds et des mains (d’où son rôle de manucure, plus drôle que Deneuve dans Répulsions, R. Polanski, 1965 !) pour le faire sortir de sa coquille : « Fred, sois drôle, ou je t’épile complètement les sourcils ! »

Craquante Lombard

Sire est touchant à propos de Carole Lombard, un énième destin brisé d’Hollywood babylon. Elle venait d’Indianapolis. Elle « était une femme d’exception, un extraordinaire mélange de culot et de self-control, de sincérité et d’ambition, de légèreté et de profondeur ». Elle avait compris comment faire rire, même à ses dépens pour une star en concurrence avec d’autres actrices. Elle avait choisi un chemin de traverse, le rire. Ici, elle décide de « tomber amoureuse d’un portefeuille ». Elle adorait les canulars poussés : comme elle tourna avec Hitchcock alors que sa réputation était de traiter les acteurs comme du bétail, déclaration du metteur en scène à l’appui, elle amena des bovins sur le plateau à sa place. Elle est belle, glamour mais était complexée à cause d’un accident de voiture où elle a été blessée au visage, désirant se faire opérer sans anesthésie pour conserver son intégrité physique. En effet, malgré le maquillage, une cicatrice est observable sur la joue gauche. Elle se spécialise dans la screwball comedy, notamment chez Hawks. Puis elle choisissait des films taillés pour elle. Jeux de mains est le premier film, hoquet à l’appui, d’une longue série de rôles similaires que jouera Lombard à la Paramount.

Carol Lombard affine le personnage seulement ébauché par Ben Hecht et Howard Hawks dans Twentieth Century (Train de luxe, 1934) qui culminera dix ans plus tard dans le To be or not to be (1942) de Lubitsch. La cité des femmes : ici l’héroïne se montre entreprenante devant des mâles plus ternes qu’elle. MacMurray doit chercher du travail, alors qu’il ne s’est jamais servi de ses mains. Comment oublier également la copine adepte de numérologie ?

Elle était mariée avec Clarke Gable, un compulsif sexuel qui avait violé Myrna Loy, Loretta Young. S’il refuse de participer à l’effort de guerre, elle s’y plongea généreusement en 1942. C’est lors d’un déplacement vers le plateau de tournage pour tenir son homme donnant la répartie à une belle actrice qu’elle se tua à 33 ans, suite à un accident fatal d’avion. Gable était inconsolable.

Une comédie raffinée

L’histoire est écrite par Norman Krasna, Vincent Lawrence et Herbert Fields. Lubitsch, éphémère chef de production au studio en 1935, supervisa anonymement le film. L’écriture est fine avec des inserts ralentissant la comédie en la complexifiant pour notre plaisir : une très belle enclave nocturne au milieu du film où se joue, en chambre, sous une lumière très contrastée, les tenants du choix de nos deux héros, au milieu de silences, d’allées et venues, d’hésitations et de pleurs; le douloureux sacrifice du troisième tiers, de l’aviateur paralysé qui aimait sincèrement sa petite manucure, et qui cède sa place presque sereinement, acceptant l’enfer de sa solitude comme condition d’existence, devant la santé, la jeunesse et l’intensité d’un désir qui éclate devant lui et ne lui ressemble pas.

En sus

A noter que de nombreux membres de la distribution n’apparaissent pas au générique : Katherine DeMille (Katherine Travis), Nell Craig et Alla Mentone (vendeuses), James Adamson (Porter), John Huettner (cireur de chaussures), Rod Wilson (joueur de piano), Mary MacLaren (femme de chambre), Herman Bing (logeur) et ‘Dutch’ Hendrian (conducteur de taxi) et, peut-être aussi Russell Hopton.

Autre étrangeté, Samuel Goldwyn a initialement acheté l’histoire de ce film auprès de Miriam Hopkins. Cependant, étant occupée sur d’autres projets, la Goldwyn a ensuite vendu l’histoire à la Paramount. Ce film, parmi un catalogue de 700 œuvres a été vendu à MCA / Universal en 1958 pour la diffusion à la télévision.

Le film, enlevé, réjouissant et bien mené, a été projeté au Festival du film américain de Deauville ainsi que lors d’une rétrospective Leisen à la Cinémathèque en 2008. Il a été diffusé par Tavernier, au goût décidément constant, lors de sa rétrospective en 2008 à l’Institut Lumière.

 

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 2 Avant-première : A voir, Tavernier !

Voyage à travers le cinéma français (1930-1970), Bertrand Tavernier, numérique, 2016, 3h10

index

Méandres d’un documentaire

Une avant-première à une semaine près comme The Artist (Michel Hazanavicius, 2011) au Festival Lumière 2011. Frémaux pousse ses potes ; il doit tout à Tavernier, il faut dire. Aussi le film, qui bénéficia d’un teaser par le biais de passages d’extraits au Festival Lumière 2014, sera-t-il à Cannes Classics 2016. A noter que suite aux présentations pittoresques de Tavernier, Frémaux lui a instillé l’idée d’un film sur le cinéma français.

C’est vrai que j’avais été gêné un jeudi après-midi par du matériel de tournage pour prendre mon billet : Voyage à travers le cinéma français était en cours de fabrication à l’Institut Lumière. Sont-ce les plans de fin ? En tout cas, il est émouvant de voir ce documentaire dans la maison de son Président, dessiné sur la fresque des lyonnais. « Ce travail enthousiasmant a accéléré ma convalescence de trois mois » affirme le cinéaste cinéphile de 75 ans sorti d’un cancer mais se plaignant de sciatique et d’arthrose. Il est passionné car lorsqu’il n’aime pas, il n’en parle pas : « Je ne vais pas voir La dernière chance [Die letzte chance, Leopold Lindtberg, 1945, un chef d’œuvre bien actuel présenté par le Directeur de la cinémathèque suisse lors du Festival Lumière 2016] car je ne l’aime pas » dit-il à un participant professionnel asiatique.

L’idée du documentaire est née aussi grâce à une proposition de la BBC à Tavernier, relevant de la gageure, consistant à raconter le cinéma français … en moins d’une heure ! Après avoir été jeté par Studio Canal et deux fois par l’avance sur recettes, Frédéric Bourboulon, le tenace producteur, a mis un an pour boucler le budget, Gaumont et Pathé, les Seydoux donc, se sont associés pour la première fois, Canal+ a suivi. « Une production artisanale et biologique » résume Tata. Les autres compagnons sont : Emmanuelle Sterpin, documentaliste et première assistante (« nous devions retrouver tous les héritiers et légataires d’une centaine de films. »), Stéphane Lerouge, conseiller musical (un double CD de BO en produit dérivé; Bruno Coulais, auteur de la musique originale de Benoît Jacquot, Anne Fontaine, Jacques Perrin et tant d’autres, crée une bande son originale), Guy Lecorne, monteur, Jean Ollé-Laprune, critique de cinéma et compagnon de route. Derrière la passion soulignée par un prologue cosigné avec Godard (« Nous sommes les enfants de la libération de la Cinémathèque » avait déclaré le suisse à l’Institut Lumière), la lassitude pointe pour ce qui apparaît comme un film testament : « J’en ai ma claque de mendier pour arriver à faire des films. ».

Coq en stock

« C’est un film qui, à travers tous les metteurs en scène évoqués, parle de la France. Il dit quelque chose de l’amour qu’on peut avoir pour son pays. J’espère que ça vous donnera envie de voir leurs films, parce qu’ils sont vivants, actuels : ça n’existe pas, le vieux cinéma ! » lance Beber. Ce qui me gêne, c’est le côté défense du patrimoine français par celui qui défendait avec véhémence l’exception française : « La civilisation qu’on sent derrière ces films, on sent qu’elle est française : il y a une façon de penser, de ressentir certaines choses, de mettre en valeur tel comportement plutôt que tel autre, qui est très très très française ». En plus de Charlie, la mascotte de Pathé, «  Le coq est le seul animal à chanter les pieds dans la merde » fustigeait Coluche. Pourquoi cette défense comme si nous étions en danger ? Certes, contrairement aux américains et autres étrangers, le cinéma français ne s’est pas arrêté avec la Nouvelle vague, un pseudo mouvement, inventé par un producteur doué et repris par les pisse-copies suiveurs, de metteurs en scènes hétérogènes sur un temps très court et qui n’a pas produit que des chefs d’œuvres.

Bref, six ans de travail, 582 extraits de 94 films choisis, plus de 950 films vus et revus, plus de 700 documents d’actualités visionnés – cédons au quantitatif américain digne d’une bande annonce marketing pour blockbusters – pour arriver à évoquer l’épure, l’acuité, l’attention à la réalité, la justesse des personnages, l’étude précise d’un milieu, d’un métier (« la décence ordinaire ») chez Jean Becker, le rythme à travers le mouvement de Renoir, le sens de la camera, hérité de Duvivier, et l’intérêt pour les dialogues, l’art du déplacement, la virtuosité dans les scènes de colère mais aussi la subtilité de Jean Gabin, sur lequel Tavernier insiste trop, l’acteur n’étant pas inconnu, pour jouer le charme ou la tendresse (« Il est plus qu’un acteur légendaire, explique Tavernier, il est à l’initiative de nombreux films, il achetait des droits, il s’engageait dans la production. Sans lui, la Grande Illusion (J. Renoir, 1937) ne se faisait pas, Quai des Brumes (M. Carné, 1938) non plus… »] Je ne vois aucun acteur aussi actif dans la création. Et j’avais envie de rendre hommage à son héroïsme pendant la guerre. Il a racheté son contrat avec Universal pour s’engager dans les fusiliers marins. Audiard a salué son courage sans vantardise par une réplique merveilleuse. Conversation, souvenirs de guerre : ‘Et toi, où tu étais?’ Réponse laconique de Gabin: ‘Sur les plages…’» Anecdote toujours).

Ego-histoire du cinéma

Tavernier a été un « assistant calamiteux » puis attaché de presse (pour Melville qui prétendait par ailleurs qu’il avait voulu rejoindre les Forces françaises à Londres juste pour voir Le colonel Blimp, The Life and Death of Colonel Blimp, Michael Powell et Emeric Pressburger, 1943), Sautet dont l’excité à la clope au bec, pas si pompidolien pour un ancien communiste désireux d’ « enrober sa noirceur » disait des Choses de la vie, 1970 en répondant à un critique : « ce n’est pas un film sur le Code de la Route, c’est l’histoire d’un homme qui décide de mourir pour ne pas avoir à choisir », Le Mépris, 1963, Pierrot le fou, 1965, J.-L. Godard, etc.) avant de réaliser ses propres films, aux tons assez différents du reste au point de ne pouvoir identifier ou qualifier l’oeuvre de Tavernier, malgré les efforts du bon samaritain Raspiengas, son hagiographe attitré, juste un bon faiseur dont aucun film n’émerge.

Grâce à ses archives, nous avons des images inédites du tabagique et « ressemeleur » Sautet avec Piccoli imitant ses colères comme dans la scène du gigot dans Vincent, François, Paul… et les autres (1964), une scène improbable avec Georges de Beauregard (« C’était formidable de travailler sur les films de Godard. Le producteur Georges de Beauregard me poussait à mentir, à dire aux journalistes que le nouveau Godard suivait un scénario. C’était faux. ») et Chabrol en anarchiste potache pour qui Tavernier a travaillé, du studio rue Jenner (Paris 13e) du dingue Melville, où, pourtant friand d’anecdotes, il omet de dire que l’assistant Volker Schlöndorff (Le Doulos, 1963 ; Léon Morin, prêtre, 1961) a été mis au placard en ne portant que les grues et le matériel car il était costaud. « Quelle leçon j’ai retenu de mon travail d’assistant auprès de Melville ? Comment ne pas se comporter sur un plateau de cinéma ! ». Melville et Sautet ont été ses parrains de cinéma (cinéma et copinages !) jusqu’à tenter de convaincre le revuiste de père, Confluences, tant le cancre Bertrand désespérait ses parents. J’avais essayé d’interroger Tavernier sur la revue mais il m’a renvoyé comme un chien. J’ai eu ensuite confirmation par un chercheur : mon grand-père, qui publia à Lyon à l’Arbalète, a bien édité en 1944 ses Poèmes de circonstances (1939-1941) dans la publication du père de Tavernier. Je n’hésite pas à le dire car il n’arrête pas de répandre partout qu’Aragon aurait composé Il n’y a pas d’amour heureux chez son père en pensant à sa mère pendant la guerre. Ce dont nous nous foutons éperdument. Jamais Bertrand n’est arrivé à la cheville de son père.

Son documentaire subjectif voire autobiographique à force de complaisances (c’est à 6 ans, dans un sanatorium de Saint-Gervais, en Haute-Savoie, car, tel les borgnes d’Hollywood, il a un œil touché par la tuberculose, mal soigné, avec des séquelles au niveau de la rétine, qu’a lieu le premier éblouissement cinématographique, avec la projection de Dernier atout, 1942, une comédie policière enlevée de Jacques Becker – qui n’est quand même pas Kubrick !) est émouvant, n’eût été un immense ego que gâche une nervosité due à une insécurité, non assagie par une sortie de cancer, qui fait trembler ses mains. Il s’agit plus de Mon voyage dans le cinéma français. Et cette voix off condescendante : « ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver ». Ben voyons !

Nerveux ? Je le revois dire au gentil Dominique du Comœdia lors d’une présentation d’un Sautet mineur lors du Festival Lumière 2014 : « Je suis aussi cinéaste ». Ah bon ? Et dans une récente interview, la grandeur s’illustre : « Et quand, au festival Lumière de Lyon, qui réunit 120 000 personnes en une semaine sur du cinéma de patrimoine, on rend hommage à Patrick Brion, l’âme du ‘Cinéma de minuit’, France 3 ne se déplace même pas ». N’était-il pas venu faire une conférence sur Minelli (Vincente Minnelli et le paradoxe de la M.G.M., 2010) à l’Institut Lumière alors qu’il devait en faire une autre auparavant sur Huston ? Jamais Tavernier n’atteint son modèle assumé, le beaucoup plus transversal (thématiques, connaissance exacte des films, analyses fines, connexions enrichissantes) Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A personal journey with Martin Scorsese through american movies, 1995 ainsi que Mon voyage en Italie, My voyage to Italy, Il mio viaggio in Italia, 1999 trop axé sur le néo-réalisme, hors Fellini, au mépris de la comédie italienne et Stephen Frears pour le cinéma britannique, n’en déplaise à Truffaut, avec A personal history of British cinema by Stephen Frears, 1995) même si « le cinéma, pour lui [Scorsese], se limite à Renoir, Melville et la nouvelle vague » dixit Tavernier.

Le principal apport est d’enfin dévoiler au grand public ce que Michel Ciment, Directeur de la revue Positif, née à Lyon grâce à Bernard Chardère, répète depuis des années : Renoir, un metteur en scène surestimé selon moi (comment citer ce film ennuyeux de propagande raté La Marseillaise, 1938 ? « Jean Renoir, très malin, les [idées] acceptait, quitte à oublier, parfois, qui les lui avait inspirées. Pascal Mérigeau, dans son bouquin, rappelle comment Renoir s’est débarrassé du co-scénariste de Toni, qu’il n’a jamais cité… » ajoute Tavernier), était antisémite (résumé de Gabin : « Renoir, comme metteur en scène : un génie. Comme homme : une pute. »). Si nous redécouvrons Jean Becker (et le fabuleux Le trou, 1960, en effet bressonien, projeté en copie restaurée lors du Festival Lumière 2011), nous apprenons l’existence, art de la distinction de Tavernier, du réalisateur Jean Sacha (s’il n’est pas l’égal de Hawks, loin de là, il fut également monteur d’Othello d’Orson Welles, 1951, ce qui n’est pas une ciné cure car c’est l’un des films, tourné de façon fragmentée, qui comporte le plus de plans !) alors que Tavernier dévalorise les franchises genre James Bond mais loue Eddie Constantine / Lemmy Caution, effet de génération, et pour un metteur en scène oublié, Edmond T. Gréville (Tavernier, responsable de l’édition en DVD de son œuvre, aurait sauvé ses pellicules destinées à devenir des peignes; l’Institut Lumière avait publié les mémoires : Gréville, Edmond T. Trente-cinq ans dans la jungle du cinéma. Lyon : Institut Lumière ; Arles : Acte Sud, 1995. Série cinéma. Préface de Bertrand Tavernier et Philippe Roger. 383 p.), il est impossible de laisser passer une imbécillité telle que l’affirmation péremptoire comme quoi il n’y aurait pas de polar valable en France avant la seconde guerre. Et Le dernier tournant, Pierre Chenal, 1939 ? C’est d’autant plus impardonnable qu’il va consacrer un épisode futur à Chenal.

En effet, 8 films de 52 à 55mn soit à peu près 8h sont encore prévus, à partir des extraits non intégrés dans le film pour des raisons de dramaturgie, sur une filiale de Canal + puis sur France 5 : L’épisode n° 1 sera consacré à ses cinéastes de chevet, Jean Grémillon, Max Ophuls et Henri Decoin ; un épisode sera consacré à Pagnol et Guitry, d’un côté; Bresson et Tati, de l’autre. « Si je n’arrive pas à la faire comme je veux, j’arrêterai. J’irai m’établir en Grèce ou aux États-Unis, je quitterai la France ».

Contre-histoire, parfois

C’est également étonnant car il casse les clichés : s’il déteste Les visiteurs du soir (1942; la mauvaise foi pointe : « je n’ai jamais pu encaisser – trop fabriqué, trop prétentieux -, totalement irregardable aujourd’hui. » au point d’être programmé dans la section rétro au Festival Lumière 2016) et dénigre, en novembre 2008 lors de la rétrospective qui lui est consacrée, en se moquant, pire que méchamment, Alain Cuny, il efface l’idée de classicisme/académisme, une énième stupidité de Truffaut, pour Carné (« Le scénario de Prévert a inspiré à Trauner le contraire de ce qu’il a écrit, et la transformation du décor inspire à Carné des idées de cadre inédites. »; « Je pense que l’obsessif travailleur qu’était Carné poussait Prévert, un peu glandeur, à lui donner son meilleur »), René Clément avec Les Maudits (1947), l’excellent Monsieur Ripois (1954) avec un sublime Gérard Philippe, seul film de l’époque à être entièrement tourné en son direct, Jean Delannoy et son audace formelle (le travelling qui part d’Erich von Stroheim pour finir sur les jambes de Mireille Balin dans Macao, l’enfer du jeu, 1942, ou les mouvements de caméra dans Le Garçon sauvage, 1951, avec Madeleine Robinson), « Jean Grémillon était un plus grand artiste, mais il cédait parfois à ses producteurs, ce qui rend ses films souvent hétérogènes ».

Contre & pour

Tavernier est trop sur les anecdotes, c’est fatiguant (peu nous chaut de l’inconnu qui, en pleine séance, a ouvert une boîte de conserve, l’a fait chauffer sur un réchaud et a mangé ses petits pois à la cuillère sans quitter l’écran des yeux ; rien à faire de Macao, le paradis des mauvais garçons, Macao, Josef von Sternberg, Nicholas Ray, 1952 découvert à la Cinémathèque dans une copie doublée en vietnamien, etc.).

Le montage est mauvais parce que brouillon (« le montage des extraits sera intuitif. » : marabout, bout de ficelle, Becker►Signoret ►assistant de Renoir, etc.) malgré les 80 semaines de travail : les mêmes extraits (mille euros la minute soit pas de friendly prize ou tarif préférentiel trois fois inférieur comme pour Scorsese mais est-ce un argument ?) sont réutilisés, peut-être à cause des ayant-droits, pour répéter le propos.

L’analyse de films, moins délirante que chez Douchet, est assez faible (« C’est un film de cinéphile et de cinéaste, pas un film de critique ou d’historien »; « je ne suis pas guide de musée »). Sa fuite devant Henri IV et Sciences Po se fait sentir : à chaque pore, cela sent le complexe de l’autodidacte content de jouer dans la cour des grands.

Par contre, il évite l’écueil des guerres de clans chez les cinéphiles (celui qui fut un éphémère critique à Positif et aux Cahiers du cinéma explicite : « la politique des auteurs, les histoires d’écoles, de chapelles, ne m’intéressent pas. Seuls m’intéressent les combats des metteurs en scène pour faire exister leurs films. ». Ailleurs : « C’est un mal français d’avoir une vision biaisée de certaines œuvres ou de certains cinéastes : souvent, on s’est obligé à aimer des cinéastes contre d’autres. » Ou encore : « ‘le réalisme poétique’, par exemple. Je me suis toujours demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire ») malgré sa participation aux MacMahoniens et au ciné-club Nickelodéon. Le Festival Lumière n’est-il pas devenu un immense ciné club people ? Quitte à accueillir des croulants massacrés par la chirurgie esthétique, pourquoi ne pas avoir invité la plus toute jeune Danièle Darrieux, excellente actrice, moins atone que Deneuve, une vraie page blanche sur lequel écrire, à la filmographie impressionnante (« Prenez une actrice génialissime comme Danielle Darrieux, elle va accepter les rôles qu’on lui donne et tous les transfigurer. Et elle sera toujours incroyablement forte, juste et brillante. » Tavernier) ?

A noter également dans ce documentaire intéressant mais trop long, sans être ennuyeux, un chapitre consacré à la musique autour de Maurice Jaubert, le compositeur de L’Atalante (Jean Vigo; au moins Truffaut aura-t-il servi pour une fois à quelque chose en restaurant la partition originale) et du Jour se lève (Marcel Carné, 1939) ou encore Vladimir Kosma et l’oublié Jean Wiener. Il insiste sur la prééminence d’un instrument (l’harmonica de Touchez pas au grisby, J. Becker, 1954, la trompette de Miles dans Ascenseur pour l’échafaud, 1958, etc.), d’une musique de films français souvent inspirée des harmonies de Mahler, Bruckner et Weil.

People

A l’issue de la projection, le piètre cinéaste Pascal Thomas, très en verve vers les communiquants, n’arrive pas à lâcher le micro dans une salle bondée : « Je pense que ce film a quelque chose de fondateur. On verra le cinéma français autrement. J’ai rarement senti une salle aussi attentive ».

Pour la pub, l’ami Marty, prix Lumière 2015, a écrit, promotion oblige : « Un travail remarquable, fait avec une grande intelligence qui nous éclaire sur le cinéma classique français, sur beaucoup de cinéastes oubliés ou négligés, un travail très précieux. Vous êtes persuadé de connaître tout ça par cœur et arrive Tavernier nous révélant la beauté pure. ».

En fait, plus qu’un exercice d’admiration, comme il veut nous le vendre, il s’agit plus d’un carnet de tournage par une personne self made man, rétive à la pédagogie : dans sa boîte à outil, il y a « Henry Hathaway [qui] m’a appris à avoir toujours une boussole sur moi pendant les repérages et à toujours orienter les décors par rapport au nord pour avoir la meilleure lumière. Et de Jacques Tourneur, j’ai gardé l’habitude d’une dernière répétition, avant chaque prise, où je coupe les éclairages : les acteurs baissent d’un ton, trouvent leur position en fonction des sources de lumière réelles. ». Autodidacte, encore.

« Le film marche bien à Paris et en Province » balance Tavernier, obnubilé par son téléphone portable, à quelqu’un alors que j’étais assis juste derrière lui à l’Institut Lumière.

Tavernier prépare un livre avec Jean-Pierre Coursodon qui paraîtra à l’automne 2017, Cent Ans de cinéma américain.

https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-06-octobre-2016

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 3 Dorothy !

L’obsession de Madame Craig, Craig’s wife, Dorothy Arzner, 1936, 1h13, noir et blanc, 1:37, numérique, Institut Lumière, Hangar

v1-btsxmtu1mzg5mttqoze3mtg4ozeymda7ntiwozczma

Tôt le matin, l’habitué et taciturne Philippe Garnier, chaussé d’un chapeau de cake et d’un jean crade noir, attaque l’histoire permanente des femmes cinéastes avec Dorothy Arzner (1897 à Frisco-1979) avec une copie provenant de l’UCLA où elle enseigna (1959-1963). Pour lui, cette serveuse devenue sténodactylo puis script-girl, lectrice de scénario, scénariste, monteuse (assistante puis chef sur Arènes sanglantes, Blood and Sand, Fred Niblo, 1922 avec Rudolf Valentino, Lila Lee et Nita Naldi, d’après Juin Mathis, où elle devait couper à la main beaucoup de scènes, filmer une corrida à partir d’images d’archives) n’est pas une pionnière comme la réalisatrice, dès 1912, scénariste, actrice et productrice Alois Weber (1881-1939) ou encore Wanda Tuchock. Arzner a pourtant inventée le micro perche.

Arzner a effectué une carrière de premier plan et longue d’une vingtaine d’années dans les studios (1927-1943 soit 16 titres en 15 ans). Elle sera la première réalisatrice membre de la Directors guild of America (Académie des cinéastes) ; elle aura sa place dans le Walk of fame. Fille d’un restaurateur d’Hollywood fréquentant nombre d’acteurs, elle s’intéresse finalement au cinéma suite à la visite d’un studio alors qu’elle suit des études de médecine. Alors qu’elle envisage d’intégrer la Columbia en tant que réalisatrice, elle entre en 1919, grâce à William C. DeMille, frère aîné de Cecil B., scénariste dans la boîte, rencontré chez les ambulanciers volontaires de la ville, pour mettre en scène Fashions for women (1927) aux studios Famous Players-Lasky Corporation, futur Paramount. Elle y tournera le premier parlant avec la star du muet Clara Bow et Ben Schulberg, le plus vulgaire des chefs de production de l’époque. Indépendante et riche sauce « fuck your money », elle n’est attachée à aucun studio : elle quittera donc la Paramount. Elle reprenait les films en plan; elle prenait ce qu’on lui donnait. C’était le cas pour Les endiablées (The wild party, 1929) où une lesbienne – Clara Bow et ses copines de fac sont montrées dans la plus simple intimité-, ce qu’elle était tant Garnier insiste là-dessus (« cravate et costume, elle portait le pantalon »; les laconiques Mémoires d’Hepburn, qui ne s’entendait pas avec Arzner lors du tournage de La Phalène d’argent, Christopher Strong, 1933, relatent : « Elle portait des pantalons. Moi aussi. Nous avons passé ensemble de grands moments »; elle ne cachait pas son homosexualité sans l’afficher pour autant et sans mettre en délicatesse les studios), était traitée comme un cas pathologique à guérir d’après le roman dont est tiré le film. Elle pourra, forte de sa position, supprimer ce personnage du scénario. Elle a noué une longue relation avec une auteure qui a écrit pour le cinéma, Mae West notamment, avec la chorégraphe Marion Morgan également, avec quelques-unes de ses actrices.

Le film est adapté d’une pièce de Georges Kelly, prix Pulitzer 1926. Il ne jouera aucun rôle dans la production ; Arzner avait un point de vue tout à fait différent. Elle obtient d’Harry Cohn de la Columbia de pouvoir changer le décor à l’aide de la star du muet et homosexuel détruit par Meyer (MGM), W. Heintz, en le rendant plus théâtral et oppressant. Le script a été protégé contre l’ingérence de Harry Cohn ; Eddie Chodorov était le producteur superviseur. Comme la Phalène d’argent (Christopher strong, 1933 avec l’indépendante et à voile et à vapeur Catherine Hepburn en athlétique à culotte de cheval), le film, le plus connu d’Arzner, est un succès. Elle est retombée dans l’oubli malgré la redécouverte par les féministes dans les années 70 et 80 (Festival des femmes de Créteil; une lecture gender studies avec la théoricienne Claire Johnston. The work of Dorothy Arzner : towards a feminist cinema. London : British Film Institute, 1975. 34 p. voire lesbienne avec Mayne, Judy. Directed by Dorothy Arzner. Bloomington : Indiana University Press, 1994. Women artists in film. 209 p.) dont Jodie Foster qui finança une partie de la restauration, et le soutien de son ancien élève dans les années 60 à l’UCLA (Los Angeles), Francis Ford Coppola.

Le personnage principal, Harriet Craig, plus déprimant à l’origine, permet, malgré une mauvaise relation avec la metteure en scène, à Rosalind Russell, alors inconnue du grand public,  de devenir une star, spécialisée notamment dans les langues de vipère (cf. The women, G. Cukor, homosexuel également, 1939 ou le vrai tournant de carrière selon l’actrice). Arzner lancera également les carrières de Clara Bow, Lucille Ball et bien d’autres. Ici, elle rend les choses plus complexes : la TOC est touchante; tout est généré par un traumatisme d’enfance. Au point que le spectateur peut compatir pour la pathologie d’Harriet. A noter que, pour une fois, nous sommes en empathie avec le mari qui, étonnamment chez Arzner, n’est ni veule ni alcoolique. Les personnages secondaires sont finement travaillés. Les protagonistes évoluent par couple (la mère et la gouvernante ?). Dorothy Parker, déjà scénariste notamment d’Une étoile est née (A star is born, William A. Wellman, 1937)  ainsi que la scénariste attitrée d’Arzner, Mary C. McCall Jr, confrontent les visions féminines du mariage.

Elle a fini par arrêter le cinéma car cela n’allait plus avec la MGM : pneumonie ou mise au placard pour avoir voulu faire tourner un « baiser lesbien » à Merle Oberon à la fin de First comes courage (1943) ? Elle a tourné de la propagande pour l’armée puis, dans les années 50, des publicités pour Coca avec Joan Crawford, mariée avec le big boss de la célèbre marque de soda d’Atlanta. Crawford réincarnera Harriet dans La perfide (Harriet Craig, Vincent Sherman, 1950).

C’est pour moi le meilleur film vu d’Arzner car les personnages, notamment masculins, souvent idiots, inutiles, alcooliques, pathétiques ne sont pas ici caricaturaux. Ses films, tout en se coulant dans le moule des genres et des studios, mettent toujours en scène des personnages féminins qui refusent de jouer le jeu et qui le font, triomphalement ou tragiquement, savoir. Antoine Sire, auteur du récent Hollywood, la cité des femmes. Paris, Lyon : Actes sud / Institut Lumière, 2016. 1206 p. 59 €, ajoute : « Cette réalisatrice ne fait pas l’unanimité car elle s’est souvent retrouvée obligée à faire des films de studio, sans réussir à vraiment les transcender. Mais, et personne le voit en son temps, elle introduit un regard réellement féminin sur les situations. ». Je les trouve en effet assez plats sauf ici. Si Garnier trouve, dans un article de Libé, qu’Arzner est « frustrante comme auteur du film. Il y a toujours quelque chose qui cloche. Son cinéma sent le renfermé », il vire sa cuti lors d’une curieuse autocritique rebirth : alors qu’il fut harangué à l’Institut Lumière par une femme du public (« pourquoi vous ne nous dites pas en quoi ce film est bien ? »), il avoue avoir changé d’avis au cours du festival grâce à divers points de vue.

Un rattrapage de Frémaux au regard des revendications féministes au Festival de Cannes ? L’histoire permanente des femmes cinéastes existe depuis le début du Festival Lumière (Alice Guy, Germaine Dulac, Ida Lupino, Larissa Chepitko). Oui et non répond l’intéressé. Non, « parce que cela donnerait l’impression qu’on se défend d’une accusation que je trouve quand même un peu injuste pour Cannes, le problème devant être posé plus en amont, dans les écoles de cinéma ». Oui, « parce que je trouve bien qu’un débat réel et légitime soit malgré tout posé à travers cette polémique ».

     Dance, girl, dance, 1940   Jour 2, Institut Lumière, Hangar

Dance, girl, dance, 1940, 1h30, noir et blanc, numérique, 1:37

 images

     Suis un peu flappy après plus de trois heures de documentaires de Tavernier. Le film devait être réalisé par Roy Del Ruth, connu pour ses comédies musicales MGM avec Eleanor Powell dans Born to dance (1936), mais il a abandonné au bout de deux semaines à cause de divergences de vues, notamment sur le scénario, avec le producteur Pommer, l’ancien chef de la célèbre UFA en Allemagne alors en exil à Hollywood. Arzner, à la reprise, modifie le scénario en transformant le professeur de danse Basiloff en Madame Basilova (Maria Ouspenskaïa), une femme forte et masculine, maternelle et attachante. Le script a été écrit par l’auteure Tess Slesinger et son mari, Frank Davis, producteur mais écrivain inexpérimenté. C’est pourtant tiré d’une histoire originale, Grand Hôtel, écrite par Vicki Baum C’est le film de la fin de la participation d’Arzner à la MGM. Elle tente de relancer sa carrière mais elle fait un flop : l’échec critique et commercial se solde par une perte de 400 000$ pour la RKO. Il faut dire que l’expérience d’Arzner dans les comédies musicales était limitée : elle avait seulement co-dirigée Parade (Paramount, 1930). Après avoir terminé le montage sur ce film, Robert Wise a travaillé derechef sur Citizen Kane (Orson Welles, 1941).

Film sur les coulisses du music-hall des années 30, avec rivalités artistiques mais solidarité sur les revendications, le thème ici est un peu tendance flashdance. C’est divertissant. C’est un long amour d’Arzner, Marion Morgan, qui a chorégraphié les séquences de danse. Rien de bien transcendant, avec des passages obligés, formatés. Lucille Ball en Bubbles, à partir de la vraie vie de « Texas » Guinan, et Tiger Lily en fait des tonnes, à cause du scénario et de la direction d’acteurs. Si elles convoitent le même homme dans le film, Lucille Ball, qui fit son trou, et Maureen O’Hara sont devenus des amies inséparables pendant le tournage de ce film et ce, jusqu’à la mort de Lucille en 1989. C’est un croisement entre le triangle amoureux, deux rouquines pour une bagarre, et la réflexion sur la création (pure et divertissement), le talent et la célébrité.

L’intérêt du film est, vers la fin, cette magnifique harangue féministe de l’actrice fordienne Maureen O’Hara (Judy O’Brien), dont c’est le troisième film américain, digne de Mr Smith au Sénat (Mr. Smith goes to Washington, Frank Capra, 1939). Un grand moment d’émancipation saisissant. Une idée ? « Regardez-moi, je n’ai pas honte. Riez, vous en aurez pour votre argent. On ne vous fera pas de mal. Vous voulez que je me déshabille pour que vos 50 cents en valent la peine. 50 cents pour regarder une fille comme votre femme vous le refuse. Et que croyez-vous qu’on pense de vous ? Avec vos sourires narquois dont vos mères auraient honte. Pour le public en tenue de soirée, c’est la mode de rire de nous. On rirait bien en retour mais on nous paye pour que vous rouliez des yeux et que vous lanciez vos propos spirituels. Et pourquoi ? Pour que vous alliez ensuite vous pavaner devant vos épouses et enfants et jouer au sexe fort pendant une minute ? Je suis sûre qu’ils voient clair en vous, tout comme nous. » Les hommes n’ont évidemment pas le beau rôle. Ralph Bellamy en directeur de ballet Steve Adams est un chasseur-dragueur. Louis Hayward, un sud-africain proche de Noel Coward, était le mari d’un autre réalisateur femme, Ida Lupino, qui a été l’objet d’une rétrospective dans la même section au Festival Lumière 2014.

Merrily we go to hell, 1932, Jour 4, Institut Lumière, Hangar

Merrily we go to hell, 1932, 1h18, noir et blanc, numérique, 1:37

 images

Garnier s’y colle encore et continue son feuilleton passionnant. C’est le dernier film d’Arzner à la Paramount à cause d’un changement de dirigeants et d’une volonté d’indépendance du studio affichée. La Paramount avait peur de la réussite de Merrily we go to hell. C’est son film le moins personnel car ce ne sont pas les scénaristes avec qui elle travaille d’habitude. C’est une adaptation de Justus Mayer de la nouvelle I, Jerry, Take thee, Joan de Cleo Lucas. C’est le seul film d’Arzner avec Sylvia Sidney, une vedette de la Paramount spécialisée dans les rôles de victimes. Des scènes seront coupées dans certains Etats des Etats-Unis. Le titre, signifiant « Joyeusement, nous allons en enfer », et ce, pendant la prohibition, à chaque fois que March / Corbett trinque, sera inquiété par le code Hayes deux ans plus tard. C’est vrai que l’on y boit beaucoup. Le placement de produit est flagrant avec un gros plan d’une bouteille de Brandy Henessey. Avant 1932, la figure de l’alcoolique n’avait que rarement été traitée en tant que telle au cinéma, si ce n’est pour présenter des scènes d’ivresse comique et/ou bagarreuse, et des ressorts dramaturgiques. Ici March incarne un personnage masculin dual à peine un an après avoir tourné dans Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Rouben Mamoulian, 1931): il y a le Jerry sobre, sincère et charmeur et il y a le Jerry alcoolisé, imprévisible et irresponsable. Sydney prône la liberté du couple (« single lives, twin beds and triple bromides in the morning ! », « une vie de célibataire, des lits jumaux et trois aspirines le matin ») où le jeune Cary Grant n’est pas étranger.

Pour Garnier, la dramaturgie, datant de 1932, ne fonctionne pas, ce qui n’est pas faux. Ceci dit Arzner déclare : « Je me suis toujours vu trop de défauts ». Et c’est vrai qu’il y en a. Pour accentuer le côté mélo, la fausse couche n’est pas oubliée mais « my baby » sera là ! Arzner sait arranger les conventions du genre juste ce qu’il faut pour ses propres fins. Il n’en reste pas moins que c’est l’un des plus gros succès de l’année. Le film est plus centré sur les obsessions individuelles et les pulsions destructrices que sur l’alcoolisme.

Anybody’s woman, 1930 Jour 6, Institut Lumière, Hangar

Anybody’s woman, 1930, 1h20, noir et blanc, numérique, 1:20

 282815-anybody-s-woman-0-230-0-345-crop

Tarantino et Schatzberg sont assis dans la salle. Garnier souligne que c’est un film rare; la copie vient de l’UCLA. Zoé Atkins, l’une des scénaristes attitrée d’Arzner, est une dramaturge, compagne essentielle de Dorothy, lesbienne fortunée aussi; elle écrit également pour Cukor. L’actrice Ruth Chatterton est une vedette de Broadway au sommet de sa carrière versatile. Si elle joue un rôle difficile dans un mélo où elle campe la femme par qui le scandale arrive, la voir dès le premier plan avec les cuisses ouvertes, jarretières dehors, ukulélé bien placé et chaussure qui pendouille au bout du pied droit, très sexy quoique vulgaire, pas d’erreur nous sommes avant l’adoption du Code Hayes. A part cette séquence sidérante, rien de notable : rapports hommes (bourrins) / femmes (complexes); conflits de classes. Paul Lukas joue habituellement des rôles de marins, de personnes d’Europe centrale. Clive Brook joue le bourreau des cœurs à 5000 $.

[Ciné] Festival Lumière 2016 Jour 1 Hill, la colline à son sommet.

Driver, The driver, Walter Hill, 1978, 1h31, couleurs, 1:85, numérique, Institut Lumière, Hangar

sbdgbth

Hill, un poids walter ?

Démarrage doux avec rhinopharyngite : 2 films dans la journée. Pour la première fois, le Festival commence le week-end précédent, profitons. Venir voir sans conviction Driver pour un second couteau d’Hollywood, n’eût été sa rétrospective à la Cinémathèque française en décembre 2005, comme Ted Kotcheff l’année dernière au Festival Lumière.

Doux n’est pas le terme au regard du réalisateur à la testostérone Walter Hill au style sec et brutal qui agrémente Driver, un film à l’os (le voyou, la fille, le flic, la voiture et la ville) de deux poursuites en voiture mémorables de plus d’une dizaine de minutes chacune en montage rapide (Robert K. Lambert et Tina Hirsch qui avait déjà monté Death Race 2000, La Course à la mort de l’an 2000, Paul Bartel, 1975 et À plein gaz, Eat My Dust, Charles B. Griffith, 1976), l’une en ouverture afin de plonger le spectateur directement dans l’action, l’autre à la fin sur le thème de la chasse (la scène de cache-cache dans l’entrepôt), tournée de façon fluide à rez de pare-chocs, à l’intérieur de l’habitacle, en plans larges et parfois en caméras subjective pour amplifier le sens de la vitesse et du danger.

Même si le western n’est pas loin puisque le flic (« le plus amusant dans notre métier, c’est la chasse à l’homme ») appelle le chauffeur « cow-boy », qui écoute toujours de la country sur un poste radio portatif, c’est parti pour le stock cars avec modèle vintage de Chevy et Mercedes-Benz orange vif à mille chevaux.

Un cinéaste de genre

Tavernier, sorti de son cancer mais pestant contre son arthrose et sa sciatique, commence la présentation. Pour lui, Hill relance le cinéma de genre (« je suis un cinéaste de genre, or nous sommes dans une période de l’histoire de la critique très favorable aux cinéastes de genre » affirmait Hill en 2005). Il réinvestit le western avec « Geronimo » (Geronimo : an american legend, 1993) et un autre où Calamity devient une pochtronne ; un cadavre est jeté aux porcs, ce qui choqua. C’est un cinéaste anarchiste. Il est à l’origine d’Alien (Ridley Scott, 1978). Il commence à être réhabilité. Il a travaillé avec un grand décorateur, Harry Harner, qui a œuvré dans Rio Grande (John Ford, 1950), Les Arnaqueurs (The Grifters, Stephen Frears, 1990).

Hill, un franc-tireur dans le Nouvel Hollywood finissant

Ajoutons aux propos de Tavernier que Hill est le successeur des réalisateurs hollywoodiens « francs-tireurs » comme Samuel Fuller (logique sociale), Robert Aldrich (logique politique) ou Sam Peckinpah (logique humaniste dans la filiation Charles Dickens / D.W. Griffith / John Ford / Kurosawa où, par exemple le garde du corps est incarné par Toshiro Mifune dont la profession donnait son titre au film Yojimbo, le garde du corps, Yôjinbô, 1961) pour lequel il signera le scénario de Guet-apens (The gateway, 1972 ; avec Steve McQueen et Ali MacGraw, adapté de Jim Thompson ; la tenue qu’arbore le « driver » renvoie au Doc McCoy ; l’épisode du sac rempli de dollars dans une consigne de gare ferroviaire et de la traque dans un train est commun). Hill avait écrit également des scénarios de John Huston (le déjà abstrait Le Piège, The Makintosh man, 1973) ou Stuart Rosenberg (La toile d’araignée, The drowning pool, 1975). Hill s’inscrit précisément dans le Nouvel Hollywood finissant dans la ligne de Tobe Hooper et son Crocodile de la mort (Eaten Alive, 1976).

C’est le 2e film d’Hill, après le Bagarreur (Hard times, 1975 avec un déjà mutique Charles Bronson au côté de James Coburn). Walter Hill n’a pas tout de suite trouvé les financements pour se lancer dans un nouveau film. Soutenu par le même producteur, Lawrence Gordon, il effectue un virage vers le petit écran en créant Dog and cat (1977), une fantaisie policière qui a pour co-vedette une jeune débutante, Kim Basinger. Matt Clark présent dans la série sera un second rôle consistant dans Driver. La série fait un flop, après seulement 6 épisodes.

Dans les années 1970, la société britannique EMI Films, filiale du EMI Group, souhaite produire des films américains, avec l’aide des producteurs Michael Deeley et Barry Spikings. Driver, dont Hill envoya une copie de son premier jet de scénario à Raoul Walsh qui lui donna son approbation, tout comme Voyage au bout de l’enfer (Deer hunter, Michael Cimino, 1978), fait partie de ses films.

Hill : la colline a des yeux

Hill rappelle que le film a été écrit en 1976, tourné en 1977 et sorti en 1978. C’était un désastre critique et commercial. C’est le film actuellement le plus projeté de lui au point de devenir culte. Quentin Tarantino, présent au festival, a adressé de nombreux clins d’œil au détour de Pulp fiction (1994), Kill Bill Vol. 2 (2004) ou Boulevard de la mort (Death proof, 2007). Il a également influencé James Cameron pour Terminator (The Terminator, 1984) avec certains plans de poursuites dans un tunnel, Michael Mann (Le solitaire, Thief, 1981 ; Heat, 1995; Collatéral, Collateral, 2004) ou encore Nicolas Winding Refn (cf. le papier glacé arty Drive, 2011 à la limite, parfois du pastiche : le héros est un chauffeur pour braqueurs, expert en conduite sous haute pression ; la rencontre avec une femme va introduire une complication dans son quotidien méthodique ; l’anti-héros est caractérisé par une attitude renfermée et silencieuse ; le personnage n’est pas nommé ; d’impressionnantes séquences de conduite sont également communes aux deux films).

Abstractions

Il s’est intéressé au conducteur, à l’utilisation du cadre, soigné par le chef opérateur Philip H. Lathrop (La panthère rose, The pink panther, Blake Edwards, 1963 ; On achève bien les chevaux, They shoot horses, don’t they ?, Sydney Pollack, 1969). Il voulait faire un film noir. Mais il trouve la pureté au-delà du geste, de l’épure et du mouvement de genre. L’abstraction, digne du minimalisme de Le samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967 ; le mutisme ; la scène où le conducteur est innocenté au cours d’une identification de suspects par une femme qui l’a pourtant reconnu lors d’un braquage dans un casino ; le rôle féminin de l’intermédiaire) ou encore de Macadam à deux voies (Two-lane blacktop, 1971) de Monte Hellman, correspond à une géométrie de l’espace soulignée par la profondeur de la ville Los Angeles (Downtown Los Angeles, Union Station) devenue un immense terrain de jeu nocturne à ciel ouvert, une cité en partie conçue, comme Barcelone, sur le modèle romain de l’échiquier (urbs), sur les vastes artères éclairées par les innombrables néons présents dans les polars, sur la lumière crépusculaire suggérant une ambiance nocturne hypnotique, sur le sens du rythme (fluidité, montage nerveux, ruptures de rythmes), sur des décors dépouillés (ruelles désertes, parkings désaffectés, ascenseurs, petites chambres banales), sur une économie de moyens tant narratifs confinant à la sécheresse du récit, que visuels, sur une caractérisation sommaire des personnages sans psychologie, ne se définissant que dans l’action par leur fonction (action/ réaction : les personnages sans nom sont driver/cowboy, le flic/shérif et la fille/joueuse), sur la bande-son minimaliste de Michael Small à coups de voitures vrombissantes, de crissements de pneus, de tôles froissées, de sirènes hurlantes, de cris aigus du klaxon. Si le personnage principal, mélancolique, ne s’exprime qu’au bout d’une dizaine de minutes, il prononce seulement 350 mots dans tout le film. Enfin, d’une durée de plus de deux heures, l’œuvre fut brutalement ramenée à 90 minutes pour l’exploitation, coupant ainsi le prologue alternatif plus explicatif sur les relations entre les personnages et leurs motivations. Il ne tournerait plus comme ça désormais : trop esthétisant, affirme-t-il. Maintenant, il est plus sur les bords, de façon plus désordonnée. Peut-être aurait-il plus penché du côté commercial à fort impact d’un John Frankenheimer ou d’un William Friedkin (French connection, The french connection, 1971 ; Le convoi de la peur, Sorcerer, 1977).

Adjani n’a pas ses adjas

Le film a été écrit pour une femme américaine. Les studios désiraient une femme européenne. Hill a cherché une personne mystérieuse. Il se souvenait d’Adjani chez Truffaut (L’histoire d’Adèle H., 1975). Elle était agréable dans le travail. Isabelle Adjani, âgée de 22 ans, se lance ici dans sa première expérience hollywoodienne après avoir refusé un rôle dans De l’autre côté de minuit (The other side of midnight, Charles Jarrott 1977). Contrairement à Catherine Deneuve dans la Cité des dangers (Hustle, Robert Aldrich, 1975) par exemple, Adjani, plus proche ici d’Angie Dickinson chez Howard Hawks et coiffée comme Lauren Bacall, précise : « j’ai accepté ce rôle d’abord parce que ce n’est pas un rôle de française ». Elle est ici fantomatique comme Meiko Kaji et plus belle que jamais, entre Violette et François (Jacques Rouffio, 1977) et Nosferatu, fantôme de la nuit » (Nosferatu : phantom der nacht, Werner Herzog, 1979).

Les acteurs

Curieux de voir Barry Lyndon, Ryan O’Neal (Stanley Kubrick, 1975), échappé de Love Story (Arthur Hiller, 1970), mais il est meilleur avec son visage candide, presque enfantin, qui cache pourtant une dureté et une force de caractère incroyables, que l’inexpressif et surestimé, l’autre Ryan, Gosling.

Bruce Dern, en flic obsessionnel, en fait un des tonnes avec ses regards déments et ses gestes frénétiques.

Bonne série B

Nous sommes dans une bonne série B, à cause du petit budget, comme Bullitt (Peter Yates, 1968). Et pour cause, Hill a travaillé comme assistant sur le film. Steve McQueen a été le premier choix pour jouer le « driver ». Aurait-il été aussi impassible que dans L’affaire Thomas Crown (The Thomas Crown affair, Norman Jewison, 1968) sur lequel Hill a été assistant aux côtés du monteur Hal Ashby ? Vroum, quand mon cœur fait vroum.